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Les dispositions internes consacrées à l ’extradition

et aux procédures équivalentes

A. Les dispositions internes consacrées à l ’extradition

155. La loi du 10 mars 1927 constitue le premier traitement législatif de l’extradition dans le système pénal français, et effectue un traitement indépendant et solide de cette question indépendamment des conventions bilatérales ou multilatérales internationales

225 Dider REBUT, Droit pénal international, op. cit., p. 145.

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d’extradition. La loi de 1927 a ôté à l’extradition une partie de son caractère administratif, en confiant à la chambre d’accusation le soin de donner un avis sur la demande d’extradition qui lui fait obstacle s’il est négatif. À contrario, l’avis positif n’oblige pas l’État d’accorder l’extradition.

156. La loi du 9 mars 2004 dite « Perben II » a abrogé la loi de 1927 sur l’extradition malgré le fait que la loi de Perben II n’ait pas apporté de grandes modifications en ce domaine. La loi Perben II, intégrée au Code de procédure pénale, a conservé la double incrimination en tant que condition cardinale dans la mise en œuvre de la demande d’extradition. 157. Dans le Code de procédure pénale, l’extradition est soumise à plusieurs conditions dont

certaines ont trait à la personne en cause ou aux faits qu’on lui impute, et d’autres sont relatives à la peine encourue ou prononcée, ou encore aux règles de compétence et de procédure. La double incrimination, quant à elle, est une condition relative aux faits, prévue à l’article 696-3 du Code de procédure pénale qui détermine que l’extradition ne doit être accordée que pour les faits punis d’une peine criminelle dans l’État requérant, ou d’une peine correctionnelle d’emprisonnement si le maximum de cette peine est égal ou supérieur à deux ans ; lorsqu’il s’agit d’une condamnation, la peine prononcée doit être égale ou supérieure à deux mois selon la loi de l’État requérant.

158. L’article 696-3 prévoit en effet qu’« en aucun cas l’extradition n’est accordée par le gouvernement français si le fait n’est pas puni par la loi française d’une peine criminelle ou correctionnelle ».

L’affirmation de l’exigence de la double incrimination au sein des dispositions internes sur l’extradition répond à la même justification de cette condition dans les conventions internationales. Il serait difficilement envisageable que l’État requis, en l’occurrence la France, extrade un individu pour un fait que son système juridique ne pénalise pas. En outre, il n’est pas d’entraide répressive sans un minimum de langage commun227.

159. Ainsi il nous faut analyser également l’autre condition considérée comme le second visage de la double incrimination : la gravité de l’infraction. Le Code de procédure pénale

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français, en son article 696-3, 1° et 2° exige, comme nous l’avons vu, un haut seuil minimal de peine pour accorder l’extradition. Ce seuil minimal de peine encourue se distingue de la peine criminelle et correctionnelle selon la loi étrangère et qu’il importe peu la détermination de la loi française si elle était moins sévère. Afin de déterminer la gravité de l’infraction il est en effet fait référence à la peine encourue pour les peines correctionnelle comme le prévoit l’article 696-3, 2° : « Les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l’État requérant, quand le maximum de la peine d’emprisonnement encourue, aux termes de cette loi, est égal ou supérieur à deux ans… », sachant que la peine criminelle est déterminée par la loi de l’État requérant. Concernant la peine prononcée, le paragraphe 2 ajoute que « s’il s’agit d’un condamné, quand la peine prononcée par la juridiction de l’État requérant est égale ou supérieur à deux mois »228.

Est en outre exigée une certaine gravité des infractions objets de la demande, eu égard aux critères de la loi étrangère corresponde la double gravité quand la loi française exige aussi l’impunité de ce même fait dans son droit interne, cela nous donne une vision sur deux notions proches l’une et l’autre. La « double gravité » surpasse en quelque sorte la double incrimination en ce qu’elle impose un seuil minimal de peine pour mettre en œuvre la demande d’extradition.

160. Au contraire des Conventions internationales d’extradition signées par la France, les dispositions sur l’extradition issues de la loi du 9 mars 2004 ne donnent pas de seuil minimal de peine pour accorder l’extradition. L’article 696-3, 2° prévoit que l’extradition ne sera pas accordée si le fait n’est pas puni par la loi française d’une peine criminelle ou correctionnelle, sans préciser de taux spécifique de peine.

228 Le professeur REBUT précise quant à lui que l’objet de l’article 696-3, 1° du CPP n’est pas de poser une condition d’incrimination des faits par l’État requérant, mais qu’il est de délimiter le champ d’application de l’extradition en fixant un seuil de gravité des infractions susceptibles de faire l’objet d’une extradition. Il indique à ce propos qu’« il est significatif, à cet égard, que cette délimitation concerne l’extradition

active, c’est-à-dire les demandes d’extradition faites par la France ». Alors que l’article 696-3 était clair

au début en énonçant que « les faits qui peuvent donner lieu à l’extradition, qu’il s’agisse de la demander

ou de l’accorder, sont les suivants », ainsi, il ne limite pas son application à l’extradition active mais englobe l’extradition passive adressée à la France. Il incombe alors à la France de vérifier la double incrimination tant en droit français qu’au sein du droit de l’État requérant (Cass.crim., 14 octobre 2015, n° 15-82.420 : JurisData n° 2015-0022759, note Didier REBUT, « Principe de double incrimination et principe de légalité », JCP, 18 janvier 2016, 56).

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Le fait que la loi française ne précise pas de taux spécifique de peine nous amène à nous interroger sur la définition législative des peines criminelle et correctionnelle exposée aux articles 131-1 et 113-2 de Code pénal. Et plus particulièrement sur celle des peines correctionnelles en tant que peine la moins sévère.

L’article 131-2 prévoit ainsi que « les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont : 1 : l’emprisonnement 2 : l’amende 3 : le jour amende 4 : le stage de citoyenneté 5 : le travail d’intérêt général 6 : les peines privatives ou restrictives de droit prévue à l’article 6, 7 : les peines complémentaires prévue à l’article 131-10 ». Cette détermination législative de la peine correctionnelle élargit les possibilités d’extradition en adoptant une notion large de gravité en comprenant toutes les peines correctionnelles selon la loi française.

161. Le Code de procédure pénale ne limite pas la double incrimination aux faits principaux qui font l’objet de la demande d’extradition mais l’étend aux faits constitutifs de la tentative et de la complicité. L’article 696-3 prévoit en effet que « Les faits constitutifs de tentative ou de complicité sont soumis aux règles précédentes, à condition qu’ils soient punissables d’après la loi de l’État requérant et d’après celle de l’État requis ».

162. L’arrivée au terme de la prescription ôte le caractère infractionnel aux faits susceptibles d’être poursuivis, ne remplissant donc plus la condition de double incrimination, et de toute façon éteint le délai d’action en justice et donc prive la double incrimination de tout effet. Cette solution a aussi été adoptée par l’article 696-4 qui énumère les motifs de refus d’extradition, le cinquième d’entre eux précisant que « lorsque, d’après la loi de l’État requérant ou la Loi française, la prescription de l’action s’est trouvée acquise antérieurement à la demande d’extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l’arrestation de la personne réclamée et d’une façon générale toutes les fois que l’action publique de l’État requérant est éteinte ». La solution du Code de procédure pénale se révèle assez stricte en prévoyant que l’extradition est refusée dès lors que la prescription est acquise soit d’après la loi de l’État requérant soit d’après la loi française. Il peut s’agir de la prescription de l’action publique ou de la peine. La date d’acquisition varie selon le cas, car la prescription de l’action publique doit être acquise antérieurement

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à la demande d’extradition tandis que la prescription de la peine doit être acquise avant l’arrestation de la personne réclamée.

163. La règle de l’« utilisation spéciale de la double incrimination »229 se retrouve également dans le Code de procédure pénale ; la France n’autorisant pas l’extradition vers un État étranger lorsque cet État fonde sa demande sur un chef de compétence inconnu de la loi française. Ces chefs des compétences sont extraterritoriaux car le principe de territorialité ne cause aucun problème pour l’application de la loi française. L’article 696-2 prévoit ainsi que :

« L’extradition n’est accordée que si l’infraction cause de la demande a été commise : - soit sur le territoire de l’État requérant par un ressortissant de cet État ou par un étranger ;

- soit en dehors de son territoire par un ressortissant de cet État ;

-soit en dehors de son territoire par une personne étrangère à cet État, quand l’infraction est au nombre de celles dont la loi française autorise la poursuite en France, alors même qu’elles ont été commises par un étranger à l’étranger ».

164. L’article 696-36 affirme quant à lui la nullité de l’extradition obtenue par la France en dehors des conditions prévues par le Code de procédure pénale. Cela signifie qu’une dérogation à la double incrimination annule l’extradition obtenue par la France sauf dans les cas déterminés par la loi, plus précisément à l’article 696-34, s’agissant notamment de la possibilité d’accorder l’extradition par dérogation à la règle de spécialité sous la renonciation présentée par la personne réclamée de certaines conditions et le consentement de la France. La fin de l’article 696-34 est rédigée comme suit : « ce consentement peut être donné par le gouvernement français, même au cas où le fait, cause de la demande, ne serait pas l’une des infractions déterminées par l’article 696-3 », ce qui signifie que la France a la possibilité de surmonter la condition de double incrimination pour accorder l’extradition ; mais cette possibilité est conditionnée. En effet il faut qu’il s’agisse d’une infraction non présentée dans la demande d’extradition et que cette dernière ait été accordée par la France pour une ou plusieurs infractions pour lesquelles la double incrimination est remplie. L’article 696-34 est considéré comme une

229 Supra n° 81 et s.

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dérogation à l’article 696-6 qui prévoit que « sous réserve des exceptions prévues à l’article 696-34, l’extradition n’est accordée qu’à la condition que la personne extradée ne sera ni poursuivie, ni condamnée pour une infraction autre que celle ayant motivé l’extradition et antérieure à la remise ». Par principe la France ne pourrait accorder l’extradition pour un fait ne constituant pas une infraction en droit interne sauf si l’État requérant, après avoir obtenu l’extradition par la France, exprime la volonté de poursuivre la personne réclamée pour une infraction autre que celle motivant l’extradition ou antérieure à sa remise. Dans ce cas la France pourrait donner son consentement alors même que l’infraction nouvelle ne présente pas l’ensemble des caractères requis pour être extraditionnelle.230

165. Ainsi la condition de la double incrimination est bel et bien formulée au sein des dispositions internes françaises concernant l’extradition, elle ne se limite d’ailleurs pas à l’extradition classique mais s’étend aussi au mandat d’arrêt européen sur lequel, dans le Code de procédure pénale, une partie est entièrement consacrée.

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