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CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE

1.5 Les cégeps anglophones : historique, missions et défis

Sous l’impulsion de la Révolution tranquille et de la Commission Parent, la réforme de l’éducation en cours au Québec dans les années 1960 amène à la formulation d’une proposition novatrice : la création d’une nouvelle institution qui promulguerait un enseignement préuniversitaire (deux années d’études menant aux études universitaires) et professionnel (trois années d’études menant au marché du travail)42. L’appellation proposée est celle d’« Institut », qui voulait se distinguer du collège « canado

étatsunien » (dont les junior college et les community college) qui renvoie davantage à l’éducation universitaire (Proulx et al., 2018; Rocher, 2008). En fin de compte, l’appellation de « Collège d’enseignement général et professionnel » (CEGEP)43 est privilégiée. La création des cégeps amène

alors à une réorganisation du système d’éducation à l’enseignement supérieur en place à l’époque et qui est caractérisé par une diversité et une indépendance de chacune de ses entités44. Ce nouvel ordre

d’enseignement s’inscrit dans l’éducation à l’enseignement supérieur, mais précède la formation universitaire. Dans ce contexte, dès l’été 1967, les premiers établissements d’enseignement collégial – à ce moment uniquement de langue française – ouvrent leurs portes à travers la province (Proulx et al., 2018). La constitution rapide des cégeps (Dassylva, 2004) est notamment possible parce qu’ils remplacent, physiquement dans plusieurs cas, les établissements d’enseignement supérieur existants, appartenant souvent à des diocèses ou des communautés religieuses (Proulx et al., 2018).

À l’époque, l’établissement des cégeps renvoie à deux aspirations collectives au Québec : l’une de justice sociale et l’autre de développement économique, grâce à un plus grand accès à l’enseignement supérieur (Denis & Lipkin, 1972, 1973)45. Ces aspirations collectives touchent davantage les

francophones pour qui les taux de fréquentation scolaire sont assez faibles (Robert & Tondreau, 2011).

42 Si la constitution des cégeps telle que nous les connaissons aujourd’hui remonte à 1967, l’histoire de l’enseignement

collégial serait aussi longue que celle du Québec avec la fondation du Collège de Québec en 1635 qui, bien entendu, évoluait sous une autre organisation du système d’enseignement (Proulx et al., 2018).

43 L’acronyme « CEGEP » sera remplacé par « cégep(s) » lorsque : « [l]’Office de la langue française recommandera plus

tard de faire du mot ″cégep″ un substantif avec un accent aigu sur le ″e″ et s’accordant en nombre » (Proulx et al., 2018, p. 259). Nous employons dans la thèse l’acronyme tel que proposé par l’Office québécois de la langue française.

44 À l’époque, on retrouve notamment des écoles normales, des écoles d’infirmières, des instituts de technologie, une école

de pêcherie, des instituts familiaux, l’École polytechnique, l’École des hautes études commerciales, une école des beaux- arts, deux conservatoires de musique et des collèges classiques privés confessionnels (Proulx et al., 2018).

45 La création des cégeps a permis une démocratisation de l’enseignement supérieur en ce sens qu’en 1961, moins de 5

% des étudiants se retrouvaient dans des établissements d’enseignement supérieur comparativement à 20 % au début des années 1980. En outre, au niveau collégial, il y avait 25 000 étudiants en 1956, 90 000 étudiants en 1971 et près de 160 000 étudiants en 1986 (Conseil supérieur de l’éducation, 1988).

C’est dans une période de critique sociale nord-américaine quant aux inégalités d’accès à l’enseignement supérieur que les cégeps apparaissent comme un moteur de démocratisation de la société québécoise de sorte que : « The CEGEPs would be tuition-free, universally accessible colleges

of general and specialized education without competitors at the pre-university level, the college system would play an important role in the democratization of Québec society » (Nemiroff, 2017, p. 26). Les

cégeps deviennent donc des établissements d’enseignement spécifiques et uniques à l’échelle nationale et continentale.

Si la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel n’émet pas d’énoncés de mission pour le cégep – comme c’est le cas avec la Loi sur l’instruction publique pour l’éducation préscolaire, primaire et secondaire – une mission se trouve certainement en filigrane à son appellation (Proulx et al., 2018). En effet, une mission éducative incombe assurément aux cégeps alors qu’une formation fondamentale se présente dans le cursus préuniversitaire (« exploration progressive des fondements historiques et critiques, des concepts de base, des grands problèmes et des grands défis ») et dans le cursus technique (« exploration des fondements historiques et socioéconomiques, des concepts et techniques de base, des principaux problèmes et défis, des perspectives de développement ») (Després-Poirier & Dupuis, 1999, p. 211). Autrement dit, la transmission d’une culture générale est fondamentale dans l’ensemble des cursus, que ceux-ci mènent aux études universitaires ou au marché du travail (Proulx et al., 2018). Toujours dans la mission éducative des cégeps, une formation professionnelle est aussi présente alors que la scolarité vise à la transformation de l’individu par la maîtrise d’une technique, d’une discipline et d’un champ de savoir (Després-Poirier & Dupuis, 1999). D’autres missions incombent au cégep, comme celle d’offrir des programmes d’études menant à l’obtention du diplôme de spécialisation d’études techniques (DSET) et au diplôme de l’attestation d’études collégiales (AEC). Des missions complémentaires concernent l’appui à la recherche appliquée, aux innovations technologiques, aux services à la communauté et au développement international et régional (Proulx et al., 2018).

Du côté anglophone46, dans les premiers instants du développement d’un réseau d’enseignement

collégial, les acteurs de la communauté anglophone manifestent peu « d’enthousiasme » (Dassylva,

46 À notre connaissance, la documentation scientifique sur les cégeps anglophones est peu nombreuse et peu récente.

2008; Nemiroff, 2017). Non seulement le système d’éducation de langue anglaise au Québec est bien établi, de la scolarisation primaire à la scolarisation universitaire (Barber, 1981), et les taux de fréquentation scolaire des anglophones sont plus élevés que ceux des francophones (Robert & Tondreau, 2011), mais à la différence de plusieurs établissements collégiaux de langue française qui se sont vus concéder des bâtiments religieux, il n’en est généralement pas de même dans le réseau de langue anglaise47. Par exemple, la mise en place du premier cégep anglophone (le collège Dawson)

est compliquée alors qu’aucun établissement existant n’accepte de se regrouper pour constituer le cégep (Dassylva, 2008). Ainsi, au tout début, la création des cégeps anglophones se fait souvent de manière improvisée, précipitée et temporaire (Blott & Keller, 1991; Burgess, 1971; LeBlanc, 1972; Nemiroff, 2017).

Pour des raisons démographiques et considérant la nécessité de répondre aux attentes gouvernementales en matière d’éducation à l’enseignement supérieur (Barber, 1981), la mise en place du réseau d’enseignement collégial anglophone nécessite la collaboration entre les différents cégeps de langue anglaise (LeBlanc, 1972). En effet, cette collaboration permet d’abord de veiller à assurer une reconnaissance de la formation collégiale par les universités anglophones, puisqu’un arrimage entre les ordres d’enseignement est nécessaire (Burgess, 1971; Nemiroff, 2017). Un nouveau corps enseignant doit également être constitué et, pour ce faire, un recrutement s’effectue dans les écoles secondaires et dans les universités de langue anglaise (LeBlanc, 1972). Aussi, un travail commun est réalisé pour élaborer et statuer du contenu de certaines matières48. L’exemple de la philosophie est

significatif, puisqu’aucune tradition d’enseignement de cette matière n’existe dans le réseau anglophone comparativement au réseau francophone (Nemiroff, 2017). Ainsi, l’enseignement de la philosophie est structuré autour d’une approche interdisciplinaire des sciences humaines afin de constituer des cours appelés Humanities. Ce faisant, la philosophie qui est enseignée dans les cégeps anglophones diverge de celle enseignée dans le réseau francophone (Dunleavy et al., 1974; LeBlanc, 1972)49.

47 Soulignons que le collège anglophone privé Marianopolis a remplacé l’Institut collégial Notre-Dame qui était un collège

catholique classique pour filles. Huntley-Maynard (1992), dans sa thèse de doctorat, en montre les évolutions et les transitions administratives.

48 Le programme de base d’enseignement de l’anglais, à la différence des autres matières enseignées dans les cégeps

anglophones, a été développé de manière assez indépendante (Syndicats des professeurs, 1992) et est sujet à un pluralisme selon chaque cégep (Keller, 1991).

49 Un historique de la mise en place des cours de Humanities dans les cégeps anglophones Dawson et Vanier a été produit

Alors qu’en 1969, 30 cégeps de langue française sont déjà en activité dans la province, le premier cégep de langue anglaise, soit le Collège Dawson, accueille sa première cohorte d’étudiants en septembre de la même année50. En 1970, le Collège Vanier ouvre ses portes et l’année suivante, c’est

au tour du Collège John Abbott. Cette « consolidation du réseau de langue anglaise », qui à ce moment se concentre uniquement sur l’Île de Montréal, se poursuit en 1971 avec la mise en place de trois campus régionaux sous la bannière Champlain Regional College. Ainsi, en 1972, un campus ouvre dans la région de l’Estrie (le campus de Lennoxville), un autre dans la région de la Capitale-Nationale (le campus St-Lawrence) et un troisième dans la région de la Montérégie (le campus de Saint- Lambert). Plusieurs années plus tard, en 1988, le Collège Heritage est mis sur pied à Gatineau, dans la région de l’Outaouais (Dassylva, 2008). Ces sept établissements anglophones font tous partie du réseau d’enseignement collégial public. Du côté des établissements collégiaux anglophones privés subventionnés par l’État, le Collège Marianopolis (Île de Montréal) est créé en 1969. En 2010, le Collège TAV (Île de Montréal) devient une institution indépendante qui était autrefois une entité rattachée au Collège Champlain. En outre, si des établissements entiers sont destinés à l’enseignement collégial en langue anglaise, des cégeps francophones offrent des sections anglophones afin de répondre à la population de langue anglaise de la région. Il est donc possible de réaliser un programme d’études complet en anglais au Cégep de Gaspésie et des îles et au Cégep de Sept-Îles. Quant à eux, des établissements privés et publics offrent des formations bilingues, par exemple le Collège O’Sullivan (Québec et Montréal), le Collège LaSalle (Montréal), le Collège Mérici (Québec) et le Cégep Limoilou (Québec).

Le tableau qui suit présente un récapitulatif des établissements d’enseignement collégial anglophones et des établissements d’enseignement collégial francophones offrant des sections anglophones.

Tableau 1.

Établissements d’enseignement collégial anglophones et établissements d’enseignement collégial francophones offrant des sections anglophones

Établissement d’enseignement collégial

anglophone Public ou privé Région

Collège Dawson Public Montréal

Collège Vanier Public Montréal

Collège John Abbott Public Montréal

Campus Lennoxville du Collège Champlain Public Estrie Campus St-Lawrence du Collège Champlain Public Capitale-Nationale Campus Saint-Lambert du Collège Champlain Public Montérégie

Collège Heritage Public Outaouais

Collège Marianopolis Privé Montréal

Collège TAV Privé Montréal

Établissement d’enseignement collégial

francophone, section anglophone Public ou privé Région

Cégep de Gaspésie et des îles Public Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine

Cégep de Sept-Îles Public Côte-Nord

La mise en place des cégeps anglophones, durant les années 1960 et 1970, est favorisée par un travail de collaboration entre les établissements. En outre, cette coopération a généré le développement d’un sentiment d’identité partagé entre les cégeps anglophones (LeBlanc, 1972). Ce travail de coopération et ce sentiment identitaire s’inscrivent cependant dans un contexte où une idéologie nationaliste est présente au Québec, qui conduit les cégeps anglophones à : « une prise de conscience de la nécessité de pourvoir aux besoins de la population anglophone de la province, ce qui contribua à la coopération des cégeps anglophones dans un objectif commun » (LeBlanc, 1972, p. 367). Les cégeps anglophones se voient collectivement investis d’une mission de répondre aux membres des communautés anglophones (entre autres les étudiants anglophones). De surcroît, par la présence de différents cégeps ou sections anglophones dans l’ensemble de la province, et pas uniquement sur l’Île de Montréal, les cégeps contribuent à la vitalité ethnolinguistique51 des communautés anglophones

51 Si le concept de vitalité ethnolinguistique renvoie à plusieurs définitions, de manière générale, la vitalité ethnolinguistique

(Comité sénatorial permanent des langues officielles, 2011), en favorisant notamment la rétention des jeunes dans leur région (Comité sénatorial permanent des langues officielles, 2011; Syndicats des professeurs, 1992)52. Il est donc ici question de complétude institutionnelle53 (Breton, 1964; Cardinal &

Léger, 2017; Landry & Allard, 1996; Thériault, 2014) des communautés anglophones au travers des cégeps anglophones :

A number of witnesses hoped to see greater access to and promotion of vocational and technical training programs in English. As the QCGN [Quebec Community Groups Network] said, this kind of training « will allow English Quebecers to integrate into the job market and allow the community to retain its youth and young families, and keep its communities alive and vital ». (Comité sénatorial permanent des langues officielles, 2011,

p. 32)

Alors qu’une mission de complétude institutionnelle et de vitalité ethnolinguistique se présente pour les cégeps anglophones, des valeurs éducatives communes en tant qu’institution d’enseignement les rassemblent également. Des valeurs comme l’excellence de l’enseignement et la réussite étudiante sont présentes. Sont aussi valorisées l’intégrité, la collaboration et la promotion du développement personnel des étudiants et de leurs contributions à titre de citoyens et de travailleurs. Si certains établissements font la promotion de la diversité de leur population étudiante et valorisent les actions à l’intérieur et à l’extérieur du cégep, d’autres mettent en exergue l’anglais comme langue d’enseignement. Dans les cégeps anglophones, l’innovation est aussi valorisée pour nourrir la pédagogie et les disciplines enseignées (Nemiroff, 2017).

culturel (Corbeil, 2005). Le degré de vitalité d’une communauté ethnolinguistique a une influence sur sa survie (Allard & Landry, 1987).

52 LeBlanc (1972) donne un exemple significatif à ce propos : « Cette coopération a pris un tournant intéressant quand

demanda à y participer le Collège Marianopolis, une institution privée régie par la Loi 56. Cette initiative de la part d’un collège privé fut la bienvenue car elle restait fidèle au désir de servir une communauté à l’échelle provinciale » (p. 368).

53 La complétude institutionnelle permet : « d’étudier les conditions de pérennisation des minorités ethnoculturelles et

linguistiques, ce qui comprend les groupes issus de l’immigration tout comme les minorités historiques et nationales. De façon plus précise, le fait de détenir des institutions – une école, un hôpital, un journal ou un théâtre – est considéré comme une condition qui contribue à l’épanouissement des minorités. La notion de complétude institutionnelle comporte aussi une dimension politique indéniable, car ces institutions que possède la minorité doivent dans la mesure du possible être gérées par et pour cette dernière » (Cardinal & Léger, 2017, p. 3). En outre, le concept de complétude institutionnelle a été élaboré par Breton (1964) d’abord pour étudier les populations immigrantes. Ce concept a ensuite été mobilisé pour étudier les populations minoritaires, notamment les francophones hors-Québec au Canada (Cardinal & Léger, 2017; Thériault, 2014). La complétude institutionnelle des francophones hors-Québec est néanmoins fondamentalement différente de celle des anglophones du Québec, pour qui les institutions sont bien établies et protégées depuis la Conquête même si des enjeux sont aussi présents (ex. : diversité et éloignement des communautés québécoises d’expression anglaise dans la province) (Jedwab & Maynard, 2012).

Selon des acteurs du réseau d’enseignement anglophone, les cégeps anglophones partagent également des visions communes qui pourraient se distinguer sur certains aspects des cégeps francophones. D’abord, la vision de l’intégration des étudiants à la société québécoise différerait, une approche visant la « majorité forte » étant privilégiée, c’est-à-dire une intégration à la vie dans une majorité anglophone d’Amérique du Nord et non dans un Québec français (Fontaine, 1991; Groff et al., 2016b, 2016a). Ensuite, la composition du corps enseignant serait marquée par la pluriethnicité, alors que plusieurs enseignants sont originaires et ont réalisé leur formation scolaire ailleurs au Canada ou à l’international (Syndicats des professeurs, 1992). Selon Fontaine (1991), les curriculums et l’enseignement seraient ainsi colorés d’un accent ethnoculturel. Enfin, la population étudiante des cégeps anglophones n’est pas uniquement issue des communautés anglophones historiques. En effet, une forte diversité ethnique, religieuse et linguistique se remarque au sein de ces établissements, avec la grande présence d’allophones et de francophones54 qui est valorisée par les établissements

d’enseignement (Chiras, 2011; Chiras, Brown, & Miller, 2006; Fontaine, 1991). À ce propos, le Comité sénatorial permanent des langues officielles a indiqué dans son rapport de 2011 que :

At the St. Lawrence campus of Champlain Regional College, 65 percent of students come from French-language schools. « The [A]nglophones come because it is their college, but the [F]rancophones come, I am convinced, to be better members of the [F]rancophone community ». At the Lennoxville campus, about 40 percent of students come from majority community schools. Students attending the college have a high knowledge of both official languages. At Dawson College, nearly half of the student population does not have English as a first language. A representative of the college said: « This is interestingly problematic because it poses fairly important pedagogical issues when our teachers are trying to work in an English environment and the linguistic capacities of the incoming students are not always able to cope with what we expect of them ». (Comité sénatorial

permanent des langues officielles, 2011, p. 30)

Comme observé par le Comité sénatorial permanent des langues officielles (2011), si la diversité de la population étudiante est notable dans les cégeps anglophones, elle amène toutefois un lot de défis pour ces établissements. Les connaissances linguistiques en anglais varient entre les étudiants qui ne proviennent pas tous du réseau d’enseignement de langue anglaise. La mission première des cégeps anglophones étant de mener chaque étudiant à la réussite de ses études collégiales, dans les curriculums des cégeps anglophones, l’enseignement des langues occupe tout de même une place importante. L’enseignement de l’anglais s’effectue au travers de cours obligatoires. La réussite de ces

54 Cette diversité serait rendue encore plus visible au travers des associations monoethniques et pluriethniques regroupant

cours d’anglais semble cependant problématique pour plusieurs étudiants. En effet, la diversité de la population étudiante qui caractérise plusieurs cégeps anglophones engendre une variation dans les connaissances en anglais, puisque chaque étudiant possède un niveau de maîtrise de l’anglais différent. Ces difficultés en anglais dépassent les cours d’anglais, car elles concernent l’ensemble des cours qui sont donnés dans cette langue ainsi que la vie collégiale dans son ensemble. Des mesures ont donc été prises par les établissements pour améliorer la qualité de l’anglais des étudiants : des tests de classement pour accéder aux différents niveaux de cours d’anglais, des cours d’appoint centrés sur la langue, des centres d’aide en anglais55 (ex. : Tutoring & Academic Success Centre au

Collège Vanier et English Writing Workshop au campus St-Lawrence du Collège Champlain), des cours de rattrapage estivaux (Conseil des collèges, 1990) et la valorisation de la littératie dans l’ensemble du curriculum (Literacy across the Curriculum) (Chéhadé, Lemay, Antoniadès, Armand, & Lamarre, 2000; Conseil des collèges, 1990).

Si l’anglais est la langue d’enseignement et d’étude des cégeps anglophones, l’enseignement du français56 est obligatoire dans ces établissements depuis le Renouveau de l’enseignement collégial de

1993 (Boisvert, Lacoursière, & Lallier, 2008). Ainsi, deux cours obligatoires en français doivent être complétés par tous les étudiants. Les centres d’aide en français (souvent appelés CAF) apparaissent comme un lieu de soutien fondamental pour les étudiants ainsi que pour le personnel enseignant et non enseignant (Gagné & Lemay, 2012, 2013). Ces centres d’aide en français offrent même, dans certains établissements, des occasions de socialisation à la langue française au travers de l’apprentissage de la langue (Gagné & Murchison, 2012)57. Ajoutons qu’au regard de la Loi 104 (2002),

les établissements d’enseignement supérieur de langue anglaise doivent se doter d’une politique linguistique de valorisation du français (Bérard, 2017; Proulx et al., 2018).

55 Par exemple, Boulle, Gilmore, Jones et Wehden (1986) présentent, dans un document d’information du Collège Dawson,

les différents services offerts par le Learning Centre afin d’aider les étudiants à mieux réussir leurs études. Il semble pertinent de souligner ici qu’une section du document, écrite en français, est destinée aux étudiants francophones afin de mieux les accompagner dans les parcours d’études collégiales en anglais. Si ce document date de plusieurs années, il montre qu’une préoccupation était déjà présente face aux étudiants non anglophones dans le cégep.

56 Plus spécifiquement, il est question de l’enseignement du français langue seconde (FLS).

57 Il semble que l’apprentissage du français, pour plusieurs étudiants du cégep anglophone qui proviennent du secondaire

anglophone, soit généralement vu de manière négative et que leur niveau de connaissances et de compétences à la fin des études collégiales ne leur permet pas de travailler en français. Les résultats d’une recherche menée par Gagné et Popica (2017) dans les cégeps anglophones de la province montrent que plus les étudiants ont des perceptions positives des cours de français langue seconde, plus la motivation augmente. Le nombre d’amis francophones et le nombre d’heures