• Aucun résultat trouvé

Créé en 1985, le CNLS apparaît comme le principal acteur de la communication sur le sida au Cameroun. C’est lui qui produit l’essentiel des discours dominants sur le sida au plan national. Bernard BARRERE affirme :

« la lutte contre le sida s’est organisée à partir de 1985 avec la création d’un Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS), bien que la sensibilisation ait commencé un an auparavant par une série de conférences à travers tout le pays » (EDS-1998).

Selon la décision n°0083/MSP/CAB du 23 novembre 2001 portant réorganisation de la lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles au Cameroun, le CNLS est chargé de :

• élaborer et mettre en œuvre la politique nationale de lutte contre le sida ;

• coordonner, harmoniser et veiller à la cohérence de l’ensemble des interventions des différents partenaires ;

• adopter les plans d’actions annuels de lutte et les budgets y afférents ;

• valider les plans d’action sectoriels de lutte contre le sida

• mobiliser les ressources nécessaires aux activités de lutte contre le vih/sida et les IST ;

• coordonner et suivre la mise en œuvre des activités des différents volets du Programme Multisectoriel de lutte contre le sida (PMLS) ;

• suivre la réalisation des plans d’action ;

• évaluer la mise en œuvre du PMLS Le CNLS se compose de :

• le Groupe Technique Central (GTC) qui en est l’organe exécutif.

• une commission Mixte de suivi chargée du contrôle et de l’évaluation du GTC ;

• les Comités Provinciaux qui sont des démembrements du CNLS au niveau des provinces ;

• des structures d’intervention décentralisées encore appelées comités locaux de lutte contre le sida. Ce sont des structures d’exécution des programmes du CNLS au niveau communal et des villages.

Le CNLS, en tant qu’organe d’exécution de la politique du ministère de la Santé publique dans le cadre de la lutte contre le sida, a un statut d’autorité publique. Il joue, comme le ministère de la Santé publique, le rôle de censeur.

Le ministère de la Santé publique et le CNLS apparaissent en définitive comme les principaux acteurs de la communication sur le sida au Cameroun. Les autres institutions se bornent à prendre en écho, les discours élaborés par les deux précédentes.

A.2- Les institutions publiques internationales

Le sida apparaît au Cameroun en 1984 à travers une sensibilisation menée par l’OMS. Les articles de Cameroon Tribune des années 1985 et 1986 le révèlent assez bien. Par la suite, le

relais au plan international est pris par l’ONUSIDA (Programme Commun des Nations Unies pour le Sida), l’UNICEF, l’UNESCO et le PNUD qui sont les principales institutions qui agissent dans la communication. Bien qu’intervenant dans le cadre général de la lutte contre le sida comme bailleurs de fonds, la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international ne vont pas faire l’objet d’une attention particulière dans ce chapitre. Par contre, y seront inclus, certaines missions diplomatiques telles que la coopération allemande (GTZ) qui s’est illustrée dans l’encadrement des personnes vivant avec le vih/sida (PVVS). L’OMS qui a eu à gérer la genèse du sida et l’ONUSIDA qui a, spécialement, été créée pour faire face à cette pandémie, bénéficieront d’un traitement particulier.

A.2.1- L’OMS

Bernard BARRERE (op.cit.) parle de la sensibilisation qui a commencé un an avant la

création du Comité national de lutte contre le sida c’est-à-dire en 1984. Cette sensibilisation est menée par l’OMS. Dans l’édition de Cameroon Tribune du 5 septembre 1985, l’article qui aborde le sida annonce en titre : le rôle de l’information est essentiel selon l’OMS. Dans l’article on peut lire :

« L’OMS recommande de ne pas prêter son rasoir ou sa brosse à dents et bien stériliser les aiguilles et seringues hypodermiques ».

A l’exception de quelques trois ou quatre, tous les articles de Cameroon Tribune des années 85-86 qui abordent la question du sida, se réfèrent à l’OMS. Il apparaît que l’organisation mondiale de la santé, outre le fait qu’elle était l’initiateur des différents séminaires organisés en Afrique, est l’acteur qui a le plus influencé la communication sur le sida au cours de cette période. L’OMS est l’acteur qui donnait l’avis et formulait des « recommandations ».

Pour comprendre l’importance du rôle de l’OMS, il est nécessaire de remonter à l’origine de la pandémie du sida. Selon un article retrouvé sur Internet et intitulé Le sida, oui, mais … il apparaît que tout est parti d’un jeune homme reçu en hospitalisation à l’hôpital universitaire de Los Angeles. Le problème c’est, comme l’affirme le texte : « Il lui manque la quasi-totalité des lymphocytes T4 ». Ce cas va intriguer le docteur Michael GOTTLIEB directeur de cet hôpital qui, aussitôt fait rechercher des cas similaires par ses médecins. Deux autres cas sont découverts et le point commun entre les trois c’est qu’ils sont homosexuels. Le docteur

Michael GOTTLIEB émet alors l’hypothèse qu’il doit s’agir d’une maladie sexuellement

GOTTLIEB saisit le centre mondial de surveillance épidémiologique. On peut lire dans le

texte :

« Rapidement, telle une traînée de poudre, la mobilisation se généralise. Partout les médecins du monde entier reçoivent l’ordre de chercher, des patients dont les symptômes correspondent à ce qui a été découvert c’est-à-dire pneumocystis carinii, sarcome de kaposi et lymphadenopathie ».

Cet historique explique l’importance du rôle joué par l’OMS comme structure spécialisée de l’ONU dans « la mobilisation » des médecins du monde entier. L’on comprend pourquoi tous les articles traitant du sida dans Cameroon Tribune au milieu des années 80 se réfèrent toujours à l’OMS qui apparaît ainsi comme la structure ou l’acteur qui aura posé les bases de la logique dominante du discours sur le sida au Cameroun. En effet, du rappel historique précédent, il apparaît que l’OMS n’a fait que répercuter « l’ordre » de rechercher et surtout de sensibiliser les médecins africains sur l’identification des symptômes présentés comme ceux du sida. Le discours dominant va donc emprunter premièrement le postulat que la nouvelle affection est une maladie transmissible par la voie sexuelle et par le sang (voie ajoutée après la découverte du 4e cas à Los Angeles, celui d’un toxicomane hétérosexuel). Deuxièmement, le discours dominant va identifier le sida par la déficience immunitaire (insuffisance de lymphocytes T4) et par les symptômes observés sur les cas de Los Angeles (Pneumonie et le Sarcome de Kaposi).

L’OMS a un double statut d’autorité publique internationale en tant qu’émanation de l’ONU et d’autorité scientifique puisqu’il s’agit d’un organe spécialisé, la spécialisation étant bâtie sur la base scientifique. C’est à ce double titre qu’elle s’est trouvée à l’initiative de l’organisation des séminaires de sensibilisation des professionnels africains de la santé sur le sida.

A.2.2- L’UNESCO

Après l’OMS qui s’est mise en première ligne dans l’information et la lutte contre le sida, l’Organisation des Nations Unies pour la Sciences et la Culture (l’UNESCO) apparaît comme la deuxième structure spécialisée des Nations Unies à s’engager dans la lutte contre le sida en Afrique. Son rôle apparaît pour la première fois dans Cameroon Tribune, dans l’édition n°3898 du 20 Juin 1987 sous le titre : SIDA : l’UNESCO et l’OMS en première ligne. Le rôle de l’UNESCO réapparaît dans un autre article intitulé : SIDA : La prévention, seul moyen efficace de lutte, publié le 12 Juillet 1987. Dans ce second article, il s’agit d’une réunion d’experts élargie aux ministres de l’Education et aux dirigeants des organisations de

planning familial ou d’association d’enfants. Le rôle de l’UNESCO se fera plus discret par la suite.

En tant qu’organe spécialisé des Nations Unies, l’UNESCO jouit d’un statut similaire à celui de l’OMS. Il s’agit d’un statut d’autorité publique internationale dans la mesure où elle est, au plan politique, constituée des ministres chargés de l’Education, de la Sciences et de la Culture qui sont des autorités publiques. Par ailleurs, l’UNESCO dispose des experts qui sont dans son domaine de compétence, des autorités scientifiques. De la sorte, l’UNESCO peut instruire, conseiller, convoquer ou organiser des activités de manière crédible. Par rapport à la lutte contre le sida au Cameroun, l’UNESCO est un partenaire officiel du CNLS.

A.2.3- ONUSIDA

ONUSIDA a pris le relais du travail entamé par l’OMS. Dans cette perspective, le programme commun des Nations Unies sur le sida produit des statistiques sur l’épidémiologie du sida dans le monde, analyse les stratégies abordées pays par pays et rend compte de l’état d’avancement de la recherche, du moins celle des chercheurs dominants. Ces bilans, dressés aussi bien sur le plan de l’épidémiologie que sur l’état de la recherche, véhiculent une logique bien précise. Le rapport 2004 par exemple avance en page 13 :

« Sa propagation rapide, son étendue et la gravité de son impact font de l’épidémie de sida un phénomène unique dans l’histoire de l’humanité. Depuis le premier cas diagnostiqué en 1981, le monde a lutté pour en maîtriser les aspects les plus frappants. Les premières tentatives de riposte ont été fragmentaires, établies au coup par coup, avec des ressources incroyablement faibles ; rares ont été les communautés qui ont reconnu alors le danger à venir et plus encore plus rares celles qui sont parvenues à mettre sur pied une riposte efficace ».

Il apparaît à travers cette citation que le sida est une dangereuse épidémie qui envahit le monde entier et que personne ne parvient à stopper. L’échec de la maîtrise du sida pour l’ONUSIDA est dû aux mauvaises stratégies mises au point dans différents pays. Plus bas, l’article affirme :

« Nous savons maintenant que les approches de prévention intégrées apportent les meilleurs résultats. Un leadership national qui n’a pas froid aux yeux, une prise de conscience étendue au sein du public et des efforts de prévention intensifs auront permis à des nations entières de diminuer la transmission du VIH. ».

Ces deux citations permettent de retrouver les axes majeurs du discours dominant sur le sida. Il s’agit de la description de la rapide expansion d’une dangereuse maladie qui se transmet par le VIH. L’incapacité « des nations » à stopper l’épidémie résulte de leur incapacité à faire

prendre conscience aux citoyens des risques encourus par rapport aux modes de transmission du virus responsable de l’épidémie. L’article ne revient plus sur les modes de transmission du virus. Toutefois, un accent est mis dans la suite du texte, sur le traitement (les antirétroviraux) devenu plus efficace et donc capable de « Prolonger la vie et réduire l’impact physique de l’infection ». L’ONUSIDA, comme l’OMS dont elle a pris le relais dans la lutte contre le sida au niveau des Nations Unies, a un double statut de l’autorité publique internationale et d’autorité scientifique. Cette autorité se trouve renforcée par une spécialisation plus pointue que celle de l’OMS. En effet, alors que l’OMS s’occupe des questions de santé en général, l’ONUSIDA n’est focalisée que sur le sida, son autorité scientifique s’en trouve renforcée. En effet, dans la logique scientifique, la spécialisation confère la présomption de maîtrise et d’efficacité.

A.2.4- Les autres organes spécialisés des Nations