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Les terrains archéens d’Afrique du Sud

KAAPVAAL CRATON

3.2. Le noyau paléoarchéen de la région de Barberton

3.2.4. Évolution géologique

D’après les observations résumées dans les trois sous-sections précédentes, la croissance crustale dans la région de Barberton a commencé entre 3600 et 3400 Ma par la différenciation d’une croûte océanique mafique à ultramafique, via la fusion à la base d’un plateau (Lowe, 1999) et/ou des processus de subduction (Figure 3.8a). Ces processus ont ainsi donné naissance aux associations de TTG les plus anciennes (gneiss de l’AGC, pluton de Steynsdorp et bloc de Stolzburg). Tout porte à croire que les associations lithologiques du groupe d’Onverwacht (3550–3300 Ma) constituent une relique de la croûte océanique en question ; cette supposition est étayée par le fait que les TTG et les basaltes tholéiitiques du groupe d’Onverwacht présentent la même signature isotopique en Hf (Zeh et al., 2009). Cependant, la nature exacte des mécanismes géodynamiques mis en jeu au cours de cette période reste assez spéculative, en raison du caractère fragmentaire de l’information portée par ces lithologies très anciennes (3600–3400 Ma), et qui ont été largement remaniées par les épisodes ultérieurs. De plus, le contexte géodynamique dans lequel les roches du groupe d’Onverwacht se sont formées est également mal contraint. Pour certains, il s’agit d’un analogue de dorsale médio-océanique (e.g. de Wit et al., 1987) alors que, pour d’autres, il s’agirait davantage d’un témoin de la présence d’un plateau océanique (e.g. Cloete, 1999).

Par la suite, à partir de ~3450 Ma, cette proto-croûte différenciée a été impliquée dans un cycle de subduction-collision assez similaire à ceux qui caractérisent la tectonique des plaques moderne (Figure 3.8b–d). Moyen et al. (2006) ont observé que l’accident d’Inyoka-Inyoni (voir Section 3.2.3) séparait deux terrains ayant subi des conditions métamorphiques

contrastées (voir Figure 3.7) : au Nord-ouest, un secteur caractérisé par de hautes températures et basses pressions (faciès amphibolite de haute température) et, au Sud-est, des roches équilibrées à relativement haute pression et basse température (faciès amphibolite de haute pression). Cette dualité, caractéristique des contextes d’arc modernes (Brown, 2006), a conduit Moyen et al. (2006) à interpréter l’épisode tectono-métamorphique à 3300–3200 Ma (D2/M1) comme résultant d’une phase de subduction-collision (Figure 3.8c). Celle-ci expliquerait la genèse des TTG légèrement plus vieux ou synchrones de l’épisode D2/M1

(Stentor, Kaap Valley, Nelshoogte) dans le secteur au Nord-ouest de la faille d’Inyoka-Inyoni, c’est-à-dire à l’aplomb d’une zone de subduction à vergence nord (Kisters et al., 2010). Ces matériaux présentent d’ailleurs des compositions isotopiques juvéniles qui viennent étayer cette hypothèse (Zeh et al., 2009). Enfin, l’enregistrement volcano-sédimentaire au niveau de la ceinture de roches vertes est également cohérent avec cette évolution : les dépôts du groupe de Fig Tree, synchrones de D2/M1, sont typiques de ceux qui caractérisent les zones de convergence modernes, alors que le groupe de Moodies (3200–3100 Ma) ressemble aux bassins molassiques tardi- à post-orogéniques (Figure 3.8d).

Ce modèle est cohérent dans les grandes lignes avec certaines hypothèses préexistantes, qui décrivent l’accident d’Inyoka-Inyoni comme une zone de suture reflétant l’amalgamation entre la région de Barberton et l’AGC au cours de l’épisode D2/M1 (de Wit et al., 1992 ; de Ronde & de Wit, 1994 ; Cloete, 1999). Toutefois, dans ces modèles, les chevauchements accommodant la collision sont plutôt à vergence nord, alors que celui développé par Moyen et

al. (2006) implique nécessairement des structures à vergence sud. Il est difficile de faire la

part des choses, en ce qui concerne ce problème, étant donné que la plupart des structures ont été verticalisées par la suite, probablement au cours de l’exhumation et de la dernière phase de déformation (D3) (Brandl et al., 2006). De même, certaines données structurales au niveau du bloc de Stolzburg semblent également incompatibles avec le modèle de subduction (Van Kranendonk et al., 2009). Ainsi, des hypothèses alternatives existent, telles que les modèles de Lowe (1994, 1999) qui proposent plutôt une accrétion magmatique progressive aux marges de blocs de plus en plus jeunes du Sud vers le Nord, sans faire nécessairement appel à des processus de subduction.

FIGURE 3.8 : Synthèse de l’évolution géologique de la région de Barberton, d’après Lowe (1999)

pour la phase (a) et d’après Moyen et al. (2006) pour les phases (b) à (d). Cette histoire géologique, complétée par la mise en place des batholites potassiques autour de 3100 Ma (voir Sections 3.2.1 et 3.2.4) a permis la stabilisation d’un noyau de croûte paléoarchéenne sur lequel se sont développés les

bassins intracratoniques de Pongola et du Witwatersrand.

Quel que soit le modèle géodynamique retenu pour expliquer l’évolution de la croûte continentale au niveau de la ceinture de Barberton, il apparaît que c’est au cours de cette période allant de 3300 à 3200 Ma que l’essentiel des structures actuelles ont été acquises. Postérieurement, le seul évènement géologique majeur a consisté en l’intrusion des grands

(a) 3700 to 3400 Ma : tectonic / magmatic accretion of proto-crust

Precursor of AGC Steynsdorp

Onverwacht group (oceanic crust) Stolzburg block

(b) 3300 to 3250 Ma : intra-oceanic subduction / subcretion

Stolzburg / Steynsdorp protocrust

D1Komati fault ?

~3250 Ma plutons (Baadplaas, Stentor...)

Fig Tree group

(c) 3250 to 3200 Ma : collision

"High-pressure" metamorphism

D2 fault (thrust) system

Inyoka-Inyoni suture zone

3200-3230 Ma plutons

(Kaap Valley, Nelshoogte) Inyoni SZ Moodies group

batholites potassiques de la suite GMS autour de 3100 Ma, un âge également connu dans les dômes de Johannesburg et Vredefort, plus à l’Ouest (Poujol et al., 2003). Par ailleurs, ceux-ci sont contemporains de magmas granodioritiques appartenant à la série TTG, intrusifs plus au Nord, entre la ceinture de Barberton et le TML (les gneiss de Makhutswi et Klaserie à ~3110 Ma ; Brandl & Kröner, 1993), ainsi que de la tonalite de Cunning Moor (~3050 Ma, Zeh et

al., 2009). Les caractéristiques pétrologiques, chimiques et isotopiques de la plupart de ces

magmas indiquent qu’ils sont très probablement liés au recyclage de croûte préexistante (TTG ou matériel mafique) avec une implication subordonnée d’un composant mantellique (Yearron, 2003 ; Robb et al., 2006 ; Zeh et al., 2009). Ainsi, ce magmatisme a vraisemblablement contribué à la différenciation, l’épaississement et la stabilisation de la croûte structurée pendant l’épisode à 3300–3200 Ma, de sorte que vers ~3100 Ma, le craton du Kaapvaal constituait déjà un noyau continental stable (de Wit et al., 1992 ; Poujol et al., 2003). Cette stabilité ainsi que la transition vers un régime principalement extensif a permis le développement de grands bassins intracratoniques tels que les dépôts du supergroupe du Witwatersrand et du groupe de Pongola (2950–2800 Ma) (Poujol et al., 2003).