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Les enfeus

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 119-125)

ARCHÉOLOGIQUE DU XIII e AU XVIII e SIÈCLE

4.1 Le monde des morts et son évolution

4.1.2 Architectures des tombes

4.1.2.3 Les enfeus

Au delà et au-dessus des fosses sépulcrales destinées à cacher le cadavre, des monuments funéraires (tombeaux, enfeus…) permettent d’entretenir le souvenir du défunt par et pour la communauté vivante. Ils attestent du pouvoir des familles, de leur permanence, de leur piété, de leurs ressources financières et influences politiques. La famille en tant que « le prolongement du défunt » (Hanus 2006) marque par ces tombeaux son territoire. Aussi, le commun ne bénéficie pas de ces monuments funéraires coûteux, ces derniers se situant dans des espaces particulièrement privilégiés (chœur de l’église, chapelle Saint-Joseph et Notre-Dame), endroits occupés par le groupe A.

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Les enfeus creusées dans les murs et associés à un défunt ont été construits à différentes périodes de l’histoire du couvent des Jacobins. Certains sont clairement attribuables au Moyen Âge (enfeu traversant de l’église ou ceux méridionaux de la chapelle Notre-Dame), d’autres plus modernes (chapelle Saint-Joseph). Leur pouvoir structurant des lieux d’inhumations est très fort et ils déterminent l’implantation des sépultures pendant toute la durée d’utilisation des espaces funéraires comme on peut le voir dans la chapelle Notre-Dame par exemple (fig. 65) ou dans le chœur de l’église devant l’enfeu traversant.

Figure 65 : Vues du nord des alignements des sépultures devant les enfeus 2 (A) et 4 (B) de la chapelle Notre-Dame (Hervé Paitier, Rozenn Colleter).

Les enfeus de l’église

Seul l’enfeu traversant situé sur le mur nord et dans le chœur de l’église a été fouillé (fig. 66/A), d’autres ont été repérés sur le mur méridional mais non débouchés (voir l’étude de T. Béthus dans Le Cloirec 2016).

Le premier individu en place retrouvé dans l’enfeu est accompagné d’une série de cinq petits pots en céramique datés du courant XVIe siècle. Quatre individus, tous adultes et répartis pour moitié entre hommes et femmes ont été retrouvés en position primaire. Huit individus adultes et un enfant décédé entre 5 et 9 ans sont comptabilisés66 (fig. 66). Si le dernier individu a vraisemblablement été inhumé

66 L’enfant est représenté par une scapula droite, un talus droit et un fragment de tibia gauche. L’exclusion par âge de ce sujet détermine le NMI à 9 (Poplin 1976).

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directement dans une fosse, les trois précédents l’ont été dans des cercueils en bois. Les archives ne nous renseignent pas sur l’appartenance familiale de ces individus, mais la lecture de blasons peints sur l’enduit suppose l'origine aristocratique de l’ensemble.

Figure 66 : A : Vue depuis le chœur de l'église de l'enfeu traversant montrant le premier individu retrouvé en position primaire ; B : Décompte des os et segments anatomiques retrouvés dans l'enfeu traversant (position primaire et secondaire) (Stéphane Jean, Rozenn Colleter).

Les enfeus de la chapelle Saint-Joseph

Deux enfeus s’inscrivent dans le mur nord de la chapelle. La dédicace la plus ancienne d’après les archives revient à l’enfeu oriental occupé par la famille de Tihorlan-Molac à partir de 1606 sous « la première voute de la chapelle Saint-Joseph, proche de la porte du cloitre, avec […] pierre tombale armoirée de ses armes »67. Plusieurs sujets sont nommés : monsieur de Tihorlan, sa femme dame Marguerite de Beaumanoir, sa belle-fille Françoise de Mommorancy et Sébastien de Rosmadec. La baronnie de Molac est érigée en marquisat sous le nom de Rosmadec au XVIe siècle (collectif 1757, 201), grande famille morbihannaise, et l’évêché de Vannes est mentionné dans l’acte. La famille de Beaumanoir est quant à elle une très vieille famille bretonne dont Marguerite est une héritière de la branche des Besso (fig. 67/C). Les Tihorlan sont davantage connus sous le patronyme de Rosmadec, Tanguy, le mari de Marguerite, fut l’un des lieutenants du « roi de Bretagne » (collectif 1757, 201). Il meurt le 17 juin 1574 et ses ossements ont vraisemblablement

67 AD 35 18H1, folio 30 (Le Cloirec 2016).

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été transféré dans cet enfeu au moment du décès de sa femme selon les archives : « les jours des décès des souscrits seront transférés savoir au 17 juin ». Les données archéologiques ne confirment pas ces informations. Si les restes d’un enduit et de mortier rose dans le fond de la niche sont peut-être les vestiges de la pierre tombale armoriée ou d’un sarcophage ayant rassemblé ces sujets (fig. 67/A), aucun squelette n’a été mis au jour dans cet enfeu. Une fosse rectangulaire aux dimensions de la niche a été creusée et aménagée dans l’enfeu, mais si des défunts y ont été probablement enterrés, ils ont été dans un second temps transférés vers une autre place puisque la fosse était entièrement vide. Le transfert des ossements était une pratique courante pour les frères dominicains comme nous avons pu le voir avec les nombreux dépôts secondaires identifiés sur le site. L’absence de descendants et de versement de rentes complémentaires est peut-être la raison du nettoyage de cette tombe pour une réaffectation.

Figure 67 : A : Vue de la chapelle Saint-Joseph du sud-est à l'issue de la fouille et des deux enfeus construits dans le mur nord ; B et C : Généalogie des familles Dobiais-Gedouin et Tihorlan-Molac inhumées dans ces enfeus d'après les sources historiques.

L’autre enfeu est attribué à Françoise Dobiais et Julien Gedouin, « procureur, conseiller du roi en son conseil d’état et privé et président du parlement de Bretagne »68. Si le marquis décède en mars 1630, nous ne connaissons pas la date de la mort de sa femme (fig. 67/B). De ce mariage, naitront trois enfants : Réné, marquis de la Dobiais, né le 24 octobre 1628 et décédé en 1670, Marie Gedouin qui se marie à Joachim De

68 AD 35 18H1, folio 13 (Le Cloirec 2016).

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Beauce en 1631 (18 ans après le mariage de ses parents) et Julien Gedouin né en 1630 et pour lequel nous n’avons pas d’information complémentaire, peut-être décédé très jeune. Une « épitaphe » et les « armes dans la vitre sur la voute » ornent la sépulture selon les sources historiques. Deux squelettes, l’un adulte et l’autre d’un jeune enfant, ont été retrouvés en position primaire. Bien que moyennement bien conservé, l’adulte a pu être attribué à un sujet féminin déposé dans un cercueil en bois renforcé aux angles par des éléments métalliques. Cette sépulture recoupe celle de l’enfant décédé autour de 3 ans. Aucun ossement en position secondaire n’a été retrouvé dans le comblement inférieur de ces deux tombes mais dans le remplissage supérieur, huit restes osseux sont inventoriés (ensemble 6002). Ces deux sujets peuvent être attribué à Julien Gedouin s’il est bien décédé en bas âge et à sa mère Françoise Dobiais. Les frères dominicains ont certainement déplacé le squelette de son époux lors de son inhumation et aucun dépôt secondaire construit au contact de son cercueil n’a été retrouvé.

Les enfeus de la chapelle Notre-Dame

Six enfeus sont conservés sur le mur nord de l’église et cinq d’entre eux possèdent une attribution familiale.

Les enfeus les plus proches du tableau de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle sont les plus privilégiés, le premier est clos par un balustre jusqu’au XVIe siècle et le second rejoint ce même statut à partir de la réfection de la galerie au XVIIe siècle et du déplacement de cette clôture (Le Cloirec 2016).

Figure 68 : Vue du nord-ouest de l’enfeu attribué à la famille de Cacé dans la chapelle Notre-Dame.

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La première niche, dévolue à madame Jeanne de Tissue de Clerefontaine (courant XVIe siècle) « enterrée dans son enfeu qui est la première voute de la chapelle Notre-Dame, du côté du chœur, dans l’enclos du balustre »69, n’a pas été fouillée. La seconde est attribuée à la famille de M. Cacé Becdelièvre où est enterrée sa femme Jeanne de Becdelièvre « en la seconde voute devant la Vierge, du côté du chœur qui est a présent la prochaine du balustre »70). Jeanne décède avant son mari d’après l’acte et l’enfeu est réservé « à lui et aux siens avec pouvoir d’y mettre tombe et armoiries ». Si quelques données généalogiques sont attribuables aux Becdelièvre (la date du testament est mentionnée au 29 août 1538), les dates de décès de ces personnages nous sont inconnues. Deux sujets en position primaire se superposent dans l’enfeu, où le squelette de l’individu 182 se trouve à 70 cm au-dessus de l’autre, appartenant à l’individu de la sépulture 179 (fig. 68). Si le corps le plus ancien a été directement enseveli dans la terre, sa tête reposant directement sur le pied de l’enfeu, l’autre est entreposé dans un cercueil en bois. Il s’agit de deux adultes, d’une femme décédée à plus de 40 ans et d’un jeune adulte (20 – 29 ans) dont le genre n’a pas pu être déterminé. Devant l’enfeu, trois tombes se superposent dont la plus récente possède un dépôt de quatre céramiques funéraires datées de la fin du XVe et/ou du courant du XVIe siècle. Cette dernière sépulture (sépulture 181) est celle d’un homme décédé à plus de 30 ans et pouvant correspondre à Bertrand de Cacé, et celle, jumelle, dans l’enfeu (sépulture 179) pourrait être sa femme Jeanne de Becdelièvre.

Figure 69 : Chapelle Notre-Dame. Vue du nord de l'enfeu attribué aux Coniac et des sépultures 163 (A) et 211 (B) ; C : Arbre généalogique de la famille Coniac-Chevalier mentionnée dans l'acte de fondation.

69 AD 35 18H1, folio 117 (Le Cloirec 2016).

70 AD 35 18H1, folio 26 (Le Cloirec 2016).

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Le troisième enfeu porte un acte de fondation du 18 mars 1603 de Julienne Le Chevalier, veuve de Hervé De Coniac « conseiller du Roy et doyen au parlement […] au tombeau de deffunt Jean Matin Laisné, Sieur de la Vairie, son oncle maternel »71. Deux squelettes en position primaire proviennent de cette niche (fig. 69), mais quatre individus peuvent être dénombrés à partir des mandibules retrouvées en position secondaire.

Le dernier individu déposé (sépulture 163), installé 30 cm au-dessus de l’autre (sépulture 211), a partiellement démantelé la tombe précédente. Il s’agit d’un homme décédé entre 20 et 49 ans. Parmi les ossements présents dans le remplissage de ces deux tombes, les bassins de deux autres hommes (l’un décédé entre 20 et 49 ans et l’autre à plus de 40 ans) et d’une femme décédée entre 20 et 49 ans, sont identifiés.

Les trois autres enfeus n’ont pas été fouillés. Aucune dédicace n’a été retrouvée pour le quatrième enfeu.

Le cinquième est celui de Guy d’Erbrée « conseiller en la cour et parlement » et sa compagne Jacqueline de la Puylaie72. Le dernier sur ce mur porte l’inscription de Georges d’Anges.

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