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L’utilisation du fichier de mathématiques

Chapitre I Le développement professionnel de l’enseignant du premier degré

C. L’utilisation du fichier de mathématiques

Le support didactique qui sera questionné sera le fichier de mathématiques. En effet cet outil très présent dans les classes de cycle 2 est pourtant sujet à discussion, quant à sa pertinence et son efficacité depuis plusieurs années.

L’enseignement actuel des mathématiques s’appuie sur la réforme de l’enseignement des mathématiques des années 1970. Ce changement s’appuie à la fois sur une évolution de la conception de l’apprentissage qui se base sur l’action de l’élève sur le réel pour abstraire les notions mais également sur une redéfinition de la notion de nombre.

Les nombres ne sont plus étudiés les uns après les autres. La progression de l’apprentissage s’appuie plus sur les notions que sur l’ordre des nombres. Ainsi les nombres sont étudiés comme des outils pour résoudre des problèmes afin de donner du sens au nombre et d’après l’idée que les nouvelles connaissances se construisent à partir des anciennes en les améliorant ou en les rejetant. Le concept de nombre se construit donc par l’usage que l’élève se fait des nombres (Charnay, 2002).

2) La position des inspecteurs

IEN

Utilisation du

Fichier

Position sur les fichiers Leviers utilisés en lien avec l’utilisation du fichier Olivier oui Oui pour les débutants mais en

sortir car cela limite les enseignants dans leur enseignement

Inspections

Bernard non L’utilisation des fichiers enferme les enseignants dans

François non Ne permet pas la manipulation ni la prise en compte réelle des élèves

Prescrire et en réunion directeurs, en inspection. une attente de l'IEN connue de tous

Valérie oui Tout dépend de leur utilisation et du fichier

Note de service sur

l'organisation de la rentrée, réunion directeurs,

inspections

Marine oui Outils à analyser Inspections

Annie oui Outils à questionner mais pas de position sur cet outil

Inspections Brigitte oui Contre mais ne l’interdit pas et

essaie de convaincre par des arguments (écrire sur un livre, prise en compte des élèves) et en valorisant les enseignants ne l’utilisant pas

Inspections

Tableau 42 : Position des inspecteurs sur l'utilisation de fichiers au cycle 2

Quatre inspecteurs (Olivier, Bernard, Brigitte et François) sont opposés à l’utilisation du fichier en cycle 2 et véhiculent cette prescription de façon argumentée : « enfermant » (Bernard), « pas de manipulation ni de prise en compte des élèves » (François), « exercice à trous non pertinent et écrire sur un livre, prise en compte des élèves » (Brigitte).

Mais ces inspecteurs ne portent pas cette prescription de la même façon. Pour deux d’entre eux, Olivier et François, le fichier peut-être un outil pour les enseignants débutants mais pas pour les autres enseignants :

� François : « Je leur ai dit d’arrêter d’en prendre (rire), je leur ai dit : « voilà qu’on prenne un fichier la 1ère année, la 2e parce qu’on a besoin d’un cadre, d’être rassuré mais maintenant le fichier il est défini par un éditeur et a priori qu’on soit à L.ou au fin fond des Landes ou en Corse c’est le même. Et cela ne correspond

� Olivier : « J’ai un public jeune donc je garde le fichier mais le T3 il a parfois 3 niveaux de classe, je ne peux pas dire de jeter le fichier, qu’ils le gardent mais qu’ils en sortent car il n’y a pas tout ce qu’il faut pour tous les gamins ».

Pour les deux autres inspecteurs, l’expérience professionnelle n’est pas une variable pour accepter l’utilisation du fichier. Pour eux deux, le fichier n’est pas un outil à utiliser en classe.

Trois inspectrices ont un positionnement différent (Marine, Annie, Valérie). Pour elles, le fichier n’a pas de statut particulier, elles le considèrent comme n’importe quel outil qu’il faut questionner quant à son utilisation.

Nous pouvons donc en conclure que les positionnements des inspecteurs sur l’outil pédagogique que représente le fichier de mathématique n’est pas identique pour les 7 IEN interrogés. On pourrait s’interroger sur l’origine de ce positionnement afin de savoir s’il est en lien avec le terrain d’exercice.

Comme précédemment la variable « terrain » est écartée dans la mesure où les trois inspectrices qui ont le même positionnement exercent en éducation prioritaire (Valérie, Brigitte) ou en milieu rural (Marine) mais également parce que Bernard et Annie sont issus de la même circonscription.

3) Croisement position des inspecteurs et pratiques enseignantes du fichier

1) Circonscription BM :

Position de l’inspecteur de la circonscription : NON. Ne pas utiliser de fichier, car c’est enfermant.

L’inspecteur préconise de ne pas utiliser de fichier ; nous constatons qu’aucun enseignant n’utilise de fichier parmi les enseignants interrogés.

N°E Position Arguments

��� Non On nous dit que les fichiers ce n’est pas forcément bien Changer de supports régulièrement (CPC). Financier

��� non On a des instructions très guidantes (IEN) sur le fait de ne pas commander de fichier car on ne peut pas suivre notre propre progression et on ne peut pas différencier.

�� non Il faut tomber sur le bon fichier qui soit entièrement compatible avec notre pédagogie car moi je trouve que cela nous bride, je préfère piocher.

�� non Parce que c’est coûteux et c’est plus difficile de différencier avec un fichier

��� non On m’a toujours déconseillé d’utiliser des fichiers, j’étais d’accord finalement, adapter à chaque fois en fonction de la classe, des élèves, un fichier c’est pas possible

�� non L’inspecteur ne voulait pas de fichier tout prêt, il expliquait que si on utilisait le même fichier pour tous les élèves, où est la

différenciation. On nous le déconseille et comme on manque de budget. Et comme moi, je tourne, je m’adapte et c’est très souvent comme cela

2) Circonscription LP :

Position de l’IEN : non au fichier car il ne permet pas la manipulation ni la prise en compte réelle des élèves.

Dans le discours des enseignants, trois enseignants sur cinq n’utilisent pas de fichier.

N° Position Arguments

5 non Pour avoir un peu de liberté dans l’enseignement, on avait envie d’avoir une marge de manœuvre, les enfants n’ont pas le fichier dans leur cartable mais collé dans leur cahier.

38 non Je trouve il y a plein d’exercices que je ne trouve pas très intéressants et c’est pas différencié.

37 oui Il est assez dur car il est d’un niveau assez élevé, cela fait 5, 6 ans qu’on a ce fichier et comme on travaille beaucoup ensemble.

34 non On a en supports Cap Maths, mais on utilise que le guide du maitre, on n’a pas le fichier en classe, c’est un souhait de l’inspecteur.

35 oui Parce que dans cette école c’est Cap maths. Je trouve que cela est important que cela soit harmonisé. Donc, voilà je m’adapte. Afin qu’ils puissent dans un même cycle du moins construire

progressivement.

3) Circonscription T.

L’inspectrice de T. est pour que les enseignants utilisent un fichier, pour elle l’enjeu est dans la façon de l’utiliser. Sa position est donc différente selon la manière dont l’enseignant organise son enseignement avec cet outil. Elle analyse donc son utilisation pour se positionner sur la pertinence du support de travail.

Nous relevons que tous les enseignants de la circonscription interrogés utilisent un fichier.

N° Position Arguments

10 Oui « Comprendre les maths » on vient de changer pour « outils pour les maths » car il y avait plusieurs méthodes pour faire des

additions et cela forçait les enfants à appliquer certaines méthodes et ils ne comprenaient rien. On a feuilleté un exemplaire pour choisir.

30 Oui Comme cela les forts travaillent sur leur fichier et nous on peut reprendre un petit groupe d’élèves faibles, manipuler.

29 Oui On a un livre et un fichier, la trame est faite en dehors du manuel et après on regarde ce que l’on peut trouver. On regarde sur internet et on échange entre collègues. Le fichier nous permet de ne pas avoir trop à copier et à se concentrer sur l’essentiel sans dériver

4) Circonscription Bob.

Dans cette circonscription, l’inspectrice n’interdit pas l’utilisation du fichier mais argumente pour que les enseignants ne l’utilisent pas. Pour convaincre les enseignants, elle utilise des arguments pédagogiques mais elle valorise également les enseignants qui ne l’utilisent pas.

Nous relevons que tous les enseignants interrogés utilisent un fichier.

N° Position Arguments

E28 Oui Mais c’est vraiment une banque d’exercice plus qu’une méthode en soi. J’utilise beaucoup internet

E27 Oui Je suis la méthode de Picbille. Après je pioche un peu sur internet pour ajouter des exercices en plus, je trouve que le fichier ne suffit pas pour tous les élèves.

E22 Oui J’ai un fichier de maths qui me sert plus de support d’exercices d’application. Je prépare ma séance à ma « sauce » puis le fichier de maths après.

5) Impact des prescriptions

L’analyse des entretiens, nous conduit à constater que sur 13 enseignants, 9 enseignants n’utilisent pas de fichiers. Sur l’utilisation de cet outil, deux circonscriptions (BM et LP) sont intéressantes à comparer puisque dans ces deux territoires, les prescriptions de l’inspecteur sont identiques, qui s’opposent à l’utilisation de fichiers.

Cette prescription ne se retrouve pas de la même façon dans les pratiques des enseignants de ces deux circonscriptions. Dans la circonscription BM, la prescription de l’inspecteur se retrouve dans la pratique de tous les enseignants interrogés dans les deux écoles. Ce n’est pas le cas dans la circonscription du LP où environ la moitié des enseignants suit cette prescription.

Dans la circonscription BM, tous les enseignants de cette circonscription interrogés n’utilisent pas de fichier. Deux tiers des enseignantes (E13, E16, E15, E1) justifient le fait

de ne pas utiliser le fichier comme une demande de l’inspecteur et un tiers par des arguments pédagogiques (E3, E4), arguments qui s’avèrent identiques à ceux de l’inspecteur.

Dans la circonscription du LP, sur les cinq enseignants interrogés, trois ne l’utilisent pas et deux l’utilisent. Une enseignante évoque clairement la prescription de l’inspecteur, celle-ci dans l’entretien précisant qu’elle est inspectée cette année.

Dans son discours l’enseignante (E34), rapporte clairement la prescription de l’inspecteur transmise en réunion de directeurs :

« Il l’a dit à la réunion de directeurs, et donc la directrice l’a noté et l’a transmis. Après elle l’a transmis aux enseignants mais on est les seules à ne pas avoir de fichiers. Les autres font du fichier : par choix car il y en a une qui a un double niveau donc c’est plus simple, il y en a une qui fonctionnait comme cela avant et que cela lui convenait.

Moi, elle me l’a déconseillé car je vais être inspectée. »

On constate clairement la distance prise par les enseignantes avec les prescriptions de l’inspecteur.

On peut donc en conclure que les prescriptions des IEN peuvent avoir une influence sur l’utilisation d’un outil pédagogique.