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Deux approches du développement professionnel

Chapitre I Le développement professionnel de l’enseignant du premier degré

A. Deux approches du développement professionnel

Dans un premier temps, il ne faut pas confondre le concept de développement professionnel avec les moyens par lesquels il s’effectue ni les indicateurs pour le mesurer.

Ressource personnelle de

l’enseignant Institution

École Élèves

INSPECTIONIEN

FORMATION

Échanges entre collègues Les ressources de l’enseignant dans son environnement professionnel (Goigoux, 2007)

Activité de l’enseignant

Ressource personnelle de

l’enseignant

Institution

École Élèves

INSPECTIONIEN

FORMATION

Échanges entre collègues

Nous allons donc dans un premier temps définir ce qu’on entend par concept de développement professionnel car ce concept est un terme polysémique.

Si l’on s’intéresse exclusivement au champ sémantique du développement professionnel, on trouve des termes différents mais tous partagent la même idée d’un changement : croissance/ transformation/ perfectionnement/ processus d’apprentissage/ construction de compétences/ transformations identitaires/ transformation de compétences/ diversité/

recherche continue/ diversité de formes d’apprentissage.

Le développement professionnel apparaît comme un processus qui permet de construire la professionnalité. Nous avons vu que le travail de l’enseignant était constitué de compétences professionnelles. On peut donc penser qu’un développement professionnel peut être une augmentation des compétences maîtrisées par l’enseignant.

Daguzon (2010) souligne que cette notion de compétence permet bien d’inscrire les savoirs dans une évolution dans le temps. Les compétences s'acquièrent et s'approfondissent au cours d'un processus continu débutant en formation initiale et se poursuivant tout au long de la carrière par l'expérience professionnelle accumulée et par l'apport de la formation continue.

Toutefois cette approche réduit la compétence à la performance : A est plus compétent au temps t’qu’au temps t s’il sait faire quelque chose qu’il ne savait pas faire (Pastré, Mayen et Vergnaud, 2009). Or nous avons vu que la pratique professionnelle d’un enseignant n’est pas la juste mise en pratique de compétences dans une situation.

C’est en effet un travail adressé à autrui qui nécessite la mobilisation de nombreuses compétences simultanément mises en œuvre dans un contexte social d’interactions. Il apparaît donc nécessaire de ne pas considérer le développement professionnel des enseignants uniquement selon le constat d’augmentation des compétences professionnelles maîtrisées mais d’amélioration de sa pratique professionnelle.

Il convient donc de considérer qu’un enseignant devient plus compétent dès lors qu’il sait également adapter sa conduite à la situation : faire face à une nouvelle situation, s’adapter à une modification de la situation et savoir améliorer les procédures déjà connues et utilisées par des choix plus pertinents (Pastré, Mayen et Vergnaud, 2009).

Le développement professionnel n’est donc pas un ajout de compétences mais une modification de la professionnalité de l’enseignant afin de rendre son action plus pertinente.

Après avoir défini l’enjeu du développement professionnel, il nous faut aborder son fonctionnement. Nous choisirons de partir de la définition de Jorro (2011) du développement professionnel puisqu’elle permet d’articuler les deux dimensions importantes du développement professionnel : des changements internes à l’enseignant et

En effet, elle propose de le définir comme : « un processus complexe sollicitant des éléments constitutifs (expériences, activités, habilités, image de soi, valeurs) à partir d’opérations d’analyse, de révision, de modifications selon une dynamique d’engagement personnelle et collective. » (Jorro, 2011, p106)

Ces deux aspects que nous convoquons dans la définition du développement professionnel sont issus de deux approches du développement qui se fondent sur deux conceptions différentes du rapport entre développement professionnel et apprentissage.

1) La perspective développementale

Dans une première perspective, le développement professionnel est abordé sous l’angle d’un processus linéaire et chronologique organisé en stades qui se succèdent (Frenay, Jorro et Poumay, 2011). Chacun de ces stades est une étape dans le développement de l’individu caractérisé par des particularités en termes de connaissances, attitudes, capacités d’analyse, identité. Chaque stade s’appuie sur le stade précédent, et représente un degré de complexité supérieur au stade antérieur (Lefeuvre, Garcia et Namolovan, 2009).

Chaque stade prépare son successeur, l’individu évolue en passant d’un stade à un autre, chacun étant plus complexe que l’autre, le sujet subit des changements dans ses comportements, pensées, jugements, façons d’agir (Uwamariya et Mukamurera, 2005).

Cette approche s’appuie sur celle des stades de développement de Piaget. Pour lui le développement se situe avant l’apprentissage sans que ces deux mécanismes soient dépendants.

Dans cette perspective, le développement ne dépend pas du milieu social du sujet ni de ses activités. C’est un processus interne à l’individu qui se produit quel que soit le milieu dans lequel il évolue mais également indépendamment de ses activés et de ses interactions avec les autres individus.

Dans cette approche, l’attention est centrée sur l’enseignant comme individu autonome hors de son contexte professionnel. Ainsi le développement de l’enseignant peut se faire de façon générique quel que soit son contexte professionnel. Il est donc possible de décrire l’évolution professionnelle d’un enseignant par des parcours composés de différentes phases pouvant servir de repère pour comprendre et expliquer le processus de socialisation professionnel ainsi que les crises et ruptures identitaires (Lefeuvre, Garcia et Namolovan, 2009). Nous avons vu que la professionnalité d’un enseignant comportait plusieurs dimensions. Ainsi différents auteurs, ont proposé des modèles différents selon l’aspect de la professionnalité mis en avant. Cela conduit à disposer de plusieurs modèles de développement professionnel de l’enseignant portant sur une ou plusieurs dimensions professionnelles de l’enseignant.

Un premier modèle très générique, celui de Vonk (1988) repris par Uwamariya et Mukamurera, (2005) présente cinq différentes phases de l’évolution professionnelle : une phase pré-professionnelle puis une phase seuil lors de l’entrée dans le métier, une phase d’acquisition puis une phase de réorientation personnelle et professionnelle et une phase d’arrêt progressif. Ce modèle est très général et permet de prendre en compte la carrière d’un enseignant de façon globale : de sa formation initiale jusqu’à sa retraite. La limite de ce modèle est que les phases sont très longues et notre recherche correspond à une seule phase de ce modèle : la phase d’acquisition.

Le modèle de Barone, Berliner, Blanchard, Casanova et McGowan (1996) est également trop générique puisqu’il décrit le développement professionnel uniquement par rapport à des niveaux de compétences : novice, débutant, enseignant compétent et enseignant efficace. Ce modèle est intéressant puisqu’il délimite des phases caractéristiques dans la carrière d’un enseignant titulaire. Cependant, la difficulté tient à la durée chacune de ces phases : il faut pouvoir définir quand un enseignant devient compétent et qu’il n’est plus débutant.

Huberman (1989) propose un modèle prenant en compte le développement professionnel de façon globale mais basé sur le nombre d’années d’expérience de l’enseignant. Ainsi l’évolution de carrière de l’enseignant est-elle définie par des phases selon l’expérience de l’enseignant, chacune d’elles se caractérisant par une posture et des activités.

Huberman identifie 5 étapes :

� Étape 1 : entre 1 et 3 ans de carrière : entrée dans la carrière. Lors de cette étape l’enseignant survit et découvre. Il est centré sur lui.

� Étape 2 : entre 4 et 6 ans de carrière : stabilisation : consolidation d’un répertoire pédagogique.

� Étape 3 : entre 7 et 25 ans de carrière : expérimentation : caractérisée par la volonté de changer les choses, de sortir de la routine, d’accroître son effet sur la classe. L’expérimentation personnelle est développée au niveau du matériel utilisé, des démarches et des méthodes.

� Étape 4 : 25 et 35 ans de carrière : sérénité, distance affective et conservatisme.

� Étape 5 : entre 35 et 40 ans de carrière : période de désengagement.

Ce modèle est plus précis sur la durée des phases tout en abordant le développement professionnel de façon globale. D’autres modèles n’ont pas cette approche

et se centrent sur un aspect particulier, comme les modèles de Nault (1999), d’Uwamariya et Mukamurera (2005) et de Zeicher et Gore (1990).

Uwamariya et Mukamurera (2005) se centrent sur les aspects de socialisation, dimension importante de la professionnalité qu’il est intéressant de prendre en compte afin de ne pas se limiter à la construction de compétences dans le développement professionnel.

Pour Nault (1999), la socialisation commence par une phase informelle puis formelle avant une insertion professionnelle et une socialisation personnalisée pour terminer par une socialisation qu’il qualifie de rayonnement en fin de carrière.

Zeicher et Gore (1990) identifient quant à eux trois phases de socialisation : avant, pendant et après la formation initiale mais se centrent également sur le processus de socialisation pour décrire les différents stades de développement de l’enseignant sans aborder l’activité en classe.

Le point commun à tous ces modèles est qu’à chaque étape correspondent de nouveaux acquis ou caractéristiques sur le plan professionnel et personnel. C’est un développement linéaire : l’enseignant subit des changements successifs selon des stades chronologiques. Par contre, ces différents modèles ne se centrent pas tous sur les mêmes aspects puisque certains mettent plus en avant la socialisation (Nault, Zeicher et Gore) et d’autres, davantage le niveau d’expertise construit (Huberman et Barone). Compte tenu du fait que notre recherche ne porte pas uniquement sur la socialisation des enseignants, que nous n’analysons le développement professionnel qu’après la titularisation et non pendant la formation initiale, nous estimons que le modèle d’Huberman est le plus pertinent pour catégoriser les différents enseignants selon leur expérience professionnelle.

Ce modèle va nous permettre de pouvoir décrire les transformations du point de vue du sujet lors de son développement professionnel. En revanche la dimension du contexte professionnel et de l’apport du milieu ne sera pas prise en compte, ni les différences inter personnelles. Cela sous-entend que l’individu se développe de façon indépendante des évolutions de son environnement professionnel. Jorro (2011) souligne que cette conception du développement rend le parcours de l’enseignant quasi prévisible de l’entrée dans le métier à la manifestation de l’expertise. L’impact des éléments du contexte est très minoré.

Crahay, Wanlin, Issaieva et Laduron (2010) soulignent en évoquant une étude d’Huberman que tous les enseignants ne passent pas forcément par les différents stades évoqués : un enseignant s’inscrit dans un contexte et dans une histoire de vie professionnelle dans lesquels des événements affectent forcément les enseignants. C’est pourquoi Siegler (1999 ; Crahay 2010) évoque plutôt les stades de développement qui se chevauchent comme des stratégies cognitives qui se présentent et sont susceptibles de se succéder, se chevaucher, d’entrer en compétition.

Cependant cette approche ne nous permet pas d’appréhender l’impact de l’environnement professionnel de l’enseignant dans son développement professionnel.

Pourtant la définition d’Anne Jorro s’inscrit bien dans le cadre d’une interaction dynamique de l’individu avec les autres, qui permet au processus de développement de se dérouler.

C’est pourquoi il nous faut prendre en compte la deuxième perspective du développement professionnel – qui se centre plus précisément sur les interactions – soit la perspective professionnalisante.

2) La perspective professionnalisante

Dans cette approche, le développement professionnel est vu comme un processus dynamique d’apprentissage. Bourdoncle (1991) souligne bien que le terme

professionnalisation est emprunté à la sociologie anglo-saxonne des professions. En s’appuyant sur les analyses de Hoyle (1980 ; Bourdoncle 1991) il distingue deux sens à ce terme.

Le premier sens du terme professionnalisation ne renvoie pas à la pratique professionnelle mais à la place du groupe professionnel dans la division sociale du travail et donc à la revendication-négociation d’un statut social plus prestigieux pour l’ensemble du corps concerné. R. Bourdoncle (1991) reprend le terme américain de professionnisme, désignant « les obsessions et les excès du combat pour la gloire professionnelle collective » (Bourdoncle, 1991, p.76) terme qu’il veut utiliser d’une façon neutre pour désigner les stratégies collectives de transformation de l’activité en profession ».

Si le premier sens renvoie à la notion de professionnalisme, le second sens renvoie à l’idée de développement professionnel, c’est-à-dire aux processus de construction et d’approfondissement de compétences et de savoirs permettant une plus grande maîtrise et efficacité de la pratique d’un métier.

Selon V. Lang (1999), cette approche sous-entend que :

� Il existe des savoirs et des savoir-faire spécifiques propres à l’activité professionnelle en question.

� Les acteurs de cette profession vont devenir des « professionnels expérimentés » et acquérir une expertise.

� Le but de cette professionnalisation est de rendre ces acteurs efficaces.

� Elle concerne tout autant le groupe professionnel que l’individu : l’expertise doit être partagée par tout le groupe et non par un seul individu.

En effet, l’enseignant est considéré comme un apprenant qui, au fil du temps,

la mesure où les expériences pratiques personnelles sont à la base du développement de savoirs. (Mukamurera et Uwamariya, 2005).

Dans ce sens, Lang (1999) souligne en suivant Bourdoncle (1993) que le processus de professionnalisation aboutit à la constitution d’une professionnalité caractéristique de l’exercice d’un métier donné. Dans cette optique, l’acteur joue un rôle essentiel dans son développement : il est capable de construire de nouvelles ressources de manière individuelle et/ ou collective pour apprendre et maîtriser son métier (Lefeuvre, Garcia et Namolovan, 2009). En effet l’acteur est le mieux placé pour identifier ses points de faiblesse et les points forts de sa pratique. Le développement professionnel selon l’approche professionnalisante vise donc à atteindre un modèle de professionnalité comportant plusieurs dimensions : l’acquisition d’une identité professionnelle, de savoir-faire et de compétences.

B. Le processus du développement professionnel