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Les composantes de la professionnalité de l’enseignant

Chapitre I Le développement professionnel de l’enseignant du premier degré

B. Les composantes de la professionnalité de l’enseignant

L’enseignant doit donc maîtriser des savoirs, avoir des compétences pour réaliser son travail d’enseignant : c’est ce qui constitue sa professionnalité.

Barbier (1996) définit la professionnalité comme « l’ensemble des savoirs, compétences et des dispositions mobilisées par un individu dans l’exercice d’une activité professionnelle spécifique » (Barbier, 1996, p 53).

Ces différentes composantes décrites par Barbier peuvent se regrouper en trois pôles : une dimension technique (son savoir), une dimension éthique et une dimension sociale.

1) Le savoir enseignant

C’est un savoir hybride issu de la combinaison de savoirs différents (théorique, pratique, d’expérience, valeurs, tour de main) (Malet, 2004). Ainsi le savoir des enseignants n’est pas une juxtaposition de savoirs différents mais un « enchevêtrement » de savoirs.

Pour pouvoir décrire plus précisément ces savoirs, différents auteurs proposent des classifications.

Charlier (1998) évoque une typologie simple élaborée par Raymond dans laquelle il différencie les savoirs selon leur construction : construits par l’enseignant lui-même, élaborés par d’autres instances. Cette distinction est peu précise et Marguerite Altet (1996) ainsi que Gauthier, Bissonnette et Richard (1997) proposent des typologies de ce savoir plus structurées en catégorisant les différents savoirs selon leur origine. Les catégorisations sont un peu différentes mais toutes les deux distinguent de façon claire les connaissances issues de la pratique des savoirs théoriques.

En effet, Altet (1996) différencie les savoirs théoriques, déclaratifs, des savoirs pratiques extraits des expériences quotidiennes du praticien :

Les savoirs théoriques :

� les savoirs à enseigner, savoirs disciplinaires et savoirs didactisés à faire acquérir aux élèves ;

� les savoirs pour enseigner, savoirs pédagogiques relatifs à la gestion du groupe, savoirs didactiques dans les différentes disciplines.

Les savoirs pratiques issus des expériences quotidiennes, sont de deux catégories :

� les savoirs sur la pratique qui représentent des savoirs formalisés sur le comment faire ;

� les savoirs de la pratique qui correspondent aux savoirs d’expérience issus de

Gauthier, Bissonnette et Richard. (1997) ont quant à eux distingué six types de savoirs dont l’enseignant a besoin pour réaliser son travail de manière pertinente :

� le savoir disciplinaire correspondant aux savoirs enseignés à l’université ;

� le savoir curriculaire à enseigner aux apprenants ;

� le savoir des sciences de l’éducation, panel de savoirs multi-référentiels ;

� le savoir d’expérience résultant de la pratique professionnelle ;

� le savoir issu de la tradition pédagogique ;

� le savoir d’action pédagogique : le savoir rationnalisé et transmissible à l’ensemble des enseignants.

Ces différentes classifications catégorisent le savoir enseignant selon sa source, qu’il soit issu de l’expérience, enseigné à l’université ou issu de la tradition, notamment.

Etablies sans prendre en compte l’usage de ces savoirs en situation d’enseignement, ces catégories focalisées sur l’origine du savoir ne tiennent pas compte de son utilisation dans la pratique de l’enseignant.

En revanche, la catégorisation des connaissances des enseignants proposée par Cross (2010), à partir de celle de Shulman (1986), part de l’utilisation des savoirs lors des situations d’enseignement pour les classifier, sans toutefois chercher à en connaitre l’origine. En effet, Cross aborde les différents types de connaissances afférentes à la pratique enseignante selon leur nature. Ainsi a-t-il proposé la catégorisation suivante des connaissances professionnelles :

� les connaissances du contenu disciplinaire : celles que l’enseignant doit enseigner aux élèves mais également l’organisation, règles des concepts, théorie de ces savoirs ;

� les connaissances pédagogiques générales : celles qui relèvent de généralités sur des méthodes d’enseignement ;

� les connaissances sur le contexte d’enseignement : celles sur les élèves, l’établissement ;

� les connaissances pédagogiques liées au contexte dans la situation

d’enseignement. Celles-ci sont mobilisées en classe comme le produit des trois précédentes. Ces connaissances sont celles issues des trois autres catégories, que l’enseignant transforme dans le but d’enseigner. Ces connaissances que Cross (2010) nomme les PCK (Pédagogique Content Knowledge) peuvent être elles-mêmes catégorisées en fonction de ce sur quoi elles portent.

Les catégories de PCK proposées par Cross, s’appuient sur le modèle de Magnuson (1999) :

1. Connaissances sur les difficultés des élèves

� Sur les pré-requis pour apprendre un savoir

� Connaissances difficiles pour les élèves 2. Connaissances sur les stratégies d’enseignement

� Manière de présenter un savoir

� Types de travaux pouvant aider les élèves à comprendre une connaissance précise

3. Connaissances sur l’évaluation

� Les aspects à évaluer

� Les méthodes d’évaluation 4. Connaissances curriculaires

� sur le programme scolaire

� sur le matériel

Ces différentes connaissances sont en lien entre elles et surtout en lien avec la dernière catégorie de connaissances que Cross identifie comme ayant un statut particulier : les connaissances sur les buts et valeurs de l’enseignement. Cette catégorie de connaissances oriente les décisions de l’enseignant. C’est pourquoi il insiste sur le lien que ces connaissances ont avec toutes les autres connaissances.

Schéma 1 : Schéma de la classification des connaissances d’après Cross (2010)

Cette classification permet de catégoriser de façon précise le savoir enseignant comme des connaissances nécessaires pour enseigner, plaçant ainsi ces connaissances au service de leur pratique professionnelle.

2) Une dimension éthique

Si le savoir enseignant est une composante importante de la professionnalité de l’enseignant, elle peut être complétée par une deuxième dimension : la valeur éthique de

Contenu disciplinaire

- Savoirs à enseigner�

-organisation, théorie des savoirs à enseigner �

Contexte d’enseignement

- Sur les élèves�

- L’établissement�

Connaissances pédagogiques

transversales

Sans lien avec les contenus à enseigner�

PCK

les difficultés des élèves�

sur les pré-requis pour apprendre un savoir�

sur les connaissances difficiles pour les élèves�

les stratégies d’enseignement�

manière de présenter un savoir �

types de travaux pouvant aider les élèves à comprendre une connaissance précise�

sur l’évaluation�

les aspects à évaluer�

les méthodes d’évaluation�

connaissances curriculum�

sur le programme scolaire�

sur le matériel�

NiveauglobalNiveaulocalconnaissancessur:connaissancessur:

la professionnalité (Aballea, 1992). L’auteure propose d’encadrer ce système complexe de savoirs et de compétences par un système de références, de valeurs et de normes.

Ainsi ce système donne-t-il aux acteurs un cadre de pensée et d’action. Nous avons vu dans la classification des connaissances nécessaires à l’enseignant que certaines connaissances sont relatives à ses valeurs et qu’elles sont très importantes car elles orientent les décisions de l’enseignant (Cross, 2010). En effet, si on se réfère au référentiel de compétences de l’enseignant, les deux premières compétences communes à tous les professeurs et personnels d’éducation sont :

� faire partager les valeurs de la République ;

� inscrire son action dans le cadre des principes fondamentaux du système éducatif et dans le cadre réglementaire de l’école.

L’institution pose donc bien un cadre de références définissant des principes au sein desquels l’enseignant doit inscrire son activité professionnelle.

3) Une dimension sociale

La professionnalité constitue un enjeu dans les relations sociales, dans la mesure où elle peut être à la fois requise, revendiquée et reconnue (Mathey-Pierre, Bourdoncle 1995). Elle s’inscrit ainsi dans un processus de reconnaissance sociale des individus.

Pour Dubar (2004), la professionnalité est le produit d’une négociation sociale où l’enjeu est la reconnaissance de soi par les autres. Elle se réalise par deux processus : l’attribution d’une identité par autrui et l’incorporation par la personne de cette identité (Dubar, 2000), avec des allers retours constants chez l’enseignant entre la connaissance de soi et le rapport aux autres (Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau et Chevrier 2001).

Dans le cas des enseignants : l’attribution sera donnée par les élèves, les parents, les collègues.

Ainsi l’identité est un processus complexe et dynamique articulant trois dimensions : biographique, relationnelle et intégrative (Perez-Roux, 2012).

La dimension biographique suppose pour l’enseignant d’être reconnu pour ce qu’il est actuellement avec son vécu et ses projections. La dimension relationnelle met en avant le fait que le regard de l’autre est ce qui permet la construction de l’estime de soi. La dimension intégratrice nécessite pour le sujet qu’il reconnaisse des ressources dans son environnement pour répondre aux situations rencontrées (Perez-Roux, 2012).

La professionnalité renvoie donc à trois dimensions :

� technique : qui renvoie aux savoirs ;

� éthique qui renvoie aux principes et aux valeurs ;

� sociale que cela soit dans le processus de reconnaissance sociale des individus mais aussi du groupe.

Cette professionnalité est toujours en construction et donc instable, évoluant au cours du temps (Mathey-Pierre et Bourdoncle 1995). Décrire la professionnalité d’un enseignant revient à faire une photographie à un moment donné de sa configuration professionnelle.

Pour caractériser la professionnalité à travers ces trois dimensions, Tardif et Lessard (1999) proposent de partir du travail enseignant et non du cadre réglementaire de l’institution. Ainsi pour décrire, caractériser la professionnalité d’un enseignant nous partirons de ses pratiques professionnelles.