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Le rôle de la confidentialité 1 Introduction

La nécessité de garantir la confidentialité n’est pas seulement importante en médiation, mais dans l’ensemble des moyens d’action. Nous la traiterons pourtant uniquement en relation avec l’activité du médiateur.

Pour garantir l’efficacité de la médiation, une confidentialité totale devrait être garantie autant pour le médiateur que pour les médiés. Elle facilite la liberté d’expression et l’authenticité des propos échangés et diminue les craintes de diffusion de certaines informations sensibles, comme l’aveu d’une faute ou de remords par exemple. Il s’agit donc d’un moyen de renforcer la position du médiateur et de faciliter le succès de la médiation168. Certains auteurs la considèrent même comme une condition sine qua non de l’existence de la médiation169. Lors de la conclusion de la convention de médiation, une clause de confidentialité sera discutée entre le médiateur et les médiés. Pour définir l’étendue de cette clause, il nous paraît important de répondre à trois questions principales : qui est tenu à la confidentialité (médieurs, médiateur, tiers à la médiation) ? Quel contenu tombe sous le coup de la confidentialité (propos, documents ou autres) ? Et finalement, à qui elle peut être opposée ? Dans le cas d’une médiation conventionnelle ou civique170, ces questions font l’objet de l’accord de médiation entre les médiés et le médiateur. Cela implique théoriquement que

167 Voir supra pp. 31s. 168 B

ECK (2009), Mediation und Vertraulichkeit, thèse, 30 ; BOURRY D'ANTIN ET AL. (2004), Art et

techniques de la médiation, 23-26 et 169-171. 169 J

EANDIN (2008), Introduction à la gestion des conflits, 12 ; GARBY (2004), La gestion des conflits, 76 ;CHENOU-LENOIR/MIRIMANOFF (2003), La médiation civile ou métajudiciaire, 306.

pour chaque médiation, la clause de confidentialité pourrait être différente. Dans le cadre d’une médiation judiciaire171, la réponse ne se trouve pas systématiquement dans la législation, car elle dépend de la manière dont le législateur a pensé la médiation172. Dans le nouveau code de procédure civile fédéral par exemple, seul l’article 216 al. 2 CPC énonce une règle concernant la confidentialité173.

2. L’étendue de la confidentialité

Afin de répondre à la question de savoir qui est tenu à la confidentialité, il nous paraît important de faire une distinction. Pour qualifier les différents types de confidentialité, certains auteurs utilisent le terme de confidentialité interne et externe174.

La première signifie que la confidentialité doit être respectée par le médiateur vis-à-vis de l’autre médié, dans l’hypothèse où il mène des séances séparées. La deuxième équivaut à une obligation ou un devoir de silence vis-à-vis du monde extérieur à la salle de médiation, y compris le juge de fond, autant pour le médiateur que pour les médieurs.

Il s’agit autant d’une obligation déontologique (pour le médiateur uniquement), contractuelle que légale175. Pour parvenir à un degré satisfaisant de confidentialité, il convient de la concevoir de manière large, à savoir interne et externe.

Afin de connaître le champ couvert par la confidentialité, il convient de tenir compte de deux aspects du problème, à savoir la médiation et une éventuelle procédure judiciaire postérieure ou en cours. La confidentialité doit assurer le bon déroulement de la médiation, mais ne doit pas être un obstacle à une potentielle administration des preuves dans une procédure judiciaire.

La confidentialité porte donc logiquement sur tout ce qui est confié au médiateur (propos et propositions) pendant la médiation. Se pose pourtant la question des pièces écrites déposées ou discutées en médiation, notamment dans les médiations à caractère commercial. En général, les auteurs pensent que la confidentialité s’y étend également, essentiellement les documents créés pour les besoins de la médiation (proposition de résolution du conflit, documents confidentiels, informations transmises, etc.)176.

Pour ne pas bloquer une éventuelle procédure judiciaire postérieure, les pièces pouvant être requises ou déposées devant une autorité judiciaire ne devraient pas être soumises à la confidentialité. Il s’agit notamment de documents préexistants, comme des plans ou des expertises. La confidentialité ne portera donc que sur le contenu des discussions à propos

171

Voir infra pp. 47s pour une définition de cette notion. 172 G

ARBY (2004), La gestion des conflits, 76-81 ; BOURRY D'ANTIN ET AL. (2004), Art et techniques de la

médiation, 169-172.

173 Article 216 al. 2 CPC (RS 272) : « Les déclarations des parties ne peuvent être prises en compte dans la procédure judiciaire. »

174 B

ECK (2009), Mediation und Vertraulichkeit, thèse, 50-51, 65-81 et 81-93; BROWN-BERSET (2002), La

médiation commerciale, 347-349. 175 Article 216 CPC (RS 272). 176 J

de ces documents. Dans le même ordre d’idée, les témoins auditionnés dans une médiation ne pourraient pas être tenus à la confidentialité de leurs propos177.

La protection instaurée par l’article 216 CPC n’est donc pas adéquate. Elle devrait également couvrir des actes établis pour les besoins de la médiation et les parties devraient être dispensées expressément de l’obligation de déposer devant le juge (art. 192 CPC)178. Contrairement à la Suisse, la Belgique a prévu, à l’article 1728 § 1 du code judiciaire, la confidentialité des documents établis au cours d’une médiation (volontaire ou judiciaire). Le médiateur doit donc respecter la confidentialité interne et externe, alors que les médiés doivent satisfaire à la confidentialité externe. Pour être efficace, la confidentialité ne devrait pas porter seulement sur les propos, mais également sur certains documents. Pour savoir à qui ces clauses peuvent être opposées, nous analysons cette question sous l’angle des sanctions en cas de violation de la confidentialité.

3. Les sanctions en cas de violation

La confidentialité est grandement tributaire des acteurs de la médiation, car elle n’est malheureusement pas un gage contre la malhonnêteté. Le respect d’une clause de confidentialité s’obtient essentiellement par l’information dispensée par le médiateur afin que les médiés prennent conscience de l’importance de son respect pour le processus de médiation.

En toute logique, la clause de confidentialité devrait être opposable à tout tiers à la médiation, pour développer toute son efficacité et pour garantir au mieux le bon déroulement de la médiation. Le système de sanctions des violations d’une telle clause reste pourtant passablement fragile, car il n’est pas toujours prévu, soit par les particuliers179, soit par la procédure judiciaire.

Autant en procédure civile qu’administrative suisse, nous pouvons déjà constater qu’aucune sanction particulière n’est prévue en cas de violation de la confidentialité180. Lors de l’administration des preuves, il existe quelques règles instaurant en principe une obligation pour les parties de collaborer à l’administration de la preuve181. Un droit de refuser leur est accordé à quelques rares exceptions en procédure civile (art. 163 CPC)182. Quant au médiateur, il est en droit de refuser de collaborer à l’administration des preuves en procédure

177

GARBY (2004), La gestion des conflits, 78. 178 G

UY-ECABERT (2007), Le règlement amiable des conflits dans le projet de Code de procédure civile

suisse : une avance à conserver!, 209.

179 Par exemple les médieurs et le médiateur pourraient prévoir une clause pénale au sens de l’art. 160 CO (RS 220) dans la convention de médiation.

180 G

ELZER/RUGGLE (2010), BSK ZPO, Art. 216 N°18 soulignent l’absence de sanction en cas de violation de la confidentialité et relèvent que la partie qui estime que la confidentialité n’aurait pas été respectée n’aurait, comme ultime solution, que d’arrêter la médiation.

181

Article 160 CPC (RS 272) et article 13 PA (RS 172.021). Selon SCHÜTZ (2011), ZPO Kommentar, Art. 216 N°14, l’article 216 CPC rend non-applicable l’article 192 CPC qui permet au tribunal de

contraindre les parties, sous menace de sanctions pénales, à faire une déposition.

182 En témoignant, la partie pourrait soit exposer un de ses proches à une poursuite pénale ou engager sa responsabilité soit elle révèlerait un secret protégé par l’article 321 CP.

civile et il n’est pas tenu de témoigner en procédure administrative183. Par contre en procédure pénale, aucune disposition ne permet au médiateur de refuser de témoigner, puisqu’il ne rentre dans aucune catégorie des personnes qui y sont autorisées (art. 168 à 176 CPP).

Si une pièce réputée confidentielle dans le processus de médiation est produite par une partie en cours de procédure judiciaire, rien ne saurait a priori empêcher cet acte. La clause de confidentialité se trouvant dans un contrat (convention de médiation), la partie qui s’estime lésée devrait utiliser les moyens ordinaires : une action en responsabilité civile pour violation du contrat (art. 97 CO) ou invoquer la violation du principe général de la bonne foi184. En Belgique par contre, les sanctions pour la violation de la confidentialité sont édictées à l’article 1728 § 1 du code judiciaire. Il s’agit d’écarter d’office des débats les éléments soumis à la confidentialité. Le juge se prononce ensuite sur l’octroi ou non de dommages-intérêts. Ces sanctions sont valables autant pour la médiation judiciaire que volontaire.

A notre sens, la protection est mieux assurée en Belgique qu’en Suisse, notamment par l’instauration de sanctions explicites dans le code judiciaire.

Section 5 : Les types de médiation