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Les limites et lacunes de la méthodologie privilégiée

Chapitre 3 : Démarche méthodologique

3.6 Les limites et lacunes de la méthodologie privilégiée

À l’instar de toute démarche de recherche, l’analyse documentaire, comme toute autre technique, comporte des limites évidentes. Même si de nombreuses précautions ont été prises en vue d’assurer la rigueur scientifique de la présente étude, il n’a pas été possible de contrôler tous les biais qui peuvent avoir influencé la nature ou l’analyse des données colligées. Nous avons identifié cinq limites. Comme nous étudions un phénomène en construction, la première limite de cette étude se situe sur le plan de la sélection des données documentaires. Même si des efforts considérables ont été déployés pour assurer une diversité des discours sur la problématisation de la « cyberdépendance » autant par la sélection des mots clés que par la multiplicité de

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sources documentaires utilisées lors de notre recherche, il n’en demeure pas moins que malgré ces précautions peu de discours minoritaires ont émergé de cette recherche documentaire. Par ailleurs, tout en nous assurant de cette diversité des sources, nous avons dû faire face à une deuxième limite méthodologique soit celle de l’exhaustivité du matériel empirique. Tel que nous l’avons mentionné plus haut, nous avons recueilli plus de 2838 pages lors de notre collecte de données; et de plus, l’analyse et l’interprétation de ces données nous ont donné plus de 400 pages d’analyse, mais nous avons été dans l’obligation de faire des choix méthodologiques en retranchant près de la moitié du contenu de ces analyses pour ensuite tenter de les circonscrire au maximum pour en dégager l’essentiel. Nous nous sommes tout de même assurées que cette opération de retranchement ne vienne altérer en rien nos résultats analytiques.

De plus, une troisième limite observée concerne le petit nombre de documents recueillis, en provenance du reste du Canada, traitant de la problématique à l’étude. Nous présumons qu’il existerait peu de documentation sur le sujet de notre étude dans le reste du Canada. Dans un premier temps, une bibliothécaire expérimentée est venue confirmer notre soupçon à savoir que la documentation dans le reste du Canada sur ce sujet est presque inexistante et que cela n’était pas attribuable à nos techniques de recherche. Dans un deuxième temps, lors d’une formation suivie sur la « cyberdépendance » et offerte par la psychologue, chercheuse et professeure à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke Magali Dufour (mars 2012), nous avons observé qu’elle abondait dans le même sens et arrivait à la même conclusion que nous.

La quatrième limite de notre méthodologie se situe au niveau du choix d’analyser des données documentaires. Si l’analyse documentaire élimine, en partie, la dimension de l’influence qu’exercerait la présence ou l’intervention du chercheur (difficilement mesurable), sur le sujet, il n’en demeure pas moins que le document constitue un instrument dont le chercheur n’est pas maitre (Cellard, 1997, p. 252). L’information circule en sens unique, le document est peu bavard. Le chercheur ne

73 peut exiger de lui des précisions supplémentaires. Le chercheur doit s’assurer de comprendre adéquatement le sens du message et il lui faudra parfois se contenter de ce qu’il a en main : des fragments, des passages difficiles à interpréter, un article rempli de termes et de concepts mal définis, etc. (Cellard, 1997, p. 252). C’est donc en raison de ces limites importantes que nous avons pris un certain nombre de précautions lors de l’analyse des documents. Tout d’abord, une lecture répétée du matériel a été effectuée afin d’y faire émerger les liens entre les faits construits et les éléments d’information qui semblaient de prime abord étrangers les uns aux autres (Deslauriers, 1991, p. 79). Une réflexion approfondie et une maturation de certaines idées ou suppositions ont mené à la construction d’explications plausibles et à la capacité d’explorer plusieurs pistes théoriques, et ce, en ne négligeant pas les remises en question. Afin d’alimenter notre réflexion, nous avons opté pour l’utilisation d’un journal de bord (ou carnet de recherche) pour y consigner les observations, les réflexions et les interrogations, et ce, tout au long de la collecte, de l’analyse et de l’interprétation des données. D’ailleurs, pour Deum (2004), le journal de bord constitue un support d’information qui a une portée à la fois rétroactive et proactive. En plus du soutien constant de la directrice de thèse, nous avons eu à maintes reprises des discussions avec d’autres personnes externes en vue d’obtenir un point de vue aussi global que diversifié.

Finalement, la cinquième et dernière limite méthodologique concerne les documents médiatiques. Le nombre élevé d’articles de la presse écrite (290) et les incalculables heures d’écoute ou de visualisation des documents audios et audiovisuels (312 minutes) recueillis dans notre corpus nous ont forcées à faire des choix afin de circonscrire notre analyse. À l’instar de Champagne (décembre 1991), nous reconnaissons l’existence de profondes différences dans le mode de traitement de l’information selon les types de médias et les publics visés; les journalistes ne travaillent pas de la même manière que ceux du secteur audio, audiovisuel ou du Web. Or dans cette étude, il nous a été impossible d’exploiter à son maximum la richesse de chaque plateforme médiatique. En revanche, il aurait été intéressant d’analyser même l’aspect graphique (images retenues par les médias) pour imager

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leurs représentations sociales dudit problème à l’étude. Mais même si les images exercent un effet d’évidence très puissant, les discours exercent autant de puissance que l’image si on sait les faire parler. D’autre part, dès le départ nous avions cru que les discours seraient différents selon l’allégeance politique ou idéologique des médias. Or, nous avons été surprises d’y constater bien peu de ressemblances, nous avons donc décidé de laisser tomber la comparaison. Il est certain qu’une analyse plus approfondie des données médiatiques aurait pu apporter, certes, un éclairage plus exhaustif; toutefois, nous tenons à rappeler que l’objectif de cette étude n’était pas d’analyser uniquement la construction médiatique de la « cyberdépendance », mais de tenir compte aussi des deux autres arènes publiques qu’on savait tout aussi importantes et influentes dans la construction sociale de la « cyberdépendance » au Québec et au Canada.

Ces quelques précisions méthodologiques étant maintenant faites, nous sommes dès lors, en mesure de passer à la présentation et à l’analyse des données recueillies dans les quatre prochains chapitres.

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