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Les prises de participation minoritaires.

Chapitre II : La formation de la relation concentrative.

II. Les prises de participation minoritaires.

229.- La prise participation minoritaire, c'est-à-dire inférieure à la majorité absolue des droits de vote, n’emporte à priori pas, comme il a été vu plus haut, de formation de la relation concentrative ou de contrôle. Même s’ils ne sont pas les plus fréquents dans la pratique, il existe toutefois des cas de figures ou une participation minoritaire permet de constituer une relation concentrative. Cela peut être le cas notamment lorsqu’une entreprise acquiert une majorité relative de droits de votes (A), et également lorsqu’une entreprise assortit sa participation minoritaire d’éléments de fait ou de droit lui octroyant le contrôle de l’entreprise-cible (B)

A. La portée de l’acquisition de la majorité relative des droits de vote d’une entreprise.

230.- Au Japon, l’éventualité d’une prise de participation minoritaire est explicitement mentionnée dans les lignes directrices, celles-ci prenant en compte le pourcentage ainsi que la position relative de l’entreprise acquérante au sein de l’actionnariat de l’entreprise faisant l’objet de la détention. Lorsqu’une entreprise acquiert 20% des droits de vote d’une autre, et qu’elle est première dans le classement des actionnaires, la relation concentrative est réputée

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BOSCO, L’année 2010 en droit des concentrations, in Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2011, dossier 4.

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être constituée, sans qu’il soit besoin de prouver une capacité effective de prise de décision. En France et en Europe, le critère utilisé est bien différent, et n’impose pas de chiffres d’affaires en particulier, puisqu’il s’agit du critère de l’influence déterminante. De ce fait, si une entreprise détient plus de 20% des droits de vote, et est première dans le classement des actionnaires, c’est uniquement si cette position lui permet d’influencer réellement sur les décisions stratégiques de l’entreprise dont elle détient les actions que le contrôle sera constitué, et que l’opération sera contrôlable au titre du contrôle des concentrations. Il convient de noter que ce chiffre de 20% n’est pas le fruit du hasard. Originairement de 25%, il fut ramené à 20% par la réforme de 2009, pour la bonne raison qu’en droit des sociétés japonais, le fait pour une société A de détenir 20% des actions d’une société B fait que A et B sont alors réputées « sociétés associées »210.

231.- La question qui se pose alors est de savoir lequel des deux systèmes est le plus adapté. Comme souvent, le système japonais repose sur des seuils fixes dont le dépassement entraîne la constitution de la relation concentrative. Du point de vue du droit français et européen, ce seuil de 20% semble quelque peu sévère. En effet, si l’on prend les situations où une participation minoritaire entraîne une prise de contrôle, les parts de marché sont souvent supérieures à 20%. Par exemple, dans l’affaire Ryan Air/ Aer Lingus, le TUE a estimé que la prise de participation de Ryan Air de 25% des actions d’Aer Lingus était insuffisante pour emporter le contrôle de Ryan Air sur Aer Lingus, et qu’il ne pouvait de ce fait prononcer la restitution des actions détenues par Ryan Air à Aer Lingus211. On constate donc que la Commission garde une conception du contrôle extrêmement étroite afin de ne reconnaître une prise de contrôle en cas de participation minoritaire que dans un nombre de cas très restreint, et une participation relativement élevée ne saurait être un élément décisif. Le droit japonais, en admettant facilement l’existence d’une relation concentrative sans chercher à déterminer si celle-ci emporte un contrôle, que celui-ci soit exclusif ou commun dans le cadre d’une entreprise commune, est donc finalement plus sévère que le droit européen en la matière.

232.- Cette majorité relative peut toutefois se voir renforcée par des éléments de fait et de droit pour qualifier une prise de participation de prise de contrôle.

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En japonais 関連会社. Voir JFTC, 独占禁止法施行令及び公正取引委員会規制等の一部改正案に 対 し て 提 出 さ れ た 意 見 及 び 公 正 取 引 委 員 会 の 考 え 方 , p.29, consultable à cette adresse : http://www.jftc.go.jp/pressrelease/09.october/091023betten3.pdf

211

Trib. UE, 6 juill. 2010, aff. T-342/07, Ryanair Holdings, et Trib. UE, 6 juill. 2010, aff. T-411/07, Aer Lingus ; voir notamment IDOT, « transport aérien et concentration », Europe n° 10, Octobre 2010, comm. 325.

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B. Les éléments de fait et de droit permettant l’acquisition du contrôle avec une participation minoritaire.

233.- Si la participation minoritaire n’emporte la qualification de concentration que lorsque celle-ci est relativement élevée, elle dépend aussi d’éléments de fait, comme par exemple la géographie de la distribution du capital entre les divers actionnaires de la société- cible. Ici la France va plus loin que le Japon, car ce n’est pas seulement la position dans le classement général des actionnaires qui est importante, mais également la dispersion du capital212. On peut alors considérer qu’une entreprise détenant une participation minoritaire peut prendre le contrôle d’une entreprise où le reste de l’actionnariat est extrêmement dispersé, comme ce fut notamment le cas lorsque Vivendi a porté sa participation à 89% dans Canal Plus213. Les autorités françaises sont également allées dans le détail en s’intéressant par exemple aux participations des actionnaires aux assemblées générales, lieu où les décisions concernant la direction économique de l’entreprise sont prises, et où le contrôle s’exerce concrètement.

234.- Ainsi, plus la participation des actionnaires aux assemblées générales est basse, plus une participation minoritaire peut résulter en une prise de contrôle. On peut citer à ce titre l’affaire Elkem/Sapa de la Commission Européenne dans laquelle une participation de 35,6% des actions seulement avait suffi à constituer un contrôle de facto s’expliquant par le fait que la participation des actionnaires aux assemblées générales au cours des quatre dernières années ne s’était jamais élevée au-delà de 56 ,2%214. On remarque qu’au Japon, ce type

d’éléments n’est pas nécessairement pris en compte, puisque un seuil de participation pourtant bas au regard des chiffres français et européens (seulement 20%) permet de constituer une relation concentrative.

236.- Pour ce qui est des éléments de droit, on peut citer notamment les pactes d’actionnaires et autres conventions octroyant aux actionnaires minoritaires des droits spécifiques. Les lignes directrices françaises, au point 28, désignent par exemple des droits de véto attachés à certaines actions. En effet, bien qu’un droit de véto soit une expression de

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Lignes directrices de l’ADLC, point 41.

213

Avis 2000-A-4 du 29 février 2000, secteur de la télévision à péage (Vivendi/Canal Plus).

214

COMP/M.2404 . Elkem/Sapa , point 7: Attendance at the general annual meeting of the shareholders

has never been higher than 56.2% at any of the four AGMs held since Sapa became independent and prior to the AGM of 2001.This means that a shareholding of 32.1% as a result of the transaction on 19./20.02.2001 is sufficient for de facto control.

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contrôle négative, puisque le principe même du droit de véto est de refuser une l’adoption d’une proposition et non de permettre d’imposer les siennes, il n’en est pas moins un outil puissant d’imposition de sa volonté sur une entreprise. Cette éventualité semble absente de la pratique japonaise en matière de contrôle des concentrations, alors même que le droit japonais des sociétés connaît également ce genre de pratiques.

237.- Il convient désormais d’analyser en détail comment les diverses autorités chargées d’appliquer le contrôle des concentrations peuvent apprécier la relation concentrative d’une façon toujours plus pragmatique pour en cerner la réalité.

§2 : Une appréciation in concreto de la relation concentrative grâce à l’utilisation du faisceau d’indices.

238.- La méthode du faisceau d’indices s’inscrit dans la droite ligne de ce qui a été avancé au paragraphe précédent, puisqu’il s’agit d’une série de facteurs hétérogènes dont le concours va permettre de déterminer si une entreprise a bien le contrôle sur une autre. Cette méthode est utilisée aussi bien par la France et la Commission Européenne que par le Japon, où cette méthode est utilisée en quelque sorte de manière inconsciente, puisque les lignes directrices de la JFTC listent un ensemble de critères pouvant être pris en compte pour déterminer l’établissement de la relation concentrative entre les sociétés en cause. Bien que cette méthode soit pensée pour faire face à un large éventail de possibilités de par ses caractéristiques (I), certaines opérations réussissent toutefois à échapper toutefois au contrôle des concentrations (II).