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Les caveaux funéraires

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 125-130)

ARCHÉOLOGIQUE DU XIII e AU XVIII e SIÈCLE

4.1 Le monde des morts et son évolution

4.1.2 Architectures des tombes

4.1.2.4 Les caveaux funéraires

La pratique du regroupement familial dans des caveaux est très fréquente dans les familles nobles aux XVIe et XVIIe siècles comme c’est le cas de la famille du Plessis Châtillon dans l’église de Châtillon-sur-Colmont (Mayenne) (Bureau, Colleter 2016), de l’église de Saint-Jean-des-Maurets (Maine-et-Loire) (Prigent, Hunot 1996 : 76), du tombeau des Noailles (Corrèze) (Roger 2005) ou de l’église de Notre-Dame de Cléry-saint-André (Loiret) (Georges 2006). Ces caveaux ou cryptes, pièces enterrées dans des lieux consacrés, permettent une gestion particulière de l’espace funéraire où les défunts sont simplement empilés ou déposés côte à côte sans problème de recoupements ou de bouleversements des sépultures antérieures.

Certaines ne renferment que des ossuaires comme c’est le cas pour la crypte Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer (Nord) (Oudry-Braillon et al. 2015). Peu d’études anthropologiques sont menées sur ce type de vestiges pour lesquels peuvent pourtant se combiner des données archéologiques, archivistiques, biologiques et taphonomiques.

Le caveau de la sépulture 286

Deux caveaux sont recensés dans la chapelle Notre-Dame. Le premier est placé à l’extrémité est de la galerie entre les autels Saint-Joseph et de la Vierge, en partie encastré dans le mur, sous un ancien retable

71 AD 35 18H1, folio 70 (Le Cloirec 2016).

72 AD 35 18H1, folio 70 (Le Cloirec 2016).

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démantelé. Il mesure 3,40 m de long et 3,05 m de large. La maçonnerie est composée de blocs de schiste bleu et de mortier jaune orangé. Sur le haut sont disposées des dalles de schiste pourpre dont il est difficile de savoir si elles étaient visibles ou non. Elles sont très peu usées et des traces d’outils et de mise en œuvre sont visibles, sans doute pour l’aménagement du retable ou destinés à clore l’espace (fig. 70/A). La construction de ce caveau et de la niche qui le surmonte appartient à la phase de restructuration du couvent au XVIIe siècle. Un accès à la chapelle Notre-Dame est également inclus dans l’autel, accès qui devait être caché du public mais permettre aux frères de circuler facilement dans le couvent. L’aspect monumental de cette niche, comportant un arc en plein cintre en calcaire de 6 m au-dessus du fond du caveau et des piédroits décorés de deux pilastres en granite (fig. 70/C), devait recevoir une icône importante pour le couvent, pourquoi pas le tableau de Notre-Dame de Bonne Nouvelle ?

Aucune mention dans les archives ne nous renseigne sur les fondateurs et occupants potentiels de ce caveau pour lequel au moins trois individus sont présents dans le comblement et un en place et inhumé dans un cercueil en bois (fig. 70/B et D). La fosse orientée est-ouest est fermée par deux dalles de schiste pourpre dans sa partie occidentale et d’une voûte de trois claveaux en calcaire dans la partie orientale. La

Figure 70 : Chapelle Notre-Dame, caveau. A : Vue zénithale du caveau et traces d’outils surlignées en blanc sur les dalles de schiste pourpre ; B : Détail de la tombe 286 et de l'individu en place ; C : Coupe transversale nord-sud du caveau au pied de la niche ; D : Décompte des os et segments anatomiques (primaire et secondaire) de la sépulture 286 et localisation du caveau dans la chapelle (Rozenn Colleter, Stéphane Jean, Marie Millet).

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dalle centrale présente une encoche, facilitant la préhension pour l’ouverture. Sur la partie sud du caveau, un lambeau de sol en terre battue est identifié et permet l’accès à la sépulture. L’ensemble devait ensuite être coiffé d’un plancher amovible pour permettre le retour à la tombe. Pour masquer les odeurs de putréfaction et désinfecter ces lieux publics d’éventuels agents pathogènes, les églises avaient déjà inventé des procédés empiriques. Parallèlement à l'enfouissement proprement dit, des vapeurs de bioxyde de soufre et des fumigations soufrées peuvent être ainsi utilisées pour purifier les locaux et objets contaminés (Blancou 1995, 22). À l’occasion de l’étude élémentaire des cercueils en plomb, nous avions effectué des tests par fluorescence X pour déterminer la composition des matières blanches retrouvées dans des tombes. À chaque fois, du soufre en quantité significative et participant probablement de cet assainissement a été mis en évidence (Colleter 2016b).

Le caveau de la sépulture 288

Le deuxième caveau correspond à une petite pièce voûtée maçonnée et enterrée au droit du deuxième enfeu septentrional de la chapelle Notre-Dame. Une volée de quatre marches permet d’y accéder depuis la surface de la chapelle (fig. 71/B). L’ensemble est attribué à la famille Vaurozé selon les archives départementales qui mentionnent un « enfeu prohibitif [sous] la seconde voute de la chapelle de la Vierge, du côté du préau, au-dessous de celle de monsieur Duberier »73.

Au minimum 15 individus sont décomptés à partir du nombre de crânes inventoriés : trois proviennent d’individus en place, les 12 autres de dépôts secondaires (fig. 71/C). Huit individus sont encore en place ou presque, les autres sont complètement démantelés. Les corps sont déposés sur le côté nord du caveau, dans des linceuls quand cela a pu être mis en évidence et plus ou moins empilés les uns sur les autres. Une allée de circulation permettant la gestion du lieu est encore visible en face de l’escalier, contre le mur méridional (fig. 71/A). Sous les squelettes, un niveau argileux, homogène et brun foncé tapisse la moitié nord du caveau, ultime vestige d'une architecture en bois totalement décomposée (peut-être un plancher ?) sur lequel reposaient les défunts. 4 sujets de moins de 20 ans se comptent dans cette série dont deux squelettes de nourrissons décédés autour du terme pour le plus jeune (entre 8 et 9,5 mois calendaires) et entre 2 et 4 mois pour le second. Les plus grands enfants sont décédés autour de 8 ans pour l’un et entre 16 et 19 ans pour l’autre. À part le dernier sujet, tous les autres ont été retrouvés en dépôt secondaire.

Parmi les adultes, seulement 3 hommes et 1 femme ont pu être déterminés. En procédant par exclusion par âge au décès, 17 sujets sont comptabilisés (15 crânes et 2 nourrissons dont les crânes n’ont pas été retrouvés), recrutement (hétérogène) cohérent avec une fonction familiale du caveau.

73 AD35 18H1, folio 3 et 101 (Le Cloirec 2016).

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Figure 71 : Chapelle Notre-Dame, caveau 288. A : Vue zénithale de la tombe 288 avec quatre individus en place ; B : Localisation du caveau sur le site et coupe transversale est-ouest ; C : Décompte des os et segments anatomiques (primaire et secondaire) de la sépulture 288 (Rozenn Colleter, Stéphane Jean, Marie Millet).

Le pourrissoir du chœur de l’église

Un pourrissoir complète cet inventaire et illustre encore une fois la nécessaire gestion de l’espace sépulcral par les frères dominicains par le remaniement de restes « déshumanisés » afin d'absorber les effectifs importants et croissants de sujets voulant être inhumés dans le couvent depuis le Moyen Âge.

Le fonctionnement des pourrissoirs médiévaux se caractérise par le dépôt d’un ou plusieurs cadavres sur des supports rigides durant le temps de la putréfaction, en vue de la récupération secondaire des ossements pour leur mise en ossuaire. Celui retrouvé au couvent des Jacobins était installé au sud du grand

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maître autel de l’église conventuelle et son accès devait se faire par une dalle amovible à la surface du sol.

Sa localisation centrale en fait un lieu d’inhumation privilégié. Plus tard, la fosse d’installation du cercueil en plomb 1001 a percuté les maçonneries dans l’angle sud-est du pourrissoir (fig. 72/A). Aucun escalier ou emmarchement n'est noté, comme c’est le cas pour celui de l’église de Saint-Mesme (Yvelines ; Charlier et al., 2009, fig. 3 et 16). À Rennes, il se caractérise par un caveau maçonné rectangulaire (2,45 m x 0,80 m) au fond duquel trois barres métalliques de section carrée sont serties. Un enduit à la chaux est appliqué sur les murs à l’intérieur de la cuve. La construction de ce pourrissoir peut être liée à la première période (XVe siècle) comme c’est le cas pour d’autres exemples similaires (Bouëtiez de Kerorguen 1996 ; Lorans 2000, 184 ; Charlier et al. 2009 ; Esnault 2014). La fonction du lieu a certainement évolué dans le temps avec sa transformation en caveau funéraire et la fin de son utilisation aux XVIe - XVIIe siècles avec le dépôt de corps embaumés. Les deux individus trouvés en position primaire (fig. 72/B et C) ont été inhumés dans des cercueils en bois. Le dernier déposé, un enfant décédé entre 7 et 9 ans (sépulture 1000), est installé sur les deux barres situées à l'ouest alors que du sédiment s’est déjà infiltré dans la fosse et a remblayé le volume présent sous les axes métalliques. Sa boite crânienne ouverte témoigne d’une craniotomie et signe un possible embaumement. Aucune autre intervention post-mortem n’est notée sur le reste du corps. Son prédécesseur (sépulture 1229) est un homme décédé à plus de 20 ans sans davantage de précision et présentant également une craniotomie. Des paillettes d’or ont été identifiées au niveau de son bras droit et peuvent provenir d’un accessoire liturgique de type scapulaire, de son vêtement ou d’un document officiel type parchemin enluminé (Yout 2015). L’ensemble du squelette se trouve sous les barres, et le pendage vertical des fémurs indique que le sujet s’est décomposé dans un espace vide et que la fosse s’est ensuite comblée. Si les fossoyeurs ont recherché les axes pour installer le dernier cercueil, ils n’ont cependant pas cherché à débarrasser le caveau de l’ancien occupant.

Figure 72 : A : Localisation et vue de l'est du pourrissoir vidé dans le chœur de l’église, jouxtant le cercueil en plomb 1001 ; B : sépulture 1000 ; C : sépulture 1229.

Ce caveau est à rapprocher de la mention du « tombeau de Messire de la Hunaudaie » signalé dans le chœur de l’église, « derrière les courtines du grand autel, du côté de l’épitre ». Cette tombe est mentionnée deux

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fois dans les archives : en 1541 et en 162074. La notion de tombeau, peu présente dans les textes (10 fois75 seulement dans le livre pour les religieux du couvent de Bonne Nouvelle) nomme à chaque fois des tombes particulières : trois enfeus et celle de la Hunaudaie. La localisation de ce pourrissoir (à droite de l’épitre dans le chœur) et l’usage qui en est fait, mis en évidence au XVIIe siècle par l’étude archéologique (inhumations successives de sujets embaumés), nous permettent de proposer cette attribution familiale.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 125-130)