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4. La coopération transfrontalière franco-valdo-genevoise

4.3 L’institutionnalisation de la coopération transfrontalière franco-valdo-genevoise

4.3.2 La création des instances transfrontalière

Dans la foulée sont créés différents organismes de coopération transfrontalière. Il s’agit effectivement d’un mouvement à situer dans les années 1960 – 1970 où le régionalisme connaît un certain succès en Europe. De nombreux organismes transfrontaliers fleurissent

depuis la signature de la Convention de Madrid.

Ces structures transfrontalières, n’ayant aucun pouvoir de décision, sont à titre consultatif et

constituent des « lieux de rencontre et de dialogue, susceptibles de donner des impulsions et

de faciliter le règlement de certains problèmes communs » (RD 428 : 11). Plus précisément, elles ont pour vocation d’articuler des systèmes ou des sous-systèmes dans une optique plus ou moins fonctionnelle. C’est-à-dire sans référence à un véritable pouvoir transfrontalier, elles constituent des lieux permettant de faciliter la concertation, la coopération, voire l’harmonisation, s’établissant par-dessus la frontière entre collectivités directement concernées (Ricq, 1982 : 25, cité par Jouve, 1995 : 7).

Même si la Suisse n’est pas adhérée à l’Union européenne, cela n’empêche pas la Suisse d’être très active en matière de coopération transfrontalière. De nombreuses instances transfrontalières sont apparues notamment autour des pôles urbains frontaliers (Bâle, Genève) et des lacs internationaux (Bodensee, Léman) (Dupont, Knubel et Wiegandt, 2006 : 25). On peut parler d’un véritable foisonnement des structures transfrontalières puisque ces dernières sont très différenciées au niveau de l’extension spatiale, de la composition et des principaux

objectifs (Dupont et al., 2006 : 25-26). Cette diversité ou ce foisonnement des instances

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transfrontalières sont en grande partie liées au flou juridique de la coopération transfrontalière

(Dupont et al., 2006 : 24).

Notre objectif n’est ni d’établir un inventaire des instances transfrontalières franco-valdo-genevoises, ni de comparer leurs différences. Nous nous contentons de présenter en particulier quatre instances transfrontalières qui apparaissent de manière récurrente dans de différents travaux (Haegi, 1993 ; Jouve, 1994 ; RD 428 ; De Buren, 2007) et qui sont considérés comme essentielles dans l’institutionnalisation de la coopération transfrontalière franco-valdo-genevoise. Il s’agit du CRFG, de la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL), du Conseil du Léman (CdL) et de la Communauté de travail des Alpes

occidentales (COTRAO). Le CRFG et la CIPEL font partie des « commissions

intergouvernementales d’aménagement du territoire » créées par les Etats et dans lesquelles siègent certains représentants des collectivités territoriales (Jouve1995 : 8). Tandis que le CdL et la COTRAO, créées par les collectivités territoriales frontalières, sont de nature des « organisations interrégionales transfrontalières » (Ibid.). Pourtant, nous voulons surtout attirer l’attention sur le CRFG constituant l’instance transfrontalière la plus ancienne et la plus importante dans le sujet que nous traitons.

Le CRFG

On doit insister sur le fait que le CRFG est créé lors de l’apparition d’un marché du travail transfrontalier. En ce moment-là, il s’agit d’une intervention des Etats français et suisse puisque la coopération transfrontalière, relevant des affaires internationales, constitue encore une des prérogatives étatiques.

Le 12 juillet 1973, la CMC est créée par un échange de lettre intergouvernemental233 pour

gérer les problèmes de voisinage entre la République et canton de Genève et les Départements limitrophes de l’Ain et de la Haute-Savoie. La coprésidence de la CMC est assurée par le Département fédéral des affaires étrangères côté Suisse et le Ministère français des affaires étrangères côté France. Selon la CMC, les problèmes de voisinage concernent les domaines

suivants : « aménagement du territoire ; environnement et protection de la nature ; énergie,

transports et communications ; migrations frontalières et logements ; enseignement, formation professionnelle et recherche ; culture, loisirs et sports ; santé publique et police

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sanitaire ; implantations agricoles et industrielles ; coordination des mesures en cas de catastrophes » (extrait d’un échange de lettres entre la Confédération suisse et la République française).

En effet, la CMC, qui se réunit en principe une fois par an, assure surtout les liaisons entre les

autorités nationales, pour : « soit formuler des recommandations à l’intention des

gouvernements respectifs, soit préparer des projets d’accords pour les problèmes de sa compétence » (ibid.). Un comité (CRFG) plus proche du terrain est créé pour mener l’étude précise des problèmes dans les domaines précités (ibid., alinéa 6). Ce CRFG, étant plus

proche du terrain, constitue « un lieu d’échanges et de concertation entre les partenaires de la

coopération transfrontalière »234. Il a pour vocation de définir des stratégies communes pour un développement harmonieux de l’agglomération franco-valdo-genevoise et de donner les

impulsions nécessaires à la réalisation de projets communs235. Il fait régulièrement rapport à

la CMC. Le 17 juin 1974 a lieu la première réunion du CRFG dont l’objectif est de résoudre des problèmes relatifs à la vie quotidienne transfrontalière des habitants du canton de Genève

et des départements de l’Ain et de la Haute-Savoie236. Il faut noter que comme toutes les

autres instances transfrontalières, la CMC et le CRFG sont des instances à titre consultatif.

Ce CRFG, co-présidé par le Préfet de région Rhône-Alpes et par le conseiller d’Etat genevois chargé des affaires extérieures, est composé d’un Comité plénier, d’un Bureau, d’un secrétariat général et des commissions thématiques237. Il faut noter que la composition du CRFG n’est pas immuable. Elle évolue en fonction du besoin de la coopération transfrontalière franco-valdo-genevoise238.

Il faut surtout souligner que le CRFG est la plus ancienne instance officielle de coopération

franco-suisse239. Il constitue, à l’époque, le seul cadre juridique permettant d’associer les Etats

234

CRFG, 2005, Dépliant de présentation du CRFG. Téléchargeable sur le site officiel du CRFG : http://www.crfginfo.org/fck_editor/upload/File/crfg.pdf

235

Ibid.

236

Direction des affaires extérieures, Département de l’économie de l’emploi et des affaires extérieures du Canton de Genève, 1999, Dictionnaire de la coopération transfrontalière et européenne : région franco-genevoise et lémanique, pp.57.

237

http://www.crfginfo.org/rubrique.php3?id_rubrique=92

238

L’évolution institutionnelle et le développement de la coopération transfrontalière ont des conséquences sur la composition du CRFG : depuis le début de 2000, le CRFG s’est élargi dans sa composition et a pris une nouvelle dimension avec le lancement du Projet d’agglomération franco-valdo-genevois. En 2004, la région Rhône-Alpes devient membre du CRFG. En 2006, lors de l’intégration du PAFVG au CRFG, l’ARC devient membre à part entière du CRFG. Depuis 2007, les commissions thématiques sont en recomposition (site d’internet du CRFG : http://www.crfginfo.org/rubrique.php3?id_rubrique=91)

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aux côtés des collectivités territoriales pour gérer les problématiques transfrontalières240. Il contribue d’une manière non négligeable aux premières réflexions sur la future agglomération

franco-valdo-genevoise (c.f. 4.3.3).

CIPEL, CdL et COTRAO

La CIPEL est créée à l’instigation des Etats riverains du lac Léman en 1963. Elle a pour mission de surveiller l’évolution de la qualité des eaux du lac Léman, du Rhône et de leurs

affluents et de recommander aux gouvernements membres les mesures concrètes241 à prendre

pour lutter contre la pollution, ainsi que de coordonner la politique de l’eau à l’échelle du

bassin lémanique et d’informer la population242.

Le 2 avril 1982 est créée la COTRAO à Marseille par la signature du « protocole d’entente »

entre les cantons suisses de Genève, du Vaud et du Valais, les régions françaises de Provence – Alpes - Côte d’Azur et de Rhône-Alpes, et les régions italiennes de la Vallée d’Aoste, du Piémont et de la Ligurie. Cette structure « macro-régionale », comme beaucoup d’autres structures interrégionales transfrontalières, tend à institutionnaliser les relations politiques régionales dans un bassin de l’Arc Alpin. Or, l’absence des Etats centraux, des départements et des communes limite la marge de manœuvre de la COTRAO. La même année en octobre, un groupe de concertation qui réunit des neuf cantons suisses limitrophes de la France est créé pour coordonner leurs politiques transfrontalières.

Le 19 février 1987, le CdL est créé à Lausanne en intégrant les territoires autour du lac Léman : les cantons de Genève, de Vaud et de Valais en Suisse, et les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie d’autre part. Les Etats français et suisse n’ont qu’un statut

d’observateur243. Le CdL est une instance de concertation à vocation de promouvoir les

relations transfrontalières et d’initier des projets communs de coopération244. Il a pour objectif

de favoriser l’émergence d’une identité lémanique245. Le CdL est composé d’un Comité et de

240

Ibid.

241

Il s’agit de la construction de stations d’épuration, de la construction d’installations de traitement de déchets, du contrôle des rejets industriels ou la promotion de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, etc. (Direction des affaires extérieures, Département de l’économie de l’emploi et des affaires extérieures du Canton de Genève, 1999, Dictionnaire de la coopération transfrontalière et européenne : région franco-genevoise et lémanique, pp.62).

242

Site d’internet de la CIPEL

243 Site d’internet du CdL 244 Ibid. 245 Ibid.

cinq commissions (Economie et tourisme, Transports et communication, Populations frontalières et affaires sociales, Education et culture, Environnement et aménagement du territoire). Il faut souligner qu’un protocole de coopération est signé en 1994 entre le CdL et le CRFG pour éviter des redondances en matière de coopération transfrontalière franco-suisse. Pourtant, probablement à cause de la concurrence entre les deux instances, les collaborations n’existent quasiment plus.

La création de la COTRAO et du CdL s’inscrit dans une période où les collectivités territoriales montent en puissance grâce aux réformes décentralisatrices et au soutien de l’Europe communautaire. Or, pour ces organismes de coopération transfrontalière, l’absence des Etats limite de manière importante leur marge de manœuvre.

Hormis ces quatre instances transfrontalières, nous pouvons souligner l’émergence des organismes privés. Nous pouvons mentionner l’Association genevoise pour le développement des relations interrégionales (AGEDRI), créée en décembre 1985 et de droit suisse. En effet, ce n’est qu’en 1999 que cette association devient transfrontalière, avec la création de sa partie

française. Elle a pour objet de « l’étude, le renforcement et la promotion des relations au sein

de la région du Genevois franco-suisse » (de Buren, 2007 : 10). Cette association permet des échanges informels (débats, colloques, etc.) entre public, élus et fonctionnaires afin de sensibiliser les autorités publiques à la question régionale transfrontalière (ibid.).

Durant les années 1970 – 1980, la coopération transfrontalière franco-valdo-genevoise au sein des instances transfrontalières est plutôt sectorielle et ponctuelle. Par exemple, la CIPEL est chargée d’un secteur précis (question de l’eau). Quant aux structures comme le CRFG qui s’occupent de différents domaines, leurs actions visent à résoudre des problèmes précis dans la vie quotidienne transfrontalière. En plus, il n’existe pas encore une vision globale et prospective sur l’aménagement de l’agglomération franco-valdo-genevoise. Cependant, cette phase de coopération transfrontalière est importante car elle constitue une période d’apprentissage et permet aux collectivités frontalières françaises et suisses d’accumuler les connaissances réciproques et de prendre une conscience régionale progressivement. Comme nous l’allons présenter tout de suite, une vision régionale transfrontalière émerge progressivement, notamment grâce aux contributions du CRFG.

4.3.3 L’émergence d’une vision régionale transfrontalière en matière