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Chapitre 3 : Démarche méthodologique

3.4 Analyse des données

D’entrée de jeu, nous sommes conscientes qu’il n’existe pas de méthode d’analyse qui soit supérieure à d’autres. Cependant, nous jugeons que certaines méthodes d’analyse sont plus utiles pour circonscrire le phénomène que nous cherchons à comprendre. En fait, les caractéristiques de notre sujet d’étude et les objectifs spécifiques que nous avons retenus dans le cadre de cette recherche doctorale nous ont fait opter pour l’analyse de contenu. À notre avis, elle constituait la méthode la plus appropriée pour l’examen de données documentaires. Cette méthode permet de sélectionner et d’interroger, de façon détaillée, certaines informations non directement perceptibles lors d’une première lecture du matériel recueilli. De plus, ce type d’analyse scientifique nous a permis de faire ressortir, certes, le contenu manifeste de ce qui a été ouvertement écrit, mais également le non- dit, l’« au-delà » (Mucchielli, 1979, cité dans Mayer et Ouellet, 1991, p. 480). Il y a toujours un contenu latent qui se cache derrière les mots et les phrases écrites, nous rappelle Cellard (1997), mais au premier abord, même si un document semble peu bavard, demeurant même sourd face aux interrogations supplémentaires du chercheur, il faut savoir le décoder, aller voir sous et derrière les mots. Mais, attention, c’est dans ce côté souterrain que ce type d’analyse laisse souvent place à une part d’appréciation intuitive de la part du chercheur (Loubet del Bayle, 1986), il faut donc éviter de tomber dans le piège de l’interprétation pure et simple. À cet effet, Van Campenhoudt et Quivy (2006, 2011) attirent notre attention sur le recul nécessaire que doit prendre le chercheur, concernant son analyse de contenu afin d’éviter les interprétations trop spontanées des autres et en particulier, les siennes. Mucchielli (2006) abonde dans le même sens; pour lui, « la perception des informations est filtrée, amputée, déformée par toute une série de sélections et d’interprétations […] et au bout du compte, une analyse de contenu vaut ce que valent ses catégories » (p. 17). Nous savons que l’idéal serait de ne pas utiliser ses propres repères idéologiques ou normatifs pour juger ceux des autres, mais qu’il faudrait plutôt bien les analyser à partir de critères précis, nous en avons tenu compte (Van Campenhoudt et Quivy, 2006, 2011).

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Les méthodes d’analyse de contenu peuvent prendre trois formes différentes — structurales, formelles, thématiques — selon que l’étude porte principalement sur des faits, des concepts ou des unités sémantiques. L’analyse structurale s’intéresse surtout à la manière dont les éléments du message sont agencés, de façon à y déceler les aspects sous-jacents et implicites du message. L’analyse formelle s’attache surtout à étudier des concepts décrits formellement; il faut pour cette forme d’analyse, au départ, que les concepts et le contexte soient complètement définis parce que l’analyse s’arrête sur la forme et l’enchainement du discours déjà conçu. Finalement, l’analyse thématique vise à repérer des thèmes, des unités sémantiques, peu importe si elles portent un jugement, une connotation affective ou tout simplement une information. L’idée est de repérer ces thèmes et de les catégoriser. Cette méthode permet de mettre en lumière les représentations sociales des locuteurs de même que leurs jugements à partir de certains éléments constitutifs du discours; c’est exactement un des buts de notre recherche. Comme on peut le voir, les trois variations sont très différentes les unes des autres et ne sont pas interchangeables (Paillé et Mucchielli, 2003; Van Campenhoudt et Quivy, 2006, 2011).

Parmi ces trois types d’analyse de contenu, deux nous ont semblé adéquates pour répondre à nos objectifs de départ : l’analyse thématique et l’analyse structurale. L’analyse thématique a deux fonctions principales : une fonction de repérage et une fonction de catégorisation des documentations (Paillé et Mucchielli, 2003). Le repérage a permis de relever tous les thèmes pertinents, en lien avec les objectifs de notre recherche, de les présenter et de les valider. La deuxième fonction est allée plus loin : elle consistait en la capacité de documenter et de faire ressortir l’importance de certains thèmes. Ainsi, elle a permis de relever les cooccurrences et de dégager les associations entre les différents thèmes tout en informant, en conséquence, sur les structures mentales et idéologiques des différents acteurs sociaux impliqués dans la construction sociale de la « cyberdépendance » au Québec et au Canada. Pour notre étude, l’analyse de type structural a permis spécifiquement : d’étudier un phénomène social, celui de la « cyberdépendance »; de s’intéresser à des discours; d’agencer les éléments de leurs messages; et, par la suite, d’y déceler les aspects sous-jacents et

69 implicites pour ensuite en extraire un message plus dominant. Par cette méthode, on cherche, habituellement, à repérer, à comprendre et à expliquer un processus en état de changement, c’est le cas pour notre étude. Ce ne sont pas les faits en eux-mêmes qui étaient importants, mais bien la manière dont ils ont été perçus et interprétés. En somme, on pourrait dire, plus spécifiquement, que nous avons effectué une analyse de contenu directe parce qu’elle consistait à interpréter le sens de certains éléments du discours (stratégies, intérêts, enjeux), à expliquer leurs fréquences et à déchiffrer leurs agencements, et ce, dans le but de saisir l’état d’esprit des acteurs, leurs intentions, leurs représentations, leurs stratégies et les enjeux qui les animent (Aktouf, 1987).

Notre matériel empirique a été soumis à la méthode d’analyse de contenu dite « classique » (Bardin, 2007; Loubet del Bayle, 2000; Miller et Crabtree, 1999). Notre protocole d’analyse comportait trois étapes : la codification, le traitement et l’analyse du matériel, et l’interprétation. Tout d’abord, la première étape fut la codification (construction de l’arbre des thèmes), ce qui a permis de définir des catégories générales et spécifiques inspirées des thèses de la construction des problèmes sociaux. Ainsi, pour chacune des arènes à l’étude nous avons retenu quatre grands thèmes principaux : les acteurs, les discours, les enjeux et les stratégies de légitimation; ces thèmes ont servi de base à notre analyse. La deuxième étape consistait à l’exploitation du matériel, c’est-à-dire à traiter ledit matériel. Précisons que tout au long de l’étape de codification, notre arbre s’est construit progressivement. Ainsi, à partir des interactions des données recueillies et de notre analyse, nous avons procédé à des fusions, des subdivisions, des regroupements pour que cet arbre se parachève à la toute fin de l’analyse du corpus. La troisième et dernière étape de notre protocole d’analyse fut l’interprétation des données recueillies. Étant donné le caractère itératif et rétroactif de la recherche qualitative, cela nous a permis, en cours de route, de revenir sur les étapes précédentes (ex. : encodage, catégorisation, etc.) (Deslauriers et Kérisit, 1997; Mucchielli, 2005).

Sur un plan plus technique, notre choix s’est arrêté sur le traitement informatique des données en utilisant le logiciel d’analyse de données qualitatives

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NVivo (version 10). Ce logiciel est conçu pour aider les chercheurs dans la gestion de différentes sources de données et il aura rendu possibles l’organisation et l’analyse en profondeur du matériel empirique recueilli pour cette étude.