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région frontalière a certainement contribué à introduire et à diffuser plus facilement des formes de divertissements typiquement romains, tels que les munera et les venationes.

b – Alexandrie : Kôm el-Dikka

Installé au cœur d’Alexandrie, plus précisément au sud de la voie Canopique et au sud-ouest du quartier du Broucheion, le site de Kôm el-Dikka constitue un apport majeur pour la connaissance de la ville aux époques romaine et byzantine (pl. VIII). En effet, la présence d’une vaste activité architecturale, allant du Ier s. à la première moitié du VIIe s. apr. J.-C.,

témoigne de la vitalité et du dynamisme de ce quartier, constituant à lui seul la preuve qu’Alexandrie était encore florissante à la période tardive et non sur le déclin comme on l’a longtemps suggéré.

Découvert au début des années 60, le site de Kôm el-Dikka fait depuis 40 ans l’objet de travaux archéologiques dirigés par le Polish Center of Mediterranean Archaeology (PCMA)79. Grâce à ces recherches, il est possible de discerner les différentes phases d’occupation du site : la présence de vestiges appartenant à de riches villas urbaines datées des Ier et IIe s. apr. J.-C. soulignent dans un premier temps le caractère résidentiel luxueux du

quartier80. S’ensuivent à la fin du IIIe s. des phases de destruction puis d’abandon de cette zone

d’habitat, probablement causées par des séismes et/ou par des événements politiques81. Il faut attendre la première moitié du IVe s. pour que le quartier soit entièrement réaménagé et

transformé en zone publique et monumentale. Nous arrivons ainsi à la phase qui intéresse notre propos : parmi les bâtiments réalisés à cette période, des thermes, associés à des palestres, des latrines publiques et une immense citerne82, ainsi qu’un édifice théâtral, sont bâtis sur l’emplacement de villas préexistantes tout en respectant la trame viaire d’origine. Ce phénomène est particulièrement visible dans le cas de la rue bordant l’édifice théâtral, appelée par extension « rue du théâtre » et occupée par un portique : des constructions du IIIe s.

identifiées comme des habitations ont été également repérées sous le niveau de rue, indiquant

79 KOLATAJ 1983, p. 187-194 ; KISS 1992, p. 171-178 ; MAJCHEREK 2004; id. 2005; id. 2006; McKENZIE 2007,

p. 206-216, fig. 357-374.

80 RODZIEWICZ 1984.

81 KISS 1992, p. 173. Dans ce cadre chronologique, plusieurs évènements pourraient être responsables de la

destruction du site : la prise d’Alexandrie au temps de Gallien en 262, Aurélien châtia la ville en 273 pour son soutien à Zénobie. Il peut aussi s’agir de la pacification de la ville sous Dioclétien en 295, après la révolte d’Achillée.

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que cette voie fut tracée dans le cadre du réaménagement de la zone au début du IVe s.83.

Néanmoins, ce nouvel axe s’intègre harmonieusement dans le réseau viaire, puisqu’il est parallèle à la rue R4 et perpendiculaire à la rue L1 (actuelle Sharia el-Horreya) au nord, qui correspond à la voie Canopique84. Il semble donc que la réorganisation du quartier ait été conçue dans le cadre d’un programme urbanistique, visant à redonner vie à une zone délaissée pendant plusieurs décennies, mais dont la situation centrale garantissait un fort potentiel culturel et socio-économique.

Les constructions réalisées au IVe s. (pl. IX) témoignent de cette volonté de faire de

l’actuel Kôm el-Dikka une zone d’activités importante, concentrée dans sa partie ouest : outre les thermes signalés ci-dessus, notons également la présence à cette époque d’habitations modestes associées à des ateliers, implantées de part et d’autre de la rue R4. L’édifice théâtral, « odéon » ou « petit théâtre » selon la dénomination attribuée par les archéologues polonais85, est implanté au sud-ouest du site, le long de la « Rue du théâtre » ou du « Portique du théâtre», la cavea étant exposée à l’ouest. Aucune construction voisine de l’édifice n’a été repérée pour la phase datée du IVe s., à l’exception peut-être du portique, dont l’édification

pourrait éventuellement être contemporaine de celle du théâtre86.

Les Ve et VIe s. de notre ère vont être synonymes d’ajouts, de réfections et de

modifications architecturales pour chacun des édifices bâtis au IVe s. (pl. X-XI) ; cette période correspond à la phase la mieux documentée du site et sans doute à son état le plus prospère. Le théâtre fait l’objet d’une complète transformation en accord avec un changement de fonction au début du VIe s. : il prend désormais la forme d’un auditorium circulaire fermé,

couvert par un dôme. De plus, un ensemble de nouvelles constructions vient enrichir le secteur, plus précisément aux abords immédiats des thermes et de l’édifice théâtral : il s’agit d’un complexe de vingt auditoria, que l’équipe polonaise définit au vu de leurs formes et dimensions comme des salles de cours ou de conférence87. Leur répartition au sein du secteur (pl. X) témoigne là encore d’une conception ordonnée, pensée selon le réseau viaire existant ; deux groupes quasiment symétriques en forme d’équerre peuvent ainsi être distingués, l’axe

83 MCKENZIE 2007, p. 210.

84 La dénomination des rues correspond à celle du tracé viaire réalisé par Mahmoud-Bey El Falaki en 1866. 85 La question de la dénomination de l’édifice théâtral de Kôm el-Dikka sera traitée dans le chapitre II-3 de cette

partie qui est réservée à la description architecturale et à l’analyse des différentes phases du monument.

86 TKACZOW 2000, p 131-143, site 33, plans XII à XIV.

87 MAJCHEREK 2004, p. 38. La fonction de ces auditoria sera également discutée plus largement dans le chapitre

III-3 de cette partie. Bien que les auditoria les plus récemment fouillés soient toujours en cours d’interprétation, il semble que la majorité ait servi à accueillir des conférences.

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de symétrie correspondant au « passage sud », voie d’accès à la partie méridionale des thermes. Les auditoria possèdent quasiment tous la même orientation, quelle que soit la position de l’entrée : ils sont disposés selon un axe nord-sud, sauf dans le cas des bâtiments P et S, qui suivent un axe ouest-est.

Groupe sud (pl. XI) :

- Un premier ensemble de six auditoria (M, L, K, J, H, G, du sud au nord) se placent en enfilade le long du côté oriental du « Portique du théâtre », le plus au sud (M) étant contigu à l’édifice théâtral, et le plus au nord (G) marquant l’angle entre le portique et le « passage sud ».

- Un second ensemble de six auditoria (F, E, D, C, A, B, d’ouest en est) se situe quant à lui dans la continuité de l’auditorium G placé à l’angle des deux voies en bordant le côté sud du « passage sud ».

Groupe nord (pl. XII) :

- Un premier ensemble de six auditoria (T, S, O, P, N, 22a/b/c, du sud au nord) s’organise suivant le même principe que le premier ensemble du groupe sud, soit sur la bordure orientale du portique, le plus au sud (T) formant l’angle entre le portique et le côté nord du « passage sud ».

- Un second ensemble composé de deux auditoria (U et W) bordent le côté nord du « passage sud » dans la continuité de l’auditorium T.

Ces auditoria forment, aussi bien en tant qu’ensemble architectural que par leur fonction, un complexe unique dans le bassin méditerranéen pour toute la période gréco- romaine. Reflet du dynamisme économique et culturel de l’Alexandrie tardive, leur fonction pourrait constituer un élément clé dans la compréhension de l’évolution du site aux Ve-VIe s. Il

est aujourd’hui avéré qu’il s’agit d’espaces d’enseignement associés aux célèbres écoles alexandrines88 ; leur édification, probablement stimulée par les institutions civiques municipales89, dénote par conséquent d’une volonté de conserver, voire de renouveler, la vitalité intellectuelle qui fait la réputation de la ville depuis l’époque lagide en la dotant d’un nouveau centre de savoirs et d’enseignement.

88 DERDA et al. 2007.

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L’édifice théâtral de Kôm el-Dikka est, comme nous le verrons dans le prochain chapitre, particulier à bien des égards. Sa singularité architecturale fait écho à celle du cadre urbain dans lequel il s’inscrit ; ce dernier nous offre une riche vision des conceptions urbanistiques et des considérations socioculturelles développées à Alexandrie durant l’Antiquité tardive.

c – Memphis

Tell el-Farama et Kôm el-Dikka constituent les deux seuls sites du Delta ayant conservé des vestiges de monuments théâtraux. Ces derniers sont par ailleurs les mieux conservés et les mieux documentés, puisqu’ils ont fait l’objet d’études archéologiques récentes. Qu’en est-il du reste de la Basse Égypte ? D’autres théâtres non préservés auraient- ils été construits dans cette région ? Si l’on se tourne vers les sources textuelles pour tenter de répondre à cette question, on est vite confronté à l’absence quasi-totale de données, les conditions climatiques du Delta n’ayant pas permis la conservation des papyrus. La documentation papyrologique montre ici cruellement ses limites : la région du Delta est bien moins documentée que la Moyenne Égypte et la Haute Égypte sur ce sujet. D’après nos recherches, même les théâtres de Péluse et de Kôm el Dikka ne sont pas mentionnés dans les papyrus. Il n’existe à notre connaissance qu’une seule mention papyrologique d’un autre théâtre, implanté à l’extrême sud de cette région : il se situe plus précisément dans la ville de Memphis, métropole et ancienne capitale du premier nome d’Égypte. Le document en question, le P. Fuad I Univ. 1490, datant de la première moitié du IIIe s. apr. J.-C., est une lettre

d’un certain Aurélius Paeitos, fils de Diogénès, résidant à Memphis. Cette lettre est adressée à Aurélius Hèraklammon, stratège du nome memphite. L’auteur se présente comme étant un ancien épimélète, gardien des clés du théâtre (cf. l. 3-4 : γε[νοµ]ένου ἐπιµελητοῦ καὶ κλειδοφ[ύλα]κ̣ος τοῦ ἐνταῦθα θεάτρου ). Nous aurons l’occasion de revenir sur le contenu de ce document qui aborde davantage la question de la maintenance et de la gestion des théâtres91. Pour l’heure, nous nous contenterons donc de signaler l’existence d’un tel monument à Memphis, bien que cette mention soit la seule découverte92. Aucune autre donnée matérielle ou textuelle ne permet d’avancer d’hypothèses quant à son emplacement au sein de la métropole. La date de construction du théâtre demeure inconnue puisque l’on sait

90 CROWFORD 1976, p. 26-28, texte n°14 (avec traduction et commentaires). Cf. annexe 2 n°1. 91 Cf. partie III p. 255.

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uniquement qu’il était en activité au IIIe s. apr. J.-C. ; on ne peut donc exclure l’idée d’un

monument édifié à la période hellénistique.

Soulignons finalement le fait qu’il n’est pas étonnant de trouver un théâtre à Memphis, le cadre urbain d’époque gréco-romaine se prêtant visiblement tout à fait à l’établissement de monuments publics de style classique. En effet, malgré l’absence de vestiges suffisamment importants pour comprendre l’organisation urbanistique de la ville, les sources textuelles font mention de plusieurs édifices publics : outre le théâtre, un gymnase, un hippodrome et une prison sont connus93. Si les nombreux temples témoignent du maintien de son statut traditionnel de capitale religieuse égyptienne, l’existence de monuments de type grec et romain implique une pénétration visible de la culture hellène à Memphis ; la présence précoce du noyau hellénomemphite94, conjuguée à l’arrivée d’immigrants perses, syriens, phéniciens puis romains, a conféré à la métropole un caractère cosmopolite que devait certainement refléter son répertoire monumental.

2 – Moyenne Égypte

Grâce à une documentation papyrologique conséquente, la Moyenne Égypte est sans conteste la région la plus riche concernant les attestations de monuments théâtraux. Les métropoles des nomes de Moyenne Égypte ont connu à la période gréco-romaine une expansion et un développement urbanistique remarquables, comme en témoigne l’abondante documentation textuelle associée aux diverses recherches archéologiques entreprises. Quatre théâtres en activité à l’époque romaine ont ainsi pu être recensés avec certitude : à Arsinoé, Héracléopolis Magna, Oxyrhynchos et Antinoopolis, soit trois chefs-lieux de nome et une cité grecque. L’existence d’un cinquième théâtre est vraisemblable dans la métropole d’Hermopolis Magna.

Si les théâtres d’Antinoopolis et d’Oxyrhynchos ont pu être localisés et identifiés par des vestiges architecturaux, ceux d’Arsinoé, d’Héracléopolis Magna et d’Hermopolis Magna sont uniquement attestés par des papyrus. Le classement ci-dessous correspond à la situation géographique de chaque ville, c’est-à-dire du nord au sud.

93Sur Memphis, cf. LUKASZEWICZ 1986 ; THOMPSON 1988, notamment p. 8 et 19 ; THOMPSON et al.

1991 ; ASHTON 2003.

94 BAGNALL, RATHBONE, 2004, p. 98. Ce terme fait référence aux soldats grecs originaires d’Ionie venus

s’installer en Égypte au VIIe s. av. J.-C. D’abord implantés dans le Delta, ils ont été contraints face à l’invasion

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a – Arsinoé (Medinet el-Fayoum)

Nous avons vu précédemment que la ville d’Arsinoé, alors dénommée Crocodilopolis, disposait probablement d’un théâtre à la période lagide, comme l’attesterait un fragment de dédicace95 ; or, la présence d’un tel édifice est clairement attestée à l’époque romaine, puisque non moins de neuf papyrus y font référence de manière explicite96. Parmi les théâtres non repérés archéologiquement, celui d’Arsinoé est le plus souvent et le plus anciennement cité dans la documentation papyrologique d’époque romaine, sur une période allant du début du

IIe s. apr. J.-C. à la fin de l’époque byzantine.

L’une des premières interrogations qui s’impose à l’esprit est de savoir si le théâtre d’époque ptolémaïque et celui d’époque romaine ne forment qu’un seul et même monument. Le document conservé le plus ancien (114-115 apr. J.-C.) pour l’époque romaine, le P. Fam.

Tebt. 15, est susceptible d’apporter un élément de réponse : il s’agit de la copie d’un rapport officiel concernant des problèmes de stockage auxquels ont du faire face les bibliophylakes d’Arsinoé, que l’on pourrait traduire par le terme « archivistes ». Le texte rapporte que le bâtiment des archives était en si mauvais état que les archivistes ont du demander à Alexandrie de leur envoyer des copies de documents ; finalement, le bâtiment en question a été détruit pour laisser place à la reconstruction d’un théâtre (l. 66-67 : […] τῆς ἀνοικοδοµῆς τ̣ο̣ῦ̣ [θε]ά̣τρου)97. Il semblerait par conséquent que la ville d’Arsinoé ait été dotée d’un

nouveau théâtre au cours de la première moitié du IIe s. apr. J.-C., bâti à l’emplacement des

archives. En d’autres termes, nous pouvons donc supposer qu’il y ait eu deux édifices différents, un construit à l’époque ptolémaïque et un autre réalisé à l’époque romaine. Toutefois, nous ignorons si ces deux monuments ont coexisté ou se sont succédé.

Parmi les autres mentions papyrologiques, le théâtre d’Arsinoé est souvent cité en lien avec le découpage administratif de la ville en amphoda98. Le nom des différents quartiers est généralement associé à la présence d’un édifice religieux ou public : ainsi, deux documents administratifs relatifs au paiement de diverses taxes fournissent une liste, par quartiers ou par rues, où apparaît à plusieurs reprises le terme θεάτρον sous sa forme génitive99. Les papyrus

SB I 4664 (= SB I 4834) et Stud. Pal. 344, datant tous deux de la première moitié du VIIe s.,

95 BERNAND, t. II, 1981, add. p. 135. 96 Cf. annexe 2.

97LUKASZEWICZ 1986, p. 60 ; ALSTON 2002, p. 244. Cf. annexe 2 n° 3. 98 ALSTON 2002.

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donc beaucoup plus tard, font également référence au « quartier du théâtre olympien » (ἀµφόδου Ὀλυµπίου θεάτρου), ce qui pourrait indiquer que le théâtre était peut-être encore en activité, ou tout du moins présent, à la fin de la période byzantine100.

Enfin, notons parmi les édifices voisins du théâtre la mention d’une banque, comme l’atteste un document bancaire, le papyrus P. Münch. III 96 (158 apr. J.-C.), l. 5-6 : δ̣ι̣ὰ τῆς

πρὸς τῷ θεάτρῳ Μα[ ̣]εῦ̣τος τραπέζης101.

Ces quelques informations offrent une image extrêmement limitée du théâtre d’Arsinoé ; cependant, bien que sa situation et son aspect demeurent inconnus, la documentation papyrologique souligne son importance urbanistique, puisque le théâtre sert à la fois de point de repère topographique et de dénomination officielle d’un amphodon jusqu’au début de la conquête arabe.

b – Héracléopolis Magna (Ehnasya el-Medina)

Métropole du nome éponyme située au nord de l’Heptanomie, Héracléopolis Magna n’a conservé que quelques vestiges épars des édifices publics d’époque gréco-romaine : bases, fûts de colonnes et chapiteaux constituent actuellement les seules traces architecturales du répertoire monumental qu’offrait la ville102. Il faut de nouveau se tourner vers la

documentation papyrologique pour pallier les lacunes archéologiques ; l’existence d’un théâtre est attestée par un papyrus du IIe s. apr. J.-C., le ChLA III 201 (= P. Lond. II 384), et par

deux documents tardifs, le CPR 23.32 (= P.Vindob. G 21738), daté de 450 apr. J.-C., et le

P. Rain. Cent. 108 (= P. Vindob. G 17 807 b), daté de 484-486 apr. J.-C.103. Ce dernier ne présente qu’un très faible intérêt car il est entièrement dépourvu de contexte, seul le mot « θεάτρων » étant lisible au verso. En revanche, le ChLA III 201 et le CPR 23.32 constituent

deux attestations fiables : le premier document, datant de 179 apr. J.-C., mentionne une cérémonie religieuse (« κώθων ») qui se serait déroulée dans le théâtre (l.21)104. Le second

document est un rapport officiel rédigé par un fonctionnaire municipal à l’attention du gouverneur, concernant l’assainissement et la réhabilitation de constructions publiques, dont un théâtre (l.4). Aucune autre précision n’étant donnée sur cet édifice ou sur son

100 Il faut néanmoins rester prudent quant à cette hypothèse ; il est possible que le nom du quartier ait perduré

alors que le théâtre n’accueillait plus de manifestations. Cf. annexe 2 n°10 et 11.

101 Cf. annexe 2 n° 4.

102 BAGNALL,RATHBONE, 2004, p. 155 et 157 ; concernant les fouilles entreprises sur le site, cf. GOMAA et al.

1991 ; pour les fouilles anciennes, cf. NAVILLE,LEWIS, 1894 ; PETRIE 1905.

103 Cf. annexe 2, n° 15, 16 et 17.

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emplacement, nous pouvons seulement constater que le théâtre souffrait de vétusté au milieu du Ve s. de notre ère105.

c – Oxyrhynchos (El-Bahnasa)

Implanté sur la rive gauche du Canal de Joseph (Bahr Yusuf), qui aboutit au lac Moeris et au Fayoum, la métropole d’Oxyrhynchos est l’une des plus imposantes agglomérations de Moyenne Égypte à l’époque gréco-romaine. Bénéficiant d’une position stratégique sur la route la plus courte menant de la vallée du Nil à l’oasis du Fayoum, la ville se développe dès l’époque pharaonique ; alors nommée Per-Medjed, chef-lieu éponyme du

XIXe nome de Haute-Égypte, elle est renommée pour être le lieu de culte principal du dieu

Seth, dont le temple apparaît particulièrement actif sous le règne des Ramessides. À la suite de l’arrivée des premiers immigrants grecs, la ville est rebaptisée Oxyrhynchos106 et conserve son statut de capitale de nome, qui porte dorénavant son nom. La phase d’occupation hellénistique reste relativement obscure, peu de documents ayant été conservés. Il semble toutefois que la ville se soit rapidement développée tout en s’hellénisant progressivement au contact de cette nouvelle frange de la population. À l’époque romaine, Oxyrhynchos s’accroît de manière considérable pour former au IIe s. apr. J.-C. l’une des plus grandes agglomérations

d’Égypte avec près de 30 000 habitants.

Cette phase est la mieux connue, grâce à l’exceptionnelle documentation papyrologique qui fut mise au jour à partir de la fin du XIXe s. par Grenfell et Hunt. Depuis

1897, date de la première exploration du site, environ 12 000 documents littéraires, officiels ou privés, écrits en grec, en copte ou en arabe, ont été trouvés à Oxyrhynchos107. Véritable mine d’or pour la connaissance de la ville, les papyrus révèlent de nombreux éléments sur son organisation, sur les activités municipales et sur les bâtiments publics. Cette richesse d’information s’avère d’autant plus précieuse si l’on considère une fois encore la rareté des vestiges conservés in situ108. En effet, autant Oxyrhynchos fait le bonheur des papyrologues, autant elle demeure une grande déception pour les archéologues. En 1922, Flinders Petrie se rendit sur les lieux et nota la présence de nombreux vestiges de colonnades, ainsi que les

105 Cf. VAN MINNEN P., « The other cities in later Roman Egypt », in BAGNALL 2007, p. 207-225, surtout p. 211-

212 : en raison d’une datation tardive, le théâtre mentionné dans le CPR 23.32 serait peut-être davantage un lieu d’assemblée qu’un théâtre proprement dit. Rien ne permet toutefois d’étayer cette hypothèse.

106 Le nom fait référence à l’oxyrhynque, poisson local à tête pointue faisant l’objet d’un culte traditionnel

populaire.

107 The Oxyrhynchus Papyri, Londres, depuis 1898 ; TURNER, Oxyrhynchos and its papyri, 1952 ; HUNT, EDGAR, Select Papyri, Loeb Classical Library, vol. I-II, Londres, 1934.

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traces d’un théâtre de type romain, aujourd’hui entièrement disparu ; il entreprit le relevé des vestiges du théâtre et tenta d’en reproduire le plan. Ses travaux, publiés en 1925, constituent l’unique source d’ordre archéologique sur le théâtre109.

En revanche, les missions archéologiques visant entre autres à révéler la topographie de la ville à l’époque romaine se sont succédé durant tout le XXe s. jusqu’à aujourd’hui. Les