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Corpus de base

A- Les messages dominants

Parmi les messages dominants, nous distinguons ceux du comité national de lutte contre le sida (CNLS) et les articles de presse de source officielle traitant du sida.

A.1- Les messages du CNLS

La compilation du professeur Jacques-Philippe TSALA TSALA, consultant senior au comité national de lutte contre le sida (CNLS), nous présente deux cent vingt cinq messages en français et en anglais. Le Cameroun est un pays bilingue avec pour langues officielles l’anglais et le français. Dans la pratique, toute communication officielle est en principe effectuée dans les deux langues, l’une opérant comme la traduction de l’autre. Dans cette section, il ne s’agit pas des messages élaborés et émis par le professeur Jacques-Philippe

TSALA TSALA. Ce consultant a effectué un travail documentaire consistant à recenser tous

les messages émis par le CNLS jusqu’en 2003. Il est possible que certains messages de cette époque aient pu lui échapper, tout comme il est évident que les messages émis par le CNLS après cette période n’y figurent pas. Le CNLS étant une institution qui fait intervenir

plusieurs experts, nous ne saurons attribuer la paternité des messages de cette institution à un expert particulier ; ce que nous faisons valoir ici, c’est le travail de recension effectué. Dans le document réalisé par le professeur Jacques-Philippe TSALA TSALA, nous avons identifié des messages en français sans traduction anglaise, des messages en anglais sans traduction française et des messages exprimés dans les deux langues. Dans les deux premiers cas nous avons retenu tous les messages non traduits. Dans le troisième cas, nous n’avons retenu que la version française des messages exprimés dans les deux langues. Au total, deux cent vingt cinq messages ont été retenus comme provenant du CNLS (cf. liste en annexe). Le premier constat que nous faisons à ce niveau est que tous ces messages sont de type impersonnel. Ils voilent un émetteur qui pourrait s’identifier à la conscience nationale. Seuls les destinataires peuvent être identifiés. Ce constat est valable même pour les messages qui utilisent les pronoms personnels (je, nous, tu, vous) ou ceux qui utilisent l’impératif. Toutefois, cette conscience nationale peut se muer en conscience corporatiste. (Famille, transporteur, entreprise, jeunesse, femmes, …). Dans tous ces cas, les émetteurs restent anonymes. La posture d’anonymat ne nous semble pas gratuite. Certes, elle pourrait traduire l’impersonnalité et l’anonymat des acteurs du CNLS qui interviennent dans la conception et la validation de ces messages, mais cet anonymat pourrait tout aussi bien exprimer le processus même de validation des discours sur le sida. Nous y reviendrons dans la troisième partie.

A.2- Les articles de Presse

Bien avant l’organisation de la lutte contre le sida, Cameroon Tribune, le journal gouvernemental, avait déjà entrepris de rendre compte de l’importante activité de sensibilisation des professionnels de la santé par les responsables des institutions internationales en charge des questions de santé (OMS). C’est en réalité à travers les médias et particulièrement la Cameroon Radio Television (CRTV), et Cameroon Tribune, que les Camerounais découvrent le sida. Pendant au moins un an, avant l’organisation de la sensibilisation du grand public, le sida est resté la préoccupation des professionnels de la santé et des médias. Le système d’archivage de la chaine nationale de radio et télévision (CRTV) ne nous permettant pas de retrouver tous les messages diffusés sur le sida, nous allons focaliser notre recherche sur Cameroon Tribune et Internet.

Le fait que les médias dont Cameroon Tribune aient été les seuls à diffuser les messages sur le sida nous amène à rechercher les articles diffusés dans cet organe de presse. Nous retiendrons dans un premier temps tous les articles portant sur le sida, publiés de 1984 à1990 (cf. annexe II). Il nous est apparu que les discours sur le sida se sont constitués au cours de cette période. En effet, dès 1990, la logique du dépistage était déjà formulée comme le révèlent les articles de Cameroon Tribune retenus dans notre corpus. La logique du dépistage repose sur l’idée que le sida est dû au VIH dont l’action est lente et irréversible ; il faut par conséquent le découvrir très tôt afin d’en limiter l’expansion dans l’organisme. Cette logique est celle qui prévaut encore aujourd’hui. Au-delà de cette période de collecte systématique des articles, nous ne retiendrons, aussi bien dans Cameroon Tribune que dans tout autre organe de presse, que tout article ayant un apport qualitatif supplémentaire.

Certains évènements se rapportant au sida ont bénéficié d’un traitement simple, donnant lieu à un seul article. D’autres par contre ont donné lieu à un traitement fouillé, à des dossiers constitués de plusieurs articles. Il s’agit dans la plupart des cas des angles différents constituant des articles bien distincts. Nous avons retenu tous les articles de ces dossiers. Toutefois, il nous a été donné de constater que certains articles dans un dossier avaient déjà fait l’objet d’une publication soit in extenso, soit qu’ils ont été réécrits. Dans ce cas, nous n’avons retenu que les nouvelles éditions. Par ailleurs certains autres articles bénéficiaient d’une annonce à la une. Les informations données à la une étant généralement reprises dans l’article, nous avons dans ces cas procédé à un choix. Dans certains cas nous avons choisi l’annonce à la une si l’article à l’intérieur n’avait pas un apport nouveau par rapport aux articles déjà retenus et par rapport à l’annonce de la Une. Pour d’autres, nous avons préféré l’article de l’intérieur lorsqu’il nous apparaissait qu’il reprenait toutes les informations de la Une et y ajoutait un complément. Nous avons procédé de la même manière quand il s’était agi des annonces des évènements futurs qui plus tard avaient fait l’objet d’un article ou d’un dossier (séminaire, spectacles, journées commémoratives, etc.).

Bien que nous ayons procédé à une sélection des articles retenus pour l’analyse qualitative de leur contenu, nous ne voulons pas occulter l’importance des articles non retenus. Un aspect de cette importance apparaît dans l’analyse de la fréquence de parution des articles portant sur le sida dans Cameroon Tribune. Cet aspect quantitatif peut nous renseigner sur l’effet possible de saturation qui n’est pas loin de ce que Serge TCHAKOTINE appelle le viol des foules. L’observation des articles de Cameroon Tribune révèle que la fréquence des articles portant sur le sida n’est pas constante. Elle est d’abord faible entre 1985 et 1986, élevée entre 1986 et

1998 pour décroître progressivement à partir de 1989. Il apparaît comme un effet de saturation à partir de 1989. Cette fluctuation s’explique par le fait qu’entre 1985 et 1986, le taux de prévalence au VIH était encore très bas (autour de 0,5%). Ce taux a commencé à augmenter de façon significative en 1987 d’où la forte densité des articles de Cameroon

Tribune qui est l’organe d’expression du gouvernement.

Dans l’ensemble nous avons classé les articles de Cameroon Tribune dans la section des messages dominants. Ce classement est discutable et n’obéit qu’à la structuration formelle de notre travail. Dans le fond, Cameroon Tribune publie une variété d’articles polyphoniques. En effet, on y trouve, outre les comptes-rendus des évènements contrôlés par les administratifs (séminaires, symposiums, concours divers, journées commémoratives), les points de vues des officiels, mais également : les points de vues personnels des journalistes et les réactions du lectorat. Les articles qui rentrent dans ces deux dernières catégories peuvent être conformes ou non la position des officiels. Le billet intitulé autant le dire et la caricature désignée : Les desseins du sourire, ont une liberté de ton qui ne cadre pas toujours avec la position des officiels. Dans l’édition du 14 septembre 1988, Autant dire titre : si le SIDA n’existait pas… Il s’agit là d’une posture de remise en cause de la pandémie que les officiels, tenants de la logique dominante, s’emploient à révéler comme réelle et dangereuse.

Par ailleurs certains scientifiques tiennent dans le Cameroon Tribune des points de vue qui vont à l’encontre de la logique des officiels. Dans l’édition du 1er Août 1987 le professeur

zaïrois KALALA TSHIBANGA parle de la « transmission exclusive par contact sanguin ». Cette position va à l’encontre de celle des officiels camerounais et internationaux qui eux, affirment la primauté de la transmission par voie sexuelle qu’ils évaluent à 90% des cas. En somme, le classement de Cameroon Tribune dans la section des messages dominants tient simplement au fait que ce journal est un journal gouvernemental et que la position des officiels y est prépondérante malgré les autres tons discordants. Toutefois, dans nos analyses, nous distinguerons ceux des articles de ce journal qui ne cadrent pas avec la logique développée par les officiels. Suivant leur contenu, ils entreront dans la typologie à laquelle ils correspondent.

Les articles recensés dans Cameroon Tribune peuvent être assimilés à des messages émis par trois types d’émetteurs : les institutions internationales, les autorités publiques nationales, le journal lui-même en tant qu’ensemble des rédacteurs personnalisés.

Dans le premier cas, il s’agit particulièrement de l’OMS, de l’UNESCO et plus tard de l’ONUSIDA, et l’UNICEF. Ces acteurs se caractérisent par leur ton éditorial et normatif. Ils

informent le destinataire (le lectorat) sur ce qu’est le sida, son fonctionnement et surtout la conduite à tenir pour l’éviter. Par ailleurs, ils définissent ce qu’il faut dire ou croire.

Les autorités publiques nationales, à l’image des institutions internationales, se caractérisent, elles aussi, par un ton éditorial et normatif. Elles répercutent au niveau national les critères de communication définis par les institutions internationales. Dans leurs messages, les autorités publiques nationales donnent des informations sur l’épidémiologie, les actions de lutte menées par le gouvernement et les difficultés rencontrés par les pouvoirs publics nationaux. A l’instar des institutions internationales, les pouvoirs publics nationaux édictent ce qu’il faut dire et, à contrario, ce qu’il ne faut pas dire sur le sida.

Les rédacteurs de Cameroon Tribune expriment pour la plupart leur point de vue sur le sida et pour d’autres les points de vue des institutions auxquelles ils appartiennent quand il ne s’agit pas des journalistes. Il faut en effet signaler que Cameroon Tribune publie autant les articles de ses journalistes que ceux des particuliers appartenant à d’autres structures. Dans cette dernière catégorie se trouvent les universitaires et autres spécialistes, suivant l’intérêt que suggère l’actualité, des poètes et les réactions des lecteurs sur un article ou un aspect particulier de l’actualité. Dans l’édition du 20 janvier 1989 par exemple, le Pr. ESSOMBA

ETOUNDI MANY du Centre Universitaire des Sciences de la Santé (CUSS) signe un article

intitulé Problématique de l’antibiothérapie et intérêt de la vaccination.

Il est évident, en nous appuyant sur l’analyse des relations socio-affectives d’Edgar MORIN, que chacune des positions qu’occupent ces trois types d’acteurs a une influence particulière dans la compréhension des articles de Cameroon Tribune. En définitive, nous classerons comme messages dominants le contenu des articles de Cameroon Tribune exprimant le point de vue des officiels. Ceux qui ne cadrent pas avec cette première catégorie seront classés comme messages dominés.

Les articles Internet

Nos recherches sur Internet nous ont permis de découvrir des articles épousant la logique dominante, celle qui admet que le sida est une maladie contagieuse qui se transmet par la voie sexuelle, par le sang et par le lien mère-enfant. Les articles Internet sont porteurs des messages qui sont repris par les acteurs camerounais. Ces articles apparaissant comme redondants par rapport aux discours des officiels camerounais, nous n’en avons retenu que ceux qui, par leur argumentation, avaient un apport significatif nouveau. Parmi ceux-ci signalons :

Sida : Origine possible de la dérégulation du taux de lymphocytes T4, CEA le 31/10/2004<Futura-Sciences.com> 31/05/2007

Médecine-Sida : Origine du Sida : des chercheurs tordent le cou à une théorie controversée AFP le 25/04/2001 http://www.afp.com le 28/12/2004.

De l’Algérie au Cameroun, le palmarès de charlatans du sida le 28/10/2005<survivreausida.net> le 31/05/2007