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Le site de Kôm el-Dikka se trouve dans le centre de l’Alexandrie antique, plus précisément au sud de la voie Canopique et au sud-ouest du quartier du Brucheion187. Installé sur l’ancien versant sud du fort de Kôm el-Dikka, le théâtre (pl. XXIII, fig. 1), qui réoccupe le

site d’une maison des Ier-IIe s. apr. J.-C.188, fait l’objet de recherches approfondies et d’un

travail de reconstruction par le Polish Centre of Mediterranean Archaeology of the University of Warsaw (PCMA) depuis sa découverte en 1964189. Cette dernière fut accidentelle : c’est lors de la mise en place de fondations pour la construction d’un bâtiment moderne que les vestiges sont mis au jour190. Une équipe d’archéologues polonais entame immédiatement des fouilles de sauvetage ; le site étant identifié comme un petit édifice théâtral datant de l’Antiquité tardive, la mission poursuit ses recherches jusqu’en 1968, où sont reconstituées les principales composantes du bâtiment. Depuis 1985, des travaux de conservation additionnelle et de reconstruction sont entrepris en parallèle avec l’étude de l’édifice, toujours sous la direction du PCMA191.

Par ailleurs, des fouilles ont été également réalisées à l’ouest du théâtre, révélant un portique, appelé « portique ouest » ou « portique du théâtre » ; celui-ci formait un axe nord- sud reliant la rue L1, identifiée comme étant la voie Canopique, à la rue L2192. Les vestiges d’une colonnade corinthienne en marbre et d’un pavement constitué de petits cubes de granit ont été mis au jour (pl. XXIII, fig. 2)193. Ce portique appartenait vraisemblablement à la partie

orientale d’une vaste place publique, située à l’ouest du site, en-dehors de la zone de fouilles. Enfin, une série de bâtiments en hémicycle, interprétés comme des auditoria, a été découverte le long du portique ouest et près des thermes. Au total, c’est un complexe constitué actuellement de 20 auditoria relativement similaires et datant des Ve-VIe s. apr. J.-C.,

187 Pour les plans les plus récents et une vue axonométrique du site de Kôm el-Dikka, cf. MCKENZIE 2007,

p. 206-207, fig. 357-359 ; MAJCHEREK 2010b, fig. 1.

188 RODZIEWICZ 1984.

189 KUBIAK, MAKOWIEKA 1973, p. 93-124. 190 TKACZOW 1993, p.85.

191 RODZIEWICZ 1984; TKACZOW 1993, p.85.

192 La dénomination des rues correspond à celle du tracé viaire réalisé par Mahmoud-Bey El Falaki en 1866. 193 TKACZOW 1993, p.85-90 ; MAJCHEREK « Kôm el-Dikka, Excavations and Preservation Work, 2000/2001 »,

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qui a été dégagé sur le site par la mission polonaise194, formant un ensemble architectural pour le moment unique dans tout le bassin méditerranéen (pl. XXII et XIII).

Le monument de Kôm el-Dikka connut plusieurs dénominations à mesure que son étude et celle des bâtiments avoisinants avançaient : odéon, bouleutérion, petit théâtre,

auditorium… Interpréter la fonction de l’édifice s’avère effectivement complexe, d’autant plus qu’il fit l’objet de deux phases de construction différentes. L’étude architecturale suivante sera donc divisée selon ces deux phases, afin de mieux comprendre l’évolution du bâtiment. Nous aborderons ensuite le complexe des auditoria, dont la découverte a jeté une lumière nouvelle sur la question de la fonction du théâtre dans sa deuxième phase.

1 – Composantes architecturales (pl. XXIV, fig. 1)

a – 1ère phase de l’édifice (milieu IVe – fin Ve s. apr. J.-C.)195

Lors de sa première phase, le bâtiment adopte la forme d’un hémicycle à ciel ouvert de 32,5 m de diamètre, ceint par un mur en calcaire composé d’arcades ; il comporte 16 ou 17 rangées de gradins en marbre blanc, qui ne sont séparées par aucun couloir ou escalier. L’ensemble offre ainsi une capacité d’accueil d’environ 500 places. Un couloir sommital couronnerait l’hémicycle. Les gradins sont pour la plupart des réemplois de blocs d’entablement, tels que des fragments de corniche décorés196 ; plusieurs d’entre eux sont numérotés en grec197(pl. XXIV, fig. 2) .

Cet espace de gradins, que l’on peut assimiler à une petite cavea, était bordé à ses extrémités par deux escaliers, eux-mêmes contigus à deux couloirs voûtés, définis par W. Kolataj comme étant des parodoi198. Ces accès, murés lors de la deuxième phase, débouchaient sur une petite orchestra. Enfin, un bâtiment de scène situé à l’ouest de la cavea complèterait le monument, si l’on en juge par les fondations repérées sous la construction

194 Cf. les rapports publiés dans les PAM XIII à XVIII ; KISS et al. 2000 ; DERDA et al. 2007 ; MAJCHEREK 2008a,

p. 191-206 ; id. 2010b, p. 471-484.

195 KOLATAJ 1975, p. 84-5 ; KOLATAJ 1983, p. 187-194 ; KISS 1992, p. 171-178 ; TKACZOW 1993, p.85-90. ;

MCKENZIE 2007, p. 209-212, fig. 361a.

196 MCKENZIE 2007, fig. 362.

197 MAKOWIECKA E., « The Numbering of the Seating Places at the Roman Theatre of Kom el-Dikka in

Alexandria », Acta Conventus XI ‘Eirene’, Varsovie, 1971, p. 479-483.

198 KOLATAJ 1983, p. 189. L’emploi du terme aditus maximi serait plus approprié, puisqu’il s’agit d’un édifice

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correspondant à la deuxième phase199. Des fragments d’enduit peint représentant des bandes obliques bleues et blanches ont également été attribués à cette période d’utilisation200.

Les données architecturales de ce premier état de l’édifice sont donc très ténues, la seconde phase d’utilisation l’ayant fortement occulté. Néanmoins, nous verrons qu’il est possible d’émettre plusieurs hypothèses quant à la fonction qu’il occupait alors.

b – 2e phase de l’édifice (début VIeVIIe s. apr. J.-C.)201

Le second état du monument (pl. XXV) correspond à une profonde transformation architecturale : la cavea est réduite à 13 rangées de gradins grâce à la suppression des rangées supérieures. Celles-ci vont être déplacées afin de créer à chaque extrémité deux nouvelles portions de gradins fermées par des murs courbes ; elles sont situées à l’emplacement des anciens aditus maximi, qui sont par conséquent comblés (pl. XXVI). Les deux escaliers latéraux sont conservés et marquent dorénavant la division entre les gradins du premier état et ceux qui ont été déplacés. L’ensemble prend ainsi la forme d’un auditorium presque circulaire, dont la couronne est constituée de colonnes et de petites exèdres, dont deux subsistent : la première correspondrait à l’exèdre centrale puisqu’elle se situe dans l’axe de symétrie de l’auditorium. La seconde lui succède immédiatement au nord. Il est probable qu’au moins une troisième exèdre, non préservée, ait existé au sud de l’exèdre centrale, afin de respecter une composition symétrique. Ces absides étaient vraisemblablement bordées d’une paire de colonnes en marbre multicolore, juchées sur des podia, et supportaient des arcades, si l’on en juge par les restes d’archivoltes découverts. Un couloir sommital assurait la circulation dans la partie supérieure de l’édifice.

Le bâtiment de scène est démantelé pour être remplacé par un vestibule tripartite dont il subsiste des portions du mur arrière ouest et divers fragments de décoration architecturale (pl. XXXIII fig. 1)202 ; la division entre l’espace central du vestibule et les pièces latérales quadrangulaires était signalée par des arcades soutenues par des colonnes corinthiennes, dont deux bases d’acanthes réemployées ont été retrouvées in situ. Deux hauts podia en marbre

199 KOLATAJ 1975, p. 84-5, pl. IV (fondations du bâtiment de scène). 200 KOLATAJ 1983, p. 189.

201 KOLATAJ 1975, p. 79-97 ; KISS 1992, p. 171-178 ; KOLATAJ 1995, p. 189-190 ; MCKENZIE 2007, p. 210-212,

fig. 361b (plan), 363a-b (coupe et restitution axonométrique), cf. pl. XXV.

202 TKACZOW B., « Observations préliminaires sur les fragments de décoration architectonique à Kôm el-Dikka »

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bleuté supportant des bases en marbre blanc témoignent également de la présence de colonnes en marbre rouge de 8 m de haut, marquant la séparation entre le vestibule et l’auditorium. Le sol du vestibule est orné de mosaïques noires et blanches à motif géométrique, dont une partie est encore visible actuellement à la limite nord de la pièce centrale. Parmi les autres vestiges de décoration retrouvés dispersés dans ce secteur, citons des fragments de chapiteaux corinthiens et deux paires d’impostes ornés de croix grecques.

Le mur ouest du vestibule était percé d’une porte centrale ouvrant sur le portique ouest, qui semble donc faire office d’accès principal. Les pièces latérales au nord et au sud possédaient également une porte. De plus, il semblerait qu’un escalier était aménagé dans la pièce nord, afin d’accéder directement à la partie sommitale de l’auditorium203.

Enfin, la dernière modification majeure du monument consiste à le couvrir intégralement. Cet aménagement nous est essentiellement suggéré par les vestiges de quatre contreforts, deux au sud et deux au nord, qui viennent renforcer le mur de soutènement de la première phase (pl. XXVII, fig. 1) ; ces constructions ont très probablement été érigées pour soutenir le poids d’une masse importante, comme l’indiquent des déformations au niveau de certains contreforts. De plus, un important remblai de terre aurait également été constitué autour de ce mur, en guise de soutien supplémentaire. À partir de ces données et des traces de l’élévation intérieure de l’auditorium (en particulier des arcades surmontant la partie sommitale), les archéologues polonais ont émis l’hypothèse d’un dôme couvrant une vaste coupole en brique peinte, qui enfermerait l’espace des gradins204. Le vestibule serait quant à lui recouvert par un toit plat qui assurait le soutien du dôme à l’ouest ; les pièces latérales du vestibule comportaient peut-être également de petites coupoles.

2 – Historique du monument

Les deux phases de construction du monument ont pu être datées grâce aux données matérielles et stratigraphiques205 ; le contrefort oriental du mur sud a notamment pu fournir une stratigraphie très précise, qui fut étudiée par M. Rodziewicz. L’édifice théâtral aurait été érigé vers le milieu du IVe s. apr. J.-C., dans le cadre d’un renouvellement urbanistique visant

203 MCKENZIE 2007, p. 211, fig. 363b.

204 KOLATAJ 1983, p. 190-194, fig. 3, 5 et 7 ; KOLATAJ W.,« Theoretical Reconstruction of the Late Roman

Theatre at Kom el-Dikka in Alexandria », in EYRE C.J. (éd.), Proceedings of the Seventh International Congress

of Egyptologists, Leuven, 1998, p. 631-638.

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à remplacer l’ancienne zone résidentielle, abandonnée au IIIe s. apr. J.-C. par un espace de

constructions publiques. Le complexe thermal, la citerne et le portique ouest bordant le « théâtre » s’inscrivent également dans ce programme. Cette datation semble confirmée par une monnaie de Constance II (337-361) retrouvée sous un siège de la deuxième rangée de

gradins206. La construction du monument a probablement été rapide, comme le suggère l’origine des gradins, qui sont en grande majorité des spolia de décoration architectonique d’édifices antérieurs.

La seconde phase de construction du monument, synonyme comme nous l’avons vu d’importants remaniements, serait intervenue à l’extrême fin du Ve s. ou au tout début du VIe s.

de notre ère : cette période correspond en effet à la constitution du remblai autour du mur extérieur de l’auditorium et à l’édification des contreforts. On observe également une activité de construction autour des gradins.

La découverte, sur une des bases de colonne du vestibule, de graffiti associés aux factions de l’hippodrome, plus particulièrement aux Verts, permet de préciser la durée de cette seconde phase207 (pl. XXVII, fig. 2). Ces grafitti ont été datés du VIe s. au début du VIIe s., ce

qui prouve que le monument était toujours en activité à cette époque ; enfin, une inscription arabe retrouvée également sur une des bases et datée du tout début du VIIIe s. fournit un

terminus ante quem marquant l’abandon définitif du théâtre208. Il semble que, contrairement aux thermes qui auraient été détruits suite à l’invasion perse en 619, l’édifice théâtral ait perduré durant tout le VIIe s., même après l’invasion arabe de 642. Cette surprenante longévité

est sans doute liée à sa fonction, comme nous le verrons plus loin.

La destruction du monument s’est faite en plusieurs étapes209 : la première correspond à l’effondrement du dôme. En effet, aucun fragment du dôme ou de la coupole n’a été retrouvé, par contre il restait des traces de grandes archivoltes appartenant aux arcades intérieures ; leur situation prouve qu’au moment de la destruction définitive de l’édifice la coupole n’existait plus. Bien que l’hypothèse d’un séisme ait été avancée, il est fort probable que le dôme se soit écroulé de lui-même, les contreforts et les murs ne supportant plus les

206 Ibid.

207 BORKOWSKI Z., Alexandrie II, Inscriptions des factions à Alexandrie, Varsovie, 1981. 208 KUBIAK,MAKOWIECKA 1973,p. 102.

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poussées exercées par l’édifice. La déformation des murs vers l’extérieur constitue un indice probant d’une pression continue et progressive.

Le reste du monument est peu à peu démantelé : des blocs de marbre provenant des gradins sont retirés, laissant un négatif au sol. Un niveau de dépotoir recouvre les ruines, jusqu’à ce qu’une nécropole arabe s’installe dans le secteur au VIIIe s.210 ; le site demeure un

lieu de sépultures jusqu’au XIIIe s., avant d’accueillir la colline artificielle de Kôm el-Dikka au XVe s. Le fort sera construit en 1798 et détruit dans les années 1950.

3 – Les auditoria

Nous ne reviendrons pas sur la répartition des vingt auditoria au sein du site, point déjà abordé dans le premier chapitre de cette partie (pl. XII-XII). Il s’agit ici de présenter les caractéristiques architecturales de ces bâtiments, leur date et leur fonction211.

a – Composantes architecturales

Dimensions

Les dimensions des auditoria diffèrent légèrement selon leur emplacement dans la trame urbaine : les bâtiments appartenant au premier ensemble du groupe sud (G à M), placés dans la continuité de l’édifice théâtral au nord et accolés au mur oriental du portique, possèdent chacun une longueur allant de 9 à 11 m, sauf dans le cas de l’auditorium H, qui mesure seulement 7 m de long. La longueur de chaque unité varie en fonction de l’emplacement des imposants contreforts qui soutiennent le mur oriental du portique à intervalles réguliers. De plus, les six auditoria, d’environ 5 m de large, sont bordés à l’est par un long mur préexistant qui s’inscrit dans la continuité des contreforts nord de l’édifice théâtral (pl. XXVIII, fig. 1). Si cette construction se définit à certains endroits par un double- mur compartimenté par des murs de refend (M et L, pl. XXIX, fig. 1), la majeure partie est constituée d’un seul mur, d’une épaisseur d’1,25 m (pl. XXVIII, fig. 2). Les parois interne et externe de ce mur sont cependant agencées différemment : la paroi interne présente un grand appareil isodome, alors que la façade externe à l’est est laissée grossière, avec des pierres

210 TKACZOW 1993, p.85-90.

211 Sur les auditoria, cf. les rapports publiés dans les PAM XIII à XVIII ; KISS et al. 2000 ; MAJCHEREK 2007,

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agencées au hasard, certaines en saillie du mur. Il est fort probable que cette construction corresponde à un mur de soutènement qui servait à contrer le poids d’un dépotoir adjacent ; en effet, au début du VIe s., lors de la phase d’abandon de la zone située entre le théâtre et les

bains, un important monticule de déchets s’était formé. Cette lourde charge explique vraisemblablement la présence d’un renflement vers l’intérieur du mur oriental de ce groupe d’auditoria, un phénomène bien visible dans le bâtiment L.

Le deuxième ensemble du groupe sud (A à F), bordant le côté méridional du passage sud, se caractérise par des unités un peu plus spacieuses, également définies par les murs préexistants.

Le groupe nord (N à W), bénéficiant d’un espace moins contraignant, se démarque par des dimensions plus vastes, allant jusqu’à 14 m de long pour l’auditorium N ; cette plus grande liberté de construction s’exprime surtout dans l’apparition d’une pièce supplémentaire, sorte de vestibule, inexistant dans le groupe sud, qui assure la transition entre la rue et l’auditorium proprement dit.

Agencement intérieur

Tous les auditoria présentent un aménagement intérieur relativement similaire, défini essentiellement par une salle rectangulaire comprenant deux ou trois rangées de gradins en calcaire, de 35 à 40 cm de haut, courant le long des trois murs de la pièce (G-M, N, pl. XXIX, fig. 2). Il arrive cependant qu’une seule rangée de gradins soit installée, comme dans

l’auditorium C. La forme de ces gradins peut épouser celle des murs (ex. M) ou être en hémicycle dans la partie sud (ex. K, pl. XXX). La capacité d’accueil de ces bancs a été estimée entre 20 et 30 personnes. Le sol des auditoria connaît une qualité variable, allant de la terre battue mélangée à de la chaux (ex. M) à des dalles de calcaires soigneusement disposées (ex. N).

La présence d’une sorte d’estrade, servant de siège au milieu des gradins, constitue un autre élément constant de ces auditoria ; si dans certains cas, l’estrade conservée se résume à un simple bloc de calcaire situé au-dessus des gradins, certains exemples offrent une version plus monumentale. Ainsi, dans l’auditorium K, un étroit escalier de six marches flanqué par des murets mène à un véritable siège d’honneur (pl. XXX), que G. Majcherek compare à une

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Tous les auditoria possèdent également un petit socle situé sur le sol dans l’alignement de l’estrade ; il s’agit généralement d’un bloc de calcaire unique, à l’exception de l’auditorium L où un chapiteau en marbre a été réemployé. La majorité de ces socles, dont la hauteur originale demeure incertaine, a une surface lisse ; toutefois, le socle retrouvé dans l’auditorium W présente une petite cavité rectangulaire, qui laisse supposer l’insertion d’un élément supplémentaire.

Enfin, les vestiges de deux bassins ont été découverts à l’extrémité de chaque aile de gradins dans les bâtiments L et M, si l’on en juge par la présence de mortier hydraulique (pl. XXXI,fig. 1).

Cas particuliers

Les bâtiments P et S, appartenant au groupe nord, se démarquent très clairement du reste du complexe, aussi bien par leur plan au sol que par leur aménagement intérieur (pl. XIII et pl. XXXI, fig. 2). Contrairement aux autres auditoria qui suivent un axe nord-sud, ceux-ci sont orientés est-ouest et sont donc perpendiculaires au portique. De plus, leurs gradins ne sont pas continus mais se divisent en deux ensembles se faisant face, allant jusqu’à cinq rangées dans l’auditorium P. L’extrémité orientale de chaque salle est occupée par une abside qui se projette au-delà du rectangle formé par les murs de la pièce ; elle comporte deux rangées de gradins semi-circulaires, élevées sur une plate-forme. G. Majcherek compare cet aménagement à un synthronon, terme faisant référence au banc semi-circulaire surélevé situé dans ou devant l’abside des églises paléochrétiennes et byzantines.

Une autre pièce est accolée à l’ouest de chaque salle principale, respectivement dénommée O pour l’auditorium P et R pour l’auditorium S ; cette annexe, contigüe au mur oriental du portique, sert de salle intermédiaire entre l’extérieur et la pièce principale. Plus basse que cette dernière, elle possède une unique rangée de bancs le long de ses murs nord et sud. L’abside était visible depuis cette salle, grâce à une large ouverture qui permettait le passage d’une pièce à l’autre.

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b – Datation

L’étude du matériel212 indique que la construction de la plupart des auditoria s’est déroulée entre la fin du Ve et la première moitié du VIe s. apr. J.-C, ce qui correspond à la

deuxième phase de construction de l’édifice théâtral. Si une chronologie précise de chaque bâtiment n’a pas encore été établie, il apparaît que le groupe sud (H-M), le plus proche du « théâtre », soit plus ancien que le groupe nord (N-W) : l’une des constructions les plus tardives serait l’auditorium P, car la céramique retrouvée dans la couche de remplissage située sous les bancs se compose majoritairement de vaisselle fine rouge africaine et chypriote datant de la fin du VIe s. Le complexe a donc connu une expansion progressive, reflet d’une

activité grandissante qui s’est maintenue jusqu’à la deuxième moitié du VIIe s., malgré les

invasions perse puis arabe, avant d’être, comme l’édifice théâtral, recouvert par le niveau de nécropole arabe.

Ainsi, l’édification des auditoria s’inscrit très probablement dans le même contexte que la reconstruction de l’édifice théâtral ; l’ensemble du quartier aurait bénéficié à cette période d’un renouvellement urbanistique, car les thermes présentent également une phase de reconstruction à la fin du Ve s. Ce réaménagement de la zone a-t-il été motivé par les

détériorations causées par le tremblement de terre de 447 ? Ou s’agissait-il de redonner de la vitalité à un quartier qui connaissait alors une baisse d’activité ? Si les causes demeurent méconnues, il ne fait aucun doute que les différents monuments (édifice théâtral, auditoria et thermes) ont été pensés ou repensés comme un ensemble, afin de former un véritable centre urbain socioculturel. Cette notion d’unité transparaît également à travers leurs phases d’abandon respectives, qui s’inscrivent toutes dans le courant du VIIe s.

c – Fonction

La disposition de ces vingt auditoria combinée à leurs spécificités architecturales, notamment la présence des bancs et d’un siège surélevé, ont amené les archéologues polonais