• Aucun résultat trouvé

La Charte de la langue française au Québec : protection linguistique, affirmation identitaire

CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE

1.2 La Charte de la langue française au Québec : protection linguistique, affirmation identitaire

L’histoire du Québec est empreinte d’enjeux et de tensions linguistiques entre le français et l’anglais depuis la Conquête de 1759-1760, qui marque la fin de la colonie française qui passe aux mains des Britanniques11. Même si la colonie demeure plus que majoritairement francophone et que les efforts

10 L’économie des langues est un champ de recherche scientifique qui explore notamment le pouvoir des langues sur le

plan économique (Duchêne & Heller, 2012; Grin, 1997).

11 C’est en 1763 que la Nouvelle-France devient officiellement une possession britannique lors du Traité de Paris. La même

d’assimilation sont plutôt vains (Leclerc, 2010), les anglophones détiennent néanmoins le pouvoir politique et économique12. En effet, une bourgeoisie capitaliste britannique se met alors en place,

favorisant les locuteurs anglophones et faisant de l’anglais la langue principale du commerce et de l’industrie. Cette situation amène les francophones à être confinés dans une position de domination socioéconomique pour de nombreuses décennies (Martel & Pâquet, 2010, 2016). Si l’anglais domine, un unilinguisme ne s’opère pas forcément dans la sphère politique alors qu’un bilinguisme législatif est mis en place dès 1774 (Acte de Québec) pour se poursuivre à la formation de la fédération canadienne en 186713 (Leclerc, 2010). Toutefois, ce bilinguisme législatif ne signifie pas la reconnaissance d’un

statut égal pour le français dans les milieux politiques et économiques. En outre, au fil des 19e et 20e

siècles, un renversement de pouvoir politique s’opère puisque les francophones en viennent à acquérir une autonomie parlementaire longtemps détenue par les Britanniques (Couturier, Johnston, & Ouellette, 2000; Lacoursière, Provencher, & Vaugeois, 2011; Robert & Tondreau, 2011)14.

Au Québec, la période de l’après-Deuxième Guerre mondiale, soit après 1945, est marquée par des changements sociaux comme la montée de l’individualisme, le développement des technologies de la communication, une nouvelle vague de mouvements de migrations internationales et une démocratisation de l’accès à l’éducation (Martel & Pâquet, 2010). Cette période de changements mène notamment à l’émergence d’une classe moyenne francophone (Heller, 2002).

Dans cette mouvance sociale, la Révolution tranquille, qui a cours au Québec durant les années 1960 et 1970, mène à des transformations radicales de la société15. Le slogan « Maîtres chez nous » montre

l’importance des changements mis en place par les élites francophones de la province. L’État adopte

12 Rudin (1986), dans son ouvrage sur l’histoire du Québec anglophone, souligne que des disparités importantes sont

présentes à l’époque dans le groupe dit des « anglophones ». En effet, si plusieurs Anglais sont présents dans l’administration, l’industrie et le commerce, tous ne le sont pas. De surcroît, la situation diffère de beaucoup pour les Irlandais, qui occupent souvent des emplois précaires et non spécialisés.

13 Le bilinguisme législatif a été suspendu en 1841 pour être restitué en 1848 dans le cadre de l’Acte d’Union (Leclerc,

2010).

14 De nombreux événements historiques encouragent ce renversement du pouvoir politique des mains des Britanniques

par les francophones, entre autres les rébellions de 1837-1838, la pendaison de Louis Riel en 1885, la victoire du Parti national d’Honoré Mercier en 1887, les lois antifrançaises, notamment en éducation, dans l’ensemble du Canada et les mouvements de pensées de journalistes francophones des années 1930 (Couturier et al., 2000; Lacoursière et al., 2011; Robert & Tondreau, 2011).

15 Ce mouvement de modernisation de l’État s’instaure avec l’élection du gouvernement libéral de Jean Lesage en 1960,

moment qui marque aussi la fin de la « grande noirceur » associée au gouvernement précédent de l’Union nationale de Maurice Duplessis.

une vision plus interventionniste au nom des intérêts de la collectivité, ce qui conduit à des changements sociaux, économiques et culturels majeurs (Couturier et al., 2000)16. En outre,

l’affirmation d’une langue, d’une culture et d’une identité distinctive devient fondamentale (Dickinson & Young, 2003; Martel & Pâquet, 2010). Un passage s’opère alors dans les marqueurs identitaires de Canadien français à Québécois et de minorité dans le Canada à majorité au Québec (Couturier et al., 2000).

L’un des aboutissements les plus significatifs de la Révolution tranquille est l’adoption de la Charte de

la langue française (Loi 101)17 en 1977 qui officialise le statut de la langue française au Québec, tout

comme l’affirmation d’une identité québécoise francophone. Cette loi est notamment une réponse à : La lecture que font les responsables québécois de la situation particulière qui prévaut alors : un climat tendu, exacerbé par le rapport de force entre une majorité francophone qui conteste de plus en plus l’ordre socioéconomique et le statut défavorable de sa langue, une minorité anglophone préoccupée par son maintien et des groupes d’immigrants cherchant à s’intégrer le mieux possible. (Martel & Pâquet, 2010, p. 188)

L’adoption de la Loi 101 s’explique par des facteurs multiples (Martel & Pâquet, 2010), mais l’éducation en demeure l’une des principales. Comme à l’arrivée de la première vague d’immigration non britannique au début du 20e siècle, l’économie du Québec se déroule principalement en anglais, l’attrait

pour l’éducation en langue anglaise18 est dès lors manifeste pour les immigrants non francophones,

qui voient la connaissance de l’anglais comme une source de mobilité économique et sociale. À l’époque, les francophones sont peu préoccupés par l’intégration linguistique des immigrants à la langue anglaise. Une prise de conscience d’un déséquilibre démographique entre le français et l’anglais apparaît toutefois dès 1957 avec la sortie du rapport du Comité catholique du Conseil de l’instruction publique19. Le rapport souligne qu’à Montréal, près de 70 % des élèves20 issus de

16 Parmi ces changements majeurs, notons dans la sphère économique la nationalisation des compagnies d’électricité avec

la constitution de la société d’État Hydro-Québec et la création de la Caisse de dépôt et placement, et dans la sphère sociale, la création d’un ministère de l’Éducation (Couturier et al., 2000).

17 La Charte de la langue française est adoptée sous le gouvernement péquiste de René Lévesque.

18 En 1998, la division confessionnelle (catholique et protestante) du système d’enseignement québécois est remplacée

par une division linguistique entre réseaux francophone et anglophone, bien que la division linguistique entre les deux réseaux existait implicitement avant la restructuration de 1998.

19 Ce Conseil est remplacé par le Ministère de l’Éducation en 1964.

20 Les enfants, les adolescents et les adultes qui fréquentent un établissement d’enseignement où une formation à temps

plein ou à temps partiel est suivie sont considérés comme des « élèves ». Or, de manière plus précise, au primaire et au secondaire, le mot « élève » est d’usage tandis qu’au cégep et à l’université, le mot « étudiant » est davantage d’usage (Office québécois de la langue française, 2018). Nous faisons usage de cette distinction dans la thèse.

l’immigration fréquentent une « école anglaise ». Une mise en garde est donnée par le Conseil quant à l’éventuelle rupture du rapport de force entre francophones et anglophones au Québec (Proulx, D’Arrisso, & Charland, 2018). À l’époque, un taux de fécondité inférieur au seuil de remplacement chez les francophones s’observe. De plus, ce taux est combiné à l’absence d’accueil des immigrants au sein de la communauté francophone. Ces derniers choisissent fortement de s’intégrer aux institutions de la communauté anglophone – dont les écoles – puisque l’anglais est toujours vu comme une source de mobilité sociale et économique (Linteau, Durocher, Robert, & Ricard, 1989; Martel & Pâquet, 2016; Proulx et al., 2018; Rocher, 2002), mais aussi de mobilité géographique à une échelle nationale et continentale (Bourhis & Lepicq, 2002). La réforme majeure du système d’éducation, enclenchée par la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec (1963-1964) (mieux connue sous le nom de Commission Parent), n’aborde toutefois la question que de manière sommaire en invitant à une meilleure politique d’accueil des immigrants dans les écoles de langue française (Proulx et al., 2018). Quelques années plus tard, les chiffres sur la fréquentation des établissements d’enseignement de langue anglaise demeurent préoccupants alors que 82,7 % des allophones fréquentent toujours une école de langue anglaise (Proulx, 1989; Proulx et al., 2018)21. Plusieurs

acteurs sociaux et politiques croient qu’une intervention législative en éducation pourrait réduire le déclin du français au Québec, et surtout à Montréal, région principale d’accueil des immigrants (Martel & Pâquet, 2010). L’éducation apparaît dès lors comme un puissant vecteur de protection et de promotion linguistique et identitaire.

C’est à la suite de plusieurs lois progressives sur la langue française qui ont rencontré plus ou moins de succès (Lois 63, 23 et 22)22 (Bourhis & Landry, 2002; Paillé, 2002; Proulx et al., 2018) que la

province de Québec adopte, en 1977, la Charte de la langue française qui fait du français la seule langue officielle de l’État et la langue normale et usuelle utilisée au travail, dans l’enseignement, les communications, le commerce et les affaires (Dickinson & Young, 2003). Ainsi, le Québec proclame l’unilinguisme sur son territoire avec le français comme langue officielle.

21 À titre d’exemple supplémentaire, en 1974, plus de 25 000 francophones sont toujours scolarisés en anglais (Proulx,

1989; Proulx et al., 2018).

22 La Loi 63, la Loi pour promouvoir la langue française au Québec, est d’ailleurs associée à l’un des événements en

éducation les plus distinctifs de cette mouvance linguistique et politique : la crise de Saint-Léonard. Cette crise se produit : « [e]n 1968, [alors que] la commission scolaire [catholique de Saint-Léonard] mit le feu aux poudres dans les communautés allophones et anglophones en proposant de remplacer les classes bilingues par une instruction donnée exclusivement en français au primaire » (Dickinson & Young, 2003, p. 357).

La mise en place de la Charte de la langue française conduit à des modifications dans le système d’éducation du Québec. En effet, des changements d’accessibilité aux établissements francophones et anglophones de niveaux primaire et secondaire s’opèrent. La scolarisation en français est rendue obligatoire dans les écoles publiques et les écoles privées subventionnées par l’État, pour tous les élèves, à l’exception de ceux de la minorité anglophone historique. De plus, les élèves francophones et allophones qui fréquentent une école primaire ou secondaire anglophone au moment de l’adoption de la Loi 101 conservent leur droit d’accès23. Ainsi, les cheminements scolaires sont dorénavant

régulés afin de restreindre le choix d’un établissement anglophone. L’impact de cette loi est manifeste (Bouchard & Bourhis, 2002; Paillé, 2002), notamment chez les allophones (Girard-Lamoureux, 2004). De 1971-1972 à 2015, le pourcentage d’élèves allophones scolarisés en français est passé d’à peine 5 % à près de 90 % (Magnan & Larochelle-Audet, 2018; Proulx et al., 2018). Chez les élèves de langue maternelle française, le pourcentage est demeuré relativement stable alors que de 1971-1972 à 2003- 2004, le pourcentage d’élèves de langue maternelle française qui étudie en anglais est passé de 2 % (Paillé, 1981) à 2,3 % (Office québécois de la langue française, 2008)24.

À l’époque, la Charte de la langue française est généralement bien reçue par les milieux francophones. Cependant, certains acteurs croient que l’accès à l’éducation de langue anglaise devrait être encore plus limité (ex. : Mouvement Québec français). D’autres acteurs, dont les Chambres de commerce, émettent des doutes quant à la capacité de Montréal de demeurer une métropole économique. Du côté de la communauté anglophone, alors que certains acteurs sont ouverts au dialogue avec les instances politiques francophones, d’autres décrient l’application de la Charte, la voyant comme une atteinte à la liberté de choix des parents pour l’éducation de leurs enfants et une source de conséquences négatives pour l’économie de la province (Martel & Pâquet, 2010).

Soulignons que l’adoption de la Loi 101 met en saillance une vision diamétralement opposée du bien commun et des politiques linguistiques entre le Québec et le Canada. En effet, si le Québec proclame le français comme seule langue officielle de la province en 1977, quelques années auparavant au Canada, le gouvernement de Pierre Elliot Trudeau avait adopté la Loi sur les langues officielles (1969)

23 Ce droit d’accès aux établissements anglophones de niveaux primaire et secondaire se transmet de génération en

génération. Les personnes y ayant accès sont des ayants droit tels que définis par l’article 23 de la Charte canadienne des

droits et libertés.

24 Ce léger accroissement des francophones dans les écoles du réseau scolaire de langue anglaise est lié notamment à la

qui officialisait le bilinguisme (anglais et français) au pays. Cette politique linguistique plaçait les droits individuels devant les droits collectifs, sous l’égide que le bien individuel permet d’établir un bien commun. Cette politique ne trouve toutefois pas écho au Québec – notamment au travers de la Charte

de la langue française – alors que le bien commun trouve son fondement dans les droits collectifs qui

permettent d’assurer les droits individuels (Martel & Pâquet, 2010). L’adoption de la Loi

constitutionnelle, en 1982, enchâsse les droits linguistiques au Canada dans la Charte canadienne des droits et libertés qui, au travers de l’article 2325, donne des droits et des libertés aux minorités

provinciales de langue officielle (les anglophones au Québec et les francophones hors-Québec). Le droit à l’instruction dans la langue de la minorité en français ou en anglais dans des établissements primaires et secondaires, où le nombre d’enfants le justifie, est théoriquement assuré. Dès lors, la

Charte canadienne des droits et libertés, via l’article 23 et son impact en éducation, viendra entraver

des principes de la Charte de la langue française (Martel & Pâquet, 2010) :

En tant que minorité au Canada, les francophones, qu’ils vivent au Québec ou ailleurs au pays, peuvent réclamer, de la part de la majorité anglophone qui contrôle les décisions au niveau des institutions fédérales ou au niveau provincial dans les provinces majoritairement anglophones, le respect des droits de la personne et des protections minoritaires spéciales garantis par les instruments internationaux et par la Constitution canadienne. En tant que majorité exerçant le pouvoir politique au Québec, les francophones se verront par ailleurs réclamer le respect des mêmes droits par les personnes et les groupes présents sur le territoire québécois et n’appartenant pas à la majorité. (Woehrling, 2010, p. 32)

L’adoption de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés est une réponse à l’adoption de la Loi 101, et plus particulièrement à l’article 73 qui porte sur l’instruction en langue anglaise au Québec (Déry, 2005; Doucet, 2013). Devant les demandes des francophones à l’extérieur du Québec, quant au besoin de reconnaissance et d’égalité en matière d’éducation et des inquiétudes de la communauté anglophone du Québec suivant les conflits linguistiques hérités de la Révolution tranquille et l’adoption de la Charte de la langue française, le Canada ne pouvait « rester sourd » à cette situation. L’adoption de l’article 23 n’a toutefois pas le même écho auprès des deux minorités provinciales de langue officielle. Pour les communautés francophones à l’extérieur du Québec, l’article 23 constitue davantage : « un outil qui a servi à contrer leur assimilation progressive et à favoriser leur développement et leur épanouissement » (Doucet, 2013, p. 1077) et pour les anglophones du Québec,

il aura essentiellement permis la contestation de dispositions de la Charte de la langue française (Doucet, 2013).

Ce faisant, des contestations juridiques de la Charte de la langue française au regard de la Charte

canadienne des droits et libertés ainsi que d’organismes internationaux se manifestent dès 198226

(Martel & Pâquet, 2010; Woehrling, 2010). Plus spécifiquement en éducation, un arrêt de la Cour suprême du Canada de 1984 vient modifier la Loi 101 quant à l’accessibilité aux écoles primaires et secondaires de langue anglaise. Dorénavant, les personnes qui y ont accès ne sont pas que celles qui ont réalisé leur scolarité obligatoire en anglais au Québec, mais bien au Canada. C’est donc au regard de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés que le changement s’opère. En effet, la

Charte de la langue française donne maintenant accès aux écoles primaire et secondaire de langue

anglaise au Québec aux personnes répondant à ces critères (Woehrling, 2008) :

• Les enfants dont le père ou la mère est citoyen canadien et a reçu un enseignement primaire en anglais au Canada, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l’enseignement primaire reçu au Canada;

• Les enfants dont le père ou la mère est citoyen canadien et qui ont reçu ou reçoivent un enseignement primaire ou secondaire en anglais au Canada, de même que leurs frères et sœurs, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l’enseignement primaire ou secondaire reçu au Canada.27

D’autres contestations juridiques ont eu cours par la suite (Martel & Pâquet, 2010). Toujours en éducation, la Loi 104 (Loi modifiant la Charte de la langue française), adoptée en 2002, visait à invalider une pratique liée aux écoles passerelles de langue anglaise. Ces écoles privées, non subventionnées par l’État, ne sont pas assujetties à la Charte de la langue française et peuvent accueillir tous les profils linguistiques d’élèves. Des parents ont alors demandé un accès à l’école publique de langue anglaise après que leurs enfants aient effectué un passage dans ces écoles passerelles, renvoyant ainsi aux critères d’accessibilité aux établissements primaires et secondaires de langue anglaise de la Charte

de la langue française. Cette loi a néanmoins été jugée inopérante en 2009 par la Cour suprême du

Canada au regard de la Charte canadienne des droits et libertés (Bérard, 2017; Forcier, 2011; Power, 2013; Proulx et al., 2018). Le Québec doit dorénavant rendre compte du « parcours authentique » de l’élève qui ne renvoie pas uniquement à une stratégie pour contourner la Loi 101. En 2010, l’Assemblée

26 Martel et Pâquet (2010) donnent un titre sans équivoque à cette période : « Le droit comme nouvelle donne linguistique ». 27 Les énoncés de la Charte de la langue française en matière d’éducation se trouvent en annexe 2.

nationale a modifié la Charte de la langue française pour que le gouvernement détermine un cadre d’analyse des demandes d’admission à l’école de langue anglaise publique et privée subventionnée par l’État (Proulx et al., 2018).

Ainsi, deux ordres symboliques différents – l’un canadien, basé sur l’égalité entre le français et l’anglais, le multiculturalisme ainsi que les droits individuels devant le bien commun, et l’autre québécois basé sur le français comme langue commune dans une société distincte ainsi qu’un bien commun devant les droits individuels – permettent de comprendre les différences qui s’opèrent quant aux politiques d’aménagement linguistique et aux contestations juridiques qui ont cours au Canada (Martel & Pâquet, 2016). C’est dire ici que :

Ces politiques d’aménagement linguistique transforment les références identitaires des différentes communautés. Même si ces politiques visent à établir l’égalité de traitement en matière de droits linguistiques, elles entraînent la stabilisation des rapports de force sur des territoires donnés entre une majorité et une minorité qui se considèrent maintenant comme telles. Dans un Canada dorénavant anglophone qui se représente officiellement comme bilingue et multiculturel, les minorités francophones disposent maintenant de moyens juridiques pour faire valoir leurs droits, leur vitalité et leur capacité de maintenir leur existence collective. Au Québec, les francophones peuvent désormais se considérer comme la majorité par rapport à une nouvelle minorité, celles des Anglo- Québécois. (Martel & Pâquet, 2010, p. 217)

Actuellement, au Québec, même s’il y a une restriction d’accès au réseau d’enseignement de langue anglaise, l’apprentissage de l’anglais langue seconde dans les écoles primaires et secondaires de langue française constitue une priorité et une obligation jusqu’à la cinquième secondaire. Cette priorité a été réaffirmée au cours des dernières années, puisque l’anglais est maintenant enseigné dès la première année du premier cycle du primaire (anciennement la première année) (Ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport, 2006)28. Si le Québec a enclenché, en 2011, un projet d’enseignement

intensif de l’anglais en deuxième année du troisième cycle du primaire (anciennement la sixième année) pour l’ensemble des écoles primaires de la province – une pratique déjà en cours dans certaines écoles depuis des décennies et parfois appelée le « bain linguistique » ou le 60-40, qui signifie que 40 % du temps d’enseignement est destiné à l’apprentissage de l’anglais29 (Gentile, 2013)

28 L’obligation de l’enseignement de l’anglais langue seconde dès la première année du primaire est effective depuis 2006.

Entre 2001 et 2006, l’enseignement de l’anglais commençait en troisième année alors qu’avant 2001, il commençait en quatrième année (Conseil supérieur de l’éducation, 2014).

29 Plusieurs autres modèles d’organisation du temps d’enseignement de l’anglais langue seconde existent dont celui du

– le projet a été abandonné en 2015-2016, l’imposition n’ayant plus cours sans pour autant en interdire la pratique (Conseil supérieur de l’éducation, 2014). En ce qui concerne le premier et le deuxième cycle du secondaire, l’anglais langue seconde est enseigné dans le cadre d’un programme de base ou d’un programme enrichi. Ainsi, une importance accordée à l’enseignement de l’anglais lors de la