• Aucun résultat trouvé

La description des deux instances de médiation en santé 1 En Suisse

LA MÉDIATION DANS LA LÉGISLATION SANITAIRE SUISSE ET BELGE

Section 2 La description des deux instances de médiation en santé 1 En Suisse

1.1. L’instance de médiation

Comme nous l’avons déjà écrit plus haut, la médiation en santé est une spécialité des cantons romands, à savoir Fribourg, Genève, Jura, Valais et Vaud, avec une exception, le canton de Berne. Les cantons alémaniques, par contre, connaissaient presque tous, avant le code de procédure civile, la médiation comme instrument préalable, facultatif ou obligatoire, dans leurs lois ou codes de procédure civile. Apparemment, seuls les cantons de Soleure et de Bâle-Campagne ne connaissaient pas la médiation civile638.

Quant aux cantons de Neuchâtel et du Tessin, ils ont suivi une autre voie. Comme nous le verrons639, le canton de Neuchâtel a préféré instaurer une autorité de conciliation et le canton du Tessin a entrepris un projet pilote dans le domaine de la gestion des conflits qui peuvent naître des différences culturelles entre les patients et les professionnels de la santé640.

Dans la majorité des cantons où la médiation a été instaurée, la base légale se trouve dans une loi cantonale sur la santé :

− Loi fribourgeoise sur la santé du 16 novembre 1999641 ;

− Loi vaudoise sur la santé publique du 29 mai 1985, modifiée le 19 mars 2002642 ;

− Loi genevoise sur la santé du 7 avril 2006643 ;

− Loi sanitaire jurassienne du 14 décembre 1990, modifiée le 20 décembre 2006644 ;

− Loi valaisanne sur la santé du 9 février 1996, modifiée le 14 février 2008645.

Le canton de Berne fait exception en instituant la médiation en santé dans la loi cantonale sur les soins hospitaliers646. Son accès est donc limité à ce domaine, excluant ainsi les relations de soins dans le cadre de cabinets privés. La principale raison avancée par le Conseil exécutif bernois est une absence de nécessité de créer un tel organe dans d’autres secteurs647. Nous partageons cette analyse dans le contexte actuel, mais elle néglige un

638 Voir GEMME-S

UISSE (2006), Médiation civile en Suisse pour un panorama des pratiques de médiation dans les cantons suisses.

639 Voir infra p. 139. 640

Sur la problématique des différences culturelles dans le domaine de la santé voir : KÜNZLI/ACKERMANN

(2009), Übersetzen im Gesundheitsbereich. 641

Article 127d Loi fribourgeoise du 16 novembre 1999 sur la santé (BDLF 821.0.1). 642 Articles 15a à 15c Loi vaudoise du 29 mai 1985 sur la santé publique (RSV 800.01). 643 Articles 11 Loi genevoise du 7 avril 2006 sur la santé (RSG K 1 03).

644 Articles 24a Loi sanitaire jurassienne du 14 décembre 1990 (RSJU 810.01). 645

Articles 60 Loi valaisanne du 14 février 2008 sur la santé (SGS 800.1). 646 Loi bernoise du 5 juin 2005 sur les soins hospitaliers (BSG 812.11).

647 Rapport présenté par le Conseil-exécutif au Grand Conseil concernant la loi sur les soins hospitaliers (LSH), p. 12 publié dans Bulletin Grand Conseil, avril 2004, accessible sur le site du Grand Conseil

www.gr.be.ch/ à l’adresse suivante :

http://www.gr.be.ch/etc/designs/gr/media.cdwsbinary.DOKUMENTE.acq/8464202e238c4303ba31f870 04a3d07d-332/1/PDF/Tagblattbeilage-F-29068.pdf (consulté le 30.09.2011).

élément qui va se développer dans l’avenir avec la volonté de se responsabiliser face à sa santé648 : le besoin des patients (et des professionnels) d’être informés sur l’existence des différents moyens d’action permettant la gestion de situations de tension. Ce besoin se trouve tant dans les relations de soins se nouant dans les cabinets privés que dans le domaine hospitalier. Nous reviendrons sur cette problématique dans le titre suivant, lorsque nous parlerons des interactions entre les autorités649.

L’analyse systématique des dispositions concernant la médiation nous informe sur la manière dont elle a été envisagée par les cantons. Les cantons de Vaud et de Genève insèrent la médiation dans les dispositions concernant l’organisation et les autorités chargées de l’application des lois sanitaires. Les cantons du Jura et du Valais préfèrent la placer dans les dispositions concernant les droits des patients. Quant au canton de Fribourg, il place la disposition concernant la médiation dans le chapitre consacré aux mesures administratives et disciplinaires, procédure et sanctions pénales. Il s’ensuit des règles d’exécution distinctes, mais avec un trait commun. Dans tous les cantons ayant instauré une commission de surveillance des professionnels de la santé (Genève, Fribourg, Jura et Valais), un lien existe, plus ou moins soutenu, avec ladite commission. Le canton de Fribourg instaure le lien le plus étroit, puisque d’une part le médiateur est un membre (non permanent) de la commission de surveillance650 et d’autre part, les conditions ainsi que l’organisation de la médiation sont également déterminées par ladite commission651.

Ces liens traduisent un souci de coordination entre les différentes autorités, ce qui est digne d’intérêt. Cependant, ils occasionnent dans le même temps une inadéquation entre la médiation en santé et les besoins détectés antérieurement652. Nous reprendrons cette problématique plus en détail dans la section suivante. Nous passons maintenant à la description du système mis en place par la Belgique.

1.2. L’autorité de conciliation dans le canton de Neuchâtel

En sus de la surveillance du médecin cantonal, le canton de Neuchâtel a instauré une autorité de conciliation en matière de santé653. Cette autorité est désignée par le Conseil d’Etat et n’est pas rattachée à une autre, comme à une commission de surveillance par exemple. Il s’agit d’une autorité paritaire, puisqu’elle est composée d’un président, d’un représentant des patients et d’un représentant des médecins, nommés au début de chaque période administrative.

Le patient peut adresser à cette autorité une plainte écrite pour la violation des droits que lui reconnaît la loi neuchâteloise sur la santé. L’autorité de conciliation instruit l’affaire et tente de concilier les parties. La procédure est similaire à celle d’un procès (échange des écritures, administration des preuves, audience de conciliation et accord éventuel), sauf

648 Voir supra pp. 67s concernant les développements sur les mutations sociales. 649

Voir infra pp. 214ss.

650 Article 2 lit. c Ordonnance fribourgeoise du 18 janvier 2011 sur la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients et patientes (BDLF 821.0.16).

651 Article 127d al. 2 Loi fribourgeoise du 16 novembre 1999 sur la santé (BDLF 821.0.1). 652 Voir Titre 1, Chapitre 3.

653 Article 27 Loi neuchâteloise du 6 février 1995 de santé (RSN 800.1) et les articles 3 et 4 Règlement provisoire neuchâtelois d’exécution de la loi de santé du 31 janvier 1996 (RSN 800.100).

qu’elle n’aboutit pas à une décision. Si aucun accord ne peut être conclu entre les parties concernées, l’autorité transmet le dossier, avec son préavis, au département. Ce dernier se prononce sur la plainte dans le cadre de ses compétences (sanctions administratives), par exemple en adressant une injonction impérative au soignant au sens de l’article 27 de la loi neuchâteloise sur la santé.

Cette autorité est une chance supplémentaire pour le patient et le professionnel d’instaurer un dialogue, car la conciliation se rapproche de la médiation654. Les mêmes techniques de communication peuvent y être pratiquées. La conciliation nous semble en harmonie avec les procédures devant les autorités administratives, puisqu’elle fait traditionnellement partie des missions du juge. Le choix du canton de Neuchâtel d’instaurer une telle autorité nous paraît donc judicieux.

2. En Belgique

La Belgique a instauré un service de médiation au niveau fédéral et au niveau local, ainsi qu’un système de contrôle de la fonction de médiation par la Commission fédérale « Droits du patient ». Pour comprendre ce système, quatre textes juridiques, dont certains ont déjà été évoqués au chapitre précédent, nous intéressent particulièrement : une loi fédérale et trois arrêtés royaux qui précisent des points spécifiques de la loi et permettent son application. Il s’agit de :

− la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient régissant les relations entre les patients et les médecins ;

− l’arrêté royal du 1er avril 2003 réglant la composition et le fonctionnement de la Commission fédérale « Droits du patient » instituée par l'article 16 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient ;

− l’arrêté royal du 8 juillet 2003 fixant les conditions auxquelles la fonction de médiation dans les hôpitaux doit répondre ;

− l’arrêté royal du 10 juillet 1990 fixant les normes d'agrément applicables aux associations d'institutions et de services psychiatriques.

Les fonctions de médiation sont instaurées aux articles 11 § 1 (médiation locale) et 16 § 3 (médiation fédérale) de la loi du 22 août 2002. La première se situe au sein de chaque hôpital et la seconde est un service (bureau) fédéral de médiation rattaché à la Commission fédérale655. Suite à l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2002, les articles 17 novies et 70

quater ont été introduits dans la « loi relative aux hôpitaux et à d’autres établissements de

soins, coordonnée le 10 juillet 2008 ». L’article 70 quater astreint les hôpitaux à se pourvoir d’une fonction de médiation au sens de l’article 11 de la loi du 22 août 2002 afin d’être

654 Voir supra pp. 38s pour la définition de la conciliation.

655 La législation en la matière parle indifféremment de fonction de médiation et de service de médiation. Afin de faciliter la lecture et la compréhension du système, nous utiliserons les vocables de « médiation locale » (respectivement de « médiateur local ») pour les fonctions de médiation aménagées au sein des établissements de soins et les vocables de « médiation fédérale » (respectivement de « médiatrices fédérales », car deux femmes ont été nommées à ce poste) pour la fonction de médiation rattachée à la Commission fédérale « Droits du patient » et exercée par le bureau fédéral de médiation.

agréés. Et l’article 17 novies encourage les hôpitaux à ce que toutes les plaintes concernant les droits du patient puissent être déposées auprès de la fonction de médiation.

Au sens de l’article 11 § 2 de la loi du 22 août 2002, les médiateurs locaux, outre leur tâche à trouver une solution à la plainte par la médiation, ont surtout pour missions de prévenir des plaintes, de promouvoir la communication et l’information du patient. Ils ont également la possibilité de rédiger des recommandations pour éviter que les manquements à l’origine des plaintes ne se reproduisent. Selon l’article 10 de l’AR du 8 juillet 2003, le médiateur local établit un règlement intérieur fixant l’organisation, le fonctionnement et la procédure en matière de plaintes, qui doit être approuvé par le gestionnaire de l’hôpital, et transmis pour information à la Commission fédérale. Comme nous le verrons dans l’analyse, cet article ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes au niveau de l’indépendance du médiateur local.

Le bureau fédéral de médiation, quant à lui, traite des plaintes pour lesquelles aucune fonction de médiation spécifique n’a été créée656. Il s’agit en particulier des traitements en cabinet privé, des relations avec des dentistes et des pharmaciens. Si des plaintes arrivent au bureau fédéral, alors qu’il existe une fonction de médiation, ce dernier doit les transmettre au service compétent657. Comme nous le verrons plus bas658, cette procédure n’est pas toujours suivie à la lettre. Le bureau fédéral a également la possibilité de formuler des recommandations afin d’éviter des manquements graves au niveau du respect des droits du patient659. Les autres détails de son fonctionnement, de son organisation et ses compétences sont réglés par l’AR du 1er avril 2003660. En sus de la législation, il est doté, depuis juin 2007, d’un règlement interne rédigé par la Commission fédérale en vertu de l’article 7 § 2 de l’AR du 1er avril 2003661. Ce règlement fixe plus précisément la procédure de gestion des plaintes et quelques autres missions qu’il devra remplir en plus de celles mentionnées dans la loi du 22 août 2002. Il devra par exemple collaborer aux activités de la Commission fédérale662, maintenir des liens avec les médiateurs locaux et entretenir des relations publiques ou présenter des exposés663. Il s’agit en fait de formaliser une pratique établie depuis l’entrée en fonction du bureau.

Après cette présentation générale des deux systèmes, nous analysons maintenant par thèmes la médiation en santé des deux pays. Nous aborderons la dénomination de la structure mise en place, les acteurs impliqués, le statut des médiateurs, ainsi que leur champ

656 Articles 16 § 3 Loi du 22 août 2002 et 10 § 3 AR du 1er avril 2003. 657 Articles 16 § 3 Loi du 22 août 2002 et 10 § 2 AR du 1er avril 2003.

658 Voir infra pp. 148s pour les considérations sur les règlements d’ordre intérieur. 659

Article 14 § 1 AR du 1er avril 2003.

660 Par exemple, le bureau fédéral doit être composé de deux médiateurs, l’un francophone et l’autre néerlandophone (article 7 AR du 1er avril 2003).

661 Pour voir le contenu de ce règlement interne, voir : V

ERHAEGEN (2008), La gestion des plaintes de

patients auprès des services de médiation, 283-285.

662 Pour rappel, l’article 16 § 2 de la loi du 22 août 2002 accorde deux compétences à la Commission fédérale en matière de médiation : « évaluer le fonctionnement des fonctions de médiation » et « traiter les plaintes relatives au fonctionnement d’une fonction de médiation ». Voir supra pp. 133s.

663

Rapport annuel des activités 2007 du Service de médiation fédéral "Droits du patient", 10-11 (au moment de la rédaction du rapport, le règlement n’avait pas été approuvé par le Ministre qui est en charge de la santé publique). Les rapports suivants n’en font plus mention.

de compétence et leur formation, puis nous terminerons par l’étude de quelques aspects du processus de médiation.

Section 3 : Les problématiques de la médiation en santé