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La position des corps, la présentation du cadavre

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 137-141)

ARCHÉOLOGIQUE DU XIII e AU XVIII e SIÈCLE

4.1 Le monde des morts et son évolution

4.1.3 Pratiques funéraires

4.1.3.1 La position des corps, la présentation du cadavre

La position des corps retrouvée à la fouille ne restitue pas forcément la présentation du cadavre telle qu’il a été montré à sa famille et à son entourage. Si certains éléments comme la disposition des membres supérieurs peuvent suivre le sujet jusque dans la tombe, la position générale du corps dans celle-ci (sur le dos, fléchis…) reflète davantage de contraintes techniques ou la volonté ultime du défunt et de son entourage au moment de l’enfouissement du corps (besoin d’humilité, conceptions religieuses, nécessité technique…).

La position générale du corps

Les individus ont été déposé sur le dos dans leur très grande majorité (566/605 soit 93,5 % de l’effectif), contre 3,3 % sur le côté droit (20/605), 1,1 % sur le côté gauche (7/605) et 0,2 % sur le ventre (1/605). La position n’a pas pu être déterminée avec précision pour 11 individus (annexe 4.1). Les positions atypiques signent plutôt des dépôts multiples où le manque de place peut expliquer la variation. La norme est donc bien celle d’une inhumation des défunts sur le dos. En effet, dès le Moyen Âge, l’inhumation en décubitus dorsal est une posture privilégiée (Alexandre-Bidon 1993, 190) et une valeur symbolique lui est même attribuée puisque dans cette position le défunt regarde droit vers le ciel (Durand 1854 ; Guillaume Durand, évêque du XIIIe siècle, cité par Lorans 2000, 183). Au couvent des Jacobins, elle est encore plus

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systématique sans être significative81 sous l’Ancien Régime, où elle concerne alors 94,3 % des individus inhumés (430/456), contre 91 % à la phase 2 (126/137) et 83 % à la première période (10/12).

Les sujets des groupes A, B et C sont disposés majoritairement sur le dos dans des proportions équivalentes et sans différence significative82 (respectivement de 92 %, 96,8 % et 98,5 %). Par contre, un écart statistiquement significatif est perceptible entre les sujets du groupe D, disposés pour près de 22 % d’entre eux sur le côté droit, et ceux du groupe C (presque exclusivement en décubitus dorsal)83.

L'individu de la sépulture 1325, inhumé sur le ventre, a été retrouvé dans le chœur de l’église, une zone privilégiée et très recherchée. Cette position particulière rappelle le besoin d’humilité, de pénitence, recherché pour obtenir plus facilement les indulgences du Ciel. Cumulée à la volonté d’être inhumé dans un couvent des ordres mendiants, nul doute que la personne a ainsi cherché à mettre le maximum de chance de son côté pour accéder au paradis. La règle de saint Benoît (chapitre 71) indique aussi que cette position peut être justifiée en « signe de réparation » et de supplication pour adoucir la colère de Dieu (cité dans Alexandre-Bidon 1993, 194).

La position de membres supérieurs

La position de membres supérieurs a été déterminée pour 289 sujets, soit seulement un peu moins de la moitié des effectifs (47,8 %). Seuls 16 sujets ont leurs membres supérieurs asymétriques. Pour les autres, la position est restituable pour 273 individus dont près de la moitié présente les bras parallèles, le long du corps et les mains ramenées en avant de l’abdomen ou du pubis (position 1.2 pour 134/273 déterminés soit 49,1 %) (annexe 4.2 et fig. 77). Les bras sont majoritairement parallèles84 puis divergents85 et seuls quatre individus ont les bras convergents (ensembles 3.2 et 3.3, soit 1,5 %).

Si la position de coudes relève davantage des contraintes techniques périphériques (linceul, cercueil...), celle des mains restitue probablement plus la présentation du cadavre à la famille au moment de l’adieu au corps. Globalement, les mains sont majoritairement ramenées en avant du pubis (ensemble x.2, 170/273 cas soit 62,3 % de l’effectif déterminé). Cette position tend à se généraliser au cours du temps puisqu’elle

81 La différence entre la première et dernière phase est seulement significative au seuil p = 0,7754 (khi² d’indépendance = 0,081).

82 Par exemple, la différence entre les groupes A/C est seulement significative au seuil p = 0,7304 (khi² d’indépendance = 0,118).

83 La différence entre les groupes C/D est significative au seuil p = 0,0022 (khi² d’indépendance = 9,3551).

84 Les ensembles 1.1, 1.2 et 1.3comptent 217/273 sujets soit 79,5 % des effectifs déterminés.

85 Les ensembles 2.1, 2.2 et 2.3 comptent 52/273 sujets soit 19 % des individus déterminés.

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représente 57 % des effectifs de la phase 1 (4/7 déterminés), 53 % de la phase 2 (32/60 déterminés) contre 65 % de la dernière période (134/206 déterminés)86. Les avant-bras sont également davantage ramenés en avant de l’abdomen dans le groupe C (81,8 % de l’effectif déterminé, 18/22) que dans les groupes A et B (avec 30,1 et 60, 2 % des effectifs, respectivement 86/143 et 56/98), différence non significative d’un point de vue globale87. Les sujets du groupe C se distinguent des autres groupes par plusieurs sujets (n=8) déposés dans les tombes avec les mains ramenés en avant de l’abdomen/pubis et les coudes écartés du tronc (position 2.2, voir fig. 77)88. Les mains croisées sur le pubis sont parfois attribuées à une volonté de pudeur devant le Créateur, d’humilité (Alexandre-Bidon 1993, 193).

Figure 77 : Distribution des sujets selon la position des membres supérieurs selon le sexe, les phases chronologiques et les groupes (en % des effectifs déterminés). En rouge, liaison statistique significative et probabilité selon les effectifs réels (tests exacts de Fisher).

Les mains posées sur la poitrine sont moins fréquentes (ensemble x.3, 77/273 cas soit 28,2 %) et ont tendance à diminuer au cours du temps. Cette position concerne davantage les femmes (27/72 cas soit 37 %) que les hommes (28/108 cas soit 26 %)89, comme cela a déjà été vu à Saints-Côme-et-Damien (Crubézy et al. 2006, 348). Le groupe A est également le plus adepte de ce type de posture mais sans distinction significative avec les autres groupes90. Cette position peut symboliser l’ultime prière du défunt et pourrait être généralement sous-représentée du fait du transport et/ou de la décomposition du corps (Crubézy et al. 2006, 349‑355).

86 La différence entre la deuxième et dernière phase est significative au seuil p = 0,4181 (khi² d’indépendance = 0,656).

87 Différence groupe B et C significative au seuil p = 0,3905 (khi² d’indépendance = 0,737), A/C au seuil p = 0,3723 (khi² d’indépendance = 0,796) et C/D au seuil p = 0,4347 (khi² d’indépendance = 0,61028).

88 Différence groupe B et C significative au seuil p = 0,02688 et C et A au seuil p = 0,006029 (tests exacts de Fisher).

89 La différence entre les femmes et les hommes est significative au seuil p = 0,2321 (khi² d’indépendance = 1,4281).

90 Test exact de Fisher entre les groupes A et D significatif au seuil p = 0,302.

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Les mains disposées le long du corps tendent à disparaitre au cours du temps (ensemble x.1 26/273 soit 9,5

%) et sont minoritaires quels que soient le sexe des sujets, les phases chronologiques considérées ou les groupes. Cette posture distingue significativement le groupe D au groupe A91 et pour peu que les coudes soient écartés du tronc du sujet, cette position les discrimine positivement de tous les autres échantillons92.

La position des membres inférieurs

Les membres inférieurs sont majoritairement symétriques (379/404 déterminés soit 93,8 %) avec les jambes jointives (67,6 % des sujets en position 2) ou parallèles aux cuisses (26,2 % des sujets en position 1) (annexe 4.3). Peu d’individus présentent leurs membres inférieurs pliés sur le côté droit (position 4 : 16/404 déterminé soit 4 % de l’effectif) ou sur le côté gauche (position 5 : 9/404 soit 2,2 %). L'espacement entre les genoux a été mesuré pour 390 sujets, il est significativement plus étroit (moins de 5 cm) à la phase 3 par rapport à la phase 293 ou la phase 194 (annexe 4.4). Les variations observées sont également significatives selon les groupes socio-économiques étudiés95 : les genoux sont significativement plus serrés pour les sujets des groupes A et B (157/319 soit 76,6 % des effectifs déterminés des sujets du groupe A et 66,9 % du

Figure 78 : Répartition des sujets selon l’espacement entre les genoux des défunts enregistrés selon de leur groupe.

91 Différence entre A et D significative au seuil p = 0,01479 (test exact de Fisher).

92 Différence entre A et D significative au seuil p = 0,00172, entre B et D significative au seuil p = 0,004674 et entre C et D au seuil p = 0,0437 (tests exacts de Fisher).

93 La différence entre la deuxième et dernière phase est significative au seuil p = 0,032 (khi² d’indépendance = 4,571).

94 Test exact de Fisher entre phase 1 et 2 p = 1.

95 La différence entre les 4 groupes est significative au seuil p = 0,0039 (khi² d’indépendance = 13,343 ; ddl = 3).

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groupe B -85/127-)96 alors que ceux des groupes C97 et D98 sont légèrement espacés (entre 5 et 10 cm) (19/40 soit 47,5 % des sujets du groupe C et 13/18 soit 72,2 % de ceux du groupe D) (fig. 78). Les sujets du sous-groupe B’, inhumés dans la nef de l’église, sont plus proches du groupe A, favorisé, dont plus de la moitié présente des genoux serrés (60/113 soit 53,1 %) que ceux inhumés dehors (groupe B’’ : 25/75 soit 33,3 %). Ces variations observées illustrent sans doute l’emmaillotement plus ou moins serré des corps dans les linceuls et les compressions consécutives aux contraintes exercées.

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