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Chapitre 4. Le traitement des disparités horizontales sur l’ensemble du

III.4 Discussion des résultats

Les deux expériences de stimuli constants réalisées montrent des courbes relativement semblables (au niveau de leur forme) pour chacun des observateurs, aussi peuvent-elles se résumer en une seule, la méthode de référence : la méthode de stimuli constants purs. La première observation est que les seuils obtenus avec une méthode d’ajustement sont des valeurs de gradient de disparité correspondant à plus de 99 % de bonnes réponses. Les seuils de notre méthode d’ajustement ascendant sont donc très supérieurs aux seuils d’une méthode de stimuli constants. Notons qu’il est bien connu que ce type de méthode donne des seuils plus faibles qu’une méthode d’ajustement. Il faut noter également que notre méthode d’ajustement ascendant avait la particularité d’être plus un intermédiaire entre une méthode des limites et une méthode d’ajustement : l’observateur n’ajuste pas exactement à son seuil, car il ne peut revenir en arrière, mais il arrête l’augmentation de la disparité quand il perçoit la déformation en profondeur. Aussi était-il attendu d’avoir des seuils plutôt élevés pour les raisons que nous allons évoquer à présent.

Les observateurs pouvaient être prudents et attendre d’être certains du sens de la déformation, ou encore l’existence d’un post-effet mis en évidence précédemment pourrait ajouter à l’observateur une incertitude dans la décision de perception de déformation. Une première explication des seuils plus élevés pourrait donc être l’adaptation couramment observée avec une méthode d’ajustement ascendant et la possibilité d’un niveau de confiance élevé de la part de l’observateur dans cette tâche. Pourtant les observateurs montrent des seuils relativement constants avec les répétitions, ils ont donc dû garder tout au long de l’expérience la même stratégie dans leur décision. Nous avons vu que les seuils d’ajustement ascendant correspondent à plus de 99 % de bonnes réponses (concave ou convexe) pour les stimuli constants. On considère que les seuils de discrimination correspondent à 75 % de bonnes réponses. Alors, si l’effet n’était dû qu’à un niveau de confiance élevé (sans phénomène d’adaptation), les seuils de la méthode d’ajustement signifieraient que les observateurs attendent d’atteindre un niveau de confiance de 99 %, qui ne semble pas

plausible compte tenu de la consigne qui leur était donné de répondre le plus rapidement possible. Ainsi, ce pourcentage élevé de bonnes réponses pour les valeurs de seuils de la méthode d’ajustement suggèrent plutôt que l’effet d’adaptation joue un rôle important.

Ces écarts de seuils entre les deux méthodes montrent ainsi la différence entre une déformation juste perceptible (qui serait mesurée avec des stimuli constants et serait très faible), et une déformation plutôt « gênante » (mesurée avec l’ajustement ascendant). Ces deux types de déformations peuvent être rapprochés de ce qui se produit avec le port de verres correcteurs : des déformations peuvent être perçues dès que l’on chausse les lunettes, elles dépendront des seuils juste perceptibles, et peuvent disparaître avec le temps de port donc l’habitude ; mais il y a surtout les déformations qui ne disparaissent pas et deviennent réellement gênantes, si elles ne disparaissent pas c’est qu’elles sont supérieures à des seuils mesurés avec une méthode d’ajustement.

D’autre part, les différences de seuils entre la méthode d’ajustement et la méthode de stimuli constants peuvent s’expliquer également par le phénomène d’hystérésis : la perception de plan fronto-parallèle (ou presque) peut être maintenue, par augmentation progressive de la disparité, jusqu’à une valeur limite (mesurée par la méthode d’ajustement) plus élevée que la valeur obtenue quand la disparité présentée isolément (mesurée par la méthode de stimuli constants).

De plus, la méthode de stimuli constants a permis de mettre en évidence le fait que le plan de l’écran ou plan fronto-parallèle pouvait être perçu légèrement convexe ou concave par certains observateurs. Ce type d’observation avait été mentionné par quelques observateurs lors des expériences avec la méthode d’ajustement pour la première image sans disparité. Ce phénomène peut impacter les seuils pour la mesure en stimuli constants. Pour la mesure en ajustement ascendant, même si l’observateur pouvait avoir une perception légèrement déformée du plan de l’écran, la mesure d’une déformation perçue comme « gênante » reste fiable. Cette perception déformée du plan fronto-parallèle peut néanmoins renforcer l’incertitude que peut avoir l’observateur sur la décision de répondre.

Les différences précédemment observées entre les disparités croisées et les disparités homonymes ne peuvent pas être mises en évidence par ces dernières expériences. Ces expériences peuvent juste indiquer une préférence concave ou convexe d’un plan fronto- parallèle, cette préférence pouvant expliquer des seuils plus ou moins faibles dans un sens ou dans l’autre : par exemple, la préférence convexe de BD va pouvoir expliquer des seuils inférieurs en disparités homonymes. Il faut préciser que pour la présente expérience, les valeurs de gradient de disparité sont très faibles, or la résolution angulaire de l’affichage grand champ réduit la précision.

En conclusion, les seuils de notre méthode d’ajustement sont donc bien supérieurs à ceux que l’on aurait obtenus avec une méthode de stimuli constants. Plusieurs raisons justifient le choix de la méthode d’ajustement :

(1) la méthode d’ajustement nous a permis de collecter un grand nombre de données avec la possibilité de modifier certains paramètres (les excentricités délimitant la zone de gradient de disparité) pour des expériences demandant moins de temps aux observateurs ;

(2) L’intérêt de ces mesures par la méthode d’ajustement ascendant n’était pas tant la valeur absolue de la disparité, mais plus les variations de cette valeur (selon l’excentricité ou le signe de la disparité) ;

(3) les méthodes de stimuli constants mesurent des seuils si faibles qu’on se trouve limité par la résolution de notre matériel, les conditions étudiées étant sur un large champ visuel. La précision de ces mesures se trouve donc impactée par la limite de résolution ;

(4) les méthodes de stimuli constants utilisées ne permettent pas d’obtenir des seuils de détection d’une déformation concave ou convexe puisque nous n’avons aucun moyen de dissocier l’élément de la tâche de discrimination (concave / convexe) du paramètre variable mesuré (signe de la disparité : croisée / homonyme) ;

(5) les conditions expérimentales de la méthode d’ajustement se rapprochent plus de conditions naturelles que la méthode de stimuli constant : en effet les disparités apparaissent rarement soudainement dans le champ visuel, et les individus sont rarement contraints comme le teste la méthode de stimuli constants ;

(6) pour une application aux verres ophtalmiques, ce sont les déformations gênantes pour les porteurs qui vont nous intéresser. C’est en effet ce que l’on mesure avec la méthode d’ajustement. Les déformations juste perceptibles peuvent être celles que les porteurs peuvent observer immédiatement en essayant une nouvelle prescription, mais auxquelles ils s’adaptent très rapidement. Par contre, si les disparités sont supérieures aux seuils de tolérance (méthode d’ajustement), ces déformations pourront devenir gênantes car le porteur les perçoit constamment, il ne s’y habitue pas. Les verres ophtalmiques introduisent des gradients de disparités dans tout le champ visuel binoculaire qui peuvent produire des déformations de la perception tridimensionnelle, si ces déformations sont perçues cela signifie qu’elles ne sont pas tolérées par le porteur.

Une remarque importante peut être faite au regard de l’analyse de l’influence des post- effets (paragraphes précédents). Lors des mesures de seuils par la méthode d’ajustement ascendant, nous avons mis en évidence la présence de post-effets de relief. Nous avions notamment étudié la possibilité d’une influence de post-effets dits « infraliminaires » car consécutifs à une présentation de valeur jugée infraliminaire de gradient de disparité. Au vue

des présents résultats, nous pouvons situer ces gradients dits « infraliminaires » sur nos courbes psychométriques : pour les disparités croisées, la valeur minimale retenue était 9,93 arcsec/°, et pour les disparités homonymes, la valeur minimale était 6,84 arcsec/°. 9,93 arcsec/° correspond dans tous les cas et pour les trois observateurs à un pourcentage supérieur à 80 % de bonnes réponses. Par contre, - 6,84 arcsec/° est supérieur à 80% de bonnes réponses pour BD et MB et environ égal à 65 % de bonnes réponses pour GG. Les valeurs de gradient de disparité considérées comme infraliminaires étaient supérieures à 9,93 arcsec/° pour les disparités croisées, elles n’étaient infraliminaires que pour l’expérience d’ajustement, par contre ces valeurs pouvaient être perçues dans la bonne direction selon une méthode de stimuli constants. Pour les valeurs supérieures 6,84 arcsec/° des disparités homonymes, elles devaient pouvoir être perçues dans la plupart des cas. Seules les valeurs approchant 6,84 pouvaient être effectivement infraliminaires pour GG et MB (par rapport à la méthode de stimuli constants modifiée plus proche de la méthode d’ajustement ascendant). D’une manière générale, la plupart des valeurs de gradients considérées comme infraliminaires l’étaient uniquement pour la méthode d’ajustement, mais ne l’étaient pas pour une méthode de stimuli constants.

IV Influence de la vitesse d’affichage avec une méthode

d’ajustement

La vitesse d’introduction des disparités pourrait expliquer les différences de seuil entre une méthode de stimuli constants où les seuils sont très faibles et la vitesse d’introduction très rapide (si on considère que le seuil est atteint en 300 ms, qui est le temps de présentation), et une méthode d’ajustement ascendant où les seuils sont plus faibles avec une vitesse d’apparition plus lente (dans notre cas 3 images/s). Par exemple, la valeur de gradient de disparité, correspondant au seuil, qui apparaît dans le premier cas en 300 ms, met environ 3 secondes à apparaître progressivement dans le second cas. Pour tester cette hypothèse, une expérience contrôle a été mise en place avec des conditions expérimentales similaires, seule la vitesse d’apparition varie.