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LA RELATION DE SOINS DANS LA LÉGISLATION SUISSE ET BELGE

Section 4 : Les diverses voies ouvertes au patient pour faire respecter ses droits

2. Les autorités de surveillance

2.1. En Suisse

Les cantons sont généralement compétents en matière de santé, sauf pour quelques domaines où la compétence a été attribuée à la Confédération (art. 118-120a Cst). Chaque canton a donc édicté une législation sur la santé, réglant en particulier les droits du patient. La médiation en santé étant une spécialité romande, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, seules les législations des cantons romands seront ici étudiées.

La surveillance étatique de l’activité des professionnels de la santé et du respect des droits du patient en Suisse ressort de la compétence d’autorités cantonales administratives. La plupart des cantons ont institué une commission de surveillance, à savoir les cantons du Valais, de Genève, de Vaud, du Jura et de Fribourg617. Quant aux cantons de Neuchâtel et Berne, ils ont préféré déléguer la tâche de la surveillance du respect des droits du patient au

614 En Suisse, le patient doit prouver l’existence d’une violation du contrat/acte illicite, d’un dommage ainsi que le lien de causalité. Quant à la faute, cette dernière est présumée dans un rapport contractuel (article 97s CO (RS 220)) et doit être prouvée par le patient dans un rapport extracontractuel (article 41 CO (RS 220)). Voir : TERCIER/FAVRE (2009), Les contrats spéciaux, 780-781 ; KUHN (2007), Arzt und

Haftung aus Kunst - bzw. Behandlungsfehlern, 601 ; SUTTER-SOMM/SPITZ (2003), Beweisfragen im

Arzthaftungsprozess, 144-147. En Belgique, le patient doit prouver, dans les deux types de

responsabilité (contractuelle et extracontractuelle), l’existence d’une faute et d’un dommage, ainsi que le lien de causalité entre les deux. Voir : VANSWEEVELT (1996), La responsabilité civile du médecin et

de l'hôpital, 326. 615 Voir supra pp. 124s. 616

Articles 36-37 AR du 10 novembre 1967 sur les professions médicales.

617 Article 43 Loi fribourgeoise du 16 novembre 1999 sur la santé (BDLF 821.0.1) ; article 15d Loi vaudoise du 29 mai 1985 sur la santé publique (RSV 800.01) ; article 83 al. 2 Loi valaisanne du 14 février 2008 sur la santé (SGS 800.1) ; article 28c Loi sanitaire jurassienne du 20 décembre 2006 (RSJU 810.01), article 10 Loi genevoise du 7 avril 2006 sur la santé (RSG K 1 03).

médecin cantonal618. Ces commissions ont le pouvoir d’agir d’elles-mêmes ou sur plainte du patient pour la violation de ses droits reconnus par la législation sanitaire.

Tous les membres des autorités de surveillance sont nommés par le pouvoir exécutif619, et sont souvent rattachés au département en charge de la santé publique. Les membres de ces commissions peuvent donc être assimilés au personnel de l’Etat et sont donc soumis au secret de fonction, protégé par l’article 320 CP.

Concernant les compétences de ces autorités de surveillance, il existe deux systèmes. Le premier consiste à donner le pouvoir de décision à l’autorité de surveillance. C’est notamment le cas dans les cantons de Neuchâtel, de Genève et de Fribourg. Dans ces trois cantons, ces autorités ont le pouvoir de prononcer des sanctions administratives (ou des mesures disciplinaires) pouvant aller du simple blâme à l’amende620. Dans le deuxième système, les autorités de surveillance ont principalement une mission d’instruction des plaintes. Par contre, les sanctions sont prises par le département en charge de la santé publique. Il s’agit des cantons du Valais, du Jura, de Vaud et de Berne621.

Selon les cantons, l’autorité de surveillance peut détenir d’autres pouvoirs de décision. Par exemple, la commission de surveillance jurassienne peut statuer sur l’existence ou non d’une violation des droits du patient et la commission d’examen des plaintes vaudoise peut ordonner la cessation de la violation des droits du patient622.

Dans les deux systèmes toutefois, les commissions de surveillance ne peuvent ordonner un retrait provisoire ou définitif de l’autorisation de pratiquer. Par contre, elles ont le pouvoir d’émettre un préavis à l’autorité compétente pour les faits justifiant de tels retraits623.

618 Dans le canton de Neuchâtel voir : article 10 al. 2 lit. f Loi neuchâteloise du 6 février 1995 de santé (RSN 800.1). Dans le canton de Berne voir : article 17 a Loi bernoise du 2 décembre 1984 sur la santé publique (BSG 811.01) et les articles 11 et 14 Ordonnance bernoise du 24 octobre 2001 sur la santé publique (RSB 811.111).

619 Article 10 al. 5 Loi neuchâteloise du 6 février 1995 de santé (RSN 800.1) ; article 4 al. 2 Loi genevoise du 7 avril 2006 sur la commission de surveillance des professionnels de la santé et des droits des patients (RSG K 3 03) ; article 28 al. 2 Ordonnance valaisanne du 18 mars 2009 sur l’exercice des professions de la santé et leur surveillance (SGS 811.100) ; article 28a Loi sanitaire jurassienne du 20 décembre 2006 (RSJU 810.01) ; article 15f Loi vaudoise du 29 mai 1985 sur la santé publique (RSV 800.01) ; article 6 al. 2 lit c Loi fribourgeoise du 16 novembre 1999 sur la santé (BDLF 821.0.1). 620 Article 123a al. 1 Loi neuchâteloise du 6 février 1995 de santé (RSN 800.1) ; article 20 al. 2 Loi

genevoise du 7 avril 2006 sur la commission de surveillance des professionnels de la santé et des droits des patients (RSG K 3 03) ; article 127g Loi fribourgeoise du 16 novembre 1999 sur la santé (BDLF 821.0.1).

621 Articles 133 Loi valaisanne du 14 février 2008 sur la santé (SGS 800.1) et 28 al. 1 Ordonnance valaisanne du 18 mars 2009 sur l’exercice des professions de la santé et leur surveillance (SGS 811.100) ; articles 28c al. 2 et 52 Loi sanitaire jurassienne du 20 décembre 2006 (RSJU 810.01) ; articles 15d al. 4 lit a et 191 Loi vaudoise du 29 mai 1985 sur la santé publique (RSV 800.01) ainsi que l’article 8 al. 1 RMéCOP (RSV 811.03.1). Dans le canton de Berne, le département n’a que la

possibilité de donner un avertissement (art. 17 Loi bernoise du 2 décembre 1984 sur la santé publique (BSG 811.01).

622 Dans le canton du Jura voir : article 28c al. 2 Loi sanitaire jurassienne du 20 décembre 2006 (RSJU 810.01) ; dans le canton de Vaud voir : article 15d al. 4 lit. d Loi vaudoise du 29 mai 1985 sur la santé publique (RSV 800.01).

623 Article 123a al. 2 Loi neuchâteloise du 6 février 1995 de santé (RSN 800.1) ; article 19 Loi genevoise du 7 avril 2006 sur la commission de surveillance des professionnels de la santé et des droits des

La procédure devant ces autorités est identique aux procédures administratives (ou judiciaires), à savoir que la plainte se fait par écrit et qu’une instruction peut être ordonnée. Elle se termine en général par une décision soit du département, soit de la commission de surveillance.

2.2. En Belgique

A la différence de la Suisse, la Belgique réglemente les relations entre les patients et les professionnels de la santé au niveau fédéral, bien qu’il existe une controverse doctrinale sur l’attribution de cette compétence à l’autorité fédérale624. Cette compétence est fondée d’une part sur l’ancien article 25ter al. 2 de la Constitution de Belgique de 1831 (article 35 de l’actuelle Constitution de la Belgique)625, qui a permis l’adoption de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles626 et de l’AR n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions de soins de la santé. D’autre part, la compétence de réglementer les relations entre les patients et les professionnels n’est pas énumérée explicitement dans la liste des compétences spécifiquement attribuées aux Communautés, aux régions, aux agglomérations ou aux fédérations de communes par la Constitution de Belgique627.

2.2.1. La Commission fédérale « Droits du patient »

La Commission fédérale « Droits du patient » (ci-après Commission fédérale) est réglementée par deux textes législatifs, à savoir la loi du 22 août 2002 (article 16) qui l’instaure et l’AR du 1er avril 2003 qui règle sa composition et son fonctionnement628. Selon l’article 15 de la loi du 22 août 2002, elle est rattachée au Ministère des Affaires sociales, de la Santé publique et de l'Environnement. Ce ministère est notamment compétent pour désigner un fonctionnaire général chargé du secrétariat de la commission, nommer les membres de la commission, désigner des fonctionnaires qui peuvent participer, en tant qu’observateurs, aux travaux de la commission629. La commission doit également lui présenter un rapport annuel630.

En vertu de l’article 1er de l’AR du 1er avril 2003, la Commission fédérale représente tous les grands acteurs du domaine de la santé, à savoir les praticiens, les patients, les hôpitaux et les organismes assureurs, tous à part égale. Ces personnes doivent également représenter les régions linguistiques, à savoir la Flandre, la Wallonie, la région allemande et la région Bruxelles-Capitale. La loi veille également à ce que les deux sexes soient représentés. La Commission fédérale compte 17 membres et autant de suppléants. Pour faciliter la gestion

patients (RSG K 3 03) ; article 29 al. 1 lit. d Ordonnance valaisanne du 18 mars 2009 sur l’exercice des professions de la santé et leur surveillance (SGS 811.100).

624

Pour en savoir plus sur la controverse voir : NYS (1990), De Bevoegdheden van de Vlaamse

Gemeenschap inzake Gezondheidsbeleid, 163 et 171. 625

Article 35 de la Constitution de la Belgique (1994) : « Les Communautés ou les Régions, chacune pour ce qui la concerne, sont compétentes dans les autres matières, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 1er, dernier alinéa. »

626 Cette loi détermine les matières réglementées par les Communautés et les régions. 627

Articles 59bis et 59ter, 107 quater, 108-109 de la Constitution de Belgique (1994).

628 Par exemple, selon l’article 6 de l’AR du 1er avril 2003, seul le Président et son suppléant sont assimilés aux fonctionnaires pour leur traitement.

629 Article 1 al. 5 AR du 1er avril 2003. 630 Article 4 AR du 1er avril 2003.

quotidienne, un bureau est constitué, composé du président de la Commission fédérale, ainsi que de quatre membres représentant les quatre régions linguistiques631.

Selon l’article 16 § 2 de la loi du 22 août 2002, la Commission fédérale « Droits du patient » a pour mission :

− « de collecter et traiter des données nationales et internationales concernant des matières relatives aux droits du patient ;

− de formuler des avis, sur demande ou de sa propre initiative, à l'intention du ministre qui a la Santé publique dans ses attributions, concernant les droits et devoirs des patients et des praticiens professionnels ;

− d'évaluer l'application des droits fixés dans la présente loi ;

− d'évaluer le fonctionnement des fonctions de médiation (sic) ;

− de traiter les plaintes relatives au fonctionnement d'une fonction de médiation (sic). » De toutes ses compétences, la plus régulièrement utilisée est la formulation d’avis à l’intention du ministre632. Ses principales préoccupations sont l’indépendance et la formation du médiateur. Par contre, elle ne traite que rarement les plaintes relatives au « fonctionnement d'une fonction de médiation »633. L’évaluation de celui-ci représente sa compétence la plus problématique. Elle l’entreprend lorsqu’elle analyse, conformément à l’article 10 de l’AR du 8 juillet 2003, les différents règlements internes rédigés par les médiateurs. Ces analyses permettent avant tout à la Commission fédérale de formuler des avis et des recommandations. Il ne s’agit pas d’une mission de surveillance à proprement parler, car elle ne possède aucun pouvoir de sanction vis-à-vis d’une fonction de médiation qui ne respecterait pas les dispositions légales.

2.2.2. Les difficultés constatées et à corriger

Actuellement, la Commission fédérale ne s’estime pas suffisamment pourvue de moyens pour pouvoir remplir la mission d’évaluation du « fonctionnement des fonctions de médiation ». En effet, dans un avis du 22 janvier 2007 déjà, elle préconisait la création d’un organe ad hoc pour remplir cette mission634. Cet organe serait désigné par la Commission elle-même. Dans son avis du 12 juin 2009, elle revient sur cette question après une analyse des différents règlements internes rédigés par les médiateurs635. Cette demande vise à

631 Article 2 AR du 1er avril 2003.

632 Depuis sa création en 2002, la Commission fédérale a rendu 18 avis à l’intention du Ministre entre 2006 et 2009. Tous les avis de la Commission fédérale sont accessibles sur le site du Service public fédéral de la Santé public, sécurité de la chaîne alimentaire et de l’environnement de Belgique

https://portal.health.fgov.be à l’adresse suivante

http://www.health.belgium.be/eportal/Healthcare/Consultativebodies/Commissions/Patientsrights/Advic es/index.htm (consulté le 30.09.2011).

633 Depuis sa création, elle n’en a traité que deux à trois.

634 Avis du 22 janvier 2007 relatif à la position du médiateur dans l'hôpital, 9. 635

Avis du 24 avril 2008 relatif à la formation des médiateurs « Droits du patient », 5. La Commission fédérale demande une nouvelle fois au Ministre en charge de bien vouloir constituer cet organe ainsi que de déterminer ses compétences.

combler la lacune dans cette mission d’évaluation et notamment dans le contrôle des règlements internes ainsi que de leur application636.

L’inconvénient de cette proposition est la multiplication des organes compétents pour cette matière et par conséquent une complexification d’un système déjà passablement lourd. Si un tel organe voit le jour, il conviendrait de lui attribuer les compétences adéquates pour résoudre les problèmes constatés. Comme nous le verrons, les règlements internes des établissements de soins, fixant les modalités de fonctionnement et de la procédure auprès de la fonction de médiation, édictent nombre d’entraves à l’indépendance du médiateur local637. Il serait dès lors judicieux de se poser la question de la pertinence de la ratification d’un tel document par cet organe ad hoc. Dans tous les cas, le problème sera de trouver les personnes ayant la légitimité nécessaire et la formation adéquate pour remplir ces deux missions d’importance.

Deux approches alternatives pourraient être étudiées qui impliqueraient, inévitablement toutes deux, un renforcement dans la formation des membres de la Commission en matière de médiation notamment. L’une serait un renforcement des compétences de la Commission afin d’avoir effectivement les moyens de contrôler l’application de la législation sanitaire. L’autre serait un changement dans la procédure d’élaboration des règlements internes de la fonction de médiation dans les hôpitaux, en supprimant l’approbation par le gestionnaire de l’hôpital pour le remplacer par une approbation de la Commission par exemple. Pour alléger encore le système, une troisième approche pourrait être explorée, à savoir un renforcement draconien de la formation des médiateurs pour pallier les lacunes de la législation actuelle.

636 Voir infra pp. 148ss.

CHAPITRE 3 :