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Les dispositions internes consacrées au mandat d ’arrêt européen

et aux procédures équivalentes

B. Les dispositions internes consacrées au mandat d ’arrêt européen

166. En France, les dispositions transposant la décision-cadre du 13 juin 2012 n’ont pas fait l’objet d’une loi spécifique régissant le mandat d’arrêt européen. Elles ont été en fait insérées dans une loi beaucoup plus large dont l’objet premier était la lutte contre la criminalité organisée à savoir la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 dite loi Perben II. La transposition du mandat d’arrêt européen a conduit le législateur à introduire plusieurs dispositions dans le Code de procédure pénale aux articles 695-11 à 695-51 figurant dans un chapitre spécial : Chapitre IV du Titre X consacré à l’entraide judiciaire internationale. 167. La transposition de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen dans le Code de procédure pénale se démarque de la décision-cadre elle-même, notamment concernant la double incrimination. Dans la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen, le contrôle de la double incrimination a en effet été supprimé pour une liste exhaustive d’infractions. Ce que signifie également que toute infraction en dehors de cette liste peut

La condition de la double incrimination en droit pénal international

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être soumise au contrôle de la double incrimination. Mais ce n’est qu’une option pour l’État que de soumettre l’exécution du mandat à la double incrimination ou non. Dans un tel cas, l’absence de double incrimination, pour une infraction ne figurant pas dans cette liste d’infractions, constituant un motif facultatif de non-exécution.

168. Au contraire de la décision-cadre du mandat d’arrêt européen, le Code de procédure pénale n’a pas opté pour la même solution concernant l’absence de double incrimination si l’infraction ne figure pas dans la liste d’infractions pour lesquelles la double incrimination n’est pas appliquée. Il est en effet précisé à l’article 695-23 que « L’exécution d’un mandat d’arrêt européen est également refusée si le fait faisant l’objet dudit mandat d’arrêt ne constitue pas une infraction au regard de la Loi française ». La loi française, à l’instar de la décision-cadre, a organisé les motifs de non-exécution du mandat d’arrêt européen entre motifs obligatoires et facultatifs mais n’a donc pas suivi la solution européenne concernant la double incrimination car celle-ci est classé dans la loi française parmi les motifs obligatoires de non-exécution du mandat d’arrêt européen. 169. Le législateur français a en outre prévu un motif de non-exécution obligatoire qui n’est

pas envisagé en tant que tel par la décision-cadre. En effet, en droit français, l’exécution du mandat d’arrêt européen doit aussi être refusée selon l’article 695-22, 4°, « si les faits pour lesquels il a été émis pouvaient être poursuivis et juger par les juridictions françaises et que la prescription de l’action publique ou de la peine se trouve acquise ». L’acquisition de la prescription ôtant le caractère criminel au fait, cela a poussé le législateur français à le classer comme un motif obligatoire de non-exécution. Cette solution apportée par le législateur français apparait plus sévère que celle prévue par la décision-cadre puisque celle-ci a classé la prescription parmi les motifs facultatifs de refus.

170. Quant à l’utilisation spéciale de la double incrimination dans le mandat d’arrêt européen, il convient de reconnaître que le mandat d’arrêt européen ne peut être refusé pour non-reconnaissance d’un chef de compétence extraterritoriale231.

231 Cristina MAURO, « Réflexion à propos de la loi introduisant le mandat d’arrêt européen en France », in Le

Titre I.

Double incrimination et coopération pénale internationale

171. L’infidélité ou plutôt la frilosité de la loi française de transposition de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen montre un certain degré de méfiance à l’égard des autres systèmes pénaux européens. En conservant la double incrimination en tant que motif obligatoire de non-exécution du mandat d’arrêt européen, — hors liste d’infractions — la loi française limite le principe de reconnaissance mutuelle, et donc la confiance que peuvent s’accorder les pays européens dans la mise en œuvre du mandat d’arrêt européen.

Ce maintien de la double incrimination va à l’encontre du but de la création dudit mandat, surtout lorsque l’on sait que la Chambre d’instruction a la faculté d’interpréter plus ou moins largement selon les catégories d’infractions, ce qui peut conduire soit à faciliter l’exécution de ce mandat soit à faire obstacle à sa mise en œuvre.

172. Pour conclure ce développement sur la double incrimination au sein des normes consacrées à l’extradition et aux procédures équivalentes, nous ne pouvons qu’admettre que la double incrimination se trouve être une condition solide, stable et à laquelle il s’avère difficile de renoncer, ce qui a été prouvé par les États eux-mêmes en construisant leurs relations conventionnelles de l’extradition et par les actes unilatéraux qui ont pu être passés par des États en légiférant sur le droit d’extradition. Cette position des États peut s’expliquer pour plusieurs raisons. La première a trait à la nature coercitive de l’extradition qui touche directement la liberté individuelle et amènent donc les États à rester vigilants sur l’aide demandée afin de protéger les principes des Droits de l’Homme. La deuxième raison est la lourdeur des procédures d’extradition et des procédures équivalentes ainsi que leur coût, qui font réfléchir davantage les États avant d’agir ; ce serait sinon considéré comme un gaspillage injustifiable des efforts et de la fortune de la nation. La troisième est que les États refusent de renoncer à leur souveraineté pénale face aux autres États et gardent à l’esprit la corrélation entre souveraineté et pouvoir.

173. Les efforts faits par l’Union européenne dans la mise en œuvre d’un mécanisme spécial de remise des personnes recherchées ou condamnées, a abouti à la création du mandat d’arrêt européen, ce qui a changé indéniablement le traitement de la double incrimination. Cependant avec réticence. En effet, si la double incrimination a été maintenue avec un

La condition de la double incrimination en droit pénal international

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champ d’application plus restreint, la transposition de ce système en droit interne est en quelque sorte un pas en arrière.

174. La coopération pénale internationale ne se limite cependant pas à l’extradition et ses procédures équivalentes mais inclut également toutes les autres formes de coopération pénale internationale qui parfois s’avèrent moins coercitives que l’extradition. Et pour lesquelles la double incrimination peut également être une condition.

Section II.

La double incrimination dans les normes consacrées

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