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Synthèse chapitre

Chapitre 3 Médiateurs et médiations

3.3. Le dispositif : point d’appui de la médiation

Après avoir défini dans un premier temps le dispositif (3.3.1.), nous aborderons la notion de dispositif info-communicationnel (3.3.2.).

3.3.1. Définitions du dispositif

Alain Rey définit le dispositif comme la « manière dont sont disposés les pièces, les organes, d’un appareil ; [ou comme étant] le mécanisme lui-même », et un « agencement d’éléments quelconques dans un but, un effet » (Rey, 2001)392. Pour évoquer les dispositifs, le

psychanalyste Donald Winnicott (1896-1971) parle d’objets transitionnels (Winnicot, [1971] 2002)393. Ainsi, le doudou, comme objet transitionnel chez le jeune enfant, va lui permettre de symboliser la présence de sa mère lorsque celle-ci est absente. Il s’agit pour Donald Winnicott de pointer l’instauration d’un espace intermédiaire qui à la fois réunit et sépare. Par dispositif, Michel Foucault entend davantage un ensemble hétérogène comportant « des discours, des

388 BAUDELOT Christian, CARTIER Marie, DÉTREZ Christine, 1999. Et pourtant ils lisent… Paris : Éditions

du Seuil. 248 p. (L’épreuve des faits).

389 SINGLY François de, 1993. Les jeunes et la lecture. Vanves : Direction de l’évaluation et de la prospective.

206 p. (Les dossiers éducation et formations ; 24).

390 RENARD Fanny, 2009. Des lectures lycéennes inopportunes en contexte scolaire. Op. cit. 391 RENARD Fanny, 2009. Ibid.

392 REY Alain (dir.), 2001. Dans : Le Grand Robert de la langue française. Paris : Le Robert. 1566 p. 393 WINNICOTT, Donald Woods, [1971] 2002. Jeu et réalité : l’espace potentiel. Paris : Gallimard. 276 p.

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institutions, des aménagements architecturaux, des décisions règlementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales philanthropiques ; bref, du dit aussi bien que du non-dit » (Foucault, 1977)394 ce que précisent Hugues Peeters et Philippe Charlier en considérant qu’il s’agit d’un concept de « l’entre- deux » ; ils y voient « une logique de moyens mis en œuvre en vue d’une fin » (Peeters, Charlier, 1999 : 18)395. Daniel Peraya, quant à lui, y voit « un lieu social d’interaction et de

coopération possédant ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique enfin, ses modes d’interaction propres » (Peraya, 1999)396.

André Berten propose quant à lui deux types de dispositifs : le premier, matériel, technique « façonne l’individu, l’oriente, lui inculque des savoirs, mais aussi lui attribue des pouvoirs et des savoir-faire » et le second, symbolique : « que l’individu se donne à soi, pour se former, s’orienter, se connaître » (Berten, 1999)397. Pour compléter, on peut dire qu’un

dispositif n’est pas isolé. Il dépend d’objets de même nature qui le précèdent et qui le suivent (Metzger, 2002)398. Ainsi, le dispositif désigne à la fois : des pratiques qui ont pour particularité de se dérouler au sein d’environnements aménagés (Jacquinot-Delaunay, Monnoyer, 1999 : 10)399 et une action et/ou une situation génératrice de résultats.

L’environnement influence le fonctionnement et son évolution. Il relève d’une logique organisationnelle propre à la technique des métiers dont il dépend, des normes et des savoir- faire (Couzinet, 2009)400. Vincent Rouzé explique comment les dispositifs humains mis en place dans les institutions culturelles et artistiques reposent sur des liens entre des personnes qui passent essentiellement par « la parole, la proximité, les échanges verbaux ». La communication est au cœur de ces dispositifs. Ils reposent encore sur un engagement des professionnels et un investissement dans l’espace comme dans le temps. Une démarche sensible et humaine y est privilégiée autant que la démarche cognitive elle-même (Rouzé, 2010)401. Avec Vincent Liquète, on peut affirmer que le dispositif est « un agencement d’éléments, organisés selon une intention plus ou moins visible cherchant à atteindre des effets, objectifs, finalités » (Liquète, 2010)402.

394 FOUCAULT Michel, 1977. Le jeu de Michel Foucault (entretien avec D. Colas, A. Grosrichard, G. Le

Gaufey, J. Livi, G. Miller, J. Miller, J.-A. Miller, C, Millot, G. Wajeman), Ornicar ?, Bulletin Périodique du

champ freudien, n° 10, p. 62-93.

395 PEETERS Hugues, CHARLIER Philippe, 1999. Contributions à une théorie du dispositif, Hermès, La Revue,

n° 25, p. 15-23.

396 PERAYA Daniel, 1999. Médiation et médiatisation : le campus virtuel, Hermès, La Revue, n° 25, p. 153-167. 397 BERTEN André, 1999. Dispositif, médiation, créativité : petite généalogie, Op. cit.

398 METZGER Jean-Paul, 2002. Les trois pôles de la science de l’information, Dans : Actes du Colloque

international, Recherches récentes en sciences de l’information : convergences et dynamiques, Université Toulouse 3 (Mics-Lerass), 21-22 mars 2002, Toulouse, Viviane Couzinet (dir.), Gérard Régimbeau (dir.), Paris : ADBS. p. 17-28.

399 JAQUINOT-DELAUNAY Geneviève, MONNOYER Laurence, 1999. Avant-propos, Hermès, La Revue, n°

25, p. 9-14.

400 COUZINET Viviane (Dir.), 2009. Dispositifs info-communicationnels : questions de médiations

documentaires. Paris : Hermès Science publications. 262 p.

401 ROUZÉ Vincent, 2010. Médiation/s : un avatar du régime de la communication, Op. cit. 402 LIQUÈTE Vincent, 2010. Médiations. Paris : CNRS éd. 171 p. (Les Essentiels d’Hermès).

84 3.3.2. Le dispositif info-communicationnel

Conçus au départ comme des dispositifs primaires, les dispositifs info- communicationnels sont chargés de gérer une masse de documents servant d’appui à l’enseignement, ils ont évolué en dispositifs secondaires proposant des médiations documentaires. Cette évolution a progressivement demandé une professionnalisation des personnes responsables des espaces documentaires, une organisation spécifique de ces lieux et un travail en réseau pour le traitement documentaire. L’espace documentaire entendu comme dispositif d’organisation des connaissances constitue une interface entre l’information et l’usager (Fabre, Gardiès, 2009)403.

Vincent Liquète définit le dispositif info-communicationnel comme un « lieu réunissant des individus, des objets techniques et un ensemble de relations qui s’organisent sous forme d’interactions à la fois concrètes et symboliques, qui instituent des logiques d’usage et des manières de faire » (Liquète, 2010)404. Le dispositif info-communicationnel est

le lieu où « humains, objets matériels et liens s’organisent pour mettre en œuvre les interactions » (Couzinet, 2011).

C’est par le dispositif, explique Marc Weisser, chercheur en sciences de l’éducation, que l’enseignant balise son parcours de formation et propose une formation aux apprenants. Le dispositif constitue l’ensemble des moyens mis en œuvre pour arriver à un objectif précis. Le dispositif se centre sur le sujet (Weisser, 2010)405. On peut se demander avec Isabelle Fabre et Cécile Gardiès si le dispositif permet l’accès au savoir, et s’il peut être considéré comme un objet médiateur de savoir. Pour Vincent Liquète, Isabelle Fabre et Cécile Gardiès, il peut arriver que la médiation documentaire dépasse la simple transmission d’information. Le besoin d’information d’abord, puis l’usage d’information, peuvent permettre à l’usager de « transformer l’information en connaissance ». C’est ce que les auteurs appellent la « médiation des savoirs » (Liquète, Fabre, Gardiès, 2010)406. Associant médiation et dispositif, Cécile Gardiès redéfinit la médiation documentaire comme « la médiation qui s’appuie sur des dispositifs matériels ou humains en capacité de joindre usager et information » (Gardiès, 2012)407.

À ces réflexions, Patrick Fraysse et Jessica De Bideran ajoutent des gestes, des objets médiateurs (Fraysse, 2015)408 et des relations qui instaurent des pratiques et placent les objets et les individus dans des situations de visibilité et d’énonciation. La médiation documentaire s’appuie, comme la médiation muséale décrite par Patrick Fraysse, sur des composants

403 FABRE Isabelle, GARDIÈS Cécile, 2009. Dispositifs info-communicationnels spécialisés et ambition

cognitive : exemple de l’enseignement agricole. Op. cit.

404 LIQUÈTE Vincent, 2010. Médiations. Paris : CNRS éd. 171 p. (Les Essentiels d’Hermès).

405 WEISSER Marc, 2010. Dispositif didactique ? Dispositif pédagogique ? Situations d’apprentissage !,

Questions Vives, Vol. 4, n° 13, p. 291-303.

406 LIQUÈTE Vincent, FABRE Isabelle, GARDIÈS Cécile, 2010. Faut-il reconsidérer la médiation

documentaire ?, Les Enjeux de l’information et de la communication, Vol. dossier 2010, n° 2, p. 43-57.

407 GARDIÈS Cécile, 2012. Dispositifs info-communicationnels de médiation des savoirs : cadre d’analyse pour

l’information-documentation. Habilitation à diriger les recherches en sciences de l’information et de la

communication, Université de Toulouse II-Le Mirail, 224 p.

408 FRAYSSE Patrick, 2015. La médiation numérique du patrimoine : quels savoirs au musée ?, Distance et

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humains ou techniques. Elle est fortement liée à l’idée de dispositif. Le médiateur explique les objets d’une part, et comprend le public d’autre part.

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Synthèse chapitre 3

Médiateurs et médiations

La médiation des savoirs a lieu dans une relation tripartite entre un médiateur, un apprenant et un objet. Cette médiation dépend de l’environnement dans lequel elle s’exerce. Le médiateur s’investit dans cette relation, il est présent, s’engage et cherche à apporter son aide et son savoir. Il intervient pour permettre à l’élève de surmonter ses difficultés sachant que pour être efficace, la médiation requiert une interaction et une forme d’intentionnalité.

Dans le contexte de l’école, le professeur-documentaliste intervient comme médiateur des savoirs. Le Capes de documentation créé en 1989 fait de lui un enseignant. Cependant la question du contenu de son enseignement pose problème. L’étude des circulaires de missions permet de voir une évolution forte de la profession. À la fois gestionnaire d’un lieu : le CDI et enseignant, le professeur-documentaliste cherche à rapprocher les usagers des informations en utilisant notamment les langages documentaires. Le contenu de l’enseignement de l’information-documentation a évolué, passant progressivement de l’apprentissage des espaces documentaires et de l’organisation de l’information à la formation à une culture de l’information. Les élèves sont interrogés dans leurs pratiques informationnelles et dans leur rapport aux informations. Cet enseignement donne une place au questionnement et au doute, à la formation d’un esprit critique face aux fausses nouvelles. Il vient en complémentarité de la médiation de la lecture, autre champs d’action du professeur-documentaliste. À travers cette dernière, il permet d’une part, aux élèves d’accéder à tous types de textes et d’autre part, de leur faire prendre conscience de leur propre pratique. Pour cela, il s’appuie sur la mise en place d’un dispositif, entendu comme moyen matériel et humain mis en œuvre en vue de générer des résultats, pour contribuer à la formation des individus et à une médiation des savoirs.

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Conclusion de la première partie

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