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LA MÉDIATION DANS LA LÉGISLATION SANITAIRE SUISSE ET BELGE

Section 3 : Les problématiques de la médiation en santé 1 L’institutionnalisation de la médiation en santé

3. La formation des médiateurs

La formation représente la clé de voûte car, la faiblesse du médiateur constitue la faiblesse de la médiation. Le but d’une formation adéquate est de permettre au médiateur d’endosser ses rôles702 et d’assurer au mieux son indépendance. Actuellement, la formation des médiateurs est assurée par des associations privées dont l’offre et le contenu sont très variables. Pour l’Etat se pose maintenant la question de la nécessité, pour protéger l’intérêt public, de fixer des exigences quant à la formation et l’expérience pour pouvoir accéder à un poste de médiateur en santé. La réponse est différente en Suisse et en Belgique.

Les conditions légales en Suisse et en Belgique pour occuper un poste médiateur en santé sont faibles, voire inexistantes. En Suisse, seule la moitié des cantons a prévu dans leurs législations des conditions explicites de qualification (ou de formation) et d’aptitude (ou de qualités humaines nécessaires à l'exercice de la médiation) pour pouvoir exercer en cette qualité. Il s’agit des cantons de Genève, du Valais, de Vaud et du Jura703. Seuls les cantons du Valais et de Vaud imposent au médiateur d’avoir suivi une formation spécifique en matière de médiation704. Le canton du Jura mentionne que le médiateur doit disposer de la formation, de l'expérience et des qualités humaines nécessaires à l'exercice de la médiation705 ; et le canton de Genève indique que le médiateur doit, entre autres, disposer de qualifications et d’aptitudes particulières en matière de médiation706. En Belgique, la législation n’exige aucune formation de base concernant la médiation ni pour le médiateur local, ni pour le médiateur fédéral707.

Aucune obligation de suivre ou d’offrir une formation continue n’est non plus exigée dans les deux pays, obligation que nous jugeons pourtant indispensable. En Belgique néanmoins, les médiateurs locaux en place sont demandeurs de formation708, mais n’ont souvent pas les moyens d’y accéder (manque de temps notamment lorsqu’ils occupent une autre fonction

702 Voir supra pp. 31s.

703 Article 9 Règlement genevois du 22 août 2006 sur la constitution et le fonctionnement de la commission de surveillance des professionnels de la santé (RSG K 3 03.01), l’article 42 Ordonnance valaisanne du 18 mars 2009 sur l’exercice des professions de la santé et leur surveillance (SGS 811.100), l’article 10 RMéCOP (RSV 811.03.1) et l’article 4 Ordonnance jurassienne du 24 avril 2007 concernant les droits des patients (RSJU 810.021).

704 Article 43 al. 2 Ordonnance valaisanne du 18 mars 2009 sur l’exercice des professions de la santé et leur surveillance (SGS 811.100). L’alinéa mentionne également que le médiateur doit disposer de l'expérience et des qualités humaines nécessaires à l'exercice de la médiation.

705 Article 4 al. 3 Ordonnance jurassienne du 24 avril 2007 concernant les droits des patients (RSJU 810.021).

706 Article 9 al. 4 Règlement genevois du 22 août 2006 sur la constitution et le fonctionnement de la commission de surveillance des professionnels de la santé (RSG K 3 03.01). Cet alinéa mentionne également que le médiateur doit être au bénéfice d’un diplôme universitaire (ou d’une formation jugée équivalente) et avoir des connaissances suffisantes en matière médicale et juridique.

707

Le médiateur local doit disposer d’au moins un diplôme de l'enseignement supérieur de type court selon l’article 2 de l’AR du 8 juillet 2003. Le médiateur fédéral doit disposer d’au moins un diplôme de l'enseignement supérieur universitaire et d’une expérience professionnelle de trois ans minimum dans le domaine médico-social au sens de l’article 8 de l’AR du 1er avril 2003

dans l’établissement de soins, refus de la hiérarchie sur le principe d’une formation ou sur la prise en charge des coûts, etc.).

En Belgique, contrairement à la Suisse, la formation du médiateur représente une des préoccupations principales de l’autorité d’évaluation. La Commission fédérale a en effet constaté que le degré de formation influence directement le niveau d’indépendance du médiateur local. Par manque de formation, les médiateurs locaux s’assimilent encore trop fréquemment à la direction dans les courriers qu’ils rédigent ou sont tentés de prendre position dans un différend709. La formation est d’autant plus importante que l’article 10 de l’AR du 8 juillet 2003 charge le médiateur local de rédiger le règlement interne. Sans une bonne formation, il ne peut ni rédiger un règlement adapté à la médiation et à ses rôles, ni informer et convaincre le gestionnaire de l’intérêt d’un tel règlement. Il n’a donc souvent pas conscience des pouvoirs et des compétences que la loi lui octroie déjà. Il en résulte une perte involontaire et automatique d'une bonne partie de son indépendance puisque, comme nous l’avons vu, certains règlements restreignent gravement les prérogatives d’un médiateur710. En réaction à ces situations, la Commission fédérale a édicté un avis en avril 2008 préconisant une formation des médiateurs sur les points suivants711 :

− la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient et ses arrêtés d’exécution ;

− les aspects juridiques, déontologiques et éthiques liés à la fonction de médiation ;

− un aperçu des possibilités de renvoi ciblé et des alternatives à la médiation ;

− un aperçu des réglementations pertinentes pour le domaine de la médiation et de celles relatives aux autres formes de médiation ;

− l’enregistrement des données et l’établissement d’une synthèse (règlement d'ordre intérieur et rapport annuel) ;

− les aptitudes particulières nécessaires à cette fonction, telles que les techniques de médiation, l’écoute empathique et la gestion de conflits.

Cette liste est à notre sens adéquate, bien que l’ordre de priorité (ou d’importance) puisse être revu. Les éléments primordiaux pour les médiateurs sont l’acquisition des aptitudes telles que les techniques de médiation, l’écoute empathique et la gestion de conflits. Dans un deuxième temps, il s’agit des aspects juridiques, déontologiques et éthiques liés à la fonction de médiation ainsi que d’un aperçu des possibilités de renvoi et des alternatives à la médiation.

Pour mettre en place une formation adéquate, de nombreux obstacles pratiques se posent qu’il convient de résoudre. Nous pouvons évoquer quelques problèmes sous forme de question : quelle serait le contenu de la formation alors qu’aucun titre n’est reconnu ? Qui serait à même de dispenser cette formation ? Etc. Aux dires de son président, l’AMIS aura

709

Voir supra pp. 148s concernant les développements sur les règlements d’ordre intérieur. 710 Voir supra pp. 148s concernant les développements sur les règlements d’ordre intérieur. 711 Avis du 24 avril 2008 relatif à la formation des médiateurs « Droits du patient », 3.

certainement un rôle important à jouer dans la formation et dans le renforcement de l’indépendance des médiateurs locaux712.

De manière générale, la formation permettra aux médiateurs d’exercer leur activité dans de meilleures conditions, autant pour eux-mêmes que pour les patients et les professionnels. Elle représente une assurance pour les médiés que leur cause sera traitée de manière correcte et permettra le dépassement de certaines craintes ou suspicions. Par exemple, un médiateur formé aux différentes alternatives pourra conseiller aux patients (ou aux professionnels) de renvoyer leur cause à d’autres moyens comme la médiation judiciaire, la conciliation ou une autre autorité judiciaire ou administrative. Les causes initiées devant le médiateur refléteront ainsi la volonté des parties de recourir à ce moyen d’action et non à un autre.

Dans la situation des médiateurs locaux belges, la formation représente leur meilleure protection pour renforcer leur statut et leur place au sein de l’établissement de soins par la rédaction d’un règlement d’ordre intérieur adapté. Dans le cas où, malgré tous les efforts de conviction du médiateur, un règlement d’ordre intérieur contraire aux conditions de l’AR du 1er juillet 2003 est approuvé par le gestionnaire, nous considérons que sa meilleure arme restera toujours sa formation. Il pourra non seulement interpréter le règlement d’ordre intérieur de façon plus adéquate mais également engager des campagnes d’information sur le service de médiation et ses rôles pour diminuer les réticences de chacun.