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Les conséquences de l’action non subsidiaire

Dans le document L'ÉTAT ET LES RISQUES DES ENTREPRISES (Page 116-119)

§ 1 La subsidiarité de l’action publique

B- Les conséquences de l’action non subsidiaire

106. Si les contraintes spécifiques résultant de l’application de la subsidiarité n’ont pas lieu d’être respectées par les pouvoirs publics (2°), il ne faut cependant pas en déduire que le respect du primat de la liberté économique ne leur soit pas imposé. Dès lors, un certain nombre de contraintes communes continuent de s’appliquer (1°).

1° Les conséquences du respect de la liberté économique

107. Que le risque subi soit extérieur à l’action publique ou qu’il y trouve sa source, le respecte de la libre entreprise entraîne une limitation de l’intervention s’analysant en un devoir de non-intervention.

Dans le premier cas, en application de la notion de subsidiarité, la présomption de capacité des opérateurs face aux risques qu’ils sont susceptibles de subir impose aux pouvoirs publics de ne pas les priver de leur autonomie par des interventions excessives. Ce devoir de non-intervention laisse donc aux entrepreneurs la charge de supporter les risques qu’ils sont aptes à supporter. Cela se traduit par exemple par la nécessité de ne pas apporter d’aide inutile ni superflue aux entreprises, de ne pas s’immiscer dans la gestion des entreprises ou d’instaurer un système d’assistanat permanent.

Une partie de ce schéma est applicable dans l’hypothèse des risques que font courir les pouvoirs publics aux entreprises. Il en résulte que l’action publique ne peut avoir pour objet ni pour effet de remplacer l’entrepreneur dans la gestion des aléas qui s’imposent nécessairement à lui ou de s’immiscer dans la gestion de son activité lorsqu’elle tente de faire cesser les conséquences dommageables d’un risque. Elle ne peut en outre apporter d’aide inutile et superflue ne correspondant pas aux besoins ressentis par l’opérateur. Ainsi, lorsque sa responsabilité est engagée, ne peut-elle pas indemniser les préjudices causés au-delà de leur exacte valeur277.

Enfin, la prise en charge doit cesser dès que les besoins exprimés disparaissent, au risque d’instaurer une assistance permanente ne permettant pas un retour autonome à des conditions normales d’exploitation278.

108. Si l’on constate une certaine unité de la prise en charge publique du fait de la soumission à des contraintes communes, il n’en demeure pas moins que, n’étant pas soumis à la règle de subsidiarité lorsqu’ils sont à l’origine des risques, les pouvoirs publics ne sont pas soumis aux contraintes spécifiques qui en découlent.

2° L’inapplication des contraintes issues de la subsidiarité

109. Dans la mesure où l’intervention publique ne vise qu’à prendre en charge les conséquences de ses agissements et à mettre en œuvre l’idée que tout dommage causé à autrui doit être supporté par celui qui l’a causé, elle n’a pas à être subsidiaire.

277 Par exemple : C.E., 8 mars 1950, Salgues, p.149.

278 Ceci est valable y compris lorsque le besoin disparaît pour une autre raison que la prise en charge

publique. Ainsi, pour reprendre l’exemple de la responsabilité administrative, la disparition du préjudice résultant d’une réparation antérieure au versement d’indemnité par l’administration conduit le juge à considérer que le préjudice n’est pas réparable à défaut d’être certain. Voir en ce sens : F. SENERS,« Préjudice réparable », in Encyclopédie Dalloz, Responsabilité de la puissance publique, p.24 et s.

Dès lors, la prise en charge publique n’exige aucune tentative initiale des opérateurs de faire face au risque par des mesures de prévention ou de prévoyance279, ni

la constatation préalable d’une carence ou d’une insuffisance à y parvenir. Si la présomption de capacité des entrepreneurs n’est pas en soi niée, peu importe en réalité qu’ils manifestent une carence puisque l’intervention publique ne se limite pas, à la différence de l’action subsidiaire, à pallier les insuffisances des entrepreneurs. La prise en charge de risques ne visant pas alors à compléter les efforts initiaux des entrepreneurs, elle ne variera pas en importance selon l’importance des carences constatées. Il ne sera donc pas fait en principe de différence de traitement entre les diverses situations, selon la capacité des entrepreneurs280. Ceci se justifie logiquement

par le fait qu’il n’existe pas de moyens à la disposition des entreprises pour prévoir ou prévenir les risques créés par les pouvoirs publics. Si un entrepreneur peut en effet s’assurer contre la survenance d’un risque naturel, un tel mécanisme n’existe pas pour parer aux conséquences d’un agissement imprévisible de l’administration potentiellement dommageable.

110. L’intervention publique n’est pas non plus limitée dans son ampleur – à la condition de n’être pas superflue281 - puisqu’elle tend à prendre en charge l’ensemble

des conséquences de l’agissement imprévisible sans en laisser une partie à la charge de la victime. L’idée selon laquelle il convient de faire supporter une part du hasard à ceux qui le subissent ne trouve pas à s’appliquer. Ainsi, le droit de la responsabilité exige-t-il pour des raisons d’équité que les indemnités versées en compensation des dommages subis du fait d’un agissement des pouvoirs publics couvrent l’intégralité des préjudices.

279 Il faut cependant nuancer ce propos en considérant les hypothèses dans lesquelles l’entrepreneur

aura agi de façon non précautionneuse et se sera donc soumis volontairement au risque. En matière de responsabilité administrative, cette absence de précaution pourra être considérée comme une faute de la victime entraînant une limitation de l’engagement financier de la puissance publique.

280 On rappellera toutefois une exception à ce principe lorsque, en raison de sa qualité de

professionnel, l’entrepreneur sera considéré comme ayant dû prévoir ce qui, pour une tout autre entreprise aurait constitué un risque. Voir supra, Première partie, Titre premier, Premier chapitre, n°32.

281 En matière de responsabilité de la puissance publique, le principe est que l’indemnisation ne

111. Que le risque trouve son origine dans un agissement des pouvoirs publics ou qu’il leur soit extérieur, une tension existe entre d’une part un besoin d’intervention exprimé par les entreprises et le nécessaire respect de la liberté d’entreprendre d’autre part. Cette tension se traduit toutefois différemment selon l’origine du risque puisque les contraintes qui s’imposent à l’action publique n’ont pas la même importance dans les deux cas. Cette différence entraîne alors nécessairement des conséquences théoriques, la conception du rôle de l’Etat à l’égard du monde économique étant susceptible de varier selon l’une ou l’autre des hypothèses retenues.

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ECTION SECONDE

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ES IMPLICATIONS THEORIQUES

112. Le fait que la prise en charge des risques des entreprises soit tiraillée entre un devoir d’intervention et un devoir de non-intervention rend difficile le classement théorique de l’intervention publique.

Bien que reposant sur le respect de la liberté d’entreprendre qui laisserait supposer une corrélation avec la notion d’État libéral, le devoir d’intervention positive qu’entraîne l’existence de risques, même soumis à certaines conditions et contraintes, ne permet pas de limiter l’action publique à ce modèle. Elle n’est cependant pas non plus assimilable à celui d’État providence. (§1). Cette difficulté de classement en provoque alors une seconde, juridique celle-ci, relative à la nature de l’intervention : mission de service public ou mission de police. (§2).

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