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Les décisions-cadres de l ’Union européenne

dans les instruments européens spéciaux

B. Les décisions-cadres de l ’Union européenne

364. Pour ce qui est de l’Union Européenne, en matière de terrorisme nous limiterons notre analyse à trois Décisions-cadres : la Décision-cadre du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits de crime362, la Décision-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme363, et la Décision-cadre du 28 novembre 2008 portant modification de la Décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme364.

361 Didier REBUT, Extradition , Rép. Internat., Dalloz, 2009, n° 116.

362 JOCE., L 182/1 de 5/7/2001.

363 JOCE., L 164/3 de 22/6/2002.

Titre I.

Double incrimination et coopération pénale internationale

365. Aucune de ces Décisions-cadre n’a abordé la question de la double incrimination aussi clairement que les Conventions du Conseil de l’Europe précitées. Les Décisions-cadres ont pour but de rapprocher les dispositions législatives dans un même domaine de droit pénal. Par exemple, la Décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme oblige les État à considérer comme des infractions terroristes les infractions figurant à l’article 1 établissant une liste d’infractions (cf. article 1-a à 1-i). L’article 2 donne la définition de « groupe terroriste » en précisant en son paragraphe 2 l’obligation qu’ont les États membres de punir les actes intentionnels de direction de groupe terroriste de même que l’appartenance à un tel groupe. La Décision-cadre de 2008 modifiant celle de 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, a élargi le champ des infractions terroristes en définissant ces infractions et en abolissant de ce fait l’obstacle qu’auraient pu être les divergences d’interprétation de la double incrimination entre les États membres, s’ils l’transposent à l’identique cette Décision-cadre dans leurs législations internes365. 366. En l’occurrence, ce qui nous intéresse dans la Décision-cadre relative à la lutte contre le

terrorisme est l’article 5 intitulé « Sanctions » qui dispose que : « chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les infractions visées aux articles 1er à 4 soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasive, susceptible d’entrainer l’extradition ». Cette Décision-cadre semble un peu différente du traitement opéré par les Conventions du Conseil de l’Europe relatives au terrorisme. En effet, elle ne traite plus l’extradition en se référant au modèle « liste d’infractions », mais utilise le modèle dit du « minimum de peine ». La question est de savoir quel peut être la peine minimum pouvant donner effet à la demande d’extradition selon cette Décision-cadre. Deux solutions sont possibles : la première pourrait être une détermination unilatérale de la peine par l’État, eu égard à ses lois nationales en matière d’extradition et en tant qu’État requis, la deuxième solution serait de demander au Secrétaire général du Conseil de l’Union-Européenne ce qu’il faut entendre par peines minimales pouvant entraîner l’extradition entre États membres.

365 La décision-cadre de 2008 modifiant la décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme a intégré de nouvelles infractions terroristes telles que la provocation publique à commettre une infraction terroriste, le recrutement pour le terrorisme, l’entrainement pour le terrorisme et elle a élargi le champ de la tentative, de la complicité et l’incitation à commettre les infractions terroristes.

La condition de la double incrimination en droit pénal international

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367. La Décision-cadre concernant le blanchiment d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime du 26 juin 2001 ne s’éloigne pas de ces Décisions-cadres. Cette Décision-cadre est en lien avec la Convention de 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime. Elle oblige les États, à l’article 2 intitulé aussi « Sanctions », de prendre les mesures nécessaires afin que les infractions visées à l’article 6 § 1 a et b de la Convention de 1990366 soient passibles de peines privatives de liberté dont le maximum encouru ne peut être inférieur à quatre ans. La détermination d’une peine de quatre ans semble suffisante dès lors que la double répression s’ajoute à celle de double incrimination.

368. L’article 3 de ladite Décision-cadre intitulé quant à lui « Confiscation » résout la problématique de la non-reconnaissance de certaines mesures de confiscation. L’article 3 prévoit en effet que « chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que sa législation et ses procédures relatives à la confiscation des produits du crime permettent aussi, au moins dans le cas où ces produits ne peuvent être appréhendés, la confiscation des biens d’une valeur correspondant à celle des produits, dans le cadre tant de procédures purement internes que de procédures engagées à la demande d’un autre État membre, y compris des demandes d’exécution d’ordres de confiscation étrangers. Les États membres peuvent cependant exclure la confiscation des biens d’une valeur correspondant aux produits du crime dans les cas où cette valeur serait inférieure à 4 000 euros ». Invitation est faite aux États membres, qui ne connaissent pas la confiscation des biens d’une valeur correspondant à celle des produits en cause, de modifier leur législation afin que la coopération internationale entre les États membres puisse être effectuée sans l’obstacle de la non-reconnaissance des mesure parallèles dans le pays requis.

366 Le point a) vise : « la conversion ou le transfert de biens dont celui qui s’y livre sait que ces biens constituent des produits, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou d’aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l’infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes » et le point b) : « la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété réels de biens ou de droits y relatifs, dont l’auteur sait que ces biens constituent des produits ».

Titre I.

Double incrimination et coopération pénale internationale

369. En conclusion, nous pouvons dire que la double incrimination demeure une condition jouant un rôle important dans le domaine de la coopération internationale en matière pénale, et ce même dans des instruments européens dont le champ géographique est plus étroit que celui des Conventions des Nations-Unies.

§ 2. Les instruments européens de lutte contre la corruption

370. Les valeurs fondatrices de l’Union européenne que sont la liberté, l’égalité, la démocratie,

la dignité humaine et l’État de droit, ainsi que le respect des Droits de l’Homme,367 ont mené l’Union européenne à ne pas cesser de mettre en œuvre les instruments nécessaires pour leur protection.

371. Or, la corruption est une entrave à toutes ces valeurs. En effet, elle entrave le développement économique, entame la démocratie, compromet la justice sociale et l’État de droit368, et elle a conduit les ministres de la justice européens en 1994 à recommander que la corruption soit traitée au niveau européen car ce phénomène menace gravement la stabilité des institutions démocratiques et le fonctionnement de l’économie de marché369. 372. Avec la création du Groupe Multidisciplinaire sur la Corruption (G.M.C.) en 1995, la lutte contre la corruption au niveau européen s’est largement imposée comme une véritable priorité du Conseil de l’Europe, au point qu’il a présenté un projet de vingt principes directeurs afin de mener la lutte contre la corruption qui fut adopté par le Comité des ministres370. Parmi ces principes nous retiendrons ceux en lien avec la question de la double incrimination. Le principe n° 2 prévoit qu’il faut « assurer une incrimination coordonnée de la corruption nationale et internationale », et le n° 20 ordonne de « développer la coopération internationale la plus large possible dans tous les domaines de la lutte contre la corruption ». L’assurance d’une incrimination

367 Traité sur l’Union Européenne, version consolidée, JOUE C 326/13 de 26.10.2012.

368 Commission européenne, Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen, rapport anticorruption de l’U.E., Bruxelles le 3.2.2014, COM(2014) 38 final.

369 Combattre la corruption, Les instruments du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la corruption, Conseil de l’Europe, 2013, p. 3.

370 Résolution (97) 24 portant les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption, adoptée par le comité des ministres le 6 novembre 1997, lors de la 101e session du comité des ministres, disponible sur : https://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/Resolution(97)24_FR.pdf.

La condition de la double incrimination en droit pénal international

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coordonnée de la corruption nationale et internationale participe à l’efficacité de la coopération internationale européenne entre les États en surmontant les obstacles découlant des divergences législatives notamment incarnées par la non-satisfaction de la double incrimination.

373. Les instruments principaux de lutte contre la corruption au niveau européen sont la Convention pénale sur la corruption de 1999 (ci-après Convention pénale sur la corruption)371, et le Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption de 2005 (ci-après Protocole à la Convention pénale sur la corruption)372.

374. Dans la Convention pénale sur la corruption, la question de la double incrimination apparaît divisée en deux points principaux, l’un concerne la double incrimination au regard de la condition préalable (A), l’autre concerne la double incrimination en tant que condition de la coopération internationale (B).

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