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Les caractéristiques de l’offre.

Chapitre II : La formation de la relation concentrative.

Section 2 : Le marché géographique.

II. Les caractéristiques de l’offre.

393.- L’offre présente parfois des caractéristiques telles que son périmètre est extrêmement restreint, restriction d’autant plus importante que cette offre est non-mobile (A). Cette notion de non-mobilité de l’offre s’applique à la fois aux produits et aux services, et indique tout simplement l’absence de livraison possible du produit ou service à la demande, soit pour des raisons tenant à la nature même du service, par exemple une projection cinématographique, ou à cause de la méthode de commercialisation des produits, dans le cas des grandes surfaces par exemple337. Il convient toutefois de souligner qu’avec les progrès du commerce électronique et des possibilités de livraison de tous types de produits (y compris les produits frais) aux particuliers, les contours de cette notion sont susceptibles d’évoluer avec les habitudes de la demande. La définition du marché géographique ne pouvant alors plus se baser sur l’étendue géographique sur laquelle l’offre atteint la demande, il convient alors d’étudier le périmètre d’influence sur lequel la demande acceptera de se déplacer pour rencontrer l’offre (B).

337

On notera cependant qu’en dépit des efforts faits par les grandes surfaces pour proposer des services de livraison à domicile, cette méthode de commercialisation n’est pas prise en compte par les autorités françaises, européennes ou japonaises de contrôle dans la définition du marché géographique d’un supermarché donné.

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A. Les prestations de services non-mobiles.

394.- Les lignes directrices françaises et japonaises ont en commun le fait de ne pas poser par défaut de taille minimale possible pour un marché, bien que dans le cas des lignes directrices françaises, une indication quant au caractère restreint que peut avoir le marché figure au point 338338. Regrettablement, aucune illustration n’est proposée par les lignes directrices japonaises, qui restent extrêmement abstraites sur ce sujet. L’analyse de la pratique décisionnelle des autorités françaises, européennes et japonaises montre toutefois une tendance certaine à définir un marché de manière restreinte dans le cas de prestations de services non-mobiles, et qui impliquent le déplacement de l’utilisateur final. Il est par ailleurs intéressant de constater selon les secteurs un certain parallélisme entre les définitions de marchés géographiques proposées par les autorités françaises et japonaises.

395.- Un exemple peut être trouvé dans le secteur de l’exploitation des salles de cinéma. Ainsi, dans l’affaire Gaumont Pathé Cinéma339

concernant des cessions de salles de cinéma entre les sociétés Gaumont et Pathé, le marché géographique retenu était restreint à la seule ville de Paris. Il est ainsi intéressant de constater que dès 1951, dans la célèbre affaire des cinémas Tôhô Subaru citée précédemment, l’un des rares arrêts des juridictions civiles japonaises en matière de contrôle des concentrations, le marché avait connu une délimitation également restreinte, puisqu’il s’agissait uniquement des quartiers de Marunouchi et de Yurakuchô, situés dans le centre de Tokyo. Cette comparaison permet de tirer deux conclusions.

396.- Premièrement, les deux autorités ont considéré fort logiquement que le marché géographique d’un cinéma est nécessairement limité à un faible rayon, en raisonnant de manière relativement concrète. Plus généralement, on peut estimer que dans la situation d’un prestataire de service non-mobile, c'est-à-dire impliquant le déplacement du consommateur jusqu’à un certain point géographique si ce dernier souhaite bénéficier du service en question, le marché géographique sera nécessairement limité en étendue.

397.- Deuxièmement, il semblerait que dans les deux pays, la taille minimale retenue pour le marché géographique ne soit pas inférieure à la taille du quartier d’une grande ville,

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Les marchés ainsi définis sont parfois de dimension géographique très restreinte (quelques dizaines de

kilomètres de rayon pour le béton prêt à l'emploi ou les enrobés bitumineux ; 30 minutes de transport pour les zones de chalandises des hypermarchés ; la ville de Paris pour l'exploitation des films en salles de cinéma).

339

Conc. avis 93-A-01 du 12 janvier 1993 relatif à la cession réciproque de salles de cinéma entre les sociétés Gaumont et Pathé.

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limite directement liée au à la nature même du contrôle des concentrations. L’existence de seuils de contrôle justement destinés à empêcher un contrôle des concentrations systématique, ne prenant en compte que les opérations susceptibles d’une atteinte importante à la concurrence a pour conséquence directe la non-contrôlabilité des opérations de concentrations entre des prestataires de service non-mobiles et dont la situation géographique (zones peu peuplées) a pour conséquence un faible chiffre d’affaires, insuffisant pour déclencher les seuils de notification.

398.- Les autorités de concurrence françaises comme japonaises ont également des techniques permettant d’évaluer le périmètre d’influence d’un offre non-mobile.

B. Le périmètre d’influence d’une offre non mobile.

399.-Concernant la mobilité de la demande, les approches françaises et japonaises sont extrêmement similaires en ce qu’elles prennent en compte les distances parcourues par les consommateurs pour s’approvisionner. Ainsi, le concept désigné par les lignes directrices françaises sous le terme de « zone de chalandise »340, peut être défini comme le périmètre dans lequel un magasin a la majorité de sa clientèle. Si l’on se place du côté de la demande, cela correspondra à la distance qu’un consommateur est prêt à parcourir pour faire l’acquisition d’un produit ou d’un service donné. En général, ce trajet est exprimé non par sa longueur matérielle (par exemple le nombre de kilomètres que doit parcourir un consommateur pour se rendre à un supermarché), mais par sa durée. Il faut, par conséquent, pour que deux ou plusieurs commerces soient en concurrence sur un marché géographique donné, que leurs zones de chalandise respectives se chevauchent. En outre, l’ADLC affirme faire la différence entre trois types de zones de chalandises, pour les hypermarchés, pour les supermarchés et pour les commerces de proximité, la dimension de la zone de chalandise augmentant avec la taille de la grande surface (avec une zone de chalandise de moins de 30 minutes pour un hypermarché, de moins de 15 minutes pour un supermarché, et non précisées pour les commerces de proximité) 341.

340

Lignes directrices de l’ADLC, point 334.

341

Voir à ce propos la fiche éditée par l’ADLC et concernant les zones de chalandise, disponible sur le site internet de l’ADLC à l’adresse suivante :

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400.- La JFTC connaît une notion similaire, qui est connue en japonais sous le terme de « périmètre d’achat de la demande »342, mais qui ne connaît pas de définition aussi précise en termes de durée que celle proposée par l’ADLC. Il semble toutefois qu’au Japon, celui-ci soit défini en kilomètres, et non en durée de trajet. Ainsi dans l’affaire de rachat de Midori par le groupe Edion, de chaînes régionales de vente d’électroménager au grand public, la JFTC a évalué la zone de chalandise pour un magasin de ce type de chaîne à environ 10 kilomètres343. 401.- Une dernière différence entre les lignes directrices françaises et japonaises est la différenciation du marché géographique en fonction de la demande visée344. Selon ce principe, la dimension du marché géographique pour une même opération sera susceptible d’avoir plusieurs tailles, selon que l’on analyse le marché pour les produits destinés aux consommateurs ou ceux destinés aux entreprises par exemple. Lors de la fusion entre la Banque Populaire et la Caisse d’Epargne345, l’Autorité, en s’appuyant sur la pratique

antérieure, aussi bien nationale que européen, a d’abord estimé que les services d’administration des biens et d’intermédiation dans les transactions immobilières, services visant les particuliers, s’étendaient sur le marché géographique de l’aire urbaine346

, tandis que les services immobiliers à destination des entreprises constituaient un marché géographique de dimension nationale. Au Japon, bien que les lignes directrices japonaises reconnaissent la possibilité d’une segmentation du marché en fonction de la clientèle visée347, il n’est pas fait

mention d’une quelconque conséquence de cette différenciation sur la définition du marché géographique, et l’analyse des affaires dans lesquelles une telle différenciation a été faite n’a pas abouti à la définition de marchés géographiques distincts348.

342en japonais 需要者の買い回る範囲 ;

Lignes directrices de la JFTC, 第 2, 3, (1).

343

JFTC, 株式会社エディオンによる株式会社ミドリ電化の株式取得 (affaire de prise de participation d’Edion dans Midori Denka), 平成16年度主要事例6.

344lignes directrices de l’ADLC, point 339. 345

ADLC, décision n° 09-DCC-16, 22 juin 2009.

346

Aff. précitée, point 192 : [l’aire urbaine] ayant été définie comme« un ensemble de communes d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne urbaine) dont au moins 40 % de la population résidente

ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans les communes attirées par celui-ci »106. Ainsi, cette

notion repose sur la continuité de l’habitat : « est considéré comme telle un ensemble d’une ou plusieurs communes présentant une continuité du tissu bâti (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) et comptant au moins 200 habitants »

347

Lignes directrices de la JFTC, 第 2, 4

348

Pour une illustration dans une affaire sur le marché des nouilles lyophilisées, où une différence a été faite entre l’usage domestique et l’usage professionnel, voir JFTC, 味の素株式会社によるヤマキ株式会 社の株式取得 (Prise de participation d’Ajinomoto dans Yamaki)、平成18年度主要事例1, et dans une affaire sur le marché des lecteurs de disque (CD et DVD), où le marché a été divisé entre

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402.- Il est désormais nécessaire de se pencher vers les limites supérieures que peut revêtir le marché géographique, avec les problématiques gravitant autour de la notion de « marché mondial ».

§2. Le marché mondial et les problématiques inhérentes à la notion de marché pertinent. 403.- Les situations vues précédemment, où le marché géographique est restreint à une dimension relativement faible, restent relativement exceptionnelles. Du fait du chiffre d’affaires important requis par les autorités françaises, européens et japonaises en tant que seuil de contrôlabilité des opérations de concentration, le plus souvent seules des entreprises influentes sur le plan national, voire mondial seront susceptibles d’atteindre ces seuils. Cette situation a pour conséquence, non seulement une définition d’un marché « national » pour les autorités françaises et japonaises (européen dans le cas de la Commission européenne) dans la plupart des cas, mais aussi une dimension qui dépasse de plus en plus ces frontières nationales, pour s’étendre jusqu’à l’échelle mondiale. Après avoir examiné les rapports entre les notions de marché national et de marché mondial, il conviendra de conclure sur les problèmes que rencontre la notion de marché pertinent et les solutions envisageables, pour la notion elle- même, et pour une meilleur contrôle des concentrations en général (II)