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Les critiques reçues par ces différentes conceptions.

Section 2 : définition générale et liste limitative.

II. Les critiques reçues par ces différentes conceptions.

188.- Ces critiques s’adressent principalement aux points négatifs de chacune de ces conceptions. La définition par le moyen est ainsi critiquée pour sa rigidité (A), tandis que la définition par le résultat pose problème en termes de sécurité juridique (B).

A. La rigidité de la définition par le moyen.

189.- Bien évidemment, le choix de l’une ou de l’autre conception a des effets sur la manière dont le contrôle des opérations de concentrations est effectué, et sur son évolution. Du côté japonais, l’organisation de la loi en types d’opérations, très rigide, pose deux problèmes principaux. Tout d’abord, un système aussi rigide doit, pour pouvoir faire face à l’évolution du droit commercial, et notamment du droit des sociétés, être réformé quasi- systématiquement afin de suivre cette évolution. Ce besoin de rester fidèle au droit des sociétés s’explique principalement par le fait que le chapitre 4 de l’AML, qui comprend les dispositions relatives au contrôle des concentrations, fut rédigé avec, à l’esprit, le droit commercial, et est considéré de manière plus ou moins consciente comme étant une série de dispositions spéciales venant compléter les dispositions du droit commercial japonais173. L’exemple typique fut, en 2000, lorsque le droit commercial japonais a introduit la scission de société. Pour parer à cette éventualité, qui entrainait nécessairement des conséquences pour le droit japonais des concentrations, le législateur fut contraint de réformer l’AML pour y ajouter la partie 2 de l’article 15 disposant des fusions.

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190.- Les autres problèmes posés par le système japonais concernent la procédure. Alors qu’avec la définition par le résultat utilisée en France et par le droit européen, une opération de concentration mixte, c'est-à-dire utilisant plusieurs types d’opération pour se constituer, sera identifiée comme une seule opération, la division des divers moyens opérée en droit japonais obligera à un contrôle, et par conséquent à une notification en plusieurs étapes. Concrètement, si par exemple, une société acquiert des actions d’une société concurrente et lui rachète des actifs, alors que cette opération fera l’objet d’une unique notification en France, et sera examinée comme une seule prise de contrôle d’une entreprise par une autre, au Japon, l’opération sera notifiée et examinée en deux étapes, à savoir la cession d’actions au titre de l’article 10 de l’AML d’une part, et la cession d’actifs au titre de l’article 16 de l’AML d’autre part. A ce genre de problème se superposait également la coexistence, en droit japonais, d’un contrôle ex ante pour la majorité des opérations de concentration, et d’un contrôle ex post pour les cessions d’actions jusqu’en 2009, qui n’étaient pas nécessairement en accord avec la chronologie des opérations effectuées par les entreprises. Bien que les transferts d’actions aient habituellement lieu avant les transferts d’actifs, la loi imposait ainsi de notifier d’abord le transfert d’actifs avant l’opération, puis de notifier la cession d’action après que celle-ci ait eu lieu, entraînant une certaine confusion174.

191.- Bien qu’elle soit beaucoup plus adaptable que la définition par le moyen, la définition par le résultat n’est pas exempte de défauts.

B. Les problèmes de sécurité juridique posés par la définition par le résultat.

192.- La notion de concentration telle que définie et utilisée aussi bien en droit français que européen a fait également l’objet de critiques qui découlent assez naturellement de son caractère général. A vouloir créer une définition trop large de l’opération de concentration, censée parer à toute éventualité, les autorités en charge du contrôle sont parfois confrontées à des problèmes d’interprétation, notamment en ce qui concerne la nature concentrative de l’opération175

. La relation concentrative ne pose pas nécessairement de problèmes pour les opérations capitalistique, ni même pour les cessions d’actifs, mais plutôt pour les opérations ayant une nature plus contractuelle, comme les accords de distribution ou encore les accords

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UESUGI et. al., , op.cit., p.93.

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WILLHEIM et VEVER, La notion de concentration en droit interne et européen : tentative de définition, in Contrat, Concurrence, Consommation n°11, novembre 2007.

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de coopération commerciale par exemple. Toutefois, les autorités, en utilisant la technique du faisceau d’indices176

arrivent malgré tout à cerner la réalité de la relation concentrative entre les entreprises dans ces situations pourtant assez éloignées des cas de figure classiques le plus souvent soumis au contrôle des concentrations (fusion, détention d’actions, cession d’actifs).

193.- Pour conclure sur ce débat, il est assez intéressant de constater que, d’une manière générale, la doctrine française appelle à des efforts de la part du législateur pour que les entreprises, et les praticiens qui les défendent, puissent être sûrs que l’opération qu’ils envisagent doit être notifiée, alors que la doctrine japonaise, elle, constate les limites d’un contrôle des concentrations trop attachés aux moyens de la concentration. La question des accords de coopération177 illustre par ailleurs la demande de la doctrine japonaise d’une intégration de ce type de comportement dans l’arsenal du contrôle japonais des concentrations178, ou, à tout le moins, la création de lignes directrices spécifiques179 .

194.- Le contrôle des concentrations en France et au Japon n’est donc pas du tout envisagé de la même façon. Au-delà de cette constatation théorique, il faut examiner si ces différences influencent réellement la pratique.

§2 les conséquences pratiques de la divergence des conceptions du contrôle des concentrations.

195.- L’analyse des différences de conception entre les contrôles français et japonais des concentrations a révélé des avantages, mais aussi des points faibles pour chacune de ces conceptions. Ce paragraphe sera d’abord consacré aux opérations posant problème en France et au Japon, tout en observant le traitement qu’elles subissent dans l’autre pays (I), Pour ensuite clore cette partie sur le fait qu’en France comme au Japon, même si les législations des deux pays utilisent essentiellement soit la définition par le moyen, soit la définition par le résultat, l’observation minutieuse des textes montre en fait une utilisation conjointe des deux définitions dans les deux pays (II).

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Selon le point 37 des lignes directrices de l’ADLC, sont prises en compte, outre les droits conférés aux actionnaires, les relations contractuelles ou financières.

177en japonais 業務提携. 178

SHIRAISHI, 独禁法講義 (Cours de droit de la concurrence), 5ème édition, Yuhikaku, 2010, p.104 ; UESUGI et al., op.cit., p.92.

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I Les opérations posant problème dans les systèmes français, européens et japonais.

196.- Cette sous-section aura pour objet non pas l’analyse précise de ces différentes opérations, qui seront traitées en profondeur dans d’autres sections plus appropriées, mais essaiera plutôt d’expliquer pourquoi ces types d’opération posent davantage de problème dans un ordre juridique que dans un autre. Seront traitées dans cette optique les accords de coopération au Japon (A) et les entreprises communes en France (B).

A. Le cas des accords de coopération au Japon.

197.- Les accords de coopération au Japon font, comme il a été constaté plus haut, l’objet d’une demande assez constante de la doctrine japonaise depuis plusieurs années de la création d’une section les visant spécifiquement au sein de l’AML, afin que ces accords puissent être traités sous l’égide du contrôle des concentrations tout comme le sont les fusions ou les cessions d’actifs par exemple. Cette demande se justifie de plusieurs manières. Tout d’abord, le terme d’accord de coopération ne faisant pas partie du champ lexical rencontré habituellement en droit japonais de la concurrence, il ne possède pas de définition fixe, mais peut être défini largement comme un comportement de coopération entre deux sociétés ou plus qui ne figure pas dans la liste des comportements contrôlés au titre du contrôle japonais des concentrations180. Au Japon, les accords de coopération avérés ont jusqu’à présent été traités différemment en fonction des éléments matériels de l’accord.

198.- Ainsi, ils peuvent être pris soit sous l’angle des cartels au titre des « limitations injustes au commerce »si l’accord de coopération entre deux concurrents porte sur les prix pratiqués, les quantités produites ou encore sur un éventuel partage du marché, au titre des « pratiques commerciales injustes » lorsque l’accord de coopération a, par exemple, pour objet le boycott d’un concurrent ou encore l’imposition de conditions restreignant la liberté commerciale de l’une des parties à l’accord de coopération, ou bien au titre du « monopole privé »si un tel accord a pour conséquence l’éviction d’un concurrent du marché ou octroie une puissance de marché trop importante au sociétés le concluant181. Dans ces diverses situations, un accord de coopération pourra donc faire l’objet d’une interdiction ex post si la JFTC a vent d‘un tel accord.

180

SHIRAISHI, op.cit, p.288.

181

Ces informations sont disponibles sur le site internet du cabinet d’avocats Mikiya (御器谷法律事務所) à l’adresse suivante (en japonais uniquement) : http://www.mikiya.gr.jp/Business_tie-up.html

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199.- Cependant, certains accords de coopération, selon l’importance du rapprochement qu’ils constituent entre leurs signataires, peuvent tout à fait aboutir à la création, au maintien ou au renforcement d’une relation concentrative, sans nécessairement faire appels aux moyens prévus par les articles 10 à 16 de l’AML, laissant un relatif vide juridique dans ce genre de situation. Jusqu’à présent, lorsque, dans le cadre des discussions préliminaires avec la JFTC (il peut s’agir de discussions préliminaires autres que celles réalisées au titre du contrôle des concentrations), des entreprises évoquaient la conclusion d’accords de coopération, celle-ci avait une attitude assez habile consistant à analyser si ledit accord pouvait avoir comme objet ou pour effet de restreindre concrètement la concurrence sur un marché donné. Toutefois, au Japon, même si une certaine partie de la doctrine aimerait plus de clarté concernant ces accords, la JFTC ne semble pas se poser de problèmes particuliers et les traite principalement sous l’angle des ententes ou des pratiques commerciales illicites 182 En France et en Europe, la question des accords de coopération ne semble pas poser de problème particulier, en ce qu’elle est systématiquement traitée sous l’angle du droit des ententes. Tout d’abord, la rédaction de l’article 101 TFUE en ce qu’elle vise explicitement les types d’accord pouvant être caractérisés comme une entente183.

200.- De plus, grâce à l’utilisation des critères de contrôle et d’influence déterminante, il sera plus difficile de caractériser ce type d’accord contractuel comme étant une concentration à moins qu’il n’emporte la création d’une entreprise commune. La situation devient alors compliquée, cette fois ci pour les systèmes français et européen.

B. Les entreprises communes en droit français et européen confrontées au droit des ententes. 201.- En droit français comme en droit européen, il y a d’abord eu une première période, allant jusqu’en 1998, date de l’adoption du règlement européen n°1310/97, où, pour

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Voir notamment l’exemple suivant extrait d’une discussion avec la JFTCconcernant la création d’un centre de recherche et développement commun ainsi que l’intégration de marques par deux entreprises fabriquant des machines et souhaitant aborder un nouveau marché. 「業務提携に関するもの」(平成 17 年度・事例 8)[業務提携]機械メーカー間の共同研究開発及びブランドの統合.

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En effet, le paragraphe 1 de l’article 81 explicite au sein des accords et pratiques concertées interdits ceux « qui consistent notamment à : fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ; limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements ; répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ; appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats ».

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distinguer si une entreprise commune était du ressort du contrôle des structures ou de celui des comportements, on utilisait deux notions : celle « d’entreprise commune coopérative », en opposition à « l’entreprise commune concentrative »184. Le critère pour distinguer la première catégorie, soumise au droit des ententes, de la deuxième, elle soumise au contrôle des concentrations, était un critère temporel. Si l’entreprise commune en question avait une durée limitée dans le temps, et comme but l’accomplissement de buts limités, alors elle était qualifiée d’entreprise commune coopérative, et à contrario, une entreprise commune crée sans limite temporelle particulière concernant son activité, et avec des objectifs pérennes, était alors qualifiée d’entreprise commune concentrative.

202.- Avec l’adoption du règlement européen n°1310/97, cette dichotomie est abandonnée, et le critère temporel est remplacé par celui d’entreprise commune de plein exercice (notion qui sera abordée dans l’étude la relation concentrative de la section 2 de cette partie 1), notion précisée par la communication de la commission du 2 mars 1998185, et remplacée depuis par celle du 16 avril 2008186 Cette notion est en fait une précision de la condition temporelle, qui reste un critère de détermination, puisque pour être qualifiée de concentration, une entreprise commune doit avoir la possibilité de fonctionner de manière durable, sans limite déterminée par ses entreprises fondatrices dans le temps. A cette condition s’ajoute celle de l’autonomie, dont les critères de détermination principaux la disposition de ressources suffisantes pour opérer seule sur le marché, mais aussi une indépendance en termes d’activité, celle-ci devant aller au-delà d’une fonction spécifique pour les entreprises fondatrices187. Comme on peut le constater, la communication de 2008 fait d’énormes efforts de précision et cite abondamment la jurisprudence de la Commission européenne pour définir au mieux les entreprises communes faisant l’objet du contrôle des concentrations.

184

COT et La LAURENCIE, op.cit, p.47 et s. pour le droit européen et p. 118 et s. pour le droit français.

185

Communication de la Commission relative à la notion d’entreprises communes de plein exercice au sens du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (publiée au JOCE C 66 du mois de mars 1998 et consultable à cette adresse : http://www.peruzzetto.eu/texts/textes/cce/com%20ec.pdf )

186

Communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises. (publiée au JOCE C 95 du mois de janvier 2008 et consultable à cette adresse :

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2008:095:0001:0048:FR:PDF)

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Communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, p.24.

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203.- La Commission a également édité en 2005 une communication sur la question des restrictions accessoires188, ayant pour but d’éclaircir la distinction entre les accords conclus entre les entreprises parties à une concentration et ayant un caractère nécessaire à la réalisation de cette dernière, comme par exemple la protection de la valeur cédée, le maintien de la continuité d'approvisionnement après la scission d'une ancienne entité économique, ou encore pour permettre à une nouvelle entité de démarrer189. La dernière partie de cette communication traite exclusivement des entreprises communes, et vient préciser de manière très claire les types d’accord qui seront traités comme une restriction accessoire et nécessaire, parmi lesquels on peut citer les obligations de non-concurrence, les accords de licence, et les obligations d’achat et de livraison190

. Grâce à cet ensemble de textes européens et à la jurisprudence européen auxquels l’autorité française peut faire référence, la situation, plus compliquée il y a une dizaine d’années, est désormais plus éclaircie pour faire la distinction entre une entreprise commune soumise au contrôle des comportements et entreprise commune soumise au contrôle des structures.

204.- Au Japon, bien que le dispositif législatif en la matière soit loin d’égaler la précision du dispositif européen, le fait que les opérations de concentration obéissent à une qualification par le moyen rend l’application du contrôle des concentrations aux entreprises communes plus évident, dès lors que l’entreprise commune est créée en utilisant un des moyens prévus aux articles 10 à 16 de l’AML. Si les moyens utilisés sont différents, elle tombera logiquement sous le joug de la législation relative aux ententes. Il convient de noter que selon les lignes directrices japonaises, la création d’une entreprise commune, en ce qu’elle entraîne une forte possibilité d’unification d’une partie des activités des entreprises mères, les risques qu’une telle création fasse l’objet du contrôle des concentrations à cause de la relation directe entre les sociétés mères et la société fille, et de la relation indirecte entre les sociétés mères sont élevés, et leur propension à être examinées au titre du contrôle des concentrations est d’autant plus grande191

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Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration . (publiée au JOCE C 56 de mars 2005 et consultable à cette adresse :

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2005:056:0024:0031:FR:PDF)

189

Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration , point 13.

190

Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration , partie IV, points 36 à 44.

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Lignes directrices concernant l’application du contrôle des concentrations dans le cadre de l’AML, 第一、 1、(1)、ウ。

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205.- La présentation de ces systèmes comme étant en opposition complète de par l’adoption, pour l’un, de la qualification de l’opération de concentration par le moyen, et pour l’autre, de la qualification par le résultat, doit toutefois être nuancée, car bien que chacun de ces systèmes utilise l’une de ces deux qualifications majoritairement, ils utilisent conjointement l’autre dans certains cas particuliers.