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Identité linguistique et civique dans l’enfance et à l’adolescence

CHAPITRE 5 PRÉSENTATION DU CORPUS

5.3 Identité linguistique et civique dans l’enfance et à l’adolescence

L’identité linguistique et civique des participants a été documentée tout au long de leur parcours de vie. Nous nous concentrons ici sur l’identité linguistique et civique pour la période de l’enfance et de l’adolescence154.

En ce qui concerne l’identité linguistique, il s’avère que tous les participants se disaient francophones au moment de leur enfance et de leur adolescence : « Bien, définitivement francophone. Clairement francophone » (Nicolas, campus Saint-Lambert du Collège Champlain). Cette identité semblait aller de soi pour les participants du corpus : « Je pense que ça allait de soi. Je me suis jamais posé cette question-là à cet âge, c’est sûr, mais… oui, ça allait de soi. J’étais rien d’autre que francophone pour moi » (Nathan, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Cette identité francophone était en lien avec l’importance que peut représenter la langue française et la culture francophone : « Purement francophone et pour moi, c’est très important de rester francophone. J’attachais une bonne importance à protéger ma langue et à bien savoir l’utiliser » (Simon, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Soulignons tout de même que deux participants sur 37 ont évoqué avoir ressenti une certaine attirance pour la langue anglaise durant leur enfance et leur adolescence, même si leur identité francophone allait de soi considérant leur origine ethnoculturelle et leur langue maternelle :

Bien, quand j’avais la chance, quand j’avais quelqu’un autour de moi qui parlait anglais, je mettais toujours de l’avant mon côté anglophone [les connaissances linguistiques en anglais], tu sais. J’avais pas peur d’aller essayer de m’exprimer dans cette langue-là, mais

154 Dans le chapitre 8, la première section (8.1) aborde l’identité linguistique et civique des participants après leurs études

je pense que je me considérais comme une francophone avant… Malgré le fait que je trouvais vraiment... Je me souviens, je trouvais que ça avait l’air dont hot de parler anglais. (Amélie, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Pour un des deux participants, l’anglais était vu, dans une certaine mesure, comme une langue plus utile que le français :

Bien, j’avais beaucoup de… de respect pour l’anglais puis pour les gens qui parlaient anglais puis j’aimais bien ça parler anglais. C’était pas que… je jugeais pas… c’est vraiment plus tard là que j’ai changé d’opinion là-dessus, mais quand j’étais jeune, moi j’arrivais pas… j’étais à un point où est-ce que je trouvais pas nécessairement le français nécessaire […] Je respectais l’anglais puis je voyais pas tout le temps l’utilité de parler francophone, français […] Bien… bon c’est sûr que tu peux pas négliger tes origines, j’ai un nom francophone, un prénom… mon prénom se prononce en anglais, en français autant là, mais mon nom de famille est vraiment francophone. Est-ce que ça fait de moi… ? Oui, bien j’étais francophone à la base. C’est sûr qu’on dira ce qu’on voudra, mais ma langue maternelle, c’est le français, ça changera pas… (David, campus Saint-Lambert du Collège Champlain)

Le tableau suivant présente l’identité linguistique des participants dans leur enfance et leur adolescence.

Tableau 15.

Identité linguistique dans l’enfance et à l’adolescence

Identité linguistique

Francophone

Nombre de participants 37

+ attirance pour la langue anglaise (2)

Au cours de l’enfance et l’adolescence, si l’identité linguistique francophone était présente pour l’ensemble des participants, des distinctions se remarquaient davantage quant à l’identité civique, c’est-à-dire le sentiment d’appartenance au Québec et au Canada, le sentiment d’être Québécois et d’être Canadien.

Pour près de la moitié des participants (17 sur 37), une identité francophone allait de pair avec une identité québécoise :

Bien moi, je me suis toujours considérée d’abord comme Québécoise, d’abord comme francophone… C’est même pas une question. C’est fondamental. Je suis née, j’ai été élevée en français puis à Québec donc c’est très… c’est ça qui fait que j’ai une certaine identité culturelle linguistique, c’est que je suis ici… Mais quand tout le monde parle français, quand tout le monde est Québécois on n’a pas… on se le dit pas, c’est plus quand on part à l’extérieur [du Québec]. (Sabrina, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Dans les représentations des participants, cette identité francophone, qui allait de pair avec une identité québécoise, renvoyait plus spécifiquement à l’idée que l’identité québécoise venait devant l’identité canadienne : « Bien moi, j’étais une Québécoise et je vivais dans un pays qui s’appelait le Canada… C’était vraiment ça. Je comprenais qu’il y avait le Canada… qu’on en faisait partie, mais moi… je me sens vraiment comme une Québécoise… » (Marie, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Aussi, pour quatre de ces 17 participants qui revendiquaient une identité québécoise, celle-ci renvoyait aussi à des considérations plus souverainistes : « J’étais Québécoise, francophone, fière de l’être. Plus à tendance aussi souverainiste. Séparation tout ça […] C’était ça mon identité : Québécoise francophone, fière de l’être. Ça a toujours été important. Ça a toujours fait partie de mon identité » (Maude, Collège John Abbott). Durant l’enfance et l’adolescence, cette identité québécoise liée à la souveraineté était souvent transmise par les parents qui évoquaient clairement une telle identité :

Bien, j’étais Québécois francophone. Non [ne se dit pas Canadien]. Pas à l’époque. Mais tu m’as entendu le dire tout à l’heure [d’être Canadien au moment de l’entrevue]. Sauf qu’à l’époque, non. À l’époque, j’étais Québécois […] Oui, c’était le discours en bas. Il y avait… sur le terrain de mes parents, il y avait une espèce de gros… un mât vraiment haut avec un gros drapeau québécois qui flottait. Puis mon père s’engueulait souvent avec un des voisins qui avait la même chose, mais avec un gros drapeau canadien. Donc, il y avait vraiment la notion que les Canadiens c’était les… c’était les méchants, les envahisseurs. (Antoine, Collège Vanier)

Au contraire, pour trois de ces 17 francophones, l’identité québécoise était présente, mais elle n’était pas associée à la souveraineté : « J’essaye de me rappeler, mais je pense que je disais plus que je suis Québécoise, mais pas avec la connotation par exemple… d’indépendance, souverainiste ou quoi que ce soit » (Jessica, campus Saint-Lambert du Collège Champlain).

Pour neuf participants sur 37, durant l’enfance et l’adolescence, c’est plutôt une identité canadienne qui se manifestait devant une identité québécoise. Dans certains cas, l’identité canadienne était valorisée, car l’identité québécoise était étroitement associée à la souveraineté : « Canadien. [J’ai]

jamais été… fanatique québécois, Loi 101, etc. » (Samuel, Collège John Abbott). L’identité canadienne était aussi présente et transmise dans la famille :

J’étais plus Canadien […] Oui, bien tu sais comme... pour mettre ça en mot simple : chez nous, on a toujours voté rouge [c’est-à-dire pour le Parti libéral]… Fait qu’à cause de ça, moi aussi j’étais rouge puis... Puis j’allais le rester. C’était comme ça que je le voyais. C’est pour ça que j’étais Canadien, puis j’étais contre la séparation […] Moi, tu sais, je voulais pas être péquiste fait que... Fait que je me définissais comme un Canadien. (Alexandre, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Huit participants sur 37 disent s’être identifiés autant au Québec qu’au Canada durant leur enfance et leur adolescence : « Je me disais Québécois et Canadien à la fois » (Mathieu, campus St-Lawrence du Collège Champlain). Les deux identifications étant possibles sans nécessairement devoir en choisir une aux dépens de l’autre : « Je pense qu’il y a jamais eu vraiment de la dualité Québec-Canada chez nous » (Julie, campus St-Lawrence du Collège Champlain).

Cette double identité civique avait toutefois amené certains participants à se questionner, à l’époque, sur la signification de chacune des identités et sur les différences entre chacune d’elles :

Moi, je savais pas c’était quoi la différence. Je me souviens avoir posé la question à ma mère : « Moi je suis Québécoise ou Canadienne ? » (rire). Mais c’est vrai! Je veux dire, je savais pas c’était… tu sais comme tu entends ça, mais tu comprends pas ce que c’est. Tu sais je veux dire… les enfants ont… Moi, je connaissais pas ce que c’était. (Delphine, Collège Vanier)

Enfin, si pour trois participants sur 37, une identité québécoise allait de soi durant l’enfance et l’adolescence, un séjour dans une autre province canadienne en a amené certains à considérer davantage une identité canadienne après avoir vécu une expérience linguistique et culturelle différente :

Bien, c’est sûr, avant cette expérience-là, je me considérais comme Québécoise parce que c’était la seule identité que je connaissais. C’était en tant que Québécoise. Je savais que le Québec faisait partie du Canada, mais je me considérais plus comme Québécoise. Puis après ça, après être allée dans l’Ouest [canadien], je me suis dit « Bien non », tu sais, « Je suis Canadienne ». J’avais comme aussi une identité… comme on dit là… ah bien tu y tiens à tes Rocheuses [canadiennes]. Mais oui, j’y tenais à mes Rocheuses! Là, je commençais à me sentir plus citoyenne du pays. Puis dire « Regarde, on est un pays même s’il y a une province qui parle français puis une province qui parle anglais ». On dirait j’ai comme appris à… faire fi de la langue. Puis… oui, on a des cultures différentes, mais on est la même race, on a tu sais… J’ai vu plus de points communs que de différences. (Annabelle, campus St-Lawrence du Collège Champlain)

Le tableau suivant présente un récapitulatif de l’identité civique des participants dans leur enfance et leur adolescence.

Tableau 16.

Identité civique dans l’enfance et à l’adolescence

Identité civique

Québécoise Canadienne et canadienne Québécoise

Passage d’une identité québécoise à une identité canadienne Nombre de participants 17 9 8 3 + souverainiste (4) + non souverainiste (3)