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Il convient de ne pas oublier que le but de l ’extradition est la lutte contre la criminalité soit par la mise en œuvre de l’action publique par l’État requérant (autrement dit les

La double incrimination dans les normes

A. Les conventions internationales en matière d’extradition

99. Il convient de ne pas oublier que le but de l ’extradition est la lutte contre la criminalité soit par la mise en œuvre de l’action publique par l’État requérant (autrement dit les

poursuites judiciaires), soit par l’exécution du jugement rendu par l’État requérant. Or les poursuites ou l’exécution d’une peine se trouvent au cœur de procédures pénales qui dépendent par essence de différents principes fondamentaux dont la prescription qui constitue l’irrecevabilité à agir pour l’intitulé d’un droit s’il est resté trop longtemps inactif181.

180 V. art. 16-3 de la Convention d’extradition avec l’Inde, art. 14-2 de la Convention d’extradition avec le Paraguay, art. 17-3 de la Convention d’extradition avec Djibouti et art. 13-2 de la Convention d’extradition avec la République Dominicaine.

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100. Dans leurs demandes d’extradition les États contractants abordent régulièrement le délai de prescription tant celui des poursuites que de la peine si elle a été prononcée par l’un des deux États. La prise en compte de la prescription par l’État requis est justifiée, selon une partie de la doctrine, en raison de son rattachement à l’ordre public. Certains auteurs considèrent effectivement que l’État requis peut estimer qu’il est contraire à son ordre public de contribuer à une répression prescrite. Le fait prescrit ne relève plus de la criminalité commune, dont la lutte constitue le fondement de l’extradition ; la double répression s’ajoute alors à la double incrimination182. Mais une autre partie de la doctrine a exprimé son désaccord, considérant que la prescription dans l’État requis ne relève pas de l’ordre public et que la prise en compte de la prescription par les deux États en question ne fait que compliquer les procédures d’extradition, en particulier lorsqu’il y a conflit de lois sur la prescription, sans compter les divergences possibles sur les causes de suspension et d’interruption183.

Sur cette question, on peut citer, à titre d’exemple, l’article 8 de la Convention d’extradition avec l’Uruguay qui prévoit que « l’extradition n’est pas accordée lorsque l’action publique ou la peine sont prescrites conformément à la législation de l’un ou l’autre des États »184. Cet article est explicite sur le fait que la prescription est un motif obligatoire de refus d’extradition mais ne précise pas le moment de l’acquisition de cette prescription. Dans un tel cas, il convient de se référer aux dispositions et solutions des traités d’extradition, ainsi qu’aux dispositions consacrées à cet effet dans le Code de procédure pénale. L’article 696-4 du Code de procédure pénale prévoit « L’extradition n’est pas accordée : 5) lorsque d’après la loi de l’État requérant ou la loi française, la prescription de l’action s’est trouvée acquise antérieurement à la demande d’arrestation, ou la prescription de la peine antérieurement à l’arrestation de la personne réclamée et d’une façon générale toutes les fois que l’action publique de l’État requérant est éteinte ».

182 Didier REBUT, Extradition, op. cit. n° 116, p.

183 Henri DONNEDIEU DE VABRES, Les principes modernes du droit pénal international, op. cit. p. 275.

184 V. art. 4-6 de la Convention d’extradition avec Djibouti, art. 5-6 de la Convention d’extradition avec le Paraguay, art. 6-2 de la Convention d’extradition avec de l’Inde, art. 6 de la Convention d’extradition avec la République Dominicaine.

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D’autres conventions, en revanche, précisent le moment de l’acquisition de la prescription sur lequel l’État requis doit se fonder, à savoir le moment de la réception de la demande par l’État requis185.

101. La prescription en tant que motif de refus de l’extradition n’apparaît pas toujours de manière identique dans toutes les conventions d’extradition, et ce pour de bonnes raisons. Nous pouvons citer par exemple l’article 4-5 de la Convention d’extradition avec le Canada ainsi que l’article 9-1 de la Convention d’extradition avec les États-Unis qui ont fait de la prescription un motif obligatoire lorsqu’elle est acquise en vertu des lois de l’État requis. Cette limitation se justifie par le fait que ces pays n’ont pas connaissance des mécanismes de prescription, ce qui fait de la question de la prescription une question exclusivement française186.

102. Outre la prescription, la question de l’amnistie se pose également. En effet, l’amnistie accordée par l’État requérant doit impérativement entraîner un refus d’extradition du fait du terme mis aux poursuites pour les faits incriminés et conduisant de factoà admettre l’absence de double incrimination.Cependant force est de constater que l’amnistie n’est pas une notion fréquente dans les conventions d’extradition signées par la France. Seules quelques conventions en font état, l’érigeant en motif obligatoire de refus si elle a été acquise dans l’État requérant. Lorsqu’il s’agit de l’État requis elle revêt également ce caractère obligatoire à condition que l’infraction fasse bien partie de celles dont l’État requis admet la poursuite en cas de commission hors de son territoire par un étranger187.

e. Les dispositions sur le transit

103. Au cours de la procédure d’extradition, il peut arriver que la personne poursuivie soit de passage sur le territoire d’un État tiers. Il s’agit du problème du transit. Cette question est

185 Art. 14-d de la Convention d’extradition avec l’Algérie, art. 7-c de la Convention d’extradition avec l’Iran, art. 49-c de la Convention d’extradition avec le Gabon.

186 Didier REBUT, Extradition, op. cit. n° 114, Mais nous trouvons pareille situation dans les conventions d’extradition avec la Corée du Sud, l’Équateur, Saint-Marin et Cuba.

187 V. art. 14 de la Convention d’extradition avec l’Algérie, art. 28 de la Convention d’extradition avec l’Égypte du 15 mars 1982 et l’accord du 6 mars 1976 avec le Tchad art. 49.

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traitée de manière régulière dans les conventions bilatérales d’extradition car la double incrimination joue tout autant son rôle dans la mise en œuvre de l’extradition par transit. 104. Le droit international interdit toute intervention d’agents d’État étrangers sur le territoire de l’État requis dans le but de maintenir l’individu, d’où le fait que l’extradition par voie de transit exige l’autorisation de l’État traversé188. Or cette autorisation est toujours subordonnée à une condition : que l’infraction en cause soit de nature à donner lieu à extradition.

105. Afin de mieux analyser le rôle de la double incrimination dans l’extradition par transit, il convient en premier lieu d’effectuer une distinction entre le transit classique, consistant en la présence du protagoniste sur ledit territoire, et le transit par voie aérienne, qu’il s’effectue avec ou sans atterrissage sur le sol dudit territoire. Dans le cas d’un transit classique, la double incrimination est exigée par la plupart des conventions d’extradition, de même qu’elle est exigée par l’État requis dans le but général de contribuer à la lutte contre la criminalité notamment internationale.

Pour exemple, l’article 20-2 de la Convention d’extradition avec la République Dominicaine précise que « le transit peut être refusé dans tous les autres cas de refus de d’extradition »189. Ainsi le transit pourrait être refusé si le dossier de la personne extradée contient un motif « légal » de refus, y compris donc s’il s’agit de l’absence de double incrimination.

106. Certaines conventions sont davantage détaillées et ajoute que l’extradition par transit est accordée lorsqu’il s’agit d’une infraction donnant lieu à extradition « d’après la

188 Didier REBUT, Extradition, op. cit. n° 235.

189 V. art. 20 de la Convention d’extradition avec le Canada, art. 21-2 de la Convention d’extradition avec le Paraguay, art. 20-2 de la Convention d’extradition avec Djibouti, art. 24-2 de la Convention d’extradition avec l’Uruguay.

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Convention en question190 », tandis que d’autres conventions sont muettes sur la question de la double incrimination en matière de voie de transit191.

107. Nous pouvons ainsi conclure que la place consacrée à la double incrimination dans les conventions bilatérales d’extradition s’avère solide et stable malgré quelques petites différences, que ce soit au niveau de la rédaction ou de son traitement. Le traitement de la double incrimination dans les conventions bilatérales d’extradition est d’ailleurs à mettre en parallèle avec celui donné par le traité d’extradition type de Nations Unies192. 108. Afin de surmonter les obstacles liés à l’extradition, notamment les divergences de

traitement de la double incrimination entre les diverses conventions bilatérales, l’Organisation des Nations-Unies a adopté un « traité type » en matière d’extradition dont les États peuvent s’inspirer pour rédiger leurs propres conventions bilatérales d’extradition voire améliorer les conventions en vigueur.

Le traité type d’extradition193 se présente sous la forme d’un document juridique international ayant un caractère consultatif pour les États. Il représente un moyen efficace de traiter les aspects les plus complexes de cette procédure, de même que les conséquences de la criminalité sous toutes ses formes.

109. La double incrimination en tant que condition préalable à l’exécution de l’extradition a été scrupuleusement étudiée dans le traité type d’extradition — ci-après le traité — et pourrait permettre une certaine unification des conventions bilatérales d’extradition sur ce point.

190 V. art. 28 de la Convention d’extradition avec l’Algérie, art. 20-1 de la Convention d’extradition avec l’Inde.

191 La Convention d’extradition avec les Etats-Unis et la Convention d’extradition avec la Corée du Sud renvoie à la permission de l’État de transit.

192 Ce traité type fait écho aux idées développées par Henri DONNEDIEU DE VABRES qui a conceptualisé le développement de l’extradition en trois phases : contractuelle, législative et universelle192. Cette dernière devrait être incarnée par un régime ou une loi unifiée qui soumettrait tous les États afin d’organiser les demandes d’extradition. Et même si cette idée d’universalité paraît utopique, les tentatives pour y tendre n’ont pas cessé. Un régime internationalement unifié en la matière réglerait aussi la question de la double incrimination à l’instar de la Convention d’extradition des Nations-Unies, considérée comme un modèle.

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110. L’article 2 intitulé « Infractions donnant lieu à extradition » prévoit en son premier paragraphe que, « aux fins du présent traité, les infractions donnant lieu à extradition sont les infractions punies par la législation de chacune des parties d’une peine d’emprisonnement ou d’une autre forme de privation de liberté d’au moins [un/deux] an(s) ou d’une peine plus sévère. Lorsque la demande d’extradition concerne un individu recherché pour purger une peine d’emprisonnement ou d’autre forme de privation de liberté infligée pour une telle infraction. L’extradition ne sera accordée que si la durée de la peine restant à purger est d’au moins [quatre/six] mois ». On comprend alors que la double incrimination est exigée en tant que condition principale préalable à l’extradition et qu’elle vise deux objectifs : que le fait soit incriminé dans le droit interne des États parties, et qu’il soit déterminé la peine plancher encourue ainsi que la peine prononcée par l’autorité de l’État requérant.

111. Du premier paragraphe il est possible de déduire que la notion de peine encourue englobe toute peine d’emprisonnement ou toute autre forme de privation de liberté ; cela englobe par conséquent aussi les mesures de sûreté qui ne sont pourtant pas mentionnées habituellement dans les conventions bilatérales d’extradition.194.

De plus, le traité, en tant que guide consultatif, n’impose pas un seuil de peine encourue ou prononcée, laissant ce soin aux États qui vont conclure ou modifier leurs conventions bilatérales.

112. Le traité a par ailleurs aussi tranché la question de la méthode d’interprétation de la double incrimination, surmontant ainsi l’obstacle de l’interprétation stricte qui exige l’identification de la classification de fait entre l’État requis et requérant. Tel est l’objet du second paragraphe de l’article 2 : « Lorsqu’il s’agit de déterminer si une infraction est une infraction à la législation de chacune des parties, il n’est pas tenu compte : a) du fait que les législations des parties rangent ou non les actes ou omission constituant l’infraction dans la même catégorie d’infraction ou désignent l’infraction par le même nom ». L’État requis ne doit donc pas se référer à l’interprétation dite « identique ».

194 Nous trouvons une exception dans la Convention d’extradition signée avec l’Iran dans laquelle les mesures de sûreté sont prises en compte en tant que peine privative de liberté. V. art. 3-2 de ladite Convention.

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Prenons l’exemple d’un État qui adresserait à l’État requis une demande d’extradition à l’encontre de l’auteur d’un vol ; l’État requis ne pourrait alors refuser l’extradition sous prétexte que l’acte faisant l’objet de la demande d’extradition tombe sous la qualification d’escroquerie.

113. Il n’est pas tenu compte non plus « b) du fait que les éléments constitutifs de l’infraction sont ou non les mêmes dans la législation de chacune des parties, étant entendu que la totalité des actes ou omission, telle que présentée par l’État requérant, sera prise en considération ». Cette fois, le traité évite à l’État d’effectuer une recherche sur le bien-fondé de la double incrimination.

114. D’autres solutions ont été apportées indirectement par le traité qui stipule qu’en matière d’impôts ou des taxes, l’État requis ne peut refuser l’extradition au motif que l’État requis auregard de son droit interne n’impose pas le même type de taxe ou de droit, ne prévoit pas d’impôts, de droits de douane ou de réglementation des changes du même type que la législation de l’État requérant195.

115. Concernant l’extradition accessoire, le traité donne le droit à l’État requis d’accorder l’extradition si la demande vise plusieurs infractions distinctes punies par les législations des deux parties, mais dont certaines ne remplissent pas les autres conditions définies à l’article 2 § 1 du moment qu’au moins l’une des infractions pour lesquelles l’individu est réclamé donne lieu à extradition196. Rappelons que selon nous, lorsque l’extradition accessoire vise à déroger à la double incrimination, il ne peut s’agir que du taux de la peine et non de l’incrimination elle-même.

116. Par ailleurs le traité a reconnu l’utilisation spéciale de la double incrimination permettant à l’État requis de refuser l’extradition si l’État requérant se fonde sur un chef de compétence que l’État requis ne reconnaît pas. En ce sens, l’article 4 prévoit que : « l’extradition peut être refusée : e) si l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée a été commise hors du territoire de l’une ou de l’autre partie et que, selon sa

195 Art. 2-3 du Traité type d’extradition des Nations Unies.

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législation, l’État requis n’est pas compétent en ce qui concerne les infractions commises hors de son territoire dans des circonstances comparables ».

117. Pour ce qui est du principe de spécialité, le traité a organisé ce principe à l’article 14 relatif à l’accusation d’infraction autre que celle accordée par l’État requis ; dans ce cas de figure il est indispensable de recueillir le consentement de l’État requis en premier, puis que ce consentement porte sur une infraction donnant lieu à extradition. Le paradoxe est que le traité n’a en revanche pas réglé la question de la requalification de l’incrimination comme cela est prévu dans certaines conventions bilatérales d’extradition signées par la France (et dans lesquelles la requalification doit porter sur le même fait que la nouvelle qualification d’infraction).

118. Enfin, la question de la double incrimination n’a pas été évoquée en cas de transit. En effet, l’article 15 du traité ne fait que renvoyer au droit interne de l’État requis pour traiter la demande de transit reçu par l’État requérant.

119. Il apparait, ainsi, que la double incrimination tant au sein du Traité type d’extradition qu’au sein des conventions bilatérales est une condition cardinale à laquelle l’extradition est toujours subordonnée. Malgré l’importance et la présence permanente de cette condition dans les conventions d’extradition, elle est de plus en plus ressentie comme un obstacle disproportionné en matière d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale197. C’est pour cette raison que les conventions bilatérales et le Traité type d’extradition ont diminué la rigueur de cette condition en limitant par exemple l’interprétation stricte par l’État requis et en exigeant un seuil minimal assez bas pour accorder l’extradition.

197 Bernadette AUBERT, Laurent DESESSARD et Michel MASSÉ, « L’organisation des dispositifs spécialisés de lutte contre la criminalité économique et financière en Europe : Droit international », in

L’organisation des dispositifs spécialisés de lutte contre la criminalité économique et financière en Europe,

Partie II, collection de la Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, nouvelle série, n°4, LGDJ, 2004, p. 64.

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B. Les instruments européens en matière d’extradition

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