• Aucun résultat trouvé

La lutte contre le terrorisme aérien

dans les conventions spéciales des Nations Unies

A. La lutte contre le terrorisme aérien

227. La protection internationale dans le domaine de l’aviation civile préoccupe la communauté internationale depuis de nombreuses années, et constitue dès lors le premier pas au niveau international dans la lutte contre le terrorisme.

228. Le droit pénal international aérien263se concentre autour de trois conventions internationales : la Convention relative aux infractions et certains actes survenant à bord des aéronefs, adoptée à Tokyo le 4 septembre 1963 (ci-après la Convention de Tokyo) s’appliquant aux actes affectant la sécurité des aéronefs en vol264, la Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, adoptée à La Haye le 16 décembre 1970, texte international faisant suite à la multiplication des attaques contre les avions, notamment le détournement de trois aéronefs sur l’aérodrome de Zarqa en Jordanie par le F.P.L.P. de George Habach en 1970265 (il s’agit du fait qu’une personne s’empare illicitement et par la violence ou la menace d’un aéronef en état de vol, y compris la complicité et la

262 Jean-Christophe MARTIN, Les règles internationales relatives à la lutte contre le terrorisme, Bruylant, 2006, p. 159.

263 Terme utilisé par R.H. MANKIEWICZ, « La Convention de Montréal de 1971 pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile », AFDI, 1971, volume 17, p. 855 et s.

264 Art. 1, Convention de Tokyo 1963.

265 Kevin Constant KATOUYA, Réflexions sur les instruments de droit pénal international et européen de

lutte contre le terrorisme, Publibook, 2013, p. 70.

Titre I.

Double incrimination et coopération pénale internationale

tentative266). Et enfin la convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, adoptée le 23 septembre 1971 à Montréal267.

229. La Convention de Tokyo en tant que premier instrument formel du droit conventionnel antiterroriste, ne prévoyait rien en matière d’extradition268. Il en va différemment dans la Convention de La Haye dont l’article 8 prévoit que :

« 1- l’infraction est de plein droit comprise comme cas d’extradition dans tout traité d’extradition conclu entre États contractants. Les États contractants s’engagent à comprendre l’infraction comme cas d’extradition dans tout traité d’extradition à conclure entre eux.

2- si un État contractant qui subordonne l’extradition à l’existence d’un traité est saisi d’une demande d’extradition par un autre État contractant avec lequel il n’est pas lié par un traité d’extradition, il a l’attitude de considérer la présente convention comme constituant la base juridique de l’extradition en ce qui concerne l’infraction. L’extradition est subordonnée aux autres conditions prévues par le droit de l’État requis ».

Son article 10 ajoute quant à lui que :

« 1- les États contractant s’accordent l’entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure pénale relative à l’infraction et aux autres actes visés à l’article 4. Dans tous les cas, la loi applicable pour l’exécution d’une demande d’entraide est celle de l’État requis.

2- Toutefois, les dispositions de paragraphe 1er du présent article n’affectent pas les obligations découlant des dispositions de tout autre traité de caractère bilatérale ou multilatéral qui régit ou régira, en tout ou en partie, le domaine de l’entraide judiciaire en matière pénale ».

Ces dispositions se retrouvent à l’identique dans la Convention de Montréal, également aux articles 8 et 10 de cette convention.

266 V. art. 1, Convention de La Haye 1970 érigeant en infraction le fait pour une personne d’accomplir illicitement et intentionnellement un acte de violence à bord d’un aéronef en vol si cet acte est de nature à compromettre la sécurité de cet aéronef; de même que le fait de détruire un aéronef en service ou de lui causer des dommages le rendant inapte au vol ou qui sont à nature à nuire à sa sécurité en vol, de placer ou de faire placer sur un aéronef en service, par quelque moyen que ce soit, un dispositif ou des substances à même de détruire ledit aéronef ou de lui causer des dommages ; comme le fait de détruire ou d’endommager des installations ou des services de navigation aérienne ; ces incriminations comprennent aussi la complicité et la tentative de tous ces actes.

267 Art. 1, Convention de Montréal 1971.

268 Ana PEYRO LLOPIS et Damien VENDERMEERSCH, « L’extradition et l’entraide judiciaire », in Juger

le terrorisme dans l’État de droit, Bruylant, 2009, p. 405 et s.

La condition de la double incrimination en droit pénal international

— 132 —

230. Sur le plan rédactionnel, la double incrimination n’est donc pas mentionnée, mais cela n’empêche pas de pouvoir affirmer que la double incrimination est bel et bien présente, bien qu’indirectement pour les deux raisons suivantes.

Premièrement, en raison du système « d’application indirecte » du droit pénal international269, puisque les conventions mentionnées traitent certains aspects criminels en renvoyant aux lois nationales, comme le montrent les articles 8 et 10 de ces conventions270. En analysant l’article 8-1, on peut lire que la Convention affirme que l’infraction, de plein droit, est comprise comme un « cas d’extradition », ce qui signifie que les infractions figurant à l’article premier doivent être considérées comme des infractions susceptibles de faire l’objet d’une extradition. Il en résulte que pour que l’extradition puisse être accordée en raison de ces infractions, celles-ci doivent être reconnues réciproquement comme des actes criminels dans l’État requérant et l’État requis.

231. C’est ce qu’affirme le dernier paragraphe de l’article 8-2 qui précise que « l’extradition est subordonnée aux autres conditions prévues par le droit de l’État requis ». Cette convention a formulé explicitement le système d’application par renvoi aux lois de l’État requis pour déterminer les conditions juridiques de l’extradition. De la sorte en droit français, on ne peut éviter l’article 696-3 du Code de procédure pénale qui dispose : « En aucun cas l’extradition n’est accordée par le gouvernement français si le fait n’est pas puni par la loi française d’une peine criminelle ou correctionnelle ». En appliquant cette règle aux conventions déjà mentionnées il n’y a d’autre choix que d’appliquer systématiquement la double incrimination dans les conventions relatives au terrorisme aérien.

232. Cette solution adoptée par ces conventions est affirmée aussi par les résolutions de l’Assemblé générale qui font référence aux lois nationales afin de décider d’accorder ou

269 M. C BASSIOUNI, op. cit.p. 169.

270 Ces conventions font référence aux lois nationales pour des aspects autres que l’extradition comme les dispositions sur la détention figurant à l’article 6 qui renvoie aux lois de l’État sur le territoire duquel l’auteur présumé se trouve.

Titre I.

Double incrimination et coopération pénale internationale

non l’extradition ou toute autre procédure d’entraide pénale internationale pour une lutte efficace contre le terrorisme. Pour preuve la résolution 49/60 indique que : « 5- Les États doivent également … b) veiller à arrêter, traduire en justice ou extrader les autres actes de terrorisme, conformément aux dispositions pertinentes de leur droit national »271. Ainsi, l’application de la double incrimination s’avère intournable dans la mise en œuvre du système de coopération judiciaire instauré dans le domaine de l’antiterrorisme. 233. Deuxièmement, en raison de lien existant entre la double incrimination et le principe de

légalité criminelle272, Le principe de légalité criminelle, en tant que principe fondamental, appartient aux principes généraux de droit en droit international et est ainsi reconnu par les nations civilisées comme source du droit international général273. Il convient ici de préciser que les conventions internationales ne dérogent pas aux droits fondamentaux du droit international, en particulier les Droits de l’Homme qui constituent une base essentielle de toute convention en matière pénale afin d’assurer l’État de droit pour les pays contractants à ces conventions.

234. Dès lors la double incrimination est imposée indirectement dans les conventions antiterroristes. Nous ne pouvons en effet pas écarter la double incrimination dans les conventions antiterroristes en raison de l’absence de sa mention, l’application d’un principe fondamental, en l’occurrence le principe de légalité criminelle ne nécessitant pas d’être explicitement nommé pour être appliqué. Au contraire, c’est la dérogation à la double incrimination qui doit être explicite, de par son atteinte à la stabilité juridique préétablie.

235. Quant à l’article 10 de la Convention de La Haye, il porte sur l’entraide pénale judiciaire entre les États contractants et les invite à accorder l’entraide judiciaire la plus large possible. Cet article repose sur le même modèle que celui adopté à l’article 8 en stipulant que « dans tous les cas, la loi applicable pour l’exécution d’une demande d’entraide est

271 Résolution adoptée par l’Assemblée générale, 49/60, 17 février 1995.

272 cf. introduction générale n° 32 et s.

273 Art. 38 du statut de la Cour internationale de justice.

La condition de la double incrimination en droit pénal international

— 134 —

celle de l’État requis »274. En droit français, il convient dès lors d’appliquer le titre X du Code de procédure pénale, intitulé, « entraide judiciaire internationale », qui comprend, on l’a vu, des dispositions générales et spéciales sur différents mécanismes procéduraux. Or ces dispositions, comme on l’a indiqué, ne font pas de la double incrimination une condition de l’entraide judiciaire275.

236. L’article 694-4 du Code de procédure pénale prévoit toutefois que« Si l’exécution d’une demande d’entraide émanant d’une autorité judiciaire étrangère est de nature à porter atteinte à l’ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation, le procureur de la République saisi de cette demande ou avisé de cette demande en application du troisième alinéa de l’article 694-1 la transmet au procureur général qui détermine, s’il y a lieu, d’en saisir le ministre de la justice et donne, le cas échéant, avis de cette transmission au juge d’instruction ». Il s’agit ici d’une règle générale selon laquelle l’entraide judiciaire internationale demandée à l’autorité française ne doit pas porter atteinte à l’ordre public français276.

Or, certains auteurs retiennent l’article 694-4 comme un cas de refus de l’entraide judiciaire internationale si elle porte atteinte à l’ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation, et considèrent que l’atteinte à l’ordre public est un motif utile pour pallier l’absence de condition de double incrimination277.

237. Par ailleurs, comme le montre par exemple l’article 694-11 sur l’entraide aux fins de saisie des produits d’une infraction en vue de leur confiscation ultérieure, qui renvoie à l’article 713-37 pour déterminer les motifs de refus de l’entraide judiciaire en ce domaine. lequel prévoit que « Sans préjudice de l’application de l’article 694-4, l’exécution de la confiscation est refusée : 1° Si les faits à l’origine de la demande ne sont pas constitutifs

274 Art. 10 de la Convention de La Haye de 1970, et art. 11 de la Convention de Montréal de 1971.

275 Didier REBUT, Droit pénal international, 2é édition, Dalloz, 2015, p. 304, n° 505.

276 Cet article est inspiré de l’article 2 de la Convention européenne du 20 avril 1959 : « l’entraide judiciaire

pourra être refusée : b- si la partie requise estime que l’exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l’ordre public ou à d’autres intérêts essentiels de son pays » V.

Art. 3 de la Convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et les Émirats Arabes unis de 2 mai 2007.

Titre I.

Double incrimination et coopération pénale internationale

d’une infraction selon la loi française », montre que la double incrimination est bel et bien exigée pour certains mécanismes d’entraide judiciaire internationale.

238. Dans le domaine de l’entraide judiciaire internationale l’application de la double incrimination est néanmoins atténuée en comparaison avec ce que prévoit les procédures de l’extradition, sous condition que l’acte de l’entraide judiciaire n’ait pas un caractère coercitif.

239. Les Conventions de La Haye et de Montréal, dans leurs dispositions dédiées à l’entraide judiciaire internationale, ont affirmé que celles-ci n’affectent en rien les obligations découlant des dispositions de tout autre traité bilatéral ou multilatéral régissant ou voué à régir en tout ou partie l’entraide judiciaire en matière pénale. Ainsi est donnée priorité aux traités bilatéraux ou multilatéraux et la double incrimination y sera appliquée, qu’elle y soit présente ou absente278. On notera enfin que le Protocole de 1988 sur la répression des actes de violence dans les aéroports internationaux d’aviation civile, complétant la Convention de Montréal, ne comporte pas de dispositions dédiées à la double incrimination.

Documents relatifs