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La présence chrétienne au Cameroun est concomitante au phénomène colonial. Suivant les actes administratifs de reconnaissance, la Native Church of the Cameroons (Lettre n°2315/7 du 15 mai 1952) apparaît comme la plus ancienne. Par décret n°98/047 du 27 mars 1998, elle sera rebaptisée The Native Church of the Cameroons. L’Eglise Pentecôtiste Chrétienne du Cameroun (Décret n°98/359 du 29 décembre 1998 est, dans ce même ordre de référence, la plus jeune. Elle rentre dans le type des Eglises dites de réveil. Celles-ci sont apparues bien après les Eglises Protestantes et les Eglises Catholiques (romaine et orthodoxe). Notre objectif n’étant pas une étude des Eglises, nous allons regrouper celles qui, par rapport au sida développent des discours similaires. Nous distinguerons ainsi l’Eglise Catholique, les Eglises Protestantes, les Eglises de réveil et la Foi bahaïe. La foi bahaïe n’est pas en réalité une Eglise chrétienne. Elle se distingue à la fois du christianisme et de l’Islam à la fois par sa théorie et par son organisation.

- L’Eglise Catholique Romaine

Au Cameroun coexistent l’Eglise Catholique Romaine et l’Eglise Catholique Orthodoxe. Toutefois, du fait de la très faible représentation sociale de l’Eglise Orthodoxe, nous ne nous intéresserons qu’à l’Eglise Catholique Romaine qui apparaît comme l’Eglise chrétienne la

plus répandue (elle couvre l’ensemble du territoire camerounais). Elle est reconnue au Cameroun par la Décision n°16/ATF/APA/2 du 20 février 1962 sous la domination de Mission Catholique Romaine. Elle a bénéficié de l’appui de l’Administration française pour s’implanter dans l’ensemble du pays d’où la relativité de son importance dans la zone anglophone où elle n’est toutefois pas absente. Elle y est bien moins importante que les Eglises protestantes et celles dites de Réveil.

Contrairement aux Eglises Protestantes dont l’organisation est calquée sur les modèles fédéral et parlementaire d’une part et aux Eglises de réveil plus autonomistes et organisées sous l’autorité d’un Apôtre d’autre part, l’Eglise Catholique Romaine est une confession très hiérarchisée. Elle est bâtie sous le modèle monarchique tout au moins au niveau de chaque archidiocèse qui est une sorte de province ecclésiale, la coordination au niveau national étant assurée par le conseil des Evêques (conseil épiscopal). Ce type d’organisation facilite le processus d’information dans la mesure où il n’y a pas une diversité de sources en amont. Ce que l’Evêque a dit ne souffre pas de grande contestation. Les instances en dessous se chargent de répercuter les instructions de la hiérarchie.

L’Eglise Catholique Romaine jouit d’une autorité morale très forte au Cameroun, une autorité qui pourrait s’expliquer à la fois par son inscription dans le registre général de la foi qui est comme l’affirme Saint Paul : « … une ferme assurance des choses qu’on espère, une

démonstration de celle qu’on ne voit pas. » Hébreux 11 : 1. Il apparaît, à la lumière de cette

citation, que la foi ne demande pas de vérification ; elle ne laisse pas la place au moindre doute. Il s’agit-là d’une prédisposition des adeptes à l’obéissance sans réserve à tous ceux qui sont supposés représenter l’ordre divin. Par ailleurs, l’organisation de type féodal de l’Eglise Catholique Romaine laisse peu de place au débat dans le choix des options de l’Eglise, du moins au niveau des membres, ce qui confine ces derniers dans une posture d’obéissance et renforce l’autorité cléricale.

Le clergé dans l’Eglise Catholique Romaine jouit de manière presqu’exclusive, de la compétence théologique qui, elle-même, suppose une compétence spirituelle. En effet, parce que le prêtre ou l’évêque est seul à maîtriser les écrits sacrés (la Bible) il apparaît comme le seul compétent à connaître la volonté divine. Il s’en dégage un rôle d’intermédiaire entre les ouailles et Dieu, un rôle qui renforce l’autorité cléricale.

Au total, il apparaît que l’Eglise Catholique Romaine est un acteur fortement implanté au Cameroun, jouissant d’une autorité morale et d’une compétence spirituelle. Cette présence,

cette autorité morale et cette compétence spirituelle en font un acteur influent dans la communication sociale sur le sida au Cameroun.

- Les Eglises Protestantes

Nous avons rassemblé sous la désignation d’Eglises Protestantes un ensemble hétéroclite de confessions religieuses différentes dans leurs dénominations, dans leur théologie et dans leur organisation structurelle. Entre l’Eglise Adventiste du Septième Jour qui célèbre ses cultes le samedi et baptise ses adeptes par immersion il n’y a pas de ressemblance avec l’Eglise Presbytérienne camerounaise (EPC), l’Eglise Presbytérienne camerounaise Orthodoxe (EPCO), l’Eglise Evangélique Luthérienne du Cameroun et autres. Dans le fond, en dépit de leurs apparences, ces différentes confessions laissent se profiler en toile de fond une image commune par rapport à la communication sociale sur le sida au Cameroun.

Au point de vue de leur personnalité, les Eglises Protestantes sont structurées par rapport au système fédéral et au modèle parlementaire. Ainsi, les Eglises locales qui sont des unités primaires jouissent d’une certaine autonomie. Cette autonomie est plus marquée dans certaines confessions (EPC) que dans d’autres comme Eglise Adventiste du Septième Jour par exemple. Les Eglises locales fédèrent pour constituer une instance supérieure qui est appelée Fédération ou Association pour l’Eglise Adventiste du Septième Jour et Synode pour les Eglises Presbytériennes. Cette instance jouit d’une autonomie beaucoup plus forte que celle des Eglises locales.

Les décisions sont prises en assemblée et par voie électorale aussi bien au niveau local qu’à toutes les instances supérieures. Les électeurs sont les délégués (laïcs ou cléricaux) des instances inférieures. Toutefois, il existe, au niveau national ou mondial, une coordination qui fixe les grandes lignes qui font office de loi fondamentale pour ces Eglises. Cette coordination mondiale est elle-même constituée par les délégués venant des différents territoires.

Il apparaît à travers ce type d’organisation que les Eglises Protestantes, contrairement à l’Eglise Catholique Romaine, sont plus ouvertes au débat. Il en résulte que l’autorité cléricale dans ces Eglises est moins forte. De même, parce que les laïcs sont fortement impliqués dans la conduite aussi bien des affaires managériales que spirituelles (chez les Adventistes du Septième Jour, l’Ancien d’Eglise (laïc) peut diriger une Eglise locale, administrer le baptême et la sainte cène, et prêcher comme le pasteur), ils arrivent à influencer la perception générale des problèmes sociaux dont fait partie le sida.

Malgré la relativisation de leur autorité cléricale, l’action des Eglises Protestantes reste, elles aussi, inscrite dans le champ de la foi. En conséquence, ce qui est dit autant par les pasteurs que par les laïcs (Anciens d’Eglise et Diacres) qui d’ailleurs font partie du clergé, a une grande force de persuasion. Cette force de persuasion vient de la compétence spirituelle que leur accordent les membres.

Bien qu’individuellement les Eglises Protestantes ne soient pas aussi présentes sur l’ensemble du territoire national que l’Eglise Catholique Romaine, il n’en demeure pas moins vrai que, prises dans leur ensemble, elles sont fortement représentées. En tant que tel, les Eglises Protestantes sont des acteurs de la communication sociale aussi importants que l’Eglise catholique Romaine, jouissant d’une autorité morale, d’une compétence spirituelle. Elles sont présentes sur tout le territoire national.

- Les Eglises de Réveil

Par rapport aux Eglises Catholique Romaine et protestantes, les Eglises dites de Réveil sont d’apparition récente au Cameroun. La plus ancienne, la Full Gospel Mission (Mission du Plein Evangile) est reconnu en 1969 (Décret n°69/DF/246 du 26 avril 1969) avec pour siège Muyuka dans la zone anglophone du Sud Ouest. A l’image de cette pionnière les quinze autres dénominations officiellement reconnues, se sont implantées entre 1969 et 1998. Huit, soit 50% de ces Eglises sont basées dans la zone anglophone. Ce constat permet de déceler un rapport avec le monde anglo-saxon. En effet, si on ajoute aux chiffres précédents les dénominations en anglais basées essentiellement à Yaoundé la capitale, on comptabilise 62,5% du total orientées vers la population anglophone. Ce rapport pourrait d’ailleurs être porté à 75% si on y inclut celles des dénominations qui se sont présentées en anglais mais reconnues administrativement dans la version française. Il en est ainsi de la Voie au Cameroun (The Way) et l’Eglise Néo-Apostolique du Cameroun (the Neo Apostolic Church). Au plan de l’organisation structurelle, les Eglises de réveil sont de type autonomistes, chacune étant constituée autour d’un guide, un apôtre. Malgré cette organisation, les Eglises de réveil gagnent rapidement du terrain. Leur force de pénétration est surtout due aux actions de « délivrance » qu’elles entreprennent dans leur évangélisation. Toute la vie active est, selon elles, régie par les esprits (les démons d’une part et le Saint Esprit d’autre part). Cette logique, dans un environnement culturel qui explique la vie par la sorcellerie semble mieux correspondre aux attentes du public que celle des Eglises Catholiques et Protestantes qui elles, tendent à minimiser le phénomène de la sorcellerie à défaut de le nier. Sans pour autant

égaler les Eglises Protestantes ou l’Eglise Catholique Romaine, les Eglises de réveil apparaissent comme d’importants acteurs de la communication sociale au Cameroun.

Par rapport à l’influence qu’elles exercent sur les membres, celle-ci apparaît un peut plus forte que celle exercée par l’Eglise Catholique Romaine ou les Eglises Protestantes. En effet, parce que la plupart des adeptes y entrent à travers ce qui est considéré comme un acte de délivrance (exorcisme) ils ne se sentent protégés que dans cet environnement qui les a « délivrés ». Nombre de ménages se sont disloqués au Cameroun parce que l’époux qui a adhéré à l’une de ces Eglises n’a pas été suivi par l’autre et ou par les enfants. Ceux qui résistent sont aussitôt qualifiés par la nouvelle communauté (l’Eglise) comme des démons dont le néophyte doit se défaire, au risque de perdre sa vie spirituelle. L’impact sur les familles n’est pas le seul aspect de l’influence des Eglises de réveil sur leurs adeptes. Ces derniers s’identifient très facilement dans la société par leur tendance presqu’instinctive à tout expliquer par rapport à la Bible. Ils ont développé une phraséologie caractéristique. Ils s’exclament par « Gloire à Dieu ! » ou « Alléluia ! » quand ils acquiescent un propos. Ils désignent les voisins par l’expression « Bien aimé ». Ils condamnent les cultures locales qu’ils entendent substituer par « la Bible » considérée pour eux comme une culture. D’ailleurs, ils parlent eux-mêmes de « traditions du monde » pour dire culture qu’il faut abandonner et ne suivre que la Bible.

Les Eglises du réveil affichent leur hostilité face au péché. La condamnation de l’adultère et la fornication semblent occuper une place majeure dans leur option de sanctification de la vie terrestre. Par ailleurs, les Eglises de réveil pensent que tous les problèmes y compris les problèmes de santé, peuvent se résoudre par la prière et elles tendent à minimiser les solutions non spirituelles dont la médecine. Certaines, telle la vraie Eglise de Dieu, condamnent les soins médicaux et prononcent des prières de délivrance pour la guérison de leurs membres. Ces choix idéologiques sont dignes d’intérêt dans l’analyse de la formation de leurs discours sur le sida.