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Crustal growth and evolution in the northern Kaapvaal craton inferred by LA-ICP-MS dating of zircons from Meso- and Neoarchaean granitoids

3.4. La ceinture du Limpopo

3.4.3. La zone centrale

Comme déjà évoqué dans la Section 3.4.1, les lithologies de la Zone Centrale ne peuvent en aucun cas être associées au craton du Kaapvaal. A la rigueur, leurs signatures isotopiques de Pb sont plus proches de celle de la croûte du craton du Zimbabwe (Taylor et al., 1991 ; Berger & Rollinson, 1997), mais les associations lithologiques qu’on y trouve ne ressemblent en rien à celles de ce craton. Elles consistent essentiellement en des roches supracrustales métamorphisées en faciès granulites : quartzites, BIFs, métapélites, marbres et gneiss quartzo-feldspathiques regroupés collectivement sous le nom de complexe de Beit Bridge (BBC pour

Beit Bridge Complex). Les gneiss quartzo-feldspathiques, aussi appelés gneiss de Singelele

(Söhnge, 1946), représentent aussi bien des liquides anatectiques (Figure 3.25a) que les équivalents métamorphiques de roches volcaniques felsiques ou de sédiments terrigènes (grès, arkoses). Ces lithologies ont été subdivisées en trois groupes lithostratigraphiques (du plus jeune au plus vieux, les groupes de Mont Dowe, Malala Drift et Gumbu), mais leur individualité et leur continuité ne sont pas prouvées étant donné que toutes ces roches ont subi une déformation intense et particulièrement complexe. Cette difficulté à définir une stratigraphie cohérente dans le BBC est bien illustrée par la gamme d’âge extrême obtenue à partir de ses constituants, qui s’étale sur plus d’un milliard d’années (3300–2200 Ma ; Barton & Sergeev, 1997 ; Jaeckel et al., 1997 ; Kröner et al., 1999 ; Buick et al., 2003). Le BBC ne peut donc pas être considéré comme une unique séquence supracrustale métamorphisée, mais représente plutôt plusieurs cycles de sédimentation successifs.

Le BBC est intrudé par la suite de Messina, un complexe mafique à ultramafique lité constitué de méta-anorthosites et de métagabbros dont l’âge est compris entre 3100 et 3200 Ma (Barton et al., 1979 ; Barton, 1996). Cette suite est associée aux gneiss de Sand River (Figure 3.25b), une spectaculaire formation d’orthogneiss rubanés, hétérogènes et de composition TTG (Fripp, 1983 ; Hofmann et al., 1998). Ces gneiss sont datés entre 3410 et 3170 Ma (Retief et al., 1990 ; Tsunogae & Yurimoto, 1995 ; Jaeckel et al., 1997 ; Kröner et

al., 1999 ; Zeh et al., 2007, 2010), une gamme d’âges comparable à celles de leurs âges

modèles Nd (3400–3100 Ma ; Harris et al., 1987), indiquant qu’ils représentent un fragment de croûte archéenne juvénile. Certains auteurs considèrent que les gneiss de Sand River constituent le socle sur lequel se sont déposés les sédiments du BBC (Fripp, 1983 ; Barton et

et al., 1998). Il est très difficile de départager ces hypothèses tant les relations entre les deux

formations sont complexifiées par la déformation.

FIGURE 3.25 : Les granitoïdes représentatifs du magmatisme dans la Zone Centrale : (a) métapélites

du complexe de Beit Bridge (BBC) recoupées par un filon de gneiss de Singelele contenant des cristaux centimétriques de grenat (Grt) ; (b) gneiss rubanés de Sand River (de composition TTG) ; (c)

gneiss tonalitiques d’Alldays ; (d) Filon de leucogranite non déformé, d’âge protérozoïque et contenant de l’orthopyroxène (Opx) péritectique, développé dans le pluton de Bulai en marge de

celui-ci. (Photos : O. Laurent)

Enfin, un certain nombre de granitoïdes sont intrusifs dans le BBC, en particulier un ensemble de magmas tonalitiques connus sous le nom de gneiss d’Alldays (Brandl, 1990), de Zanzibar (Barton & Key, 1981) ou de Verbaard (Jaeckel et al., 1997 ; Hofmann et al., 1998), selon la localisation (Figure 3.25c). Ces matériaux sont tous datés entre 2625 et 2670 Ma (Jaeckel et al., 1997 ; Kröner et al., 1999). Le pluton sanukitoïde de Bulai, qui fait l’objet d’une partie de ce travail (Chapitre 4), s’est mis en place peu de temps après, entre 2610 et 2580 Ma (Barton et al., 1994 ; Kröner et al., 1999 ; Zeh et al., 2007 ; cette étude). Par ailleurs,

de nombreux filonnets, lentilles et petites intrusions de leucogranites non déformées (Figure 3.25d), présents dans la plupart des lithologies de la Zone Centrale, ont été datés entre 2050 et 2000 Ma (Jaeckel et al., 1997 ; Holzer et al., 1998 ; Kröner et al., 1999 ; Zeh et al., 2007, 2010). Cet âge est identique à celui du complexe magmatique de Mahalapye, au Botswana (2023 ± 7 Ma ; McCourt & Armstrong, 1998).

Structuralement, la Zone Centrale est délimitée par deux zones de cisaillement subverticales qui la séparent des Zones Marginales (Triangle au Nord, Palala-Tshipise au Sud ; voir Figure 3.21). Celles-ci se distinguent des chevauchements bordiers de la ceinture du Limpopo par une forte composante en décrochement et des âges non pas tardi-archéens mais paléoprotérozoïques, compris entre 2050 et 1900 Ma (Kamber et al., 1995 ; Holzer et

al., 1998, 1999). D’autre part, la Zone Centrale est affectée par une déformation extrêmement

complexe, sous la forme : (1) d’une foliation subverticale dont l’orientation change à toutes les échelles ; (2) de zones de cisaillement orientées globalement Nord–Sud, parfois nommées « cross-folds » dans la littérature (structures de Baklykraal et Campbell, notamment ; Figure 3.26) et (3) des structures fermées interprétées comme étant des plis en fourreau (structures d’Avoca et de Bellevue) (Kramers et al., 2006 ; van Reenen et al., 2008 ; Figure 3.26). On en sait assez peu sur ces structures, et en particulier sur leurs âges ; par exemple, certains plis en fourreau se sont développés à l’Archéen (structure d’Avoca : 2598 ± 31 Ma ; Boshoff, 2004), d’autres au Paléoprotérozoïque (structure d’Ha-Tshansi : 2000–2030 Ma ; Holzer et al., 1998). La plupart des zones de cisaillement sont datées aux alentours de 2000 Ma (Holzer et

al., 1998 ; Boshoff, 2004), suggérant que la majorité des structures se sont formées au

Protérozoïque (Kramers et al., 2006). Mais il est également possible que ces âges ne reflètent que la réactivation, vers ~2000 Ma, de structures plus anciennes (Boshoff et al., 2006).

Les roches de la Zone Centrale sont polymétamorphiques et se distinguent en cela de celles des zones marginales. En particulier, il est possible de distinguer trois évènements métamorphiques d’âges bien distincts :

(1) Les gneiss de Sand River contiennent des leucosomes datés à ~3140 Ma (Holzer

et al., 1998 ; Zeh et al., 2007), démontrant que ces roches ont atteint les conditions de

l’anatexie à cette époque. Aucun chemin P–T n’est disponible pour cet évènement (appelé M1), mais étant donné la composition tonalitique des gneiss, la température a sûrement dépassé 700°C pour permettre leur fusion partielle (si celle-ci a eu lieu en présence d’eau).

FIGURE 3.26 : Carte des foliations dans la Zone Centrale (van Reenen et al., 2004). Noter l’allure

chaotique de celle-ci, qui contraste avec les structures linéaires qu’on observe à l’approche de la zone de cisaillement de Palala-Tshipise marquant la limite avec la SMZ. Les grandes structures citées dans

le texte sont également indiquées.

(2) Les gneiss quartzo-feldspathiques de Singelele sont des datés entre 2690 et 2550 Ma (Jaeckel et al., 1997 ; Kröner et al., 1999) et représentent des leucosomes et petits corps intrusifs provenant de la fusion in situ des métapélites du BBC (Hofmann et al., 1998 ; Kramers et al., 2006). Cet épisode d’anatexie indique clairement qu’elles ont subi un métamorphisme de haute température (M2) à la fin de l’Archéen. Plus précisément, des métapélites préservées en xénolithes au sein du pluton de Bulai sont caractérisées par des assemblages minéralogiques équilibrés dans des conditions P–T de 8–9 kbar et ~850°C (Millonig et al., 2008), ce qui correspond au faciès granulites (Figure 3.27a). De plus, cet évènement a été daté à 2644 ± 8 Ma par la méthode U–Pb sur monazite (Millonig et al., 2008), ce qui est très cohérent avec l’âge des gneiss de Singelele (Figure 3.28). Cet âge est également enregistré dans les gneiss de Sand River, dont les zircons semblent avoir été perturbés autour de 2650 Ma (Zeh et al., 2010).

(3) De très nombreux âges, provenant de minéraux syn-cinématiques ou de poches de liquides non déformées, s’étalent entre 2000 et 2050 Ma (Jaeckel et al., 1997 ; Holzer et al., 1998, 1999 ; Kröner et al., 1999 ; Schaller et al., 1999 ; Chavagnac et al., 2001 ; Buick et al., 2003 ; Zeh et al., 2007, 2010 ; Figure 3.28), montrant l’existence d’un épisode métamorphique au Paléoprotérozoïque (M3). Les conditions estimées pour celui-ci sont celles

du faciès granulites, entre 9 et 11 kbar pour 800 à 900°C, suivies d’une décompression et d’un refroidissement jusqu’à 3–5 kbar et 600–700°C (compilations dans Boshoff et al., 2006 et Kramers et al., 2006) (Figure 3.27a).

Ce polymétamorphisme fait actuellement l’objet d’une controverse majeure. En effet, l’étude thermo-barométrique des granulites de la Zone Centrale ne met en évidence qu’un seul chemin P–T, apparemment continu (Figure 3.27a), alors que les données géochronologiques se répartissent en deux groupes d’âges distincts, l’un tardi-archéen, l’autre paléoprotérozoïque (Figure 3.28). Ainsi, l’un des deux groupes d’âges ne serait qu’un « artefact » associé à un évènement purement thermique et ne correspondant pas à un cycle tectono-métamorphique majeur. La difficulté à dater les structures de la Zone Centrale, qui elles aussi présentent des âges à la fois archéens et protérozoïques, ne permet pas d’éclaircir le problème.

FIGURE 3.27: (a) Compilation des données P–T obtenues sur les granulites de la Zone Centrale

(d’après la compilation de Kramers et al., 2006) ; les chemins notés « Z04 » correspondent aux évolutions P–T déduites à partir de pseudosections (Zeh et al., 2004). (b) Evolution temporelle des

conditions P–T, avec un épisode archéen suivi d’un épisode protérozoïque, déduites de l’étude de certains échantillons polymétamorphiques de la Zone Centrale (Perchuk et al., 2008 ; van Reenen et

al., 2008).

Néanmoins, certains auteurs ont récemment proposé une solution à cette controverse après avoir mis en évidence, au sein d’un même échantillon, l’enregistrement de deux épisodes métamorphiques : un pic à ~850°C et ~9 kbar, suivi d’une décompression et d’un

0 3 6 9 12 15 200 400 600 800 Blueschist Granulite Amphibolite Greenschist P re ss u re ( k b a r) Temperature (°C) Z04 Peak metamorphism Conditions of exhumation 400 600 800 Blueschist Granulite Amphibolite Greenschist 1000 Archaean P-T loop Proterozoic thermal event & exhumation

(a) (b)

refroidissement, puis d’un « réchauffement isobarique » pour atteindre à nouveau les conditions du faciès granulite (van Reenen et al., 2004 ; Boshoff et al., 2006 ; Perchuk et al., 2008 : Figure 3.27b). La datation de chaque épisode indique que le premier est d’âge tardi-archéen (~2625 Ma), et le second d’âge paléoprotérozoïque (~2025 Ma) (van Reenen et al., 2008). D’après ces auteurs, le pic métamorphique « principal » en faciès granulites aurait donc eu lieu à la fin de l’Archéen (M2), et serait par ailleurs associé au développement de la foliation régionale et des plis en fourreau. L’épisode métamorphique paléoprotérozoïque (M3), quant à lui, serait contemporain du développement des zones de cisaillement orientées Nord–Sud et ENE–WSW (Perchuk et al., 2008 ; van Reenen et al., 2008) et aurait eu lieu à plus basse pression (Figure 3.27b).

FIGURE 3.28 : Compilation simplifiée de données géochronologiques obtenues sur les lithologies de

la Zone Centrale (d’après Kramers et al., 2006) mettant en lumière l’existence de deux épisodes métamorphiques à la fin de l’Archéen (2550–2700 Ma) et au Paléoprotérozoïque (1950–2050 Ma). La

distinction a été faite entre les âges magmatiques (partie supérieure) et les âges provenant de minéraux métamorphiques (partie inférieure).