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Les parcours de jeunes francophones qui choisissent d'étudier dans un cégep anglophone : une étude rétrospective

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Karine Vieux-Fort, 2019

Les parcours de jeunes francophones qui choisissent

d'étudier dans un cégep anglophone: une étude

rétrospective

Thèse

Karine Vieux-Fort

Doctorat en administration et politiques de l'éducation

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

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Les parcours de jeunes francophones qui choisissent

d’étudier dans un cégep anglophone : une étude rétrospective

Thèse de doctorat

Karine Vieux-Fort

Sous la direction de :

Annie Pilote (Université Laval), directrice de recherche

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RÉSUMÉ

Cette thèse porte sur les parcours scolaires, professionnels et personnels de jeunes francophones qui ont choisi d’étudier dans un cégep anglophone au Québec. La thèse s’inscrit dans un contexte social où les langues française et anglaise n’ont pas le même poids démographique, économique, politique et culturel et une liberté de choix quant à la langue de scolarisation à l’enseignement supérieur s’opère. Nous nous intéressons plus particulièrement à comprendre les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais, les expériences d’études collégiales en anglais et les impacts sur les parcours scolaires, professionnels et personnels chez de jeunes francophones du Québec.

Nous nous inscrivons dans une perspective constructiviste de la sociologie de l’éducation, en adoptant deux cadres théoriques qui permettent de rendre compte de la capacité interprétative de l’acteur et du rôle des structures sociales. En ce sens, nous mobilisons la sociologie de l’expérience sociale (Dubet, 1994b, 2017) pour comprendre les expériences de choix du cégep anglophone et des études collégiales en anglais, et l’approche processuelle (Bidart, Longo, & Mendez, 2013; Mendez, 2010), pour comprendre les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel.

Pour rendre compte de ces parcours, 37 entrevues de type récit de vie ont été menées auprès de francophones qui ont réalisé des études collégiales en anglais et qui, au moment de l’entrevue, sont sur le marché du travail. C’est donc à travers un regard rétrospectif sur les parcours que nous avons cherché à comprendre le sens que donnent les acteurs à leurs actions.

Les résultats de la thèse concernent, en premier lieu, une typologie des expériences de choix du cégep anglophone. Trois types d’expérience de choix ont émergé de nos données : le choix stratégique, le

choix de développement personnel et le choix par défaut. Ces résultats montrent que le cégep

anglophone est choisi essentiellement pour des raisons stratégiques liées au marché du travail et pour des raisons liées à l’accomplissement personnel. De manière plus marginale au sein de notre corpus, le choix du cégep anglophone s’explique aussi par des raisons extérieures à la langue anglaise.

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Dans un deuxième temps, nous présentons des résultats concernant les expériences d’études collégiales en anglais. Cinq types d’expérience d’études collégiales en anglais se dégagent des données : l’expérience d’intégration facilitée, l’expérience d’intégration sélective, l’expérience

d’intégration stratégique, l’expérience d’intégration sous tensions et l’expérience de rupture. Cette

typologie montre que l’expérience d’études collégiales en anglais s’articule au regard de logiques de l’action sociale et d’une adhésion différenciée sur le plan scolaire et sur le plan social. Nos résultats mettent en exergue que différentes expériences sont vécues au regard de cette articulation.

Enfin, dans un troisième temps, une typologie des processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours montre l’entrecroisement des pratiques linguistiques dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. Sept types ont émergé de nos données : le parcours d’anglicisation, le

parcours de continuation dans des sphères anglophones, le parcours de navigation entre l’anglais et le français, le parcours de retour à des sphères francophones, le parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle, le parcours de détachement face à l’anglais et le parcours de déplacement vers l’espagnol. Malgré la diversité de parcours, il s’avère que la majorité des francophones qui ont

réalisé des études dans un cégep anglophone naviguent, dans la suite de leur parcours de vie, entre l’anglais et le français dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle. De plus, nous montrons que l’identité linguistique francophone se maintient en dépit d’études collégiales en anglais et de la suite du parcours, que celle-ci soit marquée ou non par la langue anglaise dans les diverses sphères de vie. Les identités civiques se maintiennent elles aussi, bien qu’une minorité de participants s’ouvrent à une identité canadienne.

La thèse se conclut par un retour sur les lignes directrices qui ont structuré et guidé la thèse. Une discussion de nos résultats de thèse au regard de recherches antérieures est également réalisée. Finalement, les retombées sociales de la thèse ainsi que des pistes de recherche sont proposées. Sur le plan scientifique, notre thèse contribue à l’avancement des connaissances dans le champ de recherche sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en considérant la langue d’études au prisme des analyses. Sur le plan social, elle génère des connaissances au débat sociopolitique sur l’accès aux cégeps anglophones, sur les rapports aux langues anglaise et française chez de jeunes Québécois francophones, pour les établissements d’enseignement collégial anglophones et pour les acteurs de l’orientation scolaire et professionnelle.

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ABSTRACT

The present dissertation focuses on the educational, professional and personal pathways of young francophones who chose to attend English-language CEGEP in the Province of Quebec. The dissertation is taking place in a social context where French and English languages have different demographic, economic, political, and cultural weight and where the liberty of choice in regard to higher education schooling language operates. We are particularly interested in understanding the reasons behind the pursuit of English Collegial Studies; the experiences of English Collegial Studies; and, the impacts on the educational, professional and personal pathways of young Quebec francophones. We are acting in accordance with a constructivist approach of the Sociology of Education by adopting two theoretical frameworks which allow us to report on the interpretative capacity of the actor and of the role of social structures. In this regard, we are mobilizing the sociology of social experience (Dubet, 1994b, 2017) to understand the experiences behind the choice of attending an English-language CEGEP, as well as the experiences of English Collegial Studies; and, the processual approach (Bidart et al., 2013; Mendez, 2010) to understand the socialization processes to English in the educational, professional and personal pathways.

To report on these pathways, 37 narrative type interviews were conducted with francophones who accomplished English Collegial Studies whom, at the time of the interviews, had joined the labour market. It is, therefore, through a retrospective lens we look upon their pathways and set out to understand the meaning the actors attribute to the rationale behind their action.

Firstly, the findings of the thesis relate a typology of choice experiences of the English-language CEGEP. Three types of choice experiences emerged from our data: the strategic choice, the personal

fulfillment choice and the default choice. These results demonstrate that the English-language CEGEP

is essentially chosen for strategic reasons linked to the labour market and for personal fulfillment reasons. Selection of an English-language CEGEP based on reasons other than linguistics are peripherally found within our corpus.

(6)

Secondly, our findings refer to a typology of English Collegial Studies experiences. Five types of English Collegial Studies experiences emanate from the data: the facilitating integration experience; the selective integration experience; the strategic integration experience; the stress driven integration

experience; and, the rupture experience. These types divulge that the English Collegial Studies

experience is articulated by social action dialectics and accession differentiates in regards to scholastic and social life. Our findings highlight a diversity in experiences associated to this axis.

Lastly, a typology of socialization processes to English show a crossroad in the linguistic practices of the academic, professional and personal spheres. Our findings establish seven emerging types from our facts: anglicization; continuation within English spheres; navigation between French and English;

a return to francophone spheres; retention of English skills in personal sphere; separation from English;

and, transition to Spanish. Despite the diversity in these pathways, it turns out that the majority of francophone who pursued studies at English-language CEGEP live using both English and French languages in their educational, professional and personal spheres. Moreover, we demonstrate that the French linguistic identity is independently maintained despite English Collegial Studies and whether or not English is present in any aspect of their lives. Civic identity is also well-preserved even thought a minority of participants were opened to a Canadian identity.

The thesis concludes by offering a look back to the guidelines that structured and acted as cicerone of our work. A discussion of our findings in regards to previous research is also presented. In conclusion, we expand on the social impact of the present thesis and offer suggestions for further research. Our work contributes to the advancement of scientific knowledge in the field of student pathways research in regards to higher education with an analysis prism based on language of studies. Socially, this thesis adds understanding to the sociopolitical debate surrounding the access to English-language CEGEP; to the interactions between English and French languages of young Quebec francophones; to the English educational collegiate institutions; and, for practitioners in the field of education and career guidance.

(7)

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... v

TABLE DES MATIÈRES ... vii

LISTE DES TABLEAUX ... xii

LISTE DES FIGURES ... xiv

REMERCIEMENTS ... xvii

INTRODUCTION ... 1

PREMIÈRE PARTIE PROBLÉMATIQUE, RECENSION DES ÉCRITS ET CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE ... 6

CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE ... 7

1.1 Le français et l’anglais au sein du marché des langues ... 8

1.2 La Charte de la langue française au Québec : protection linguistique, affirmation identitaire et modulations éducatives ... 11

1.3 L’accessibilité au réseau d’enseignement collégial anglophone au Québec : un débat sociopolitique ... 20

1.4 Portrait statistique de la fréquentation des cégeps anglophones ... 23

1.5 Les cégeps anglophones : historique, missions et défis ... 26

1.6 Question générale de recherche ... 35

CHAPITRE 2 RECENSION DES ÉCRITS ... 36

2.1 Les parcours étudiants à l’enseignement supérieur ... 37

2.1.1 L’accès et le choix ... 38

2.1.2 La première année d’études, la persévérance et la réussite scolaire ... 40

2.1.3 Les expériences d’études ... 42

2.2 Les langues dans les parcours étudiants à l’enseignement supérieur ... 44

2.2.1 Les parcours à l’enseignement supérieur des francophones en situation minoritaire au Canada ... 46

(8)

2.2.1.2 L’identité linguistique et l’appartenance à la communauté francophone ... 48

2.2.1.3 La transition vers le marché du travail ... 49

2.2.2 Les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais au Québec ... 50

2.2.2.1 Les facteurs de choix ... 52

2.2.2.2 Les rapports entre les groupes ethnolinguistiques ... 56

2.2.2.3 Le rapport aux langues et les pratiques linguistiques ... 58

2.2.2.4 Les expériences étudiantes ... 59

2.2.2.5 L’identité et les rapports identitaires aux communautés linguistiques ... 60

2.2.2.6 La transition vers le marché du travail ... 61

2.3 Question et objectifs spécifiques de recherche ... 64

CHAPITRE 3 CADRE THÉORIQUE ... 68

3.1 La sociologie de l’éducation et la socialisation ... 68

3.1.1 Le pouvoir de l’institution ... 69

3.1.2 Le déclin de l’institution ... 72

3.1.3 Les institutions face aux identités ... 75

3.2 La sociologie de l’expérience sociale ... 79

3.2.1 La logique de l’intégration ... 80

3.2.2 La logique de la stratégie ... 82

3.2.3 La logique de la subjectivation ... 83

3.2.4 La sociologie de l’expérience sociale appliquée au choix et au vécu des études collégiales en anglais... 84

3.3 Les parcours de vie comme des processus... 86

3.3.1 Les ingrédients ... 90

3.3.2 Les séquences ... 92

3.3.3 Les moteurs ... 93

3.3.4 Les bifurcations ... 96

3.3.5 Les parcours de vie au regard des processus de socialisation à l’anglais ... 97

3.4 Cadre d’analyse... 98

CHAPITRE 4 CADRE MÉTHODOLOGIQUE ... 101

4.1 Épistémologie constructiviste ... 101

4.2 Recherche qualitative ... 103

4.3 Récit de vie ... 104

4.4 Déroulement et caractéristiques de la cueillette des données ... 107

(9)

4.4.2 Recrutement ... 110

4.4.3 Entretiens individuels semi-dirigés... 114

4.4.4 Transcription ... 117 4.4.5 Considérations éthiques ... 118 4.5 Méthodes d’analyse ... 118 4.5.1 Analyse préliminaire ... 118 4.5.2 Analyse diachronique ... 120 4.5.3 Analyse de contenu ... 121 4.5.4 Analyse processuelle ... 123 4.5.5 Analyse classificatoire ... 125 4.5.6 Analyse typologique... 126

DEUXIÈME PARTIE ANALYSE DES RÉSULTATS ET DISCUSSION ... 128

CHAPITRE 5 PRÉSENTATION DU CORPUS ... 129

5.1 Contexte familial : origines et rapports aux langues ... 129

5.1.1 Origine ethnolinguistique des parents ... 130

5.1.2 Origine sociale des parents ... 131

5.1.3 Importance de la langue française pour les parents ... 134

5.1.4 Importance de la langue anglaise pour les parents ... 136

5.1.5 Rapport des parents à la Charte de la langue française ... 139

5.2 Scolarité obligatoire en français et apprentissage de l’anglais ... 141

5.3 Identité linguistique et civique dans l’enfance et à l’adolescence ... 145

5.4 Profil ethnolinguistique des amitiés dans l’enfance et à l’adolescence ... 149

5.5 Profil linguistique des pratiques culturelles dans l’enfance et à l’adolescence ... 150

5.6 Études collégiales en anglais ... 152

5.7 Parcours scolaires après le cégep anglophone ... 154

5.8 Parcours professionnels, langues et lieux géographiques ... 156

5.9 Conclusion ... 158

CHAPITRE 6 FAIRE L’EXPÉRIENCE DU CHOIX D’UN CÉGEP ANGLOPHONE ... 161

6.1 Choix stratégique ... 163

6.2 Choix de développement personnel ... 168

(10)

6.4 Conclusion ... 177

CHAPITRE 7 EXPÉRIENCES DES ÉTUDES COLLÉGIALES EN ANGLAIS ... 179

7.1 Expérience d’intégration facilitée ... 181

7.2 Expérience d’intégration sélective ... 185

7.3 Expérience d’intégration stratégique ... 189

7.4 Expérience d’intégration sous tensions ... 194

7.5 Expérience de rupture ... 199

7.6 Conclusion ... 202

CHAPITRE 8 PROCESSUS DE SOCIALISATION À L’ANGLAIS DANS LA SUITE DU PARCOURS DE VIE ... 206

8.1 Identité linguistique et civique après les études collégiales en anglais ... 207

8.1.1 Maintien d’une identité linguistique francophone ... 207

8.1.2 Maintien et modification des identités civiques ... 211

8.2 Parcours de socialisation à l’anglais suivant les études collégiales ... 215

8.2.1 Parcours d’anglicisation ... 215

8.2.2 Parcours de continuation dans des sphères anglophones ... 217

8.2.3 Parcours de navigation entre l’anglais et le français ... 221

8.2.4 Parcours de retour à des sphères francophones ... 224

8.2.5 Parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle ... 227

8.2.6 Parcours de détachement face à l’anglais ... 231

8.2.7 Parcours de déplacement vers l’espagnol ... 233

8.3 Conclusion ... 236

CONCLUSION GÉNÉRALE... 239

I. Rappel de la problématique et des objectifs de recherche ... 239

II. Résumé de la démarche théorique et méthodologique ... 242

III. Résumé et discussion des résultats ... 245

a. Les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais ... 246

b. Les expériences des études collégiales en anglais ... 249

c. Les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel ... 253

(11)

IV. Retombées sociales ... 263

V. Pistes de recherche ... 266

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 269

ANNEXE 1 Charte canadienne des droits et libertés, article 23 ... 300

ANNEXE 2 Charte de la langue française, la langue d’enseignement ... 302

ANNEXE 3 Formulaire de consentement ... 308

ANNEXE 4 Message de recrutement, version française ... 311

ANNEXE 5 Message de recrutement, version anglaise ... 312

ANNEXE 6 Guide d’entretien ... 313

ANNEXE 7 Questionnaire sociodémographique ... 318

ANNEXE 8 Canevas de synthèse d’entrevue ... 322

ANNEXE 9 Exemple de fiche de parcours ... 323

ANNEXE 10 Grille d’analyse des raisons d’étudier dans un cégep anglophone (objectif 1) ... 327

ANNEXE 11 Grille d’analyse de l’expérience des études collégiales en anglais (objectif 2) ... 328

ANNEXE 12 Grille d’analyse du processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours (objectif 3) ... 329

(12)

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Établissements d’enseignement collégial anglophones et établissements d’enseignement

collégial francophones offrant des sections anglophones ... 30

Tableau 2. Origine ethnolinguistique des parents ... 130

Tableau 3. Scolarité des parents où au moins un des deux a effectué des études supérieures ... 131

Tableau 4. Scolarité des parents n’ayant pas effectué d’études supérieures ... 132

Tableau 5. Langue(s) de scolarisation des parents ... 133

Tableau 6. Langue(s) de travail des parents ... 134

Tableau 7. Importance de la langue française pour les parents ... 136

Tableau 8. Importance de la langue anglaise pour les parents ... 139

Tableau 9. Rapport des parents à la Charte de la langue française (Loi 101) ... 140

Tableau 10. Type d’école de langue française fréquentée au primaire et au secondaire ... 141

Tableau 11. Apprentissage de l’anglais dans le cadre scolaire ... 142

Tableau 12. Apprentissage de l’anglais dans un contexte hors-scolaire ... 143

Tableau 13. Connaissances en anglais « autorapportées » par les participants ... 144

Tableau 14. Connaissances en français « autorapportées » par les participants ... 145

Tableau 15. Identité linguistique dans l’enfance et à l’adolescence ... 146

Tableau 16. Identité civique dans l’enfance et à l’adolescence ... 149

Tableau 17. Profil ethnolinguistique des amitiés dans l’enfance et à l’adolescence ... 150

Tableau 18. Langue(s) des pratiques culturelles dans l’enfance et à l’adolescence ... 152

Tableau 19. Cégep anglophone fréquenté ... 153

Tableau 20. Programmes d’études au cégep anglophone ... 154

Tableau 21. Langue(s) de scolarisation dans le parcours scolaire suivant le cégep anglophone .... 156

(13)

Tableau 23. Lieu(x) géographique(s) de travail dans le parcours professionnel ... 158 Tableau 24. Identité linguistique après les études collégiales en anglais et dans la suite du parcours de vie ... 211 Tableau 25. Identité civique après les études collégiales en anglais dans la suite du parcours de vie ... 215 Tableau 26. Croisement des types de choix du cégep anglophone et des types d’expérience d’études collégiales en anglais ... 259 Tableau 27. Croisement des types de choix du cégep anglophone et des types de parcours de socialisation à l’anglais ... 261 Tableau 28. Croisement des types d’expérience d’études collégiales en anglais et des types de parcours de socialisation à l’anglais ... 263

(14)

LISTE DES FIGURES

Figure 1. Trois temps du parcours de vie ... 99 Figure 2. Typologie des choix du cégep anglophone ... 162 Figure 3. Typologie des expériences d’études collégiales en anglais ... 181 Figure 4. Types d’expérience des études collégiales en anglais selon l’adhésion scolaire et

(15)

À mes parents et à François, pour leur amour et leur soutien inconditionnels

(16)

If you can’t fly then run, if you can’t run then walk, if you can’t walk then crawl, but whatever you do you have to keep moving forward.

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REMERCIEMENTS

La réalisation d’une thèse de doctorat est sans conteste le fruit d’un travail de longue haleine, constant et acharné. Il serait faux de dire que mon parcours n’a pas été parsemé d’embûches et d’épreuves de toutes sortes, mais, aujourd’hui, je ressens une grande fierté d’avoir réussi à les surmonter.

L’avancement et l’achèvement de ce projet sont dus à la présence et à l’appui de ma direction de recherche. C’est pourquoi j’aimerais tout d’abord remercier Annie Pilote, ma directrice de recherche, qui a cru en moi tout au long de ces années remplies de hauts et de bas. Merci Annie pour ta disponibilité, tes encouragements ainsi que ton regard critique et constructif sur mon travail. J’aimerais aussi remercier Marie-Odile Magnan, ma codirectrice de recherche, pour ses encouragements, son souci du détail et ses bons conseils. Toutes les deux, vous avez formé une superbe équipe pour m’accompagner dans mon parcours doctoral. Merci pour tout!

Je tiens également à remercier les membres du jury. Plus particulièrement, Claire Lapointe, pour sa prélecture minutieuse et précise qui m’a permis de bonifier mon travail. Je remercie France Picard et Sylvie A. Lamoureux pour leur lecture attentive de ma thèse.

J’aimerais aussi remercier sincèrement les participants qui ont accepté de participer à ma recherche en me livrant avec générosité le récit de leur vie. Grâce à vos récits, j’ai réussi à mieux comprendre les parcours de jeunes francophones qui ont réalisé des études collégiales en anglais au Québec. Au fil de ces années, plusieurs collègues ont marqué mon parcours doctoral. D’abord, Claudia Prévost, qui a été mon acolyte durant mon doctorat, mais avec qui, surtout dans les dernières années, s’est développée une réelle et sincère amitié. Claudia, je te remercie pour ton authenticité, ta bonne humeur, ton écoute et ton appui. Je souhaite aussi remercier Sofia Arsenii, avec qui j’ai développé une relation d’amitié et de complicité qui m’a aidée à garder le droit chemin. Mes remerciements vont également à Andy Dimitri Veilleux, avec qui j’ai partagé les plus intéressantes et apaisantes conversations spontanées à la bibliothèque. Enfin, je remercie mes collègues-amies de la revue INITIO, Stéphanie Bauer, Amélie Groleau, Isabelle Skakni, Marianne St-Onge et Anne Thériault, avec qui j’ai vécu une

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superbe expérience d’édition scientifique. Vous avez su être présentes et encourageantes lors de la rédaction de ma thèse.

Un immense merci à Louise Trudel, avec qui j’ai développé une belle relation amicale. Nos conversations m’ont divertie, fait rire et réfléchir, mais tes encouragements sincères et ta générosité m’ont permis de faire avancer ma thèse dans les derniers mois.

Merci aussi à Lorraine O’Donnell et à Jeanne Valois qui m’ont aidée dans l’avancement de certaines étapes de ma recherche, mais qui ont aussi su me faire comprendre avec plus de justesse les communautés québécoises d’expression anglaise.

J’aimerais également remercier les organismes subventionnaires qui m’ont fourni un soutien financier important : le Fonds de Recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC), le Quebec City Women’s Club (QCWC) et le Fonds Desjardins en développement de carrière.

Le mot de la fin est destiné à des personnes de mon réseau familial et amical qui m’ont épaulée dans cette aventure intense en émotions. Un immense merci à mes parents qui m’ont encouragée, comprise et soutenue plus que tout pendant mes années d’études. Merci de m’avoir encouragée à me dépasser et à aller au bout de mes rêves. Je remercie aussi ma sœur Kristelle pour ses encouragements. François, il n’y a pas de mots assez puissants et justes pour te dire à quel point ton amour, ta compréhension, ton écoute et tes encouragements m’ont enveloppée et nourrie pendant ces dernières années. Merci de m’avoir donné l’énergie et la force de terminer ce projet d’envergure. Ta patience et ton aide, qui se sont avérées si précieuses et salvatrices tout au long du sprint final, m’ont aidée à surmonter toutes les difficultés rencontrées en informatique.

Enfin, merci à mes fidèles amies qui, au fil des années, ont tenté au mieux de m’encourager, de m’écouter et de me comprendre : Isabelle Émond-Alarie, Mélissa Giroux et Catherine Guillemette (qui a réalisé si minutieusement la relecture finale de ma thèse). Pour leur amitié et leur compréhension quant à mon manque de disponibilité ces dernières années, je remercie Nathalie Angers, Isabelle Berrigan-Couture, Myriam Boivin-Villeneuve, Éric Boucher, Michel Dion, Nathalie Dion, Véronic Dufour, Roxanne Gingras, Mégane Girard, Émilie Giroux, Vincent Labonté, Andrée-Anne Lacasse, Pierre

(19)

Laflamme, Natacha Matte, Carole Mongbé, Ingrid Pruneau, Amira Sassi, Caroline Savoie, Jonathan Simard, Fun-Qun Tom et Patrick Turner (qui a si bien traduit le résumé en anglais de ma thèse).

(20)

INTRODUCTION

Au Québec, les rapports de force entre le français et l’anglais structurent l’histoire et les enjeux contemporains de la province. En 1977, le Québec s’est doté d’une politique linguistique, la Charte de

la langue française (communément appelée Loi 101), faisant du français la seule langue officielle de

la province et obligeant, en éducation, une scolarisation primaire et secondaire en français. Si la Charte vise à préserver le français et la culture francophone dans la province, force est d’admettre que le Québec demeure une « majorité fragile » (Mc Andrew, 2010)1 au sein d’un environnement

nord-américain dominé par l’anglais. Plus encore, l’attrait pour l’anglais demeure présent chez les jeunes Québécois (St-Laurent, Maraillet, Chastenay, & Tessier, 2008) alors que le français et l’anglais s’inscrivent dans un marché où les langues n’ont pas le même poids, notamment sur le plan économique et culturel (Calvet, 2002, 2005). Cet attrait pour l’anglais se manifeste aussi dans les parcours à l’enseignement supérieur2, alors que les niveaux d’enseignement collégial3 et universitaire

ne sont pas soumis à la Loi 101. Ainsi, de plus en plus de jeunes, qui ont réalisé leurs études primaires et secondaires en français, choisissent de poursuivre leurs études à l’enseignement supérieur en anglais (Office québécois de la langue française, 2017b).

Alors que le champ de recherches scientifiques sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur foisonne, peu de recherches se sont consacrées à considérer la langue d’études (Lamoureux, 2007, 2011). Au Québec, celles qui se sont intéressées aux parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais se concentrent essentiellement, mais pas exclusivement, sur les jeunes allophones ou les jeunes issus de l’immigration qui sont soumis à la Loi 101 (Girard-Lamoureux, 2004). Les recherches actuelles nous éclairent donc peu sur les jeunes francophones qui font le choix du cégep anglophone.

1 Dans cette thèse, les références présentées dans le texte et en liste bibliographique sont conformes aux normes de

l’American Psychological Association, 6e édition.

2 Les termes « enseignement supérieur » et « enseignement postsecondaire » sont généralement synonymes et ils

renvoient aux études suivant celles effectuées au secondaire. Dans un effort de cohérence dans la thèse, nous optons pour le terme « enseignement supérieur ».

3 Dans notre thèse, les termes collège et cégep renvoient tous les deux au collège d’enseignement général et professionnel,

(21)

Dans ce contexte, nous souhaitons mieux comprendre les parcours de jeunes francophones qui choisissent d’étudier dans un cégep anglophone. En quoi ce choix colore-t-il ou non la suite de leur parcours de vie ? Nous posons donc la question de recherche à savoir : quels sont les parcours scolaires, professionnels et personnels de jeunes francophones qui ont fréquenté un cégep de langue anglaise au Québec ? À cette question sont attachés trois objectifs spécifiques de recherche : 1) identifier les raisons de poursuivre des études collégiales en anglais; 2) identifier les expériences d’études collégiales en anglais; 3) dépeindre les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel; 3a) déterminer si le cégep anglophone contribue ou non à moduler les identités linguistiques et civiques dans la suite du parcours de vie.

Pour répondre à cette question et à ces objectifs de recherche, nous mobilisons une approche constructiviste de la sociologie de l’éducation qui considère la capacité interprétative de l’acteur (Lapassade, 1996). Nous adoptons également une épistémologie constructiviste (Fourez & Larochelle, 2004) et nous privilégions une approche qualitative qui, toutes les deux, permettent de comprendre le sens que les acteurs donnent à leurs actions (Paillé & Mucchielli, 2012; Savoie-Zajc & Karsenti, 2004). Plus concrètement, notre thèse est constituée de deux parties. La première présente la problématique, la recension des écrits et le cadre théorique et méthodologique. La seconde présente l’analyse et la discussion des résultats.

Le chapitre 1 présente la problématique de la recherche. Nous introduisons d’abord la notion de marché des langues qui structure les rapports de pouvoir et de force entre le français et l’anglais. Ces rapports teintent l’histoire du Québec, notamment au travers de la Charte de la langue française. Si l’éducation a particulièrement été touchée par la Loi 101, rendant obligatoire la scolarisation primaire et secondaire en français, la liberté de choisir la langue d’études s’opère à l’enseignement supérieur. Cette situation génère un débat sociopolitique qui perdure depuis de nombreuses années quant à l’accès aux cégeps anglophones alors qu’une augmentation de la fréquentation de ces établissements se remarque chez les jeunes qui proviennent du réseau d’enseignement primaire et secondaire francophone et qui ont le français comme langue maternelle. Face à cela, les cégeps anglophones se caractérisent par un historique d’accueil, d’aide et de valorisation de populations étudiantes non anglophones. Au terme de ce premier chapitre, nous formulons une question générale de recherche.

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La recension des écrits scientifiques fait l’objet du deuxième chapitre. Si le champ de recherche sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur est composé d’écrits sur des populations étudiantes et des thématiques diversifiées, force est d’admettre que la langue d’études est peu considérée. Or, au Canada, des recherches ont été menées sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur chez les francophones en situation minoritaire ainsi qu’auprès d’étudiants qui réalisent des études à l’enseignement supérieur en anglais au Québec. Nous montrons donc en quoi les écrits sur les parcours étudiants à l’enseignement supérieur en anglais nous éclairent peu sur les jeunes francophones. Ce chapitre se conclut avec la formulation d’une question et d’objectifs spécifiques de recherche.

Le chapitre 3 présente le cadre théorique. Dans une approche constructiviste de la sociologie de l’éducation, nous mobilisons plus particulièrement la sociologie de l’expérience sociale (Dubet, 1994b, 2017) et l’approche processuelle (Bidart et al., 2013; Mendez, 2010). Ces deux cadres théoriques nous permettent de rendre compte à la fois de la capacité interprétative de l’acteur, mais aussi du rôle des structures sociales. La sociologie de l’expérience sociale – au travers de l’articulation des logiques d’action que sont l’intégration, la stratégie et la subjectivation – est le cadre théorique mobilisé pour comprendre les expériences de choix du cégep anglophone (premier objectif) et les expériences d’études collégiales en anglais (deuxième objectif). L’approche processuelle est le second cadre théorique qui – en mettant en saillance la temporalité dans sa finesse et sa complexité – nous permet de comprendre les processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours (troisième objectif). Le cadre méthodologique constitue le quatrième chapitre. Nous y présentons notre posture épistémologique constructiviste ainsi que notre approche qualitative qui placent l’acteur comme l’auteur de son expérience et de son parcours. Nous avons réalisé 37 entretiens de type récit de vie (Bertaux, 2010) auprès de jeunes francophones qui ont fréquenté un cégep anglophone et qui, au moment de l’entrevue, sont sur le marché du travail. À travers ce regard rétrospectif, nous avons documenté leur parcours. Plusieurs niveaux d’analyse ont été réalisés pour parvenir à effectuer trois analyses typologiques correspondant à nos trois objectifs spécifiques de recherche.

La deuxième partie de la thèse est consacrée à l’analyse et à la discussion des résultats. Le chapitre 5 ouvre cette partie par une présentation descriptive du corpus. Ce chapitre permet de dresser un portrait des participants à la recherche. Nous y présentons d’abord un portrait de la famille au regard

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de l’origine ethnolinguistique et sociale ainsi que des rapports aux langues française et anglaise et à la Loi 101 chez les parents. Ensuite, nous portons notre attention sur les participants au travers d’éléments liés à leur scolarisation obligatoire en français et à leur apprentissage de l’anglais. Nous focalisons aussi notre intérêt sur l’identité linguistique et civique, les relations amicales au regard des langues et les pratiques culturelles et linguistiques dans l’enfance et à l’adolescence. Par la suite, nous présentons un portrait des études collégiales en anglais pour terminer avec un portrait de la suite du parcours scolaire et professionnel.

Le sixième chapitre présente une typologie des expériences de choix du cégep anglophone. Cette typologie est une réponse au premier objectif spécifique de la recherche. Au regard de la sociologie de l’expérience, nous montrons que trois types d’expérience de choix émergent de nos données : le

choix stratégique, le choix de développement personnel et le choix par défaut. Nos résultats exposent

donc que le choix du cégep anglophone se fait surtout, d’un côté, dans une perspective stratégique liée au marché du travail et, d’un autre côté, dans une perspective d’accomplissement personnel. Or, ce choix de développement personnel s’articule aussi, dans un sous-type hybride, dans des considérations stratégiques liées à des perspectives professionnelles. Le choix par défaut, quant à lui, renvoie au choix du cégep anglophone qui se fait d’abord et avant tout pour une raison extérieure à la langue anglaise. Nos résultats montrent enfin l’absence, dans le choix du cégep anglophone, d’un désir d’intégration à la communauté anglophone ou d’adoption des valeurs transmises par les cégeps anglophones.

Le chapitre 7 expose une seconde typologie portant cette fois sur les expériences d’études collégiales en anglais comme réponse à notre deuxième objectif spécifique de recherche. Cinq types d’expérience ont émergé de nos analyses qui entrecroisent les logiques d’action de la sociologie de l’expérience (l’intégration, la stratégie et la subjectivation) et une adhésion différenciée sur le plan scolaire et sur le plan social. Ainsi, ces cinq types sont l’expérience d’intégration facilitée, l’expérience d’intégration

sélective, l’expérience d’intégration stratégique, l’expérience d’intégration sous tensions et l’expérience de rupture. Notre typologie montre que différentes expériences d’études collégiales en anglais sont

vécues par des étudiants francophones, allant d’une expérience facilitée sur le plan scolaire et social à une expérience marquée par l’abandon des études collégiales en anglais.

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Le chapitre 8 présente une troisième typologie des processus de socialisation à l’anglais dans la suite du parcours scolaire, professionnel et personnel. Nous portons d’abord notre attention sur les identités linguistiques et civiques. Cela nous permet de montrer que le passage par le cégep anglophone ne modifie pas l’identité linguistique francophone qui était présente dans l’enfance et à l’adolescence. Aussi, même si la majorité des identités civiques demeurent identiques, pour une minorité de participants, il y a une ouverture à une identité canadienne. La typologie des processus de socialisation à l’anglais est ensuite présentée. Les types montrent l’entrecroisement des pratiques linguistiques dans la sphère scolaire, professionnelle et personnelle dans la suite du parcours. Sept types ont émergé de nos analyses : le parcours d’anglicisation, le parcours de continuation dans des sphères

anglophones, le parcours de navigation entre l’anglais et le français, le parcours de retour à des sphères francophones, le parcours de maintien de l’anglais dans la sphère personnelle, le parcours de détachement face à l’anglais et le parcours de déplacement vers l’espagnol.

La conclusion générale de la thèse présente d’abord un rappel de la problématique sociale et scientifique qui nous a conduite à formuler notre question et nos objectifs spécifiques de recherche. Un rappel de la démarche théorique et méthodologique est ensuite fait. Nous nous attardons par la suite à présenter un résumé ainsi qu’une discussion des résultats de chacun de nos objectifs au regard des recherches antérieures. Nous concluons avec les retombées sociales de la thèse sur quatre plans : le débat sociopolitique sur l’accès aux cégeps anglophones, les rapports aux langues chez les jeunes franco-québécois, l’apport de connaissances utiles pour les établissements d’enseignement collégial anglophones ainsi que les nouvelles connaissances scientifiques pour les acteurs de l’orientation scolaire et professionnelle. Des pistes de recherche, qualitatives et quantitatives, sont finalement présentées en ce qui a trait à des recherches sur les rapports de force entre les langues dans d’autres contextes : provincial, national et international. Ces propositions de recherche concernent à la fois les étudiants à l’enseignement supérieur, mais aussi les acteurs du système de l’éducation.

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PREMIÈRE PARTIE

PROBLÉMATIQUE, RECENSION DES ÉCRITS ET

CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE

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CHAPITRE 1

PROBLÉMATIQUE

Notre problématique décrit le problème social qui guide notre thèse doctorale. L’existence d’un marché des langues mondial, où le français et l’anglais n’ont pas le même poids démographique, économique, politique et culturel, n’est certainement pas sans impacts sur la province francophone du Québec qui évolue au sein d’un Canada et d’une Amérique du Nord majoritairement anglophones. Dans ce contexte, l’histoire du Québec est empreinte de tensions linguistiques entre francophones et anglophones depuis la Conquête britannique (1759-1760). L’adoption de la Charte de la langue

française (Loi 101) en 1977, dont le but était d’« assurer la qualité et le rayonnement de la langue

française » (Éducaloi, 2018) dans cette province, représente un effort de régulation des tensions linguistiques au Québec en faisant du français la langue officielle unique. Cette législation a eu un impact majeur en éducation, créant une obligation de scolarisation en français au primaire et au secondaire4. Toutefois, l’accès aux études à l’enseignement supérieur (collégial et universitaire) en

anglais n’est pas soumis à la Loi 101. Cette accessibilité alimente, depuis des décennies, un débat sociopolitique sur l’accès aux établissements collégiaux de langue anglaise, opposant des tenants du libre choix à ceux qui souhaitent le prolongement de la Loi 101 à l’enseignement collégial. L’enjeu principal concerne l’équilibre démolinguistique entre le français et l’anglais dans la province. Sur le plan statistique, les pourcentages de jeunes Québécois qui accèdent aux études collégiales en anglais tendent à augmenter (Office québécois de la langue française, 2017b). Face à cela, les cégeps anglophones ont un historique lié à la diversité qui permet l’accueil et la valorisation de populations étudiantes non anglophones, mais qui n’est pas sans présenter certains défis. Dans ce contexte, nous avons choisi de nous pencher sur les parcours à l’enseignement supérieur ainsi que sur les parcours professionnels de jeunes francophones qui réalisent des études collégiales en anglais au Québec. Le premier chapitre de cette thèse doctorale, présentant la problématique de recherche, est composé de six sections. La première section discute de la place du français et de l’anglais au sein du marché

4 Précisons que cette obligation de la scolarisation en français au primaire et au secondaire s’effectue sous réserve de

l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi 101 elle-même. Nous reviendrons et préciserons plus loin dans ce chapitre l’application de la Loi 101 en éducation.

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des langues. La deuxième section dresse un portrait historique et actuel de la Charte de la langue

française au Québec au travers des questions de protection linguistique, d’affirmation identitaire et des

modulations éducatives. Ensuite, nous présentons le débat sociopolitique qui a cours au Québec concernant l’accès aux établissements collégiaux de langue anglaise. Nous dressons par la suite un portrait statistique de la fréquentation des cégeps anglophones au regard de différents indicateurs. S’ensuit une présentation des cégeps anglophones afin de mieux comprendre leur historique, leurs missions et leurs défis. Finalement, ce chapitre se conclut avec la présentation de la question générale de recherche. Dans l’ensemble, il nous permet de situer la pertinence sociale de la recherche.

1.1 Le français et l’anglais au sein du marché des langues

Au regard de la sociologie, les langues ne sont pas neutres. En effet, une compétence linguistique ne constitue un capital linguistique que lorsque cette compétence est en relation avec d’autres langues au sein d’un marché où elles possèdent des valeurs diverses. Les rapports qui hiérarchisent les langues se comprennent au travers des rapports de force économiques et culturels (Bourdieu, 1977, 1982, 2001). Si, pour Bourdieu, les langues s’équivalent linguistiquement parlant, il n’en est pas ainsi sociologiquement, puisque le capital linguistique contribue au capital symbolique de l’individu (c’est-à-dire à son capital économique et culturel). Le degré de connaissances et de compétences linguistiques que détient un individu lui confère dès lors un pouvoir et un prestige donnant accès à des ressources, entre autres sociales, éducationnelles et matérielles, et ce, selon les statuts des langues en question. La langue contribue ainsi au pouvoir symbolique des individus tout en exposant les rapports sociaux (Bourdieu, 1977, 1982, 2001).

Si les langues ne sont pas neutres et s’inscrivent dans un marché des langues (Calvet, 2002, 2005), de nos jours, l’anglais y figure comme la lingua franca à l’échelle mondiale (Oakes & Warren, 2009). En effet, l’anglais est vu comme la seule langue hypercentrale, considérant son statut officiel dans plusieurs pays puissants, sa place importante dans les relations internationales et son rôle prépondérant dans de nombreux pays (Calvet, 2002; de Swaan, 2001). Toutefois, l’anglais est aussi vu comme un instrument d’une nouvelle forme de domination et de colonialisme culturel – plus

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particulièrement états-unien – qui entrave la diversité linguistique et culturelle5 (Phillipson, 1992, 2008;

Tollefson, 1991). Ceci étant dit, il n’en demeure pas moins que l’anglais est une langue fortement présente, tant à l’échelle internationale que nationale et locale, et sa valorisation demeure manifeste (Ferguson, 2006; Hamel, 2010; Truchot, 2005). Quant au français, il occupe une place seconde – supercentrale – à une échelle internationale6. En effet, c’est une langue officielle dans plusieurs pays

importants et il est largement diffusé à l’international (Calvet, 2002; de Swaan, 2001). Selon Hamel (2010), le bilinguisme qui peut découler de l’apprentissage ou de la maîtrise de plusieurs langues est soit horizontal, lorsqu’il concerne des langues du même niveau (ex. : la maîtrise de deux langues supercentrales), soit vertical, lorsque les langues ne sont pas du même niveau (ex. : la maîtrise d’une langue supercentrale et d’une langue hypercentrale).

Au Canada, il existe deux langues officielles : l’anglais et le français. Or, ce bilinguisme légal n’est que théorique, puisque l’anglais domine le paysage linguistique et que le français est la langue de la majorité uniquement au Québec. Si le Québec est la seule province canadienne à avoir le français comme unique langue officielle7, les francophones y demeurent une « majorité fragile » (Mc Andrew,

2010) au sein d’une Amérique du Nord majoritairement anglophone. Plus encore, des communautés anglophones en situation linguistique minoritaire sont présentes dans la province de Québec. Au cours des dernières décennies, marquées par l’affirmation identitaire de la nation franco-québécoise, les anglophones en seraient venus à se définir comme une minorité au Québec, et non plus comme une majorité au Canada et en Amérique du Nord (Caldwell & Waddell, 1982; Vieux-Fort, 2009a), les positionnant alors comme une « minorité dans une minorité » (minority within a minority) (Dobie, 2008; Quebec Community Groups Network, 2009)8. Considérant le statut de l’anglais à l’échelle nationale et

5 Pour Phillipson (2008), considérer l’anglais comme la lingua franca devrait faire référence à un instrument de

communication neutre. Or, l’anglais serait tout sauf neutre et devrait davantage être qualifié de lingua economica (langue des affaires économiques), de lingua emotiva (langue de consumérisme), de lingua academica (langue universitaire et de savoir scientifique), de lingua cultura (langue culturelle) et de lingua bellica (langue d’ingérence politique et militaire). Ce faisant, il serait plus adéquat de parler de lingua americana en référence à la forte présence des États-Unis à l’échelle internationale.

6 D’autres langues que le français sont considérées comme supercentrales : l’espagnol, le portugais, le chinois, le japonais,

le russe et l’allemand (Hamel, 2010).

7 Soulignons que le Nouveau-Brunswick et le Nunavut ont également le français comme l’une de leurs langues officielles. 8 Précisons ici que, pour les anglophones du Québec, les marqueurs identitaires sont multiples et que tous ne se définissent

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internationale, il semble juste de parler ici d’une « minorité forte » (powerful minority) (Groff, Pilote, & Vieux-Fort, 2016a, 2016b)9.

Alors que les politiques linguistiques sont généralement imposées par le « haut » (Kaplan & Baldauf, 1997), elles sont souvent négociées, interprétées et vécues différemment à un niveau plus local dans les institutions et par les individus (Canagarajah, 2005; Ricento & Hornberger, 1996). Au Québec, la

Charte de la langue française, adoptée en 1977, a fait du français la langue officielle de cette province.

Or, cette loi n’empêche pas l’attrait pour d’autres langues, dont la langue anglaise. En effet, chez les francophones et les allophones du Québec, l’attrait pour la langue anglaise est sans conteste, considérant la position et l’influence de cette langue en Amérique du Nord (Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, 2001). En outre, chez les jeunes Québécois se manifestent, depuis des décennies, des attitudes favorables face à la langue anglaise (Boulé, 2002), une conscience de l’importance de l’anglais (Locher, 1993; St-Laurent et al., 2008), tout comme des motivations à apprendre l’anglais (Clément, 1976; Kirilova, 2016).

Sur le plan identitaire, le Québec se trouve donc à une sorte de croisée des chemins, où la protection de la langue française est fondamentale pour une continuité identitaire et linguistique, mais où les réalités de la mondialisation, où l’anglais domine, amènent le Québec et les Québécois à entretenir des relations avec l’anglais (Arcand, 2012; Lamarre & Lamarre, 2006; Veillette, 2005). Une distinction peut alors s’opérer entre l’anglais comme lingua franca et l’anglais comme langue identitaire (Frangini, 2013; Heller, Lamarre, & Mc Laughlin, 2009) :

Sans pour autant devenir neutre, l’anglais devient en certaines situations une langue coupée de son association avec l’identité linguistique des interlocuteurs. Pour les francophones du Québec, la mondialisation oblige un jeu difficile : continuer de veiller à limiter l’utilisation de la langue anglaise dans le milieu du travail québécois [entre autres] tout en y développant les ressources humaines nécessaires pour communiquer avec l’extérieur, surtout en anglais, mais aussi en d’autres langues. (Lamarre & Lamarre, 2006, p. 66)

9 Dans sa thèse de doctorat, Jean-Pierre (2016) s’est intéressée aux croyances, aux attitudes et aux pensées d’étudiants

franco-ontariens et anglo-québécois lors de leurs études postsecondaires en ce qui concerne leur identité linguistique, mais aussi la culture, leur éducation et le rôle du bilinguisme. Les résultats de sa recherche qualitative montrent que pour les anglo-québécois, il importe d’être pleinement acceptés comme Québécois ne craignant toutefois par pour l’anglais au Québec dans le futur tandis que les franco-ontariens s’inquiètent davantage pour le futur de leurs communautés. Cela montre le poids distinctif et divergent de l’anglais et du français au Canada.

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Également, dans le contexte de mondialisation et d’économie du savoir, si l’éducation constitue un capital humain, les connaissances linguistiques contribuent certainement à ce dernier, tant pour les individus que pour les entreprises (Commissariat aux langues officielles, 2009; Dubois, LeBlanc, & Beaudin, 2006). La langue occupe une place centrale sur le marché du travail, puisque le bilinguisme et le plurilinguisme renvoient aujourd’hui à une image de performance de l’individu sur le plan professionnel et à une donnée économique, où le capital linguistique est vu comme un facteur de rentabilité (Canut & Duchêne, 2011). En somme, les langues représentent assurément une ressource au sein de la nouvelle économie (Heller, 2005; Heller & Boutet, 2006; Mc Laughlin, Bagaoui, & LeBlanc, 2013)10. Les compétences linguistiques recherchées sur le marché du travail peuvent toutefois

apparaître comme un outil de discrimination « légitime » face à certains groupes linguistiques qui ne maîtrisent pas suffisamment certaines langues, en l’occurrence le français et l’anglais en contexte québécois et canadien (Mc All, 2003). Toujours dans le contexte actuel de mondialisation, le bilinguisme et le plurilinguisme peuvent aussi être considérés comme un signe d’ouverture sociale et de respect des différences (Canut & Duchêne, 2011; Commissariat aux langues officielles, 2009; St-Laurent et al., 2008).

Ainsi, dans le marché des langues, le français et l’anglais ne possèdent pas le même poids sur les plans démographique, économique, politique et culturel. À une échelle nationale et provinciale, les rapports de force entre le français et l’anglais structurent l’histoire du Canada et du Québec depuis des siècles. L’adoption de la Charte de la langue française au Québec est un effort de régulation des rapports de force entre ces langues.

1.2 La Charte de la langue française au Québec : protection linguistique,

affirmation identitaire et modulations éducatives

L’histoire du Québec est empreinte d’enjeux et de tensions linguistiques entre le français et l’anglais depuis la Conquête de 1759-1760, qui marque la fin de la colonie française qui passe aux mains des Britanniques11. Même si la colonie demeure plus que majoritairement francophone et que les efforts

10 L’économie des langues est un champ de recherche scientifique qui explore notamment le pouvoir des langues sur le

plan économique (Duchêne & Heller, 2012; Grin, 1997).

11 C’est en 1763 que la Nouvelle-France devient officiellement une possession britannique lors du Traité de Paris. La même

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d’assimilation sont plutôt vains (Leclerc, 2010), les anglophones détiennent néanmoins le pouvoir politique et économique12. En effet, une bourgeoisie capitaliste britannique se met alors en place,

favorisant les locuteurs anglophones et faisant de l’anglais la langue principale du commerce et de l’industrie. Cette situation amène les francophones à être confinés dans une position de domination socioéconomique pour de nombreuses décennies (Martel & Pâquet, 2010, 2016). Si l’anglais domine, un unilinguisme ne s’opère pas forcément dans la sphère politique alors qu’un bilinguisme législatif est mis en place dès 1774 (Acte de Québec) pour se poursuivre à la formation de la fédération canadienne en 186713 (Leclerc, 2010). Toutefois, ce bilinguisme législatif ne signifie pas la reconnaissance d’un

statut égal pour le français dans les milieux politiques et économiques. En outre, au fil des 19e et 20e

siècles, un renversement de pouvoir politique s’opère puisque les francophones en viennent à acquérir une autonomie parlementaire longtemps détenue par les Britanniques (Couturier, Johnston, & Ouellette, 2000; Lacoursière, Provencher, & Vaugeois, 2011; Robert & Tondreau, 2011)14.

Au Québec, la période de l’après-Deuxième Guerre mondiale, soit après 1945, est marquée par des changements sociaux comme la montée de l’individualisme, le développement des technologies de la communication, une nouvelle vague de mouvements de migrations internationales et une démocratisation de l’accès à l’éducation (Martel & Pâquet, 2010). Cette période de changements mène notamment à l’émergence d’une classe moyenne francophone (Heller, 2002).

Dans cette mouvance sociale, la Révolution tranquille, qui a cours au Québec durant les années 1960 et 1970, mène à des transformations radicales de la société15. Le slogan « Maîtres chez nous » montre

l’importance des changements mis en place par les élites francophones de la province. L’État adopte

12 Rudin (1986), dans son ouvrage sur l’histoire du Québec anglophone, souligne que des disparités importantes sont

présentes à l’époque dans le groupe dit des « anglophones ». En effet, si plusieurs Anglais sont présents dans l’administration, l’industrie et le commerce, tous ne le sont pas. De surcroît, la situation diffère de beaucoup pour les Irlandais, qui occupent souvent des emplois précaires et non spécialisés.

13 Le bilinguisme législatif a été suspendu en 1841 pour être restitué en 1848 dans le cadre de l’Acte d’Union (Leclerc,

2010).

14 De nombreux événements historiques encouragent ce renversement du pouvoir politique des mains des Britanniques

par les francophones, entre autres les rébellions de 1837-1838, la pendaison de Louis Riel en 1885, la victoire du Parti national d’Honoré Mercier en 1887, les lois antifrançaises, notamment en éducation, dans l’ensemble du Canada et les mouvements de pensées de journalistes francophones des années 1930 (Couturier et al., 2000; Lacoursière et al., 2011; Robert & Tondreau, 2011).

15 Ce mouvement de modernisation de l’État s’instaure avec l’élection du gouvernement libéral de Jean Lesage en 1960,

moment qui marque aussi la fin de la « grande noirceur » associée au gouvernement précédent de l’Union nationale de Maurice Duplessis.

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une vision plus interventionniste au nom des intérêts de la collectivité, ce qui conduit à des changements sociaux, économiques et culturels majeurs (Couturier et al., 2000)16. En outre,

l’affirmation d’une langue, d’une culture et d’une identité distinctive devient fondamentale (Dickinson & Young, 2003; Martel & Pâquet, 2010). Un passage s’opère alors dans les marqueurs identitaires de Canadien français à Québécois et de minorité dans le Canada à majorité au Québec (Couturier et al., 2000).

L’un des aboutissements les plus significatifs de la Révolution tranquille est l’adoption de la Charte de

la langue française (Loi 101)17 en 1977 qui officialise le statut de la langue française au Québec, tout

comme l’affirmation d’une identité québécoise francophone. Cette loi est notamment une réponse à : La lecture que font les responsables québécois de la situation particulière qui prévaut alors : un climat tendu, exacerbé par le rapport de force entre une majorité francophone qui conteste de plus en plus l’ordre socioéconomique et le statut défavorable de sa langue, une minorité anglophone préoccupée par son maintien et des groupes d’immigrants cherchant à s’intégrer le mieux possible. (Martel & Pâquet, 2010, p. 188)

L’adoption de la Loi 101 s’explique par des facteurs multiples (Martel & Pâquet, 2010), mais l’éducation en demeure l’une des principales. Comme à l’arrivée de la première vague d’immigration non britannique au début du 20e siècle, l’économie du Québec se déroule principalement en anglais, l’attrait

pour l’éducation en langue anglaise18 est dès lors manifeste pour les immigrants non francophones,

qui voient la connaissance de l’anglais comme une source de mobilité économique et sociale. À l’époque, les francophones sont peu préoccupés par l’intégration linguistique des immigrants à la langue anglaise. Une prise de conscience d’un déséquilibre démographique entre le français et l’anglais apparaît toutefois dès 1957 avec la sortie du rapport du Comité catholique du Conseil de l’instruction publique19. Le rapport souligne qu’à Montréal, près de 70 % des élèves20 issus de

16 Parmi ces changements majeurs, notons dans la sphère économique la nationalisation des compagnies d’électricité avec

la constitution de la société d’État Hydro-Québec et la création de la Caisse de dépôt et placement, et dans la sphère sociale, la création d’un ministère de l’Éducation (Couturier et al., 2000).

17 La Charte de la langue française est adoptée sous le gouvernement péquiste de René Lévesque.

18 En 1998, la division confessionnelle (catholique et protestante) du système d’enseignement québécois est remplacée

par une division linguistique entre réseaux francophone et anglophone, bien que la division linguistique entre les deux réseaux existait implicitement avant la restructuration de 1998.

19 Ce Conseil est remplacé par le Ministère de l’Éducation en 1964.

20 Les enfants, les adolescents et les adultes qui fréquentent un établissement d’enseignement où une formation à temps

plein ou à temps partiel est suivie sont considérés comme des « élèves ». Or, de manière plus précise, au primaire et au secondaire, le mot « élève » est d’usage tandis qu’au cégep et à l’université, le mot « étudiant » est davantage d’usage (Office québécois de la langue française, 2018). Nous faisons usage de cette distinction dans la thèse.

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l’immigration fréquentent une « école anglaise ». Une mise en garde est donnée par le Conseil quant à l’éventuelle rupture du rapport de force entre francophones et anglophones au Québec (Proulx, D’Arrisso, & Charland, 2018). À l’époque, un taux de fécondité inférieur au seuil de remplacement chez les francophones s’observe. De plus, ce taux est combiné à l’absence d’accueil des immigrants au sein de la communauté francophone. Ces derniers choisissent fortement de s’intégrer aux institutions de la communauté anglophone – dont les écoles – puisque l’anglais est toujours vu comme une source de mobilité sociale et économique (Linteau, Durocher, Robert, & Ricard, 1989; Martel & Pâquet, 2016; Proulx et al., 2018; Rocher, 2002), mais aussi de mobilité géographique à une échelle nationale et continentale (Bourhis & Lepicq, 2002). La réforme majeure du système d’éducation, enclenchée par la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec (1963-1964) (mieux connue sous le nom de Commission Parent), n’aborde toutefois la question que de manière sommaire en invitant à une meilleure politique d’accueil des immigrants dans les écoles de langue française (Proulx et al., 2018). Quelques années plus tard, les chiffres sur la fréquentation des établissements d’enseignement de langue anglaise demeurent préoccupants alors que 82,7 % des allophones fréquentent toujours une école de langue anglaise (Proulx, 1989; Proulx et al., 2018)21. Plusieurs

acteurs sociaux et politiques croient qu’une intervention législative en éducation pourrait réduire le déclin du français au Québec, et surtout à Montréal, région principale d’accueil des immigrants (Martel & Pâquet, 2010). L’éducation apparaît dès lors comme un puissant vecteur de protection et de promotion linguistique et identitaire.

C’est à la suite de plusieurs lois progressives sur la langue française qui ont rencontré plus ou moins de succès (Lois 63, 23 et 22)22 (Bourhis & Landry, 2002; Paillé, 2002; Proulx et al., 2018) que la

province de Québec adopte, en 1977, la Charte de la langue française qui fait du français la seule langue officielle de l’État et la langue normale et usuelle utilisée au travail, dans l’enseignement, les communications, le commerce et les affaires (Dickinson & Young, 2003). Ainsi, le Québec proclame l’unilinguisme sur son territoire avec le français comme langue officielle.

21 À titre d’exemple supplémentaire, en 1974, plus de 25 000 francophones sont toujours scolarisés en anglais (Proulx,

1989; Proulx et al., 2018).

22 La Loi 63, la Loi pour promouvoir la langue française au Québec, est d’ailleurs associée à l’un des événements en

éducation les plus distinctifs de cette mouvance linguistique et politique : la crise de Saint-Léonard. Cette crise se produit : « [e]n 1968, [alors que] la commission scolaire [catholique de Saint-Léonard] mit le feu aux poudres dans les communautés allophones et anglophones en proposant de remplacer les classes bilingues par une instruction donnée exclusivement en français au primaire » (Dickinson & Young, 2003, p. 357).

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La mise en place de la Charte de la langue française conduit à des modifications dans le système d’éducation du Québec. En effet, des changements d’accessibilité aux établissements francophones et anglophones de niveaux primaire et secondaire s’opèrent. La scolarisation en français est rendue obligatoire dans les écoles publiques et les écoles privées subventionnées par l’État, pour tous les élèves, à l’exception de ceux de la minorité anglophone historique. De plus, les élèves francophones et allophones qui fréquentent une école primaire ou secondaire anglophone au moment de l’adoption de la Loi 101 conservent leur droit d’accès23. Ainsi, les cheminements scolaires sont dorénavant

régulés afin de restreindre le choix d’un établissement anglophone. L’impact de cette loi est manifeste (Bouchard & Bourhis, 2002; Paillé, 2002), notamment chez les allophones (Girard-Lamoureux, 2004). De 1971-1972 à 2015, le pourcentage d’élèves allophones scolarisés en français est passé d’à peine 5 % à près de 90 % (Magnan & Larochelle-Audet, 2018; Proulx et al., 2018). Chez les élèves de langue maternelle française, le pourcentage est demeuré relativement stable alors que de 1971-1972 à 2003-2004, le pourcentage d’élèves de langue maternelle française qui étudie en anglais est passé de 2 % (Paillé, 1981) à 2,3 % (Office québécois de la langue française, 2008)24.

À l’époque, la Charte de la langue française est généralement bien reçue par les milieux francophones. Cependant, certains acteurs croient que l’accès à l’éducation de langue anglaise devrait être encore plus limité (ex. : Mouvement Québec français). D’autres acteurs, dont les Chambres de commerce, émettent des doutes quant à la capacité de Montréal de demeurer une métropole économique. Du côté de la communauté anglophone, alors que certains acteurs sont ouverts au dialogue avec les instances politiques francophones, d’autres décrient l’application de la Charte, la voyant comme une atteinte à la liberté de choix des parents pour l’éducation de leurs enfants et une source de conséquences négatives pour l’économie de la province (Martel & Pâquet, 2010).

Soulignons que l’adoption de la Loi 101 met en saillance une vision diamétralement opposée du bien commun et des politiques linguistiques entre le Québec et le Canada. En effet, si le Québec proclame le français comme seule langue officielle de la province en 1977, quelques années auparavant au Canada, le gouvernement de Pierre Elliot Trudeau avait adopté la Loi sur les langues officielles (1969)

23 Ce droit d’accès aux établissements anglophones de niveaux primaire et secondaire se transmet de génération en

génération. Les personnes y ayant accès sont des ayants droit tels que définis par l’article 23 de la Charte canadienne des

droits et libertés.

24 Ce léger accroissement des francophones dans les écoles du réseau scolaire de langue anglaise est lié notamment à la

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Figure 1. Trois temps du parcours de vie
Figure 2. Typologie des choix du cégep anglophone Logique de
Figure 3. Typologie des expériences d’études collégiales en anglais

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