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Ce bref historique montre que la double incrimination peut trouver sa source aussi bien dans une convention internationale que dans une loi nationale, l ’une et l’autre étant une

source du droit pénal international, auxquelles il faut ajouter les principes généraux du droit international, la coutume internationale et le principe de réciprocité53.

25. Lorsque c’est la loi qui formule la double incrimination, sa place varie. En matière de compétence pénale, la double incrimination n’est évoquée que lorsque l’infraction en question est commise hors du territoire de la République. Dès lors la double incrimination est une condition uniquement pour les infractions commises à l’étranger et donc une condition liée aux compétences extraterritoriales françaises. En revanche, dans le domaine de l’entraide judiciaire internationale, objet d’un titre X dans le Code de procédure pénale, il est fait référence à cette condition pour la quasi-totalité des mécanismes de coopération pénale internationale aussi bien l’extradition que d’autres formes d’entraide judiciaire pénale.

26. En droit international, on trouve clairement cette condition dans les conventions bilatérales et multilatérales d’extradition. Dans les conventions bilatérales relatives à l’extradition, la double incrimination est présente dans la quasi-totalité des cas. Elle constitue une condition essentielle de l’extradition, de même que dans certaines conventions multilatérales comme la Convention européenne d’extradition54 qui prévoit à l’article 2-1 que, « donneront lieu à extradition les faits punis par les lois de la Partie requérante et de la Partie requise d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins d’un an ou d’un peine plus sévère ».

complices des mêmes crimes seraient arrêtés en France, ou dont le Gouvernement obtiendrait l’extradition ».

52 Pasquale FIORE, Traité de Droit pénal international et de l’extradition, Paris, Durand et Pedone, 1880,

p. 212.

53 Didier REBUT, Droit pénal international, op. cit., n° 15 et s.

Introduction

L’existence de la double incrimination en droit international n’est cependant pas limitée aux conventions internationales en matière de coopération internationale. Elle trouve aussi sa source dans des conventions internationales de lutte contre certains crimes et qui contiennent des dispositions consacrées à la coopération judiciaire entre États contractants applicables lorsque ces États ne sont pas liés par conventions de coopération pénale internationale55.

27. Sur le plan doctrinal, la double incrimination a fait l’objet de plusieurs analyses ayant trait à ses fondements juridiques. Il existe ainsi une théorie selon laquelle la condition de double incrimination découlerait directement du principe de réciprocité56. Cette théorie repose sur un traité d’extradition entre l’Allemagne et la Belgique du XIXe siècle qui montrait avec clarté la volonté d’établir une réciprocité parfaite. Était posée l’obligation pour les négociateurs de choisir les infractions donnant lieu à extradition en choisissant des termes englobant les éléments constitutifs de chaque infraction dans les deux lois pénales. Cette théorie a cependant été critiquée à plusieurs égards. Premièrement considérer la réciprocité comme le fondement de la double incrimination suppose que l’extradition soit régie par un traité, or l’extradition fait aussi l’objet d’un traitement purement interne lequel peut ne pas faire référence à la réciprocité. Deuxièmement, faire de la réciprocité la source de la double incrimination conduit à admettre que l’abandon de celle-ci ferait tomber celle-là. Mais cela apparaît peu logique car la réciprocité est un principe de nature politique tandis que la double incrimination est de nature purement juridique.

La référence à la réciprocité en tant que fondement de la double incrimination a par ailleurs été développée par la doctrine uniquement en matière de coopération pénale internationale et plus particulièrement en matière d’extradition. Ce fondement ne trouve en revanche aucune place en matière de compétence extraterritoriale.

55 V. art. 23 de la Convention des Nations Unies contre la corruption du 31 octobre 2003. Art. 16 de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000. Art. 24 de la convention sur la cybercriminalité, Budapest du 23 novembre 200, STE n° 185.

56 Arrêt du Tribunal fédéral suisse (A.T.F.), non publié, du 1er juin 1934concernant le cas Sperber, cité par Curt MARKEES, « Les problèmes actuels de l’extradition », RIDP, 1968, op. cit., p. 749.

La condition de la double incrimination en droit pénal international

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Enfin, en matière d’extradition, il convient de distinguer entre celle exercée en vertu d’une convention ou d’un traité énumérant les infractions extraditionnelles et où la double incrimination n’est pas indispensable, et l’extradition pratiquée en l’absence de toute convention ou de loi interne se fondant plutôt sur le principe de réciprocité et où la double incrimination s’impose nécessairement pour garantir le même traitement à l’État requis lorsque celui-ci deviendra à son tour l’État requérant57. Sur ce point on notera qu’une circulaire émise par le Ministre de la justice français le 30 juillet 1872, indiquait que la réciprocité pouvait être la base de l’extradition en l’absence de toute convention ou traité entre la France et l’État requérant, et que l’extradition devait alors être appliquée selon les règles du droit international58, ainsi que selon les pratiques internationales de l’extradition. Certains en ont déduit que la double incrimination pouvait être une condition exigée par le droit international coutumier59.

28. En réalité, la double incrimination trouve son fondement sur des terrains plus solides et stables que celui de la réciprocité. La double incrimination est, avant tout, une question de justice60, en lien avec l’utilisation légale et légitime de la violence par l’État au nom de sa souveraineté. Pour que cette souveraineté soit sauvegardée, l’État doit tenir ses propres conceptions juridiques, des conceptions incarnant la réflexion de la nation sur la criminalité. Ce qui renvoie au concept de l’État de droit, qui interdit d’entreprendre une action à l’encontre d’une personne innocente. L’État qui accepterait de livrer un individu pour un fait ne constituant pas une infraction dans son droit interne violerait ainsi la notion d’État de droit61. GRUTZNER indique d’ailleurs que la condition de la double incrimination est une conséquence du concept qui est la base d’un État fondé sur le droit62.

57 M. Cherif BASSIOUNI, International extradition: United States Law and practice, Oceana publications Inc. Third edition, 1996, p. 389.

58 M. Cherif BASSIOUNI, op. cit., p. 7.

59 M. Cherif BASSIOUNI, op. cit., p. 394.

60 M. Cherif BASSIOUNI, « Les problèmes actuels de l’extradition », RIDP, 1968, p. 501.

61 Dietrich OEHLER, « Les problèmes actuels de l’extradition », RIDP, 1968, p. 399.

62 Heinrich GRUTZNER, « Staatspolitik und krimialpolitik im Auslieferungsrecht », ZSTW, vol. 68. p. 506. Cité par lui dans son rapport sur les problèmes actuels de l’extradition, RIDP, 1968, p. 383.

Introduction

29. En matière de coopération pénale internationale, le fondement de la double incrimination se trouve également dans la finalité de cette coopération. Selon BECCARIA, « la persuasion de ne pas trouver sur la terre aucun lieu où le crime demeure impuni, serai un moyen bien efficace de le prévenir »63. Ce qui suppose l’existence d’une vision commune quant aux faits qualifiés d’infractionnel faisant naitre un intérêt commun des États à se prêter assistance pour lutter contre de tels faits. Si un fait, en revanche, n’est pas incriminé dans l’État requis, il ne relève pas de cette criminalité partagée, ce qui aboutit au refus de l’entraide pénale car l’État requis n’a pas d’intérêt à contribuer à la lutte contre un fait qui ne constitue pas une infraction selon sa loi pénale64. La double incrimination trouve également son fondement dans la notion d’ordre public qui interdit de mettre en œuvre les pouvoirs répressifs pour un fait qui ne constitue pas une infraction sur son territoire et au seul service d’une souveraineté étrangère où le fait est incriminé65. 30. Dans le domaine des compétences extraterritoriales et plus spécialement celui de la compétence personnelle, les fondements de la double incrimination sont proches de ceux rencontrés en matière de coopération pénale internationale. La double incrimination montre la nécessité de l’existence d’un trouble affectant le territoire français et le territoire étranger. La compétence personnelle est alors justifiée par un souci de la réputation de la France lorsque l’un de ses ressortissants commet une infraction à l’étranger. Or en l’absence d’incrimination en droit étranger la réputation de la France n’est pas ternie66 et il parait alors excessif d’engager une poursuite pénale contre un fait qui n’a pas troublé l’ordre public de l’État où il a été commis. À contrario, l’absence d’incrimination en droit français témoigne de la faiblesse de la menace pesant sur l’ordre public interne et justifie la mise à l’écart de la compétence française67.

63 Cesare BECCARIA, Traité des délits et des peines, op. cit., § 25. 1764.

64 Didier REBUT, Droit pénal international, op. cit., n° 266.

65 Ibid.

66 Alain FOURNIER, « Aperçu critique du principe de double incrimination en droit pénal international », op. cit., p. 333.

67 Didier REBUT, Droit pénal international, op. cit., n° 130.

La condition de la double incrimination en droit pénal international

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31. Si tous les arguments évoqués précédemment permettant d’expliquer la double

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