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La suppression de certaines sûretés conventionnelles

Dans le document La réalisation des sûretés réelles (Page 194-198)

Conclusion du Chapitre 2 et du Titre 1

Section 2. De lege ferenda, une satisfaction en quête d’amélioration

A. La simplification par la suppression de certaines sûretés réelles mobilières

1. La suppression de certaines sûretés conventionnelles

209. La généralisation de l’assiette des sûretés mobilières conventionnelles préférentielles.

Une réduction des sûretés réelles conventionnelles fondées sur un droit de préférence semble s’imposer. L’ordonnance du 23 mars 2006 a redessiné la matière en opposant le nantissement et le gage, selon la nature incorporelle ou corporelle de l’assiette. Sous l’impulsion de la pratique, le législateur a opéré une généralisation de leur assiette, leur permettant désormais de porter sur un bien ou un ensemble de biens, présents ou futurs. Cette généralisation de l’assiette et l’inclusion de ces sûretés dans le Code civil ont fait du gage et du nantissement des sûretés réelles de droit commun, pouvant englober l’ensemble des gages et des nantissements spéciaux. Ainsi, devraient

être supprimées presque « toutes les sûretés spéciales passées, nées pour pallier les anciennes

insuffisances des sûretés modèles »759.

210. La suppression des sûretés réelles spéciales sans régime juridique spécifique. Malgré la

généralisation de l’assiette des sûretés réelles de droit commun, toutes les sûretés réelles spéciales ont été maintenues. Certaines sûretés réelles spéciales, comme les nantissements de droits de propriété intellectuelle et industrielle ou le nantissement de droits d’exploitation de logiciel, ne comportent pas de régime juridique propre, excepté le registre sur lequel elles doivent être publiées. Leur régime est entièrement dicté par les règles de droit commun. L’élargissement de l’assiette des sûretés mobilières préférentielles de droit commun rend l’existence de ces sûretés spéciales inutile. Elles ont donc vocation à être supprimées et devraient être abrogées760.

211. La suppression de certaines sûretés réelles spéciales au régime juridique spécifique.

D’autres sûretés, comme le gage commercial, le gage de stocks du Code de commerce, le nantissement de fonds de commerce, le gage de matériel et d’outillage, les warrants, le nantissement de compte-titre, le nantissement de films cinématographiques ou le nantissement de créance, bénéficient d’un régime juridique complet et spécifique. Leur maintien doit toutefois être remis en question, notamment lorsque ce régime est proche du droit commun.

Ainsi, Monsieur D. Legeais761 plaide pour la suppression des sûretés réelles du Code de commerce. Monsieur O. Gout suggère une suppression des gages sur stocks du Code de commerce, du gage de matériel et d’outillage et des hypothèques mobilières762

. Seraient notamment supprimés le gage commercial, le gage de stocks, le gage de matériel et d’outillage, le gage de véhicule automobile. En revanche, lorsque les sûretés réelles préférentielles spéciales, comme le nantissement de fonds de commerce ou les warrants, comportent une véritable spécificité, elles justifient que leur régime soit maintenu. En outre, il serait souhaitable de revenir sur les éclaircissements relatifs aux nantissements (nantissements de monnaie scripturale notamment) suggérés par la commission Grimaldi763.

759

O. Gout, Quel droit commun pour les sûretés réelles ?, RTD Civ. 2013 p. 255

760

Voir dans ce sens ; L. D’AVOUT,F.DANOS, Collisions de régimes juridiques en matière de sûretés réelles, Dr. et

Patr. 2013, n°227 ;

761

D.LEGEAIS, La réforme du droit des garanties ou l’art de mal légiférer, in Etudes offertes au doyen P. Simler, Dalloz, 2006, p. 237, spéc. n°14

762

O.GOUT, Quel droit commun pour les sûretés réelles ?, RTD Civ. 2013 p. 255

763

Dans ce sens, voir Rapport Grimaldi, spéc. p. 13 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000230/0000.pdf ou www. justice.gouv.fr/publications-10047/rapport-thematiques-10049/reforme-du-droit-des-suretes-11940.html ; O.GOUT, Quel droit commun pour les sûretés réelles ?, RTD Civ. 2013 p. 255

Outre la complexité et le manque de lisibilité, le maintien de nombreuses sûretés réelles spéciales crée, lorsque l’ordre public ne s’y oppose pas, des situations de concurrence entre les sûretés conventionnelles. Ainsi, le gage de stocks du Code de commerce, œuvre de l’ordonnance du 23 mars 2006, entre en concurrence avec un gage de droit commun portant sur des marchandises. Ce type de concurrence n’est pas souhaitable, d’autant qu’en l’espèce, le gage de stocks a un régime juridique moins souple que le gage de droit commun. Certains auteurs ont pu soutenir que ces gages et nantissements spéciaux tomberaient d’eux-mêmes en désuétude par désaffection de la pratique. Toutefois, la jurisprudence s’est montrée hostile à cette interprétation et par un arrêt du 19 février 2013764, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que lorsque l’une des parties au contrat de gage portant sur des stocks est un établissement de crédit, les parties ne peuvent pas utiliser le gage de droit commun. Elles se trouvent dans l’obligation d’utiliser le gage de stocks prévu à l’article L. 527-3 du Code de commerce. Il en ressort que lorsque les conditions du gage de stocks du Code de commerce sont remplies, les parties ne peuvent pas conventionnellement utiliser le gage de droit commun, même si l’assiette de ce dernier permet d’englober le gage de stocks du Code de commerce. Cette interprétation peut être étendue aux autres sûretés réelles spéciales. Ainsi, les sûretés réelles préférentielles spéciales considérées comme superflues ne peuvent pas tomber en désuétude au profit des sûretés de droit commun. La disparition de ces sûretés préférentielles spéciales inutiles nécessite donc leur abrogation.

Cependant, il convient de noter que certains juges du fond, en particulier la Cour d’appel de Paris765, se montrent réticents à appliquer cette jurisprudence. La question devrait donc à nouveau être posée à la Cour de cassation et il faut espérer un revirement.

212. Le gage de droit commun, la sûreté réelle mobilière de droit commun ? Au-delà, au

regard de l’étude du régime du gage et du nantissement de droit commun, le gage semble s’imposer comme la sûreté réelle de droit commun et la classification proposée ne paraît avoir qu’un intérêt

764

Cass. Com, 19 févr. 2013, pourvoi n° 11-21.763, FS-P+B+R+I ; Gaz Pal. 28 mars 2013, n°87, p. 9, note M.

MIGNOT ; Gaz. Pal. 20 mars 2013, n°79-80, p. 22 obs. M.-P.DUMONT-LEFRAND ; RTDCiv. 2013, p. 418, obs. P.

CROCQ ; D. 2013. Chron. 1172, note H.GUILLOU; RLDC. 2013/103, no5047, note C.GIJSBERS , RLDAff. 2013, n°82, p. 30 obs J. Clavel-Thoraval ; BJE. mai 2013, p 149, note N.BORGA ; LPA 17 juin 2013, n°120, p. 19, note N.BORGA ;

RDBF mars 2013, p. 53, obs. D.LEGEAIS ; Banque mai 2013, n°760, p. 86 obs. J.-L.GUILLOT ; JCP E 2013, n°21, p. 39, obs. N. Mathey ; JCP G 2013, n°11, p. 541, obs. A.CERLES ; JCP G 2013, n°19, p ; 930, obs.N.MARTIAL-BRAZ ; LPA 29 mai 2013, n°107, p. 7, note L.ANDREU,J.-F.QUIEVY ; LPA 26 avril 2013, n)84, p. 16, obs. S.CALME ; RTDF 2013, n°2, p. 54, note D.TEYSSIER ; L. D’AVOUT,F.DANOS, Collisions de régimes juridiques en matière de sûretés réelles, Dr. et Patr. 2013, n°227

« S’agissant d’un gage portant sur des éléments visés à l’article L. 527-3 du Code de commerce, les parties, dont l’une est un établissement de crédit, ne peuvent soumettre leur contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession ».

765

CA Paris, pôle 5, ch. 9, 27 févr. 2014, n° 13/03840, D. 2014. 924, obs. C.GIJSBERS ; RLDC juill-août 2014. 38, obs. J.CLAVEL-THORAVAL ; JCP 2014. Doctr. 635, obs. P.DELEBECQUE ; Gaz. Pal. 4-5 juin 2014, p. 20, obs.

M.-P.DUMONT-LEFRAND ; Banque et Droit mai-juin 2014. 58, obs. N.RONTCHEVSKY. Voir aussi Y.BECKERS, Quel gage pour les établissements de crédit ? Gage de droit commun sans dépossession ou gage de stocks ?, RDBF. 2014. p. 111

pédagogique. En effet, depuis l’ordonnance du 23 mars 2006, le gage n’est plus un contrat réel et la dépossession, au même titre que l’enregistrement, n’est plus qu’une formalité de publicité. Le gage doit être écrit et peut être réalisé par la vente du bien ou son attribution conventionnelle ou judiciaire en propriété. Qu’il soit avec ou sans dépossession, il confère à son titulaire un droit de rétention. Le droit de rétention apparaît comme un effet légal du gage. Le gage prévu par les articles 2333 et suivants du Code civil est le gage de droit commun.

Toutefois, les règles relatives au nantissement renvoient aux règles du gage de droit commun. Ainsi, l’article 2355 du Code civil renvoie, pour les dispositions applicables au nantissement autre que le nantissement de créance, aux règles du gage. Le régime du gage constitue le régime du nantissement autre que les nantissements spéciaux, tels que le nantissement de créance. En outre, comme ce nantissement constitue le nantissement de droit commun, le renvoi de l’article 2355 a pour effet de faire des règles du gage, les règles de droit commun des nantissements.

Ce constat amène à poser la question de la pertinence du maintien des deux catégories de sûretés. En effet, si la distinction de l’assiette permet de différencier le gage et le nantissement, l’extension de l’assiette du gage permettrait de fusionner les deux sûretés de droit commun pour n’en créer qu’une. C’est la proposition retenue par le droit belge des sûretés mobilières qui consacre une sûreté réelle mobilière conventionnelle et préférentielle unique766.

Cette fusion permettrait de simplifier et de clarifier le paysage des sûretés mobilières conventionnelles. Toutefois, une telle extension poserait des difficultés quant au droit de rétention. En effet, l’extension pourrait avoir pour effet d’étendre le domaine du droit de rétention de l’article 2286 alinéa 4 aux nantissements767. De plus, cette transposition ne viserait qu’à réunir le gage et le nantissement de droit commun. Subsisteraient des nantissements spéciaux tels que le nantissement de créance, le nantissement de compte d’instruments financiers. La solution adoptée, serait semble-t-il un retour en arrière, un retour à la situation antérieure à 2006 qui regroupait sous la bannière « nantissement », l’ensemble des sûretés réelles mobilières conventionnelles fondées sur un droit de préférence. Les précisions terminologiques et la clarté dans la présentation des différentes sûretés conventionnelles mobilières fondées sur un droit de préférence apportées par l’ordonnance du 23

766

Voir article 2072, 2073 et s du code civil belge. Voir aussi : Projet de réforme: http://justice.belgium.be/fr/publications/hervorming_zekerhedenrecht.jsp

767

L’interprétation littérale des articles 2286 alinéa 4 et 2355 du Code civil permet de reconnaître l’existence d’une droit de rétention rattaché au nantissement de biens autres que des créances. La question était toutefois débattue. Voir notamment P.CROCQ, Nantissement, Rep. Civil, Dalloz, spéc. n°60 ; N.MARTIEL-BRAZ, Grandeur et décadence du droit de rétention, RLDCiv. Avril 2001, n°81, (manque la page)O.GOUT, Quel droit commun pour les sûretés réelles ?,

RTD Civ. 2013 p. 255. La Cour de cassation est venue trancher cette question en déniant au créancier nanti sur le fonds

de commerce tout droit de rétention fictif au motif que « l'article 2286-4° du code civil issu de la loi du 4 août 2008

mars 2006, doivent être conservées. Même si le nantissement de droit commun et le gage de droit commun ont des régimes identiques, la classification doit perdurer.

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