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LA RELATION DE SOINS DANS LA LÉGISLATION SUISSE ET BELGE

Section 2 : La notion de consentement libre et éclairé 1 La capacité à consentir à un acte médical

4. Les circonstances du consentement

Le consentement, pour être valable, ne peut pas être donné dans n’importe quelles circonstances. Il doit avoir été donné en l’absence de pression (art. 30 CO par analogie) et il ne doit pas résulter d’une tromperie (art. 28 CO par analogie). Ces articles sont applicables par analogie car, le Tribunal fédéral a déclaré que, les articles 23ss CO s’appliquent également aux actes juridiques unilatéraux dont le consentement au traitement fait partie503. Ces deux situations vicient la volonté au stade de sa formation504. Si le patient soupçonne l’existence de pressions ou de tromperie, il pourra alors invoquer un défaut de consentement dans le cadre d’une action contractuelle ou délictuelle pour tenter d’obtenir réparation. Le patient devra apporter la preuve de ce défaut dans l’action contractuelle et, dans l’action délictuelle, il reviendra d’abord au médecin d’établir le consentement avant que le patient doive prouver ces éventuels défauts505.

Pour que la crainte fondée selon l’article 30 CO soit reconnue, les conditions sont d’une part la menace et d’autre part le rapport causal entre la menace et la conclusion du contrat. La menace peut prendre deux formes, à savoir la menace sans droit et la menace par l’invocation d’un droit. Alors que la menace sans droit est toujours illicite, la menace fondée sur un droit n’est illicite que si la personne menaçante tente d’obtenir des avantages non couverts par le droit exercé506. Selon le texte de la loi, la menace doit être un danger grave et imminent dirigé soit contre le contractant, soit contre un de ses proches. Ainsi, si le danger peut être écarté avant la conclusion du contrat (le consentement à un traitement), la personne n’agira pas sous la crainte fondée507. Pour déterminer la crainte fondée, le juge devra se mettre à la place de la personne menacée et non à la place d’un modèle abstrait et raisonnable508. La liste des biens personnels énumérés à l’article 30 al. 1 CO n’est pas exhaustive509. Quant au rapport causal, il s’agit d’une condition négative, à savoir que « sans menace, le contractant n’aurait pas consenti au contrat510 ».

Dans le cadre d’un contrat de soins, les pressions prennent plusieurs formes et émanent de personnes différentes. Il peut s’agir du professionnel (ou de l’équipe soignante), de personnes étrangères à la relation ou du milieu. Le professionnel doit donc aussi s’assurer que le consentement n’a pas été donné suite à des pressions venant de tiers, comme la famille ou les proches. Il ne doit pas user lui-même de sa position dominante pour influencer la personne en demande de traitement. La frontière entre la pression au sens de l’article 30 CO et la persuasion devient parfois difficile à distinguer. Le critère à utiliser pour juger est

503 G

UILLOD (1986), Le consentement éclairé du patient, thèse, 105 et références citées. 504

ENGEL (1997), Traité des obligations en droit suisse, 349 et 363 ; GUILLOD (1986), Le consentement

éclairé du patient, thèse, 105. 505

GUILLOD (1986), Le consentement éclairé du patient, thèse, 78. 506 S

CHMIDLIN (2003), CR CO I, Art. 29-30, N°14 à 20 ; ENGEL (1997), Traité des obligations en droit

suisse, 366 507 S

CHMIDLIN (2003), CR CO I, Art. 29-30, N°9. 508 E

NGEL (1997), Traité des obligations en droit suisse, 367. 509 S

CHMIDLIN (2003), CR CO I, Art. 29-30, N°8. 510

SCHMIDLIN (2003), CR CO I, Art. 29-30, N°12 ; ENGEL (1997), Traité des obligations en droit suisse, 367 qui précise que la crainte fondée peut également être incidente, à savoir que sans la menace la personne aurait déclaré une volonté différente.

celui de l’intérêt du patient511. Il s’agit pour le médecin d’employer « tous arguments reflétant une vérité médicale et relevant de l’état de santé du malade et de son évolution prévisible512 », à l’exclusion de tous autres éléments étrangers au traitement.

En ce qui concerne le cadre dans lequel le consentement est donné, le Tribunal fédéral a établi dans un arrêt du 28 avril 2003 une nécessité d’accorder au patient un délai de réflexion entre l’information et le consentement513. Afin que le consentement soit considéré comme libre, le patient ne doit pas être sous l’effet de sédatifs au moment où son consentement est requis. Il doit obtenir un délai de réflexion, en principe, d’un jour pour une opération sans gravité et d’au moins trois jours pour une intervention lourde ou présentant des risques importants. Pendant cette période, le patient ne devrait pas encore être hospitalisé afin d’éviter l’influence, même positive, du corps médical. Ce délai devrait plutôt inciter le patient à discuter avec ses proches. A cette occasion, le Tribunal fédéral a également retenu que l’usage rationnel et planifié des équipements dans les établissements hospitaliers ne saurait être utilisé comme un moyen de pression pour contraindre le patient à accepter une lourde opération.

La tromperie (ou dol) au sens de l’article 28 CO consiste à induire intentionnellement en erreur une personne pour la décider à conclure un contrat par exemple514. Elle recouvre autant des déclarations mensongères (dol par commission) que la dissimulation de faits vrais (dol par omission) réalisées par le corps médical afin de décider le patient à accepter de subir une intervention515. S’agissant du dol par omission, la loi n’impose pas, de manière générale, aux contractants un devoir de renseigner (corriger les erreurs, déclarer des faits ignorés, etc.). Selon le Tribunal fédéral, l’obligation d’informer résulte de situations particulières, soit d’une disposition expresse de la loi, d’un accord contractuel ou de la bonne foi516. Dans la relation de soins, le professionnel de la santé est tenu d’informer le patient sur les éléments lui permettant de se décider de manière autonome. Ce devoir relève soit du contrat de mandat (obligation de rendre compte au mandant, art. 400 CO), soit de la loi (devoir d’information instauré dans les législations cantonales de santé). Le professionnel de la santé est ainsi dans l’obligation de corriger les fausses idées d’un patient.

Pour invalider un acte entaché de dol, il faut donc deux conditions : une tromperie intentionnelle et une déclaration de volonté du patient lésé517. Si la décision du patient repose sur d’autres éléments que les allégations fallacieuses, le dol ne sera pas retenu. Le

511 G

UILLOD (1986), Le consentement éclairé du patient, thèse, 111 et MANAÏ (2006), Les droits du patient

face à la biomédecine, 66. 512 G

UILLOD (1986), Le consentement éclairé du patient, thèse, 111. 513 SJ 2004 I 117, 122; M

ANAÏ (2004), De l'autonomie du patient : à quelles conditions sa décision est-elle

libre?, 7. Ce principe est également reconnu en droit belge. Voir : DE COCQUEAU/HENRY (2008),

L'information et le consentement du patient : les nouvelles balises, 28-30. 514 S

CHMIDLIN (2003), CR CO I, Art. 28 N°1 et 2 ; ENGEL (1997), Traité des obligations en droit suisse, 349.

515 S

CHMIDLIN (2003), CR CO I, Art. 28 N°5 à 15 ; ENGEL (1997), Traité des obligations en droit suisse, 351-354.

516 ATF 116 II 431, cons. 3a 517 E

privilège thérapeutique518 n’est pas assimilé à une tromperie, bien que des éléments aient été dissimulés au patient.