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Le classement d’une sûreté réelle portant sur un bien compris dans un ensemble grevé d’une sûreté

Dans le document La réalisation des sûretés réelles (Page 174-177)

Conclusion du Chapitre 2 et du Titre 1

Section 1. De lege lata, une satisfaction imparfaite

B. Le difficile établissement d’un classement externe

4. Le classement d’une sûreté réelle portant sur un bien compris dans un ensemble grevé d’une sûreté

L’hypothèse visée ici est celle du conflit opposant le titulaire d’une sûreté réelle dont l’objet est contenu dans un ensemble de biens grevés d’une sûreté. Par exemple, le créancier nanti sur le fonds

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Pour une présentation des différentes thèses voir N. SEMPÉ, Essai de contribution à une théorie générale des

privilèges, Th. Toulouse, 1996, spéc. pp.335 à 338 ; voir aussi MAZEAUD,MAZEAUD,F.CHABAS, par V. RANOUIL et

F.CHABAS, Les sûretés la publicité foncière, Leçons de droit civil, Montchrestien, 6ème éd., 1988, spéc. n°223 ; Trois thèses s’opposaient. Certains auteurs préconisaient de faire primer les privilèges généraux sur les privilèges spéciaux aux motifs que l’étendue de l’assiette de la sûreté en marquerait l’importance des intérêts protégés et qu’en matière immobilière, les privilèges généraux immobiliers priment les privilèges spéciaux immobiliers. D’autres auteurs plaidaient en faveur d’une application au cas par cas (Voir C.AUBRY et C.RAU, Cours de droit civil, par ESMEIN, tome 3, , éditions techniques, Librairie générale de la Cour de cassation, 6ème éd. 1968, spéc. §289). Une troisième série d’auteurs souhaitaient voir adopter le principe de la primauté des privilèges spéciaux.

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Dans ce sens voir Cass. Req. 20 mars 1849 ; GAJC, 11ème éd., n°285 ; DP. 1849.1.250 Dans cette affaire le propriétaire a été préféré au fournisseur d’aliment sur le fondement de la règle « generi per speciem derogatur »; Cass. Com. 25 oct. 1976 ; D. 1977, 380, note J.-J. TAISNE

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La consécration légale de ce principe de règlement des conflits a eu lieu par l’ordonnance du 23 mars 2006, à l’article 2332-1 du Code civil.

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Cette adoption a été motivée principalement par deux raisons. D’abord pour une raison historique, c’était la position adoptée par le droit romain, ensuite, parce que l’assiette des privilèges généraux est plus large et que le droit peut s’exercer sur d’autres biens.

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Article 2376 du Code civil (article 2015 anc.): « lorsqu’à défaut de mobilier les créanciers privilégiés énoncés en

l’article précédent se présentent pour être payés sur le prix d’un immeuble en concurrence avec les autres créanciers privilégiés sur l’immeuble, ils priment ces derniers et exercent leurs droits dans l’ordre dudit article ».

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Cass. Civ. 1er, 20 mars 1956, D. 1956, 374 ; CA Versailles, 26 mars 1998, D. 1998, Somm. 381, obs. S.

PIEDELIÈVRE « Lorsqu'il y a conflit de droit de préférence il est nécessaire qu'il oppose des créanciers d'un même

de commerce ou le créancier hypothécaire peuvent se trouver en concurrence avec le créancier nanti sur le matériel et l’outillage664.

180. Le recours au critère de l’antériorité de l’inscription à généraliser. Lorsque le conflit

oppose deux créanciers titulaires de sûretés sans dépossession différentes mais portant sur le même bien, le législateur utilise parfois la règle de l’antériorité de la publicité comme règle de conflit665. Il en va ainsi en matière de conflit opposant le porteur d’un warrant hôtelier et un créancier hypothécaire. Il semble que cette solution doive être retenue comme règle de droit commun.

181. Les exceptions. D’autres textes prévoient des règles dérogatoires. Il en va ainsi en cas de

conflit opposant le créancier nanti sur le matériel et l’outillage et un créancier nanti sur le fonds de commerce ou un créancier hypothécaire faisant l’objet de dispositions légales spéciales666

. Le créancier qui se fait consentir un nantissement sur le matériel et l’outillage doit signifier au créancier nanti sur le fonds de commerce, au créancier hypothécaire et au vendeur du fonds de commerce une copie de l’acte de nantissement. A défaut, le nantissement leur est inopposable et il est fait application de la règle de droit commun de l’antériorité de l’inscription, sauf accession. En revanche, une fois la signification effectuée, le créancier nanti sur le matériel et l’outillage voit son droit de priorité renforcé. Si le bien nanti devient un immeuble par destination, le nantissement étant opposable au créancier hypothécaire, le matériel et l’outillage n’entrent pas dans l’assiette de l’hypothèque. Cette règle maintient artificiellement l’individualisation du bien et contre les effets de l’accession. Le créancier nanti évince le créancier hypothécaire667

.

De même, lorsque le matériel et l’outillage font par ailleurs l’objet d’un nantissement du fonds de commerce, il prime le créancier nanti sur ce fonds.

Etablir un classement des droits de préférence sur un bien n’est pas une chose facile. Il a été constaté que les principes de classement retenus ne relèvent pas nécessairement de la même logique. L’absence de règles générales suffisantes à coordonner et à classer les différents créanciers

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D’autres conflits sont envisageables, le créancier hypothécaire et le créancier titulaire d’un warrant agricole, le créancier nanti sur le fonds de commerce et le créancier titulaire d’un nantissement de brevet ou de marque, ou un conflit l’opposant au titulaire d’un gage automobile. Seul sera développé ici le conflit opposant le créancier hypothécaire ou nanti sur le fonds et le créancier nanti sur le matériel et l’outillage.

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Voir le conflit opposant un warrant hôtelier et un créancier hypothécaire. . L. 523-2 ccom : « En cas de conflit entre

le privilège du warrant hôtelier et des créanciers hypothécaires, leur rang est déterminé par les dates respectives de transcription du premier endossement du warrant et des inscriptions hypothécaires. » Article 2425 al. 6 cciv : « L'ordre de préférence entre les créanciers privilégiés ou hypothécaires et les porteurs de warrants, dans la mesure où ces derniers sont gagés sur des biens réputés immeubles, est déterminé par les dates auxquelles les titres respectifs ont été publiés, la publicité des warrants demeurant soumise aux lois spéciales qui les régissent. »

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P.DELEBECQUE, Lamy Droit des sûretés, 2011, spéc n°239-55

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est source de complexité. C’est l’une des principales faiblesses du droit de priorité. Cet ordre se trouve bouleversé par l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité et particulièrement par l’ouverture d’une procédure collective668

. Même en dehors de cette hypothèse, la satisfaction du créancier titulaire d’un droit de priorité s’avère être relative et fragile.

§2. L’efficacité variable du droit de priorité

182. L’efficacité du droit de priorité est variable. Elle dépend de nombreux facteurs et fluctue considérablement d’une situation à une autre. La satisfaction du créancier est donc toujours incertaine.

Le droit de priorité permet efficacement de primer les créanciers chirographaires, y compris dans les répartitions opérées dans une procédure de liquidation judiciaire. En effet, le créancier chirographaire qui reçoit par erreur paiement de sa créance au détriment de créanciers privilégiés doit restituer les sommes perçues669. De même, le droit de priorité offre au créancier une satisfaction suffisante lorsque le conflit n’oppose que des créanciers titulaires de droits de priorité, à l’exception toutefois des privilèges créés par l’ouverture d’une procédure collective670

.

Cependant, le droit de priorité souffre de faiblesses et la satisfaction du créancier s’avère inconstante.

De manière globale, le droit de priorité a une mauvaise résistance aux situations d’exclusivité. Nous traiterons de cette question dans un chapitre spécifique. Mais cette inconstance se trouve renforcée en matière mobilière. En effet, le caractère mobile de l’assiette est une source importante d’inefficacité, car il permet à des tiers d’exercer leur droit sur le bien (A).

La faiblesse des droits de priorité s’accroît encore lors de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. Soumis à la discipline collective, au bouleversement de l’ordre des paiements fondés sur la préservation des intérêts économiques de l’entreprise671

, les chances de satisfaction du créancier antérieur titulaire d’un droit de priorité sont quasi inexistantes. Pourtant à partir de 1994, le législateur a souhaité renforcer les droits créanciers titulaires de sûretés réelles dans la liquidation judiciaire. Les créances assorties de sûretés préférentielles immobilières ou de sûretés

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Voir 352 et s.

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Article L.643-7-1 du Code de commerce ; F. MACORIG-VENIER, J. VALLANSAN, Les améliorations de la procédure liquidative et des cessions, Rev. Proc. Coll. 2014, n° 4 2014, dossier 32, spéc. n°28. Cette disposition instituée par l’ordonnance du 12 mars 2014 vient s’opposer à la jurisprudence antérieure : Cass. com., 30 oct. 2000, n° 98-10.688; Bull. Civ., IV, n° 169 ; Act. proc. coll. 2000, comm. 242, J. VALLANSAN ; JCP E 2001, p. 176,

M. CABRILLAC ; D. 2001, p. 1527,S. PIERRE ; D. 2001, somm. p. 620, A. HONORAT ; Dr. et proc. juin 2011, p. 114,

M.-H.MONSÈRIÉ-BON

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Voir nos 553 et s.

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préférentielles mobilières spéciales ont vu leur traitement s’améliorer et sont, depuis, payées avant les créanciers postérieurs privilégiés672. Cet effort n’a pas permis de donner une véritable efficacité aux sûretés réelles préférentielles en cas de liquidation judiciaire. Le changement de rang opéré par la procédure constitue plus un obstacle à la satisfaction du créancier. Il sera donc traité de cette question dans la seconde partie673. Néanmoins, le droit des procédures collectives comporte quelques règles qui permettent, tout au moins en apparence, de maintenir certains droits de certains créanciers titulaires de sûretés réelles préférentielles. Ces règles constituent des exceptions à la discipline collective mais sont d’une efficacité très relative (B).

A. La fragilité consubstantielle des droits de priorité mobiliers, le caractère

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