5.3 Nyanga et Gugulethu
5.3.2 Les différentes phases de la construction de Nyanga
– Les difficultés financières rencontrées par Divco après la construction de
Old Location sont telles que la phase suivante est caractérisée par la volonté
d’économie. En effet, si peu luxueuses que soient les premières maisons,
elles ont coûté trop cher et le boycott des loyers ne fait rien pour arranger
les choses. 325 nouvelles maisons de quatre pièces seront construites et les
premières familles emménageront à Mau-Mau au mois de juillet 1953. Les
maisons y sont plus petites, de moins bonne qualité : elles sont conçues
pour être partagées entre deux ménages, chaque ménage ayant la jouissance
de deux pièces. Il n’y a pas d’électricité, de plancher ou de plafond. Les
latrines à l’extérieur doivent également être partagées. Les loyers sont plus
élevés que pour les maisons de Old Location, malgré la faible qualité du
bâti.
Mau-Mau accueille les expulsés des camps de squatters de l’agglomération,
de Bellville, Parow et Goodwood en particulier. D’emblée, la criminalité
y règne : c’est un lieu mal famé, où l’on vole et assassine—d’où le nom
attribué à ce nouveau quartier. La vie sociale y est peut-être interlope mais
elle est bien plus intense que dans la bonne société de Old Location : la
densité des shebeens n’a d’égale que celle des associations, politiques ou
non. Un résident l’explique ainsi :
« Tous ces gens venus d’endroits différents dans la même
marmite, ça crée forcément des conflits, pas vraiment des
conflits, mais de la délinquance. Maintenant encore, si on va
là-bas, il y a de la bagarre. L’occupation partagée (dual-occupancy)
a gardé ses caractéristiques effrayantes. » [46, p. 112]
L’impact des structures spatiales sur les structures sociales est donc
parti-culièrement important à Nyanga : de profondes différences et des tensions
entre les quartiers en sont la conséquence.
– Mais la construction de Mau-Mau et la destruction d’un certain nombre de
camps ne suffisent pas à débarrasser la zone contrôlée par Divco des
squat-ters. Bien au contraire, l’exode rural se poursuit à lafin des années 1940 et
au début des années 1950. Le nombre de black spots continue
d’augmen-ter. Les autorités locales décident alors d’établir un camp d’urgence (
emer-gency camp) pour les squatters au nord-ouest de Old Location et de
Mau-Mau. Ce camp d’urgence sera rebaptisé camp de transit puis KTC (
Kaf-fir Transit Camp pour les autorités). Il se maintiendra au fil des années :
seules quelques parcelles seront utilisées pour la construction d’hostels(cf.
carte 5.5).
Le but des autorités en établissant ce camp était double : dans un premier
temps, y reloger les squatters expulsés desblack spotspermettait de
contrô-ler la croissance de l’habitat informel. Le coût financier d’une telle
opé-ration était limité par l’adoption du modèle des sites viabilisés (site and
service) : les autorités se contentaient de fournir eau (un robinet pour 30
familles), latrines (une pour 2 familles) et un minimum de voirie, les
ha-bitants construisant eux-mêmes leurs maisons. De plus, un tel
environne-ment permet de souligner symboliqueenvironne-ment que la présence des Noirs dans
le Western Cape n’a rien de permanent. Dans un second temps, les
squat-ters rassemblés dans ce camp étaient passés au crible (screened) et séparés
selon leur statut légal : ceux ayant le droit de résider en ville étaient placés
sur une liste d’attente pour obtenir un logement formel de la municipalité ;
Cimetière Klip fontein R d Stade Stade Éc. Éc. Éc. Éc. Éc.Éc. Éc. Éc. Éc. Éc. Centre et boïtes postales Police Clinique Centre Terminus de taxis Terrain de sports Terrain de sports Poste KTC KTC KTC Miller's Camp Black City Mahobe Drive Mpetha Square Mkonto Square Bata Square Mpinga Square Kalan yoni Old Location Old Location Mau-Mau Zwelitsha White City Miller's Camp New Crossroads GUGULETHU BROWN'S FARM CR OSSR O ADS Hostels Habitat formel Habitat informel © M. Houssay-Holzschuch, 1997 0 200 400 m N
Carte 5.5 – Nyanga : juxtaposition de l’habitat formel, deshostels et des camps
de squatters.
Source : Awotonaet al.,Townships in Cape Town, 1995 [6] ; photographie aérienne, campagne de
les autres, « illégaux » ou « non-autorisés » (unqualified), étaient expulsés
vers les homelands.
Dès octobre 1956, et sans compter les squatters voisins de Sakkiesdorp,
le camp de transit comptait 3 158 personnes. En 1959, les black spots de
Goodwood, Parow, Bellville, Kraaifontein ont disparu ; le camp compte
11 474 personnes (Fast, 1995 [46]). C’est cette série d’expulsions qui
per-met d’expliquer la croissance démographique phénoménale de Nyanga à
cette époque (cf.figure 5.3).
0 10000 20000 30000 40000 50000 60000 70000 80000 90000 100000 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 Recensements
F
IG. 5.3 – Évolution de la population de Nyanga, de 1946 à nos jours.
Source : Fast, 1995 [46] ; Elias, 1983 [43] ; 1994 : Mazur, 1995 [98] ; rapports annuels du Medical
Officer of Health et du Chairman, Cape Town Divisional Council. Les résultats des recensements
de 1970, 1980 et 1985 ont été ajoutés à titre indicatif, ainsi que le chiffre de décembre 1974 du Bantu Affairs Administration Board (cité dans Granelli et Levitan, 1977 [54]).