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DEUXIÈME PARTIE SE DESSINER LECTEUR

Chapitre 4 Interroger le dessin d’élève comme matériau

4.4. Le dessin d’élève

4.4.2. Le dessin comme outil de médiation

Un autre aspect nous amène à penser le dessin comme un outil de médiation. Il est à la fois un support expressif, un canal physique, un moyen de transmission mais également le support matériel de la mise en forme de l’expression (Caune, 2017 : 95)524. Produire une

image, réaliser un dessin, est un acte porteur de sens. Ces représentations peuvent être entendues comme la réalisation de productions documentaires. Le dessin implique de la part de son auteur, un investissement personnel, des questionnements et des choix. À travers lui, le jeune exprime la vision et l’interprétation qu’il fait de son expérience au monde. Il constitue une fenêtre sur ses pensées et ses ressentis, un reflet de son for intérieur (Farokhi, Hashemi, 2011)525.

L’idée de faire correspondre les gestes du sujet dessinant et ceux du sujet lisant peut révéler des similitudes : une force de concentration, une temporalité, tant dans l’acte de représenter, que dans l’acte de lire. La réalisation du dessin par les élèves intervient comme un dispositif d’apprentissage. C’est par ce dispositif que l’enseignant tente de prévoir et de baliser le parcours de formation qu’il propose aux apprenants. Et ce dispositif est le résultat d’un travail d’ingénierie qui prévoit des outils sémiotiques ou instrumentaux mis à la

520 PICARD Delphine, ZARHBOUCH Benaissa, 2014. Le dessin comme langage graphique, Approches, Revue

des Sciences Humaines, p. 28-40.

521 MORIZOT Jacques, 2007. Naïf (art), Dans : MORIZOT Jacques, POUIVET Roger, 2007. Dictionnaire

d’esthétique et de philosophie de l’art. Armand Colin. 471 p.

522 SICARD Monique, 1997. Les paradoxes de l’image. Op. cit. 523 LUQUET Georges-Henri, 1927. Le dessin enfantin. Op. cit.

524 CAUNE Jean, 2017. La médiation culturelle : expérience esthétique et construction du vivre-ensemble. Op.

cit.

525 FAROKHI Masoumeh, HASHEMI Masoud, 2011. The analysis of children’s drawings : social, emotional,

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disposition du sujet pour que son rapport au monde devienne source d’apprentissage (Weisser, 2010)526.

« Il n’est pas de compréhension de soi qui ne soit médiatisée par des signes, des symboles et des textes » écrivait le philosophe Paul Ricœur (1986)527. Le dessin en lui-même est médiateur, la production d’une image n’intervient pas comme la duplication d’une expérience vécue mais comme une transformation des données perçues par un individu. C’est cette transformation produite à travers un acte intentionnel du sujet qui met en œuvre une attention sensible (Caune, 2017 : 199)528.

Élise Vandeninden s’est interrogée sur la médiation dans le cadre de l’art thérapie. Les professionnels de cette discipline s’accordent à dire que l’acte de création comporte en lui- même « une valeur communicationnelle ». Suite à l’analyse des discours des professionnels, l’auteur constate que le médiateur n’est pas le même selon les praticiens. Pour les uns, le rôle du médiateur est joué par la création artistique elle-même, alors que pour les autres, le médiateur c’est le thérapeute. Les théoriciens approuvent les expositions des œuvres des patients : « ils perçoivent l’art comme un moyen de remettre en contact les malades avec le monde « extérieur » dont ils sont exclus » (Vandeninden, 2010). L’auteur montre que le médiateur peut être perçu soit comme un « traducteur favorisant la communication entre deux parties » soit comme un « intermédiaire résorbant les conflits » (Vandeninden, 2010)529. Mais elle souligne surtout « l’importance du « contexte » dans lequel se déroulent les interactions : c’est la « relation » qui fait que la médiation fonctionne, non le processus tripartite. Il ne suffit donc pas d'utiliser l'art comme troisième élément pour que « quelque chose se passe » mais bien de prendre en compte le destinataire dans la production du dispositif » (Vandeninden, 2010). L’auteur insiste sur l’importance de la relation entre les différents acteurs dans la médiation et la prise en compte du destinataire, de l’adolescent, de sa position au sein même du dispositif de médiation, parce que chaque individu y joue un rôle, sans quoi la médiation peut être vouée à l’échec. Cela sous-entend que l’auteur du dessin s’implique pleinement dans sa production artistique pour que la médiation opère.

Si l’auto-médiation désigne le fait d’éviter le filtrage des médiateurs (Gadras, 2010)530, en l’occurrence celui du professeur-documentaliste, alors l’élève peut arriver par le biais de cette méthode à mieux se connaître en tant que lecteur. L’activité d’apprentissage et la lecture plus précisément, est stimulée et accompagnée par l’enseignant. Cependant, la construction de l’élève passe autant par le rôle du guide pédagogique que par une auto-construction, une auto- poïésis. Ainsi, l’élève contribue à se construire lui-même, il s’implique, il participe

526 WEISSER Marc, 2010. Dispositif didactique ? Dispositif pédagogique ? Situations d’apprentissage !,

Questions Vives, Vol. 4, n° 13, p. 291-303.

527 RICOEUR Paul, 1986. Du texte à l’action : Essai d’herméneutique II. Paris : Ed. du Seuil. 405 p. (Esprit). 528 CAUNE Jean, 2017. La médiation culturelle : expérience esthétique et construction du vivre-ensemble. Op.

cit.

529 VANDENINDEN Élise, 2010. Pour une approche de la médiation par ses usages professionnels : le cas de

l'art comme médiateur en psychiatrie, Les Enjeux de l'information et de la communication, n° 2 (Dossier 2010), p. 104-115.

530 GADRAS Simon, 2010. La médiation politique comme cadre d’analyse de l’évolution des pratiques de

communication au sein de l’espace public local, Les Enjeux de l’information et de la communication, n° 2, p. 12- 25.

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activement à l’élaboration de son propre itinéraire (Berlinguer, 2014)531 et le dessin qu’il

réalise contribue à cette auto-formation.

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