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La double incrimination et les conditions de la coopération internationale

dans les instruments européens spéciaux

B. La double incrimination et les conditions de la coopération internationale

380. La Convention pénale sur la corruption a incorporé des dispositions spéciales pour la mise en œuvre de la coopération internationale entre les États parties. Ces dispositions sont placées au sein du Chapitre IV intitulé « Coopération internationale »375. L’article 25 de la présente Convention intitulé « Principes généraux et mesures s’appliquant à la coopération internationale » nous informe sur la nature subsidiaire du système de coopération internationale tel qu’il figure dans ce chapitre, en donnant priorité aux instruments internationaux de coopération internationale afin qu’ils soient appliqués dans les relations entre les États parties ou tout arrangement établi sur la base de législations uniformes ou réciproques, ou de droits nationaux. L’article incite donc les États à développer la coopération la plus large possible.

381. Les dispositions sur la coopération internationale figurant dans le présent chapitre s’appliquent dans deux hypothèses : 1) lorsqu’aucun instrument international ou arrangement n’est en vigueur entre les États parties, 2) lorsque les articles figurant dans

375 Ce Chapitre a suscité de longues discussions lors de son élaboration concernant l’utilité d’intégrer un chapitre autonome assez détaillé recouvrant plusieurs thèmes relevant du domaine de la coopération internationale en matière pénale, ou s’il ne devrait exister que des traités bilatéraux ou multilatéraux en ce domaine. Certains pensaientque la création d’un chapitre autonome sur la coopération internationale en matière pénale susciterait la confusion chez les praticiens en multipliant les règles de coopération internationale dans les conventions qui contiennent des infractions spécifiques. D’autres pensaient que l’insertion d’un chapitre autonome sur la coopération internationale en matière pénale était justifiée par les difficultés particulières à obtenir la coopération nécessaire à la poursuite des infractions en matière de corruption et par le fait qu’il s’agit d’une Convention ouverte et que certaines parties contractantes ne seraient pas ou dans certains cas ne pourraient pas être parties aux traités du Conseil de l’Europe relatifs à la coopération internationale en matière pénale et ne seraient pas parties à des traités bilatéraux dans ce domaine avec la plupart des autres parties contractantes. Les rédacteurs de la Convention ont fini par accepter d’y insérer tel chapitre dans la Convention. V. rapport explicatif de la Convention pénale sur la corruption, du 27 janvier 1999, S.T.E. n° 173.

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Double incrimination et coopération pénale internationale

le présent chapitre sont plus favorables que les dispositions figurant dans les instruments internationaux ou les arrangements en vigueur.

382. Concernant la double incrimination, elle n’a pas été érigée en principe général au début du Chapitre IV. Cependant l’article 25 nous donne une vue d’ensemble des conditions applicables en matière de coopération internationale lesquelles comprennent logiquement la condition de la double incrimination. Ainsi, la condition de double incrimination sera d’abord le « problème » des instruments ou arrangements internationaux en matière de coopération puis éventuellement de la loi nationale applicable en ce domaine. La question qui se pose alors est de savoir ce que la Convention entend par instruments internationaux en matière de coopération internationale. En réalité, la Convention vise une série d’instruments du Conseil de l’Europe tels que : la Convention d’Extradition (S.T.E. n° 24) et ses Protocoles additionnels (S.T.E. n° 86 et 98), la Convention d’entraide judiciaire en matière pénale (S.T.E. n° 30) et son Protocole (S.T.E. n° 99), la Convention pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition (S.T.E. n° 51), la Convention sur les valeurs internationales des jugements répressifs (S.T.E. n° 70), la Convention sur la transmission des procédures répressives (S.T.E. n° 73), la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées (S.T.E. n° 112), la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (S.T.E. n° 141). Elle vise aussi d’autres instruments internationaux, bilatéraux et multilatéraux, hors du Conseil de l’Europe.

La question de la double incrimination et sa place en matière de coopération internationale ne se limite pas aux instruments en vigueur mais vaut également pour les instruments qui seront adoptés dans le futur.

383. L’article 25 § 3 nous indique par ailleurs que « les articles 26 à 31 du présent chapitre s’appliquent également lorsqu’ils sont plus favorables que les dispositions contenues dans les instruments internationaux ou arrangement visés au paragraphe 1 ci-dessus ». Selon une compréhension littérale de ce texte, s’il n’y a pas d’instruments internationaux de coopération internationale en vigueur, la double incrimination ne sera pas exigée et ce pour deux raisons, la première étant que les dispositions figurant aux article 26 à 31 ne font aucune référence à la double incrimination, la deuxième étant que l’absence de

La condition de la double incrimination en droit pénal international

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double incrimination assure une coopération internationale plus large en matière pénale. Toutefois cette interprétation ne vaut qu’en l’absence de lois nationales, lesquelles ne sont mentionnées ni au paragraphe 2 ni au paragraphe 3 de l’article 25. Par conséquent, si la double incrimination est mentionnée en droit interne, elle s’applique aux dispositions figurant au présent chapitre.

384. L’article 26 concerne quant à luil’entraide judiciaire en matière pénale. Il prévoit que : « l’entraide au sein du paragraphe 1 du présent article peut être refusée si la partie requise considère que le fait accéder à la demande serait de nature à porter atteinte à ses intérêts fondamentaux, à la souveraineté nationale, à la sécurité nationale, ou à l’ordre public » (article 26 § 2). Il s’agit là d’une formule classique dans les conventions internationales comportant des dispositions spéciales dédiées à l’entraide judiciaire en matière pénale. Et comme nous l’avons déjà fait remarquer, elle pourrait, selon certains auteurs, englober la double incrimination en tant que condition si son absence est à même de porter atteinte à l’ordre public376. En outre, les États parties à la Convention pénale sur la corruption peuvent refuser l’entraide si l’État requérant ne remplit pas les conditions de réciprocité d’incrimination, de peine ou de mesures de confiscation377.

385. L’extradition a aussi sa place parmi les dispositions dédiées à la coopération internationale en matière de corruption, comme le montre l’article 27 de la présente convention. Nous retrouvons ici des dispositions comparables à celles que l’on trouve dans les autres conventions relatives aux infractions : « les infractions pénales relevant du champ d’application de la présente convention sont considérées comme inclues dans tout traité d’extradition en vigueur entre les parties en tant qu’infractions donnant lieu à l’extradition. Les parties s’engagent à inclure ces infractions dans tout traité d’extradition qu’elles concluront en tant qu’infractions donnant lieu à l’extradition ». Ce paragraphe inclut les infractions mentionnées dans la Convention pénale sur la corruption, dans tout Traité d’extradition préexistant ou qui existera entre les État parties à la Convention, ce qui rend les infractions mentionnées de facto extradables à condition

376 Didier REBUT, Droit pénal international, 2e édition, Dalloz, 2015, p. 305, n° 506.

377 Groupe d’États contre la corruption, Deuxième cycle d’évaluation, Rapport d’évaluation sur la France du 2 décembre 2004, Greco eval II Rep (2004) 5f, p. 5.

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qu’elles soient doublement incriminées. De plus, « les parties qui ne subordonnent pas l’extradition à l’existence d’un traité reconnaissent les infractions établies conformément à la présente convention en tant qu’infractions donnant lieu à l’extradition », il en résulte que même en cas d’absence de traité, les infractions de ladite Convention sont considérées comme des infractions extradables.

386. Les paragraphes 1 et 3 de l’article 27, en introduisant les infractions dans tout Traité d’extradition et en les reconnaissant comme des infractions extradables, traitent la question de la double incrimination en modèle « liste d’infractions ». Mais à l’article 19 intitulé « Sanctions et mesures » nous trouvons des obligations, posées par le paragraphe 2, demandant aux États parties de prévoir à l’égard des infractions établies dans la Convention « des sanctions privatives de liberté pouvant donner lieu à l’extradition ». Dès lors il s’agit d’un traitement selon le modèle de « peine minimale » voué à surmonter les obstacles du modèle « liste d’infractions » comme nous l’avons expliqué plus avant378. 387. Une extradition sans double incrimination pourrait paraître possible et imaginable selon le paragraphe 2 qui fait de la Convention pénale sur la corruption la base légale de l’extradition pour toutes les infractions établies conformément à la présente convention, dans la mesure où la partie requise subordonne l’extradition à l’existence d’un Traité, et que ladite partie reçoive une demande d’extradition par une Partie avec laquelle elle n’a pas conclu pareil traité. Dans ce cas, et en tenant compte du fait que la Conventiondevient la base légale de l’extradition, cette dernière pourrait être accordée sans exigence de double incrimination puisque la double incrimination n’apparaît nulle part dans cette Convention en tant que condition, à condition toutefois que les lois nationales de la partie requise n’interdisent pas une telle extradition en l’absence de double incrimination. 388. Mais le plus important concernant la double incrimination se trouve au paragraphe 4 de

l’article 27, faisant écho lui aussi à d’autres conventions internationales relatives aux infractions et comprenant des dispositions sur la coopération internationale. En effet, il est dit que « l’extradition est subordonnée aux conditions prévues par le droit de la partie

378 Nous trouvons pareil traitement à l’article 6 de la décision-cadre du 29 mai 2000 visant à renforcer notamment par des sanctions pénales, la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l’euro, J.O.C.U., L 140/1 du 14.6.2000.

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requise ou par les traités d’extradition applicables, y compris les motifs pour lesquels la partie requise peut refuser l’extradition ». Ainsi les lois nationales ou les traités d’extradition ont toute latitude concernant l’exigence ou non de la double incrimination pour accorder la demande d’extradition présentée par l’État requérant.

389. Pour conclure sur la question de la double incrimination dans les instruments européens en matière de lutte contre la corruption, il apparait que la double incrimination n’a pas été explicitement mentionnée, que ce soit en tant qu’expression ou concept juridique. Cela nous conduit à admettre qu’elle est mal abordée malgré son importance. En effet, elle devrait avoir d’autant plus une place de choix lorsqu’il s’agit d’infractions de corruption qui, malgré leur incrimination au sein des législations des nations développées, diffèrent grandement d’un pays à l’autre dans leur construction et sont donc à même de poser un problème lors de l’application de la double incrimination. Cette problématique peut cependant être résolue pour les pays qui ne sont pas liés par des Traités d’extradition ou d’entraide judiciaire et qui considèrent la Convention pénale sur la corruption comme étant leur base légale en matière d’extradition.

§ 3. Les instruments européens

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