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Les inhumations en enveloppe souple

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 154-166)

ARCHÉOLOGIQUE DU XIII e AU XVIII e SIÈCLE

4.1 Le monde des morts et son évolution

4.1.3 Pratiques funéraires

4.1.3.5 Les inhumations en enveloppe souple

Les inhumations en enveloppe souple comprennent aussi bien les sujets inhumés dans des linceuls que ceux enterrés habillés. La distinction entre ces deux modes de dépôts n’est pas toujours facile et ce sont les contraintes observées sur les articulations et la présence d’épingles notamment qui ont permis la détermination. Par contre, le sens et la portée symbolique de ces deux traitements funéraires sont différents. Si pour le premier, le corps est caché dans une toile et permet son transport depuis son domicile jusqu’au cimetière sur un brancard puis sa mise en terre, les inhumations habillées sont par contre souvent associées à un autre contenant (cercueil). Le linceul peut en effet à la fois cacher le mort et le protéger, il constitue un « vêtement » funéraire à part entière, empreint d’humilité. À l’opposé, l’inhumation habillée permet d’assoir les différences sociales au delà de la mort, le défunt peut ainsi être paré de ses plus beaux habits (Croix 1981, 956 ; Alexandre-Bidon 1993, 183 et 195) ou de vêtements et accessoires liturgiques.

Les linceuls

Les inhumations en linceul ont été repérées grâce à des phénomènes d’effets de contraintes, de compressions sur le squelette dans la tombe non liées au creusement de la fosse ou à un éventuel contenant (conclusion de l’étude taphonomique) et à la présence matérielle d’épingles autour du corps (fig. 92) (Bonnabel, Carré 1996 ; Duday 2005). Si les linceuls peuvent être cousus ou noués (Alexandre-Bidon 1993, 202), c’est la présence de ces épingles dites « de linceul » qui est surtout notée parmi les sources archéologiques même si elles peuvent également servir au maintien de certaines pièces vestimentaires (coiffes, manches mobiles) (Labaune-Jean 2016 ; Labaune et al. 2017). Les épingles de linceuls et ferrets ont été localisés par individu et par segments anatomiques à la fouille124.

169 individus ont été inhumés de façon certaine dans des linceuls sur l’ensemble du site auxquels s'ajoutent 72 autres cas probables, soit un total de 241 individus (241/605, soit 39,8 %) (annexe 4.9). Les 72 individus inhumés dans des « linceuls probables » se caractérisent par de plus faibles assemblages d’épingles, 23 n’en ont d’ailleurs aucune (fig. 93). Parmi ces squelettes, 31 ne présentent pas d’épingles au contact des ossements (31/241 soit 12,8 % des inhumations en linceul). Les 1399 épingles / ferrets dénombrés et localisés ont donc été retrouvés autour de 210 individus. La moitié de ces objets a été collectée au niveau du tronc (694/1399, soit 49,6 %), 28,9 % au niveau des membres inférieurs (404/1399), 19,9 % à la tête (278/1399) et 1,6 % sans localisation précise (23/1399) (fig. 94). La moitié des individus en linceul avaient des épingles au niveau du tronc (105/210), 64,8 % au niveau des membres inférieurs (136/210) et 56,2 % au niveau du crâne (118/210). L’enregistrement des épingles a permis de déterminer quatre types de

124 La localisation est notée sur les relevés photographiques et schémas de conservation de terrain puis a été enregistrée dans la base de données selon trois grandes zones morphologiques (tête, tronc, membres inférieurs).

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montages de linceuls à partir de l’étude d’une trentaine d’entre eux : épinglé au milieu, devant, épinglé sur le côté, épinglé autour du corps et sans épingle (linceul cousu, noué ou ficelé). Cette variété dans l’emmaillotement des corps est confirmée par des sources iconographiques (Alexandre-Bidon 1993 ; Alexandre-Bidon 1996 ; Prigent, Hunot 1996, 83) et mise en évidence de façon incontestable en archéologie quand les éléments en textile sont conservés (collectif 1992 ; Hadjouis et al. 2008 ; Colleter et al. 2017a).

Figure 92 : Relevé spatial des épingles de linceul (en vert) et des clous de cercueil (en rouge) sur le corps de la sépulture 1191

Figure 93 : Distribution des sujets enfardelés selon le nombre d’épingles retrouvés au contact des corps.

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Figure 94 : Diagramme cumulé de la répartition des épingles selon leur localisation anatomique sur les corps inhumés en linceul (probable et certain).

Les individus parés de linceul proviennent majoritairement et de façon significative de la dernière phase d’inhumation125, cela concerne près de la moitié des sujets (218/456, soit 47,8 %) contre 16,8 % des effectifs de la seconde période (23/137) (annexe 4.9). Les sujets du groupe A sont significativement plus parés de linceul avec 53 % de son effectif (163/319)126 contrairement aux individus du groupe D, significativement moins enfardelés127 (fig. 95). À l’intérieur du groupe B, la présence de linceul est aussi fréquente chez les sujets inhumés dans la nef de l’église (B’) (45/113, soit 39,9 %) que chez les autres (B’’ : 14/75 soit 18,7 %).

Les sujets inhumés dans le chapitre, bien qu’enterrés préférentiellement en pleine terre sont peu concernés par l’utilisation de linceul (15/66 soit 22,7 %). Le profil biologique de ces individus se compose de 41 individus immatures et 200 adultes (de plus de 20 ans) répartis entre 77 hommes et 65 femmes. Si ce mode d’inhumation n’est pas corrélé statistiquement à l’âge au décès128, il l’est par contre au genre où les femmes sont significativement plus enfardelées que les hommes avec 57,5 % de leurs effectifs (65/113) contre 37,7 % de l’effectif masculin (77/204)129.

Topographiquement, ces sujets se concentrent dans les bâtiments et sont surtout présents à la phase 3. Ils sont plus nombreux dans les chapelles Notre-Dame et Saint-Joseph que dans la nef ou le chœur de l’église (fig. 96).

125 Différence statistique significative entre la phase 2 et 3 au seuil p = 6,55e-06 (khi² d’indépendance = 20,32) et entre la phase 1 et 3 au seuil de p = 0,01216 (test exact de Fisher).

126 Différence statistique significative entre le groupe A et B au seuil p = 0,005822 (khi² d’indépendance = 7,6046), entre A et C au seuil p = 0,006145 (khi² d’indépendance = 7,5072) et entre A et D au seuil p = 0,004927 (khi² d’indépendance = 7,9059).

127 Différence statistique significative entre le groupe B et D au seuil p = 0,08517 (khi² d’indépendance = 2,9633).

128 Différence statistique significative entre les adultes et sujets de moins de 20 ans au seuil p = 0,7278 (khi² d’indépendance = 0,1211).

129 Différence statistique significative entre les hommes et les femmes ans au seuil p = 0,03955 (khi² d’indépendance = 4,2372).

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Figure 95 : Distribution des sujets en linceul par phase et par groupe et liens statistiques significatifs.

Figure 96 : Carte heat map de répartition des phases 2 et 3 et ensemble des sépultures en linceul (probable et certain).

L’architecture des tombes de ces individus a pu être restituée pour la majorité d’entre elles (219 cas déterminés) : 157 de ces corps proviennent de cercueils dont 3 en plomb130 et 62 de fosses en pleine terre.

Les sujets inhumés directement dans des fosses sont proportionnellement moins concernés par l’usage de linceul (34,8 % des cas) que ceux provenant de cercueils (51,3 % des effectifs)131. Le port de linceul ne se substitut donc pas à l’usage du cercueil (Lorans 2000, 183). Si les motivations apparaissent d’un autre ordre que la seule volonté de transporter le corps caché (mesure hygiéniste), la multiplication des couches autour du corps renforce l’idée que les vivants veulent enfermer les cadavres dans leurs tombes. Doit-on y voir les

130 L’individu de la sépulture 1013 et nous avons pris en compte les deux cœurs emmaillotés dans des tissus cousus à la manière de linceul dans les cardiotaphes 63740 et 80453-2.

131 Différence statistique significative entre les sujets enfardelés inhumés en fosse (62/187) et en cercueil (157/306) au seuil p = 0,02835 (khi² d’indépendance = 4,8067).

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résultats de la Réforme avec la progression d’inhumation en cercueil à partir du XVIe siècle, pratique qui ne remplacerait donc pas celles plus anciennes de l’enfardelage. « On enferme le mort plus précisément qu’auparavant » (Vovelle 2000, 229), surtout celui provenant de milieu favorisé132.

Le cas de la sépulture de Louis Bruslon de la chapelle du collège Saint-Thomas

La préservation des éléments en textile est rare en archéologie. La découverte du cercueil en plomb bien conservé provenant de la chapelle du collège jésuite Saint-Thomas à 1 km du couvent, permet d’apporter des précisions sur la mise en place des linceuls. En effet, deux linceuls superposés parent le corps dont le dernier (linceul 1) est maintenu par une corde raboutée de 3,78 m de longueur totale (fig. 97). Ce linceul

132 Différence statistique significative entre les sujets à la fois inhumés dans des linceuls et cercueils du groupe A (124/203) et ceux du groupe B (31/100) au seuil p = 0,00357 (khi² d’indépendance = 8,4904).

Figure 97 : Corps paré dans son linceul avant étude. A : Photo et localisation des nœuds de la corde, les nœuds terminaux sont les n°1 et 3 ; B : Dessin de montage du linceul 1 et localisation restituée des épingles de linceul ; C : Dessin de montage du linceul 2 avec ses trois liens d’attache et la cordelette de maintien autour du cou (C1 : lien 9 ; C2 et C3 : lien 8 ; C4 : lien 7) ; D : Dessin des nœuds de la corde du linceul 1 (Rozenn Colleter, Patrice Gérard).

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supérieur a dans un premier temps été maintenu par six épingles (quatre au niveau des membres inférieurs et deux sur l’abdomen à gauche et au centre) puis ficelé par la corde. Celle-ci est d’abord placée à l’arrière des genoux, puis nouée sur elle-même par un demi-nœud à son extrémité sur la face antérieure (nœud 1).

Le lien remonte ensuite sur les cuisses où il fait un tour dextre complet puis une boucle sur la partie antérieure du corps (nœud 2) avant de rejoindre l’arrière de la tête. À ce niveau, il s’enroule autour du cou de la gauche vers la droite, puis, après

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de dimensions similaires (60 x 43 cm), est fixé par deux nœuds grossiers au niveau du menton et du nez (fig. 98/C).

Sous les suaires, le corps est simplement vêtu d’une longue chemise de toile descendant jusqu’aux genoux.

Les mains sont cachées dans les bouts de manches et le col présente une large ouverture (fig. 99). Un scapulaire de dévotion est porté en bandoulière de l’épaule droite vers le bras et le flanc gauche du défunt.

Enfin, une toile rectangulaire est disposée sous les fesses et a certainement été utilisée pour la préparation mortuaire du corps. Faute de conservation des matières organiques, la complexité d’un tel mode opératoire n’aurait pas pu être restituable avec les seuls paramètres taphonomiques liés à la décomposition du corps.

Figure 99 : A : Chemise et ruban du scapulaire lors du déshabillage ; B : Chemise après nettoyage (Patrice Gérard, Rozenn Colleter).

~ 158 ~ Les inhumations habillées : les habits funéraires

La présence de vêtements a pu être mise en évidence grâce à la conservation de fibres textiles, d’objets vestimentaires en place sur le sujet, de dépôts organiques marron/orange autour des corps, mais également par l’observation de persistance de connexions anatomiques, notamment au niveau des pieds ou du bassin, dans un espace de décomposition ouvert. L’usage des chaussures pour les morts est attesté dans la littérature dès le XIIIe siècle avec Guillaume Durand (évêque de Mende) qui permet au défunt d’être

« prêts à paraître au jugement » (Durand 1854 ; cité dans Alexandre-Bidon 1993, 197). Les sépultures habillées deviennent par contre exceptionnelles selon les textes et plutôt réservées aux grands personnages (Piponnier 1993, 161).

Seuls 52 sujets semblent porter des vêtements : 4 pour la phase 2 et 48 pour la phase 3 (fig. 100). Même si la pratique semble minoritaire, elle augmente de façon significative au cours du temps133. Aucun sujet de la première période n’est costumé mais ils représentent 2,9 % des effectifs entre la fin du XIVe siècle et le XVIe siècle (4/137) et 10,5 % pendant la dernière période (48/456). Les hommes (21 sujets soit 10,3 %) sont significativement plus habillés que les femmes (4 femmes soit 3,5 %)134. Le groupe C, très majoritairement masculin et également davantage costumé que les autres135 (avec 71,2 % de ses membres contre 1,3 % des sujets du groupe A ou 0,5 % pour le groupe B et aucun dans le groupe D) explique en partie cette surreprésentation masculine (fig. 100). Le port de vêtement est donc surtout attesté dans la salle capitulaire où les défunts semblent inhumés dans leur tenue liturgique. Autour des corps, des dépôts

Figure 100 : Distribution en nombre des sujets inhumés en vêtements et en chaussures et liens statistiques significatifs en rouge.

133 La différence est significative entre la phase 2 et 3 au seuil p = 0,008075 (test exact de Fisher).

134 La différence entre les hommes et les femmes est significative au seuil p = 0,04621 (khi² d’indépendance = 3,9741).

135 Différence statistique significative entre le groupe A et C au seuil p < 2,2e-16 (khi² d’indépendance = 131,98), entre B et C au seuil p < 2,2e-16 (khi² d’indépendance = 89,205) et entre C et D au seuil p = 9,097e-06 (khi² d’indépendance = 19,693).

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Figure 101 : A : Vue zénithale de la sépulture 745 et traces organiques autour du corps ; B : Détail des boutons en os retrouvé sur le fémur gauche.

organiques bruns garnissent la plupart des tombes dont certains sont associés à des boutons et/ou des fibres textiles conservés (fig. 101). Six éléments organiques ont été déterminés comme étant de la laine136, ils peuvent correspondre aux vêtements ecclésiastiques (robe de bure ?). La couture conservée sur le tissu situé sur le bas de la mandibule de l’individu de la sépulture 767 laisse supposer que l’habit religieux était directement cousu sur le défunt pour cacher son visage à la manière d’un suaire. Une épingle en bronze positionnée au niveau du menton aide aussi au maintien définitif du vêtement (fig. 102/C). L’utilisation de vêtement ajusté sur les cadavres est suggérée dès le XIVe siècle (fig. 102/D) (Alexandre-Bidon 1993, 202), mais aucune évidence archéologique n’est mentionnée. Des fibres de lin, de soie et des fils d’argent ont également été retrouvés autour de la tête de l’individu de la tombe 729 et peuvent être interprété comme un suaire déposé sur la face (fig. 103/A). De rares agrafes (6 sépultures de la salle capitulaire) et des ferrets placés aux extrémités de lacets permettant de fermer deux pans de tissus, proviennent de quelques sépultures. Enfin, la présence des nombreuses épingles n’entre pas seulement dans le maintien des linceuls mais peuvent également servir à la fixation des coiffes ou certaines pièces vestimentaires. Des éléments de ceinture composés de chaines, chainettes et boucles complètent la série des éléments vestimentaires retrouvés (Labaune-Jean 2016).

Le port de chaussures concerne 198 sujets, soit près de quatre fois plus que d’individus habillés (198/605 soit 32,7 % des effectifs). Outre la position des os des pieds, la présence de pièces métalliques (clous de renfort et boucles) a aidé à leur identification. Bien que variant dans les proportions, en passant de 8,3 % des sujets de phase 1 (1/12) à 37,2 % de ceux de la phase 2 (51/137) et 32 % de ceux de la dernière période

136 Il s’agit des sépultures 703, 705, 763, 767, 779 et 780 (Étude textile de Véronique Gendrot dans Le Cloirec 2016).

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Figure 102 : A : Détail de la face de l'individu de la tombe 729 avec un suaire ; B : Détail du tiers supérieur de la sépulture 767 et des éléments organiques conservés.Notez la présence d'un objet métallique au niveau du cou de l'individu ; C : Détails des vestiges textiles en laine conservés sur la mandibule de la sépulture 767 et de la couture sur son corps droit ; D : Le linceul selon le décret de Gratien (Italie, XIVe siècle).

(146/456), aucune évolution significative n’est notée137. Le groupe B, avec 22,9 % des sujets concernés, se caractérise par un port de chaussures significativement plus faible que pour les autres groupes138 (fig. 100).

Ce lien ne l’est plus si l’on ne prend en compte que les sujets du sous-groupe B’, inhumé dans la nef de l’église conventuelle, où 25,2 % des sujets sont chaussés (29/115)139. Les sujets B’’ sont préférentiellement et significativement inhumés sans chaussures puisque seulement 19,2 % de ses effectifs sont concernés (14/73)140. À l’opposé les sujets des groupes C et D possèdent significativement le plus de chaussures avec respectivement 50% (33/66) et 62,5 % (20/32) de leurs effectifs141. Aucune liaison suivant le genre n’est mise en évidence, les femmes et les hommes sont chaussés dans les mêmes proportions : 76 hommes (76/204 soit 37,2 % de l’effectif masculin inhumé) et 35 femmes (35/113 soit 31 % des femmes). L’âge au

137 La plus grande différence concerne la comparaison entre les phases 1 et 2, mais elle n’est significative qu’au seuil p = 0,1904 (test exact de Fisher).

138 Différence statistique significative entre le groupe A et B au seuil p = 0,09924 (khi² d’indépendance = 2,7177), entre B et C au seuil p = 1,467e-12 (khi² d’indépendance = 50,092) et entre B et D au seuil p = 0,001882 (khi² d’indépendance = 9,661).

139 Différence statistique significative entre le groupe B’ et C au seuil p = 0,7155 (khi² d’indépendance = 0,13283) et entre le groupe B’ et A au seuil p = 0,3155 (khi² d’indépendance = 1,0074). La différence est par contre significative entre B’ et D au seuil p = 0,02687 (khi² d’indépendance = 4,899).

140 Différence statistique significative entre le groupe B’ et A au seuil p = 0,09981 (khi² d’indépendance = 2,7086), entre le groupe B’ et C au seuil p = 0,006936 (khi² d’indépendance = 7,2895) et entre B’ et D au seuil p = 0,002989 (khi² d’indépendance = 8,8142).

141 Différence statistique significative entre le groupe entre A et C au seuil p = 0,06298 (khi² d’indépendance = 3,4571) et entre A et D au seuil p = 0,02687 (khi² d’indépendance = 4,899).

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décès n’est pas non plus un critère discriminant : 175 adultes (175/508 soit 34,4 % des adultes de plus de 20 ans) et 23 enfants (23/97 soit 23,7 % des moins de 20 ans) sont chaussés.

Les critères taphonomiques pour identifier les inhumations habillées sont très restrictifs et minimisent sans doute le nombre de sujets concernés surtout quand l’on compare le nombre de personnes inhumées avec des chaussures et celui avec des vêtements.

Le cas de la sépulture de Louise de Quengo

La bonne conservation des textiles dans le cercueil en plomb de la sépulture 253 a été l’occasion d’appréhender l’intégralité du costume funéraire de Louise de Quengo. Elle était revêtue de plusieurs vêtements superposés dont une cape (fig. 103/A), une chasuble, une robe de bure, une chemise fine en laine, des chausses à étrier puis une paire de mules de très bonne qualité en cuir. Un scapulaire de dévotion était enroulé autour de son bras droit et les mains jointes sur l'abdomen tenaient un crucifix. Sur la tête, trois bonnets de toile de lin se superposent (un béguin, un bonnet matelassé et une cornette) maintenus par un ruban et un bandeau de front. L’ensemble est enfin masqué par une guimpe (fig. 104). Le voile qui devait recouvrir les éléments coiffants et symbolise la consécration religieuse, est par contre en position secondaire, rejeté sous et autour de la tête. Peut-être est-il utilisé à la manière d’un suaire pour cacher le visage de la défunte et maintenir la tête droite ? Si la défunte est globalement inhumée avec des habits de religieuse, probablement de carmélite, quelques éléments d’appartenance civile sont tout de même notés comme la succession des bonnets et les mules dont les bouts carrés sont particulièrement à la mode dans les années 1640 (voir l’étude des textiles et des mules par Véronique Gendrot et Gaël Barracand dans Colleter 2016a). Ces chaussures présentent d’ailleurs une usure différentielle (le devant du côté droit est particulièrement usé alors que la mule gauche aurait été peu utilisée) et de deux tailles supplémentaires à celle de sa pointure de pied (longueur des mules de 23,5 cm contre 20 à 21,5 cm pour les pieds de la défunte au repos). Cette différence n’est pas compensée avec les chaussons et suggère plutôt un costume réservé pour l’au-delà. La facture très peu soignée de la chemise illustre la modestie et un aspect peu élaboré du costume. La question de l’appartenance de ce costume à la défunte peut dès lors être posée, l’inhumation pouvant très bien être une opportunité de se débarrasser d’anciens habits religieux et permettre, grâce au costume, d’obtenir les faveurs de Saint Pierre pour entrer au paradis.

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Figure 103 : Superposition des couches vestimentaires retrouvées sur le corps de Louise de Quengo.

Figure 104 : Ruban qui maintient les trois bonnets lors du déshabillage du corps

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