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1. Introduction générale

1.5 Le choix du terrain

La France est limitrophe à plusieurs pays européens tels que la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne. La Mission Opérationnelle Transfrontalière (M.O.T.) identifie onze principales agglomérations à cheval sur les frontières entre la France et ses pays voisins (figure 3) :

- Concernant la frontière franco-belge : agglomération Dunkerque – Flandre occidentale

et Eurométropole Lille – Kortrijk – Tournai

- Sur la frontière franco-luxembourgeoise : Pôle Européen de Longwy et Agglomération

Villerupt – Esch-sur-Altette – Audun-le-Tiche – Belval

- En ce qui concerne les frontières franco-allemande et franco-suisse: Eurodistrict

Saar-Moselle, Eurodistrict Strasbourg-Orteneau, Eurodistrict Trinational de Bâle, Agglomération franco-valdo-genevoise

- Quant à la frontière franco-italienne : métropole Côté d’Azur

- Concernant la frontière franco-espagnole : Eurocité basque Bayonne – San Sebastian

Figure 3. Agglomérations transfrontalières à cheval sur les frontières entre la France et les pays voisins

Source : site d’internet de la Mission Opérationnelle Transfrontalière (http://www.espaces-transfrontaliers.org/indexsite.php)

Il faut souligner que la coopération transfrontalière dans ces agglomérations précitées n’a pas le même état d’avancement et concerne très souvent de différents domaines d’action publique (santé, gestion de cours d’eau, espace naturel et rural, événements culturels et sportifs, développement économique, travailleur frontalier, et cadres juridiques de coopération transfrontalière, etc.). En ce qui concerne l’aménagement du territoire (transport, habitat, grands équipements publics, etc.), il n’existe qu’un nombre limité d’action concrète, et surtout

relativement peu de projets d’aménagement transfrontalier.

En premier temps, nous avons voulu travailler sur le Jardin des Deux Rives (J2R). En effet, il s’agit d’un projet d’aménagement d’une zone de 150 hectares sur les bords du Rhin entre Strasbourg et Kehl (commune allemande faisant partie du Landkreis Ortenau). Ce projet consiste à créer deux jardins au bord du Rhin et une passerelle qui les relie d’une part, et à organiser le Festival des Floralies en 2004 d’autre part. Dans un premier temps, ayant une formation en architecture, nous avons été attirée par ce projet surtout par son aspect esthétique et spatial. Mais nous avons décidé ultérieurement de travailler sur la question d’organisation

de l’action urbaine et le jeu d’acteurs. Le J2R ne semble pas être suffisamment généreux

puisqu’il est porté par un nombre limité des partenaires29.

Même si nous n’avons pas continué de travailler sur le J2R, il convient de souligner sa contribution à l’évolution de la thèse. D’une part, il nous permet d’apprendre comment faire l’enquête de terrain (rechercher des documents, faire des entretiens exploratoires auprès des fonctionnaires français et allemands). D’autre part, la première enquête sur le J2R nous permet surtout de relativiser l’importance de la coopération transfrontalière pour les collectivités frontalières. En fait, au moment du démarrage de la thèse, nous avons fait l’hypothèse que pour les villes frontalières, tout aménagement s’effectue à travers la coopération transfrontalière. Or, le cas de l’agglomération Strasbourg-Kehl prouve la naïveté de cette hypothèse. Comme nous l’explique un urbaniste à la Ville de Kehl, une fois le J2R

achevé, il n’y a plus d’autres projets de coopération entre Strasbourg et Kehl30. Pour ces deux

villes, l’aménagement du « territoire local » est leur priorité. Cet exemple nous permet de penser l’aménagement de l’agglomération franco-valdo-genevoise par la complexité (diversité

des échelles, divergence des intérêts, etc.). En outre, elle invite à « déspécialiser »

l’aménagement urbain transfrontalier car lorsque les villes frontalières ne coopèrent pas, elles s’inscrivent tout à fait dans des maillages nationaux. Dans la rédaction finale de la thèse, le cas du J2R sera mentionné d’une manière ponctuelle.

Après une première enquête sur le J2R, nous avons décidé d’analyser le jeu d’acteurs dans le cadre d’un projet d’aménagement transfrontalier qui soit transversal et relève d’une dimension spatiale. Ainsi, nous n’avions pas beaucoup de choix convenables. Dans un premier temps, nous nous intéressons à trois projets : projet d’agglomération Alzette-Belval (frontière franco-luxembourgeoise), projet d’agglomération franco-valdo-genevoise (frontière franco-suisse), aménagement de l’agglomération trinationale de Bâle (frontière franco-allemande-suisse). Nous avons finalement choisi l’agglomération franco-valdo-genevoise comme notre cas d’étude principal pour les raisons suivantes. D’une part, il s’agit d’un choix « opportuniste » dans la mesure où nous voulons profiter d’une connexion entre Genève et notre directeur de thèse. Cette dernière permet de faciliter notre premier accès au terrain et nos échanges avec le directeur de thèse. D’autre part, ce choix est également conditionné par la maîtrise de langues.

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Les partenaires du projet J2R concernent la Ville de Strasbourg, l’Office de Tourisme de Strasbourg, le Landesgartenschau, le port autonome et la Compagne des Transports Strasbourgeois (CTS).

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Par contre, Strasbourg s’engage de plus en plus dans la coopération transfrontalière au niveau de l’Eurodistrict Strasbourg – Ortenau.

Car cette dernière joue un rôle important dans l’enquête de terrain (entretien, travail de documentation).

Ce choix nous paraît pertinent par rapport à notre objet de recherche. Premièrement, l’intégration fonctionnelle sur la frontière franco-suisse semble très développée. La France est effectivement le premier pays « exportateur » de main-d’œuvre frontalière en Europe (Bolzman et Vial, 2007 : 18). La Suisse est le premier pays d’accueil en accueillant près de la moitié des travailleurs frontaliers présents sur le Vieux continent (ibid.). Au moins 134 000

frontaliers venant de France y viennent quotidiennement (98 000 en 1999)31. Par la figure 4,

nous pouvons identifier les deux principaux corridors d’entrée, situés entre l’Alsace et le nord-ouest suisse (Bâle, Soleure, Argovie…) avec 35 000 personnes, et entre l’Ain, la

Haute-Savoie et le canton de Genève32. Il faut noter que Genève compte à elle seule un quart de

frontaliers actifs de la Suisse depuis 200433. Deuxièmement, la coopération transfrontalière

commence tôt, dans les années 1960-1970. Ceci explique pourquoi la coopération franco-genevoise est très avancée par rapport aux autres agglomérations transfrontalières. Troisièmement, le projet d’agglomération franco-valdo-genevois relève d’un système d’acteurs particulièrement complexe. Presque tous les acteurs institutionnels français, genevois et vaudois compétents de l’aménagement du territoire sont concernés. L’organisation de l’action collective est une question essentielle dans ce cas. Quatrièmement et enfin, le projet d’agglomération franco-valdo-genevois prouve son importance à différentes échelles. Il s’inscrit dans le cadre de la politique des agglomérations de la Confédération suisse, de la Coopération métropolitaine de l’Etat français, des Grands projets de la région Rhône-Alpes et des Conventions départementales de l’Ain et de la Haute-Savoie. D’ailleurs,

ce projet est récompensé comme co-lauréat du 8ème Grand prix européen de l’urbanisme le 16

novembre lors du 25ème anniversaire du Conseil européen des urbanistes au Comité des

Régions à Bruxelles34.

31

Mission Opérationnelle Transfrontalière [M.O.T.], 2007, Atlas de la coopération transfrontalière : 1. Le fait géographique transfrontalier.

32

Ibid.

33

République et Canton de Genève, Office cantonal de la statistique [OCSTAT], Frontaliers actifs en Suisse, selon la grande région et le canton de travail. Il s’agit d’un document mis à jour régulièrement par l’OCSTAT. Il est téléchargeable : www.ge.ch/statistique/tel/domaines/03/03_05/T_03_05_2_01.xls

34

M .O.T., novembre 2010, L'actualité transfrontalière, n°63. Voir http://www.espaces-transfrontaliers.org/cadre.php?page=detail_breve&idos=idbreve&idfiche=179

Figure 4. Flux de travailleurs frontaliers en 2006

Source : M.O.T., 2007, Atlas de la coopération transfrontalière : 1. Le fait géographique transfrontalier.