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Chapitre 1. Perception stéréoscopique et disparités binoculaires

II.5 Le traitement de la disparité binoculaire

La décomposition des disparités binoculaires en leurs composantes horizontale et verticale a permis de mettre en évidence un traitement plutôt local des disparités horizontales et un traitement plutôt global des disparités verticales. De plus, chaque disparité horizontale serait évaluée par rapport à la disparité verticale moyenne sur tout le champ (Howard et Kaneko, 1994).

La composante horizontale serait traitée localement, en effet des disparités horizontales seules donnent une perception de relief (Julesz, 1971 ; Howard et Rogers, 2002) ; par comparaison, la composante verticale serait traitée globalement, c’est pourquoi des disparités verticales présentées seules ne produisent aucune perception de relief (Nielsen et Poggio, 1984).

Le traitement de la composante verticale serait global, comme nous l’avons introduit dans le paragraphe sur l’interaction entre les disparités horizontales et verticales (§ II.4). Selon certains auteurs, les disparités verticales donnent des informations sur la distance absolue et l’excentricité d'une surface, ou bien son orientation, sa distance (Gillam et Lawergren, 1983 ; Gillam et al., 1988a ; Duke et Howard, 2005). Selon Banks et al. (2002), la disparité verticale n'est pas utilisée pour le calcul de l'azimut du stimulus. Par contre, le système visuel utiliserait les disparités verticales pour estimer les distances des surfaces plutôt que pour estimer la convergence des yeux. En effet, les disparités verticales semblent utilisées pour évaluer les disparités horizontales définissant d’autres plans que le plan de fixation (Duke et Howard, 2005).

II.5.1 Les interactions locales

La perception de relief relatif de deux objets, utilisant uniquement des indices stéréoscopiques, est influencée par la présence d'autres objets à proximité dans le champ visuel (Mitchison et Westheimer, 1984). Le terme de « saillance » d'un objet visuel (L) définit la somme des disparités horizontales – pondérée d'un facteur de poids (ωi) – relatives entre un

objet (d) et les objets voisins (di) : L = Σ ωi (di – d). Le système visuel utilise la « saillance »

pour déterminer dans une scène visuelle quels sont les points coplanaires et évaluer les bords (discontinuité de gradient) entre des surfaces planes. Les larges variations de disparité horizontale permettent de détecter les bords : le système stéréoscopique traite les bords des surfaces, i.e. les discontinuités de disparité, plus rapidement et plus précisément qu’un gradient de disparité constant appliqué sur toute la surface (Gillam et al., 1984). Pourtant, la performance pour la discrimination d’inclinaison n’est pas améliorée par une discontinuité du gradient de disparité (Lunn et Morgan, 1997).

D’autre part, des phénomènes d'attraction et de répulsion ont été mis en évidence pour des disparités horizontales (Westheimer, 1986 ; Westheimer et Levi, 1987) : des figures adjacentes s'attirent en profondeur – réduction de la disparité – quand elles sont proches, et se repoussent – les différences de disparité sont augmentées – quand leur séparation dépasse une distance critique (d’environ 2 à 8 minutes d’arc au niveau de la fovéa). L'interaction de disparité semble être un phénomène isolé. L'attraction apparente entre des éléments de disparités similaires serait probablement due à un moyennage des disparités. Les effets de répulsion pour les disparités plus importantes sembleraient dus à des interactions monoculaires (Howard et Rogers, 2002).

Des interactions locales de disparités verticales n’ont pas été mises en évidence, nous avons vu précédemment (cf. § II.4) que les interactions locales concernant les disparités verticales sont observées sur les disparités horizontales. Par exemple, des manipulations de la disparité verticale peuvent produire des effets locaux sur la profondeur, alors que la disparité verticale est insensible aux variations de profondeur locales (Bishop, 1996). Ces interactions locales de la disparité verticale ont lieu sur la profondeur perçue par la disparité horizontale.

II.5.2 Les effets consécutifs ou post-effets de relief

L’étude des post-effets de relief, encore appelés effets consécutifs du relief ou effets de contraste successif dans la perception de relief, permet également d’étudier les mécanismes liés au traitement des disparités. Les effets consécutifs dans la perception de la profondeur binoculaire sont généralement étudiés avec des stéréogrammes à points aléatoires : un stimulus d’adaptation perceptuelle, contenant des disparités, est présenté pendant un certain temps (de 500 ms à 8 s selon les auteurs) ; la présentation consécutive d’une surface plane,

sans disparité, sera perçue déformée ; cette déformation peut être « annulée » par ajout de disparité, permettant de quantifier ce post-effet.

Pour les disparités horizontales, croisées ou homonymes, un post-effet maximal de relief est obtenu pour un stimulus d’adaptation (présenté pendant 500 ms) de 6 à 8 minutes d’arc. Une absence de post-effet est obtenue si les stimuli d’adaptation et de test diffèrent de plus de 16 minutes d’arc. Long et Over (1973) en concluent que le système visuel humain possède des canaux nerveux qui répondent à la disparité binoculaire. Une adaptation de 8 secondes à une corrugation sinusoïdale, puis la présentation d’une surface plane donne une perception de corrugation sinusoïdale en opposition de phase (post-effet). Une surface de corrugation sinusoïdale en phase avec la surface d’adaptation de départ permet d’annuler le post-effet. Le post-effet se produirait à un niveau plus tardif du traitement visuel, au niveau du traitement de la profondeur elle-même (Graham et Rogers, 1982). De plus, le post-effet est toujours négatif, il est maximal quand la surface d’adaptation et la surface test sont présentées dans le même plan de profondeur et diminue avec l’éloignement de ces deux plans. Ces observations montrent que le système stéréoscopique humain encode les changements spatiaux de disparité en utilisant des canaux localisés dans les plans de disparité (Lee, 1999). D’autre part, l’étude du post-effet d’inclinaison a permis de montrer que l’inclinaison (la rotation de la surface par rapport à un axe horizontal ou vertical) et l’orientation (la rotation de la surface autour de son centre), bien que mathématiquement indépendant, ne sont pas traitées indépendamment. Seyama et al. (2000) proposent un modèle de traitement où il y aurait plusieurs détecteurs d’inclinaison ayant également une sélectivité à l’orientation, et un simple détecteur d’orientation. Enfin, la forme de la surface d’adaptation (disque, anneau et rectangle) affecte peu l’importance du post-effet, et la présence de post-effet ne dépend pas toujours de la position rétinienne stimulée (par le recouvrement ou le décalage entre la surface d’adaptation et le test). Ce phénomène pourrait s’expliquer par un mécanisme de traitement du relief de plus haut niveau (Taya et al., 2005).

Pour la disparité verticale, un post-effet attractif, ou positif, est mis en évidence après une adaptation à un stimulus présentant un gradient de disparité verticale (ou rapport de taille verticale, VSR). Ce post-effet est plus faible quand la disparité verticale est en conflit avec une information de disparité horizontale. Enfin, quand les signaux de position des yeux et le rapport de taille verticale sont en conflit, il y aurait une recalibration dans l’utilisation des signaux de position extra-rétinienne des yeux (Duke et al., 2006).

II.5.3 L’apprentissage perceptif

L’apprentissage perceptif est un entraînement, par répétition, qui produit une amélioration des performances. Un apprentissage perceptif est observé pour la discrimination de relief par les stéréogrammes à points aléatoires. Cet apprentissage perceptif améliore la performance des tâches visuelles dont la perception de profondeur par les stéréogrammes à

points aléatoires. Il s’agit d’un ajustement dans le cerveau qui dure au moins six mois. Cet ajustement améliore les seuils stéréoscopiques mais ne modifie pas la tolérance du système stéréoscopique à un certain pourcentage de corrélation du stimulus (Gantz et al., 2007). La perception de la profondeur est donc particulièrement sensible à l’apprentissage ou la répétition des tests : le temps pour percevoir le relief diminue avec les observations répétées. Pour des expériences psychophysiques où les mesures sont généralement répétées un certain nombre de fois, il faut donc tenir compte de ces effets d’apprentissage dans le temps.

II.6 Les mécanismes neuronaux impliqués dans le traitement des