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L’indivisibilité de la sûreté face à la division de l’assiette

Dans le document La réalisation des sûretés réelles (Page 151-154)

Conclusion du Chapitre 1

Section 2. L’assiette, domaine protégé de l’option

B. L’indivisibilité de la sûreté face à la division de l’assiette

Notons que l’article 2082 ancien alinéa 2 du Code civil prévoyait le maintien du gage dans des hypothèses où ce dernier aurait dû être éteint. Par exemple, un gage était contracté pour garantir une dette. Avant l’échéance de cette dette, les parties contractaient une nouvelle dette dont l’échéance était antérieure à la première. Il était admis, par extension de l’indivisibilité du gage, que cette dette se trouvait garantie par le droit de rétention575. Cette position était critiquable dans la mesure où elle contrevenait au principe de spécialité du gage en permettant d’étendre le droit de rétention à une créance qui n’était pas l’objet de la sûreté. L’ordonnance du 23 mars 2006 a mis un terme à cette interprétation en supprimant la disposition complémentaire de l’article 2082 ancien du Code civil576.

B. L’indivisibilité de la sûreté face à la division de l’assiette

146. Les hypothèses de division de l’assiette. L’assiette peut se diviser dans deux hypothèses.

Dans la première hypothèse, le bien unique, assiette de la sûreté, est morcelé (1). Dans la seconde hypothèse, la sûreté porte sur plusieurs biens (2).

En matière de division de l’assiette, c’est principalement, l’article 2393 du Code civil qui va être utilisé.

1. L’assiette composée d’un seul bien

147. La division du bien et l’indivisibilité de la sûreté. Lorsque le bien est divisé, la sûreté

demeure indivisible. En matière d’hypothèque, si l’immeuble est divisé, chaque portion reste grevée pour l’ensemble de la dette.

Le bien objet de la sûreté peut être divisé dans différentes hypothèses, comme en matière de partage successoral ou conjugal, ou de vente par lots ou même de démembrement de propriété.

574

Pour une application à l’hypothèque : Civ. 20 déc. 1848, DP 1849, 1, 81 ; D. 1849, 1, 179 ; Com. 19 janv. 1993, JCP

G 1993, II, 22056, note P.PÉTEL.

575

Voir par exemple, G.MARTY,P.RAYNAUD,P.JESTAZ, Les sûretés, La publicité foncière, Droit civil, Dalloz Sirey, 2ème éd., mars 1987, n°86 ; G.RIPERT et M.PLANIOL, Traité pratique de droit civil français, Sûretés réelles, t. XII, par

E.BECQUÉ, 2ème éd. 1953, n°113 ; J. SOUHAMI, Retour sur le principe d’indivisibilité des sûretés réelles, RTDCiv. 2008, p. 27, n°20

576

Le partage de l’immeuble grevé laisse subsister l’hypothèque sur chacun des lots577. Elle n’oblige pas le créancier à diviser ses recours. Il dispose d’une certaine solidarité réelle578.

En cas de vente par lots, l’hypothèque grève entièrement chaque lot, à concurrence du montant de la créance.

Lors d’un démembrement de propriété, par exemple, en cas de constitution d’un bail à construction ou d’un usufruit, l’hypothèque grève l’immeuble dans son ensemble quels que soient les droits conférés. Ainsi, le créancier peut demander le paiement de la créance à concurrence de la valeur de l’immeuble à chaque titulaire d’un démembrement du droit originairement grevé579

. Notons que la solution est différente si l’hypothèque a été constituée postérieurement au démembrement de propriété. Dans ce cas, elle ne grève que le droit dont le constituant est titulaire. Néanmoins, la jurisprudence a admis que dans l’hypothèse où l’hypothèque grève la nue-propriété, le décès de l’usufruitier fait peser l’hypothèque sur l’immeuble et sur le droit de propriété dans son ensemble. Une solution analogue devrait être retenue quelle que soit la cause de la fin de l’usufruit580

. Il semble qu’une solution analogue doive être adoptée en matière mobilière.

2. L’assiette composée de plusieurs biens

148. L’indivisibilité des sûretés réelles portant de plusieurs biens. Lorsqu’une sûreté est

constituée sur plusieurs biens, chacun répond de la totalité de la dette. Le créancier n’est pas obligé de diviser ses recours et de faire porter sa créance pour partie sur chaque bien grevé581. Il peut choisir de réaliser l’intégralité de sa créance sur un seul bien. C’est une faculté à laquelle il peut renoncer582.

577

Cass. 3ème Civ., 6 mars 1996, Bull. Civ. III, n° 63 ; JCP G, 1996, I, 3942, n°6 obs. P.SIMLER et P.DELEBECQUE;

Défrénois 1997 art. 36526, spéc. n°46 note L. AYNÈS. L’auteur remarque que l’hypothèque, malgré son caractère indivisible, ne fait pas obstacle au partage de l’immeuble.

578

P.-Y.GAUTIER, Contre Bentham: l’inutile et le droit, RTDCiv. 1995, p. 806, spé. n°15

579

C. MOULY, par F. JACOB, J.-Cl. Droit Civil, Fasc. Hypothèque, art. 2114 à 2117, spéc. n°194

580

Cass. Com. 13 mars 2012, pourvoi: 11-10289, Bull. Civ. IV , n°55

581

Cass. Req., 24 déc. 1844 : DP 1845, 1, p. 53. « L’effet de l’hypothèque générale est d’affecter tous les immeubles du

débiteur ; de manière que le droit du créancier s’exerce sur chacun d’eux, sans égard aux hypothèques spéciales postérieures à la sienne » « […] dans la distribution du prix des biens de leur débiteur affectés à leur créance et vendus à divers acquéreurs, les héritiers […] ont eu le droit de se faire colloquer sur le prix de celui de ces immeubles qu’ils avaient intérêts de choisir […] » ; Cass. Req., 18 août 1847 : DP 1847, 1, p. 304. ; Cass. Civ. 3e, 15 févr. 1972 : Bull. Civ. III, n° 98 ; D. 1972, J., p. 463, note E.FRANCK ; Rép. Not. Defrénois 1972, art. 30216, p. 1445, n° 70, note

J.-L. AUBERT.Ce dernier arrêt admet toutefois la possibilité d’un abus de ce droit. Voir aussi C. MOULY, par F. JACOB, J.-Cl. Droit Civil, Fasc. Hypothèque, art. 2114 à 2117, spéc. n°195

582

Cass. Civ., 18 janv. 1853 : S. 1853, 1, p. 5. Dans cet arrêt l’épouse sous un régime dotal, titulaire d’une hypothèque légale a accepté, dans l’ordre ouvert, en paiement de ses reprises des bordereaux de collocation de l’immeuble dont elle s’est rendue adjudicataire. Elle est postérieurement dépossédée de l’immeuble par une folle enchère et demande, au moyen que sa dot ne peut pas être compromise, que les créanciers déjà payés par son mari remboursent les sommes obtenues. La cour décide que dans la mesure où elle a été intégralement payée par compensation sur l’immeuble qui lui

Par exemple, si plusieurs hypothèques sont constituées pour la même dette, chaque immeuble répond de la totalité des dettes. Le créancier peut donc choisir l’immeuble sur le prix duquel il veut être colloqué. Cependant, ce choix ne saurait être fait en fraude des droits des autres créanciers hypothécaires583. Ainsi, en cas de ventes multiples et de procédures d’ordre ouvertes, le créancier hypothécaire (en respectant les règles de classement) peut demander à être colloqué pour l’intégralité de sa créance sur le prix de l’un ou de plusieurs immeubles vendus.

En cas de revente des biens grevés, le créancier hypothécaire, si son droit de suite n’a pas été purgé, peut poursuivre les biens en quelques mains qu’il se trouve. En cas de reventes successives des différents biens, il choisit le bien qu’il souhaite poursuivre sans que le sous-acquéreur puisse lui opposer le bénéfice de discussion. En effet, le bénéfice de discussion ne s’applique que si le créancier dispose d’une autre hypothèque sur un bien, propriété du constituant. En revanche, il ne concerne pas les biens détenus par des tiers584.

149. Une exception à l’indivisibilité de l’hypothèque. Le Code de la construction et de

l’habitation prévoit une exception à l’indivisibilité de l’assiette de l’hypothèque. Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle la sûreté réelle garantit un prêt spécial finançant la construction d’un immeuble qui a, ultérieurement à la constitution, été aliéné en tout ou partie. Ce texte vise les sociétés d’attribution de logement par fraction. La société emprunte une somme d’argent afin de construire l’immeuble et la banque constitue des sûretés sur l’immeuble construit. Ce dernier est ensuite partagé entre les différents associés de la société. Dans ce cas, une fois les lots attribués, l’hypothèque se divise de plein droit585

.

a été adjugé, elle a perdu ses droits d’hypothèque sur les autres immeubles. Ainsi, elle a renoncé tacitement à l’indivisibilité de sa sûreté ; voir aussi Cass. Civ. 19 déc. 1911 : DP 1913, 1, p. 505, note P. DE LOYNES ; S. 1913, 1, p. 9, note E.NAQUET

583

; Cass. Civ. 3 ème , 15 févr. 1972 : Bull. Civ. III, n° 98 ; D. 1972, J., p. 463, note E.FRANCK. ; Rép. Not. Defrénois 1972, art. 30216, p. 1445, n° 70, note J.-L. AUBERT ;. Cet arrêt pose un attend de principe : « Vu les articles 2114,

1382, 1383 du Code civil ; attendu qu'en vertu du principe de l'indivisibilité, consacré par le premier de ces textes, le créancier dont l'hypothèque s'étend à plusieurs immeubles est en droit de choisir celui des immeubles sur le prix duquel il veut être colloqué pour la totalité de sa créance, sans que les créanciers ayant sur le même immeuble des hypothèques postérieures en rang puissent le contraindre à diviser sa demande de collocation pour la faire porter proportionnellement sur le prix de tous les immeubles qui lui sont affectés ; que cette faculté d'option ne saurait être refusée que si elle était exercée frauduleusement ou sans intérêt légitime. »

584

C. MOULY, par F. JACOB, J.-Cl. Droit Civil, Fasc. Hypothèque, art. 2114 à 2117, spéc. nos 197 à 200 ; Cass. Civ., 6 mai 1818 : S. 1818, 1, p. 292. ; Dans cet arrêt ancien, la Cour de cassation rappelle le caractère indivisible de l’hypothèque. En outre, elle précise, que l’immeuble répond de la totalité de la dette même en présence de propriétaires partiels.

585

article L.311-8 du code de la construction et de l’habitation alinéa 1 et 2 : « En cas de mutation à titre particulier ou

d'attribution par voie de partage total ou partiel de l'actif d'une société réalisée par acte authentique et portant sur un bien grevé d'une inscription hypothécaire prise au profit du crédit foncier de France et du Comptoir des entrepreneurs ou de l'un d'eux pour sûreté d'un prêt spécial à la construction consenti en exécution des dispositions réglementaires du présent code, le débiteur originaire ou, en cas de mutations ultérieures, le dernier débiteur, est déchargé de plein droit

L’indivisibilité de la sûreté procure au créancier une certaine sécurité et participe à l’efficacité de sa sûreté dans la mesure où elle permet au créancier de conserver un droit intact sur le bien, quelles que soient les modifications intervenues sur l’assiette, ou apportées au lien d’obligation garanti.

Une sûreté réelle confère au créancier qui en est titulaire, un droit réel sur le bien objet de la sûreté. L’efficacité de la sûreté est donc conditionnée à la force du droit réel du créancier sur le bien. Deux éléments la protègent : la subrogation réelle qui doit être généralisée, tout au moins à propos de l’indemnité d’assurance et de l’indemnité compensatrice, et l’indivisibilité de l’assiette. Dans la mise en œuvre de la réalisation des sûretés réelles, un autre élément est facteur d’efficacité : la liberté de réalisation offerte au créancier.

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