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L’INTERTEXTUALITÉ, VARIANTE DE LA

II. L’intertextualité, variante de la polyphonie

II.1. La pratique intertextuelle dans Le mythe de Sisyphe de Albert Camus

II.1.1. Le mythe de Sisyphe : source d’inspiration

II.1.1. Le mythe de Sisyphe : source d’inspiration

Albert Camus emprunte le prétexte de son œuvre à d'autres œuvres, il a recours à différentes stratégies et divers pratiques textuelles. Il y foisonne des références, des citations, des allusions, des reprises de modèles et des imitations conscientes. Les réminiscences, la reprise plus ou moins transformée, la référence critique et l’opposition radicale sont aussi des aspects corrélés à sa narration. L’œuvre camusienne est en relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes,

par voie de citation, de plagiat ou d'allusion1.

C'est notamment le cas du mythe de Sisyphe, qui présente une pratique complexe et hétérogène du système intertextuel. Un groupe de textes se rencontre au sein de cet espace pour plusieurs horizons différents. Camus s'intéresse à l'intégration des divers apports intertextuels. Nombreuses voix étant principalement construites à partir de citations empruntées à des auteurs tels : Nietzsche, Dostoïevski, Sartre, Jaspers, Heidegger, Kierkegaard, Chestov, Scheler … tant sur le plan logique que moral. Toute une famille d'esprits, pareils par leur nostalgie, opposés par leurs méthodes ou leurs buts, qui s’est acharnée à retrouver les droits chemins de la vérité.

Dès l’abord, l’intertexte apparaît à travers le titre lui-même : Le mythe de Sisyphe, qui représente le titre de l’un des mythes les plus célèbres de la littérature

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SOMVILLE, Léon. Intertextualité. In DELCROIX, Maurice et Fernand, HALLYN. (dir.), Introduction aux études littéraires : méthodes du texte. Paris : Duculot, 1995.p. 113. ISBN : 2-8011-0713-1

grecque. Le mythe, extratextuel, est certainement un élément important du dialogisme et un autre élargissement fréquent du concept d’intertexte que Camus introduit dans son œuvre. Marc Eigeldinger précise à ce sujet :

Mon projet est de ne pas limiter la notion d’intertextualité à la seule littérature, mais de l’étendre aux divers domaines de la culture. Elle peut être liée à l’émergence d’un autre langage à l’intérieur du langage littéraire ; par exemple celui des beaux-arts et de la musique, celui de la Bible ou de la mythologie, ainsi que celui de la philosophie.1

Un essai dont le fond est philosophique Le mythe de Sisyphe est superposé des sujets mythologiques, historiques ou littéraires, il est comparé au fur et à mesure avec ceux-ci par le biais des allusions, des analogies ou des ressemblances. Camus fait allusion à sa culture, qui relève de l’intertextualité, afin de réécrire un mythe déjà écrit par des auteurs tels : Homère, Lucrèce et Latvias Fylker. Cette réécriture s’opère évidemment vers le domaine hypertextuel.

Dans la même perception, deux directions intertextuelles se distinguent : D’une part, l’auteur s’inspire du mythe pour encadrer sa thèse philosophique. Il a recours à la mythologie grecque pour expliquer et expliciter au lecteur la notion

de l’absurde2

, dans le but de montrer l’omniprésence de cette notion dans toute existence humaine. Dans l’essai, Camus intègre le mythe. Il le réécrit afin de lui donner un nouveau sens. Ainsi, le mythe de Sisyphe, selon Camus, doit nous guider vers la voie de la raison. Grâce à sa réinterprétation, il donne sens à la vie monotone et au monde absurde, à la condition humaine, à la création et à la place que l’homme occupe sur terre. L’essai de Camus peut donc apaiser l’humanité et lui assurer des réponses à ses craintes sur l'avenir ou sur la mort. D’ailleurs, à travers son œuvre, l’auteur permet de découvrir différents autres mythes et récits, voire d’autres

1

EIGELDINGER, Marc. Mythologie et intertextualité. Genève : Slatkine, 1987.p. 15. ISBN:

2-05-100795-0

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Absurde, est un concept central chez Camus: Le mythe de Sisyphe et L’étranger voient dans l’absurde un divorce entre l’homme et le monde, entre les interrogations métaphysiques de l’homme et le silence du monde. Chez Camus, le non-sens des choses doit être assumé avec sérénité.

populations ou religions tels : Les possédés et Les Karamasov de Dostoïevski, Le procès et Le château de Kafka, Le misanthrope et Don Juan de Molière, Le mythe d’Ulysse… il donne même envie au lecteur de découvrir différents points de vue des

philosophes contemporains ou qui l’ont précédés, mais aussi d’élargir ses connaissances et sa culture ; ou tout simplement de lui procurer d’un certain plaisir de lire ce mythe.

D’autre part, le mythe de Sisyphe a inspiré des courants différents de l'expression littéraire, notamment des mythes et des contes populaires. Sisyphe devient le frère de Prométhée. Symbole de la condition humaine, tous les deux représentent dans leur supplice l'être qui s'engage à exécuter et à supporter une tâche n'aboutissant à rien. De plus, et dans la mesure où un véritable écrivain n’élabore pas des textes isolés et partiels, Camus, en expliquant la notion de l’absurdité à travers ce mythe, influence divers textes relevant de l’œuvre de l’auteur lui-même, il facilite même leur compréhension et leur étude. Il consiste évidemment à situer et à exploiter cette notion dans sa pièce de théâtre Caligula et dans son roman L’étranger. A ce propos, toutes les idées émises dans L'étranger sont expliqués dans Le mythe de Sisyphe. L’étranger décrit donc la notion clé de l’essai. Le mythe de Sisyphe ne manque pas d’entrer en résonance avec ces textes en particulier et d’en

enrichir l’interprétation, ce qui va justement dans le sens de l’intertextualité

restreinte1du fait que : L’intertextualité n’est plus seulement mise au jour de la

seconde main ou de la réécriture, mais description des mouvements et passages de l’écriture dans sa relation avec elle-même et avec l’autre.2

Ainsi, Camus construit de ses œuvres un univers dont toutes les parties s’éclairent, se complètent et s’enrichissent mutuellement.

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Il consiste à situer l’extrait qu’on étudie, quelle est sa place, dans quel ouvrage, que peut-on en conclure, et à le mettre en relation avec d’autres passages de cet auteur. Ce principe, qui revient à expliquer l’auteur par lui-même, se justifie dans la mesure où un véritable écrivain n’élabore pas des textes isolés et partiels, mais construit d’ouvrage en ouvrage un univers dont toutes les parties s’éclairent mutuellement. Un principe qui revient à expliquer l’auteur par lui-même.

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SAMOYAULT, Tiphaine. L’Intertextualité : Mémoire de la Littérature. Paris : Armand Colin, 2005. p. 06. (Coll. 128). ISBN : 2200342071