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L’indifférence de la division de l’obligation garantie

Dans le document La réalisation des sûretés réelles (Page 147-151)

Conclusion du Chapitre 1

Section 2. L’assiette, domaine protégé de l’option

A. L’indifférence de la division de l’obligation garantie

A. L’indifférence de la division de l’obligation garantie

140. L’indivisibilité de la sûreté réelle a pour effet de maintenir les droits du créancier lors de la réalisation alors que l’obligation garantie s’est divisée. Cette division peut s’opérer de deux manières, soit, c’est la créance qui s’est divisée (1), soit c’est la dette qui s’est divisée (2). En outre, l’indivisibilité joue un rôle protecteur en cas de paiement partiel, c’est-à-dire dans l’hypothèse d’une diminution du montant de la dette (3).

1. L’indivisibilité active561

: l’indivisibilité de la sûreté face à la division de la créance

141. La généralisation du domaine de l’article 2349 du Code civil à l’ensemble des sûretés réelles. Pour comprendre les effets de l’indivisibilité face à la divisibilité de la créance ou de la

dette, il est indispensable de se référer à l’article 2349 du Code civil qui énonce que « le gage est

indivisible nonobstant la divisibilité de la dette entre les héritiers du débiteur ou ceux du créancier. L'héritier du débiteur qui a payé sa portion de dette ne peut demander la restitution de sa portion dans le gage tant que la dette n'est pas entièrement acquittée.

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J. MESTRE,E.PUTMAN,M.BILLIAU, Traité de droit civil, Droit spécial des sûretés réelles, sous la dir. J. Ghestin,

LGDJ, 1996, n° 1184

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J. MESTRE,E.PUTMAN,M.BILLIAU, Traité de droit civil, Droit spécial des sûretés réelles, sous la dir. J. Ghestin,

LGDJ, 1996, nos1185 et s ; M.PLANIOL,G.RIPERT, par E.BECQUÉ, Traité pratique de droit civil français, T XII, 1ère partie, LGDJ, oct. 1952, n°342 voir Cass. Civ. 19 déc. 1911 : DP 1911, p. 505, note P. DE LOYNES ; S. 1913, 1, p. 9, note E. NAQUET : « si, en principe, le créancier nanti d’une hypothèque spéciale sur plusieurs immeubles de son

débiteur a le droit, dans l’ordre ouvert sur le prix de ces immeubles adjugés par lots séparés, d’être colloqué, au rang de son hypothèque, sur tous les lots indistinctement, il peut cependant renoncer à ce droit en consentant à restreindre les effets de sa garantie ; et que cette renonciation se produit soit expressément, lorsque ce créancier a demandé le cantonnement de son hypothèque, soit virtuellement, lorsqu’il accepte sans protestation ni réserve, et sans recours dans le délai légal contre le règlement définitif, un bordereau délivré en vertu de ce règlement, qui l’a colloqué sur un seul lot. Dans ce second cas, son acceptation constitue un acquiescement au règlement judiciaire qui a restreint l’effet de son hypothèque et lui interdit toute demande en révision des autres collocations qui demeurent ainsi irrévocablement acquises aux créanciers qui les ont obtenues. »

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Par exemple, le créancier par convention renonce à exercer son droit sur l’un des deux immeubles composant l’hypothèque.

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Cass. Req., 11 avril 1902, DP. 1903, 1, 465 dans cet arrêt le créancier dispose de plusieurs hypothèques et demande à être colloqué proportionnellement sur le prix de vente de chaque immeuble; Cass. Civ. 9 mai 1905, S., 1906, 489, note

BERNARD

560

J.DEVÈZE,A.COURET,G.HIRIGOYEN,et alii, Droit du financement, Lamy, 2012, spéc. n° 4730 ;

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Cette formule a été empruntée à R.TROLONG et P.-J. PINNAEL, Des privilèges et des hypothèques, Le droit civil

expliqué selon l’ordre du code, t.1, Société de typographie belge, 1837, spé. art. 2114, n°389, p. 223. Elle s’oppose à

Réciproquement, l'héritier du créancier, qui a reçu sa portion de créance, ne peut remettre le gage au préjudice de ceux de ses cohéritiers qui ne sont pas payés. ». Cet article a a priori un domaine

d’application relativement restreint. C’est une disposition du gage de droit commun applicable en matière successorale. Toutefois, la doctrine s’accorde à dire qu’il s’applique à l’ensemble des sûretés réelles562 dans la mesure où il constitue une explication des effets de l’indivisibilité de la sûreté.

142. La division de la créance et l’absence de division de la sûreté. Lorsque le créancier muni

d’une sûreté décède en laissant plusieurs héritiers, la créance se divise563

entre eux. Selon les règles successorales, chacun de ses héritiers obtient une part de la créance. Si la sûreté n’était pas indivisible, chacun pourrait poursuivre le débiteur pour sa part uniquement. En revanche, grâce à l’indivisibilité de la sûreté, chacun des héritiers peut réaliser la sûreté sur l’assiette dans son ensemble564. Le bien attribué ou la somme d’argent produit de la réalisation entre dans l’indivision et doit être partagé.

De même, dans l’hypothèse où plusieurs créanciers d’une même créance sont titulaires d’une même sûreté, chacun peut réaliser la sûreté. Il en va de même en matière de cession partielle de créance. Par exemple, le créancier initial cède la moitié de sa créance. Sa créance était assortie d’un nantissement. Le cessionnaire, par l’effet de la cession, devient titulaire d’une créance et dispose d’un nantissement, au même titre que le cédant.

L’indivisibilité de la sûreté est source d’efficacité dans la mesure où elle ne se divise pas en même temps que la créance. Le droit de chaque créancier sur le bien demeure intact.

2. L’indivisibilité passive : l’indivisibilité de la sûreté face à la division de la dette

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Il a été admis, qu’elle joue en matière d’hypothèque, voir R. BEUDANT, P. LEREBOURS-PIGEONNIERE, par P.

VOIRIN, Cours de droit civil, t. XIII, Les sûretés personnelles et réelles, Rousseau, 1948, nos 307 et s. ; J.MESTRE,E. PUTMAN,M.BILLIAU, Traité de droit civil, Droit spécial des sûretés réelles, sous la dir. J.GHESTIN, LGDJ, 1996, n° 1197 ; G.RIPERT et M.PLANIOL, Traité pratique de droit civil français, Sûretés réelles, t. XII, par E.BECQUÉ, 2ème éd. 1953, n°341 ; M.CABRILLAC,C.MOULY,S.CABRILLAC,P.PÉTEL, Droit des sûretés, Manuel, Litec, 9ème éd., 2010, n°903

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Article 1220 du Code civil : « L'obligation qui est susceptible de division doit être exécutée entre le créancier et le

débiteur comme si elle était indivisible. La divisibilité n'a d'application qu'à l'égard de leurs héritiers, qui ne peuvent demander la dette ou qui ne sont tenus de la payer que pour les parts dont ils sont saisis ou dont ils sont tenus comme représentant le créancier ou le débiteur. »

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P.SIMLER,P.DELEBECQUE, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, Précis, Dalloz, 6ème éd. 2012, n°626 ; Pour une application jurisprudentielle de l’indivisibilité d’une hypothèque avec clause de retour, voir Cass. Civ. 1ère, 10 juil. 2013, n°12.20-885, à paraître ; D. 2013, p. 2156

143. La généralisation des articles 873, 1009 et 1012 du Code civil à l’ensemble des sûretés réelles. La division de la dette est le symétrique de la division de la créance. Elle permet au

créancier de réaliser sa sûreté comme si la division de la dette n’avait jamais eu lieu. Il n’est pas obligé de diviser ses recours.

La question est régie par l’article 2349 du Code civil. Néanmoins, d’autres dispositions complètent celle-ci : il s’agit des articles 873565, 1009566 et 1012567 du Code civil, en matière hypothécaire. Comme pour la division active, il est important de noter que ces règles vont s’appliquer à l’ensemble des sûretés réelles.

144. La division de la dette et l’absence de division de la sûreté réelle. L’une des hypothèses

de division de la dette est le décès du constituant et la pluralité des héritiers. Au regard de l’article 2349 du Code civil régissant le gage, le créancier titulaire de la sûreté, grâce à l’indivisibilité de celle-ci, n’est pas contraint de diviser ses recours (malgré la division de la dette entre les héritiers), il peut réaliser sa sûreté sur le bien placé entre les mains de l’héritier attributaire568 à concurrence de la valeur du bien. Si la valeur du bien attribué, par exemple l’immeuble, est insuffisante à satisfaire le créancier, s’appliquent les règles de droit commun du droit des sûretés. Le créancier devient créancier chirographaire pour le reste de sa créance.

Notons que l’héritier ne peut pas se prévaloir d’une acceptation de la succession à concurrence de l’actif net. Selon l’article 791 du Code civil, l’héritier est tenu des dettes à concurrence de la valeur des biens qui lui sont attribués par la succession. Cependant, comme l’ancienne acceptation sous bénéfice d’inventaire, l’acceptation à concurrence de l’actif net n’a pas vocation à écarter l’indivisibilité de la sûreté.569

565

Art 873 du Code civil : « Les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur

part successorale, et hypothécairement pour le tout ; sauf leur recours soit contrer leurs cohéritiers, soit contre les légataires universels, à raison de la part pour laquelle ils doivent y contribuer. »

566

Article 1009 du Code civil : « Le légataire universel, qui sera en concours avec un héritier auquel la loi réserve une

quotité des biens, sera tenu des dettes et charges de la succession du testateur, personnellement pour sa part et portion et hypothécairement pour le tout ; et il sera tenu d'acquitter tous les legs, sauf le cas de réduction, ainsi qu'il est expliqué aux articles 926 et 927. »

567

Article 1012 du Code civil : « Le légataire à titre universel sera tenu, comme le légataire universel, des dettes et

charges de la succession du testateur, personnellement pour sa part et portion, et hypothécairement pour le tout. »

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J.SOUHAMI, Retour sur le principe d’indivisibilité des sûretés réelles, RTDCiv. 2008, p. 27, n°16 ; P.SIMLER,P. DELEBECQUE, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, Précis, Dalloz, 6ème éd. 2012, n°626 ; D. LEGEAIS, Sûretés

et garanties du crédit, LGDJ, 9ème éd., 2013, n° 543 ; G.MARTY,P.RAYNAUD,P.JESTAZ, Droit civil, Les sûretés, La

publicité foncière, Dalloz Sirey, 2ème éd., 1987, n° 285

569

J. MESTRE,E.PUTMAN,M.BILLIAU, Traité de droit civil, Droit spécial des sûretés réelles, sous la dir. J. Ghestin,

LGDJ, 1996, n°1195 ; voir aussi C. MOULY, par F. JACOB, J.-Cl. Droit Civil, Fasc. Hypothèque, art. 2114 à 2117, spéc. n°190 ; voir aussi R.BEUDANT, P.LEREBOURS-PIGEONNIERE, par P.VOIRIN, Cours de droit civil, t. XIII, Les sûretés

Une autre hypothèse d’indivisibilité passive de la sûreté apparaît lorsque des époux ont consenti une hypothèque sur un immeuble commun570. Le consentement du conjoint à l’hypothèque ne fait pas de lui un codébiteur. Lors du partage de la communauté, l’époux attributaire de l’immeuble peut être poursuivi pour l’intégralité de la dette sur le bien hypothéqué, sans pour autant être tenu de l’intégralité de la dette571

.

De même, lorsque le créancier dispose de codébiteurs mais qu’un seul est propriétaire du bien objet de la sûreté, le créancier poursuit le paiement de la créance sur le bien. Au propriétaire ensuite d’exercer ses recours subrogatoires à l’encontre de ses codébiteurs. Une solution analogue doit être retenue lorsque la dette de l’un des codébiteurs solidaires s’éteint572

.

L’indivisibilité joue également un rôle de garantie des droits du créancier lorsque l’obligation garantie a partiellement été exécutée lors de la défaillance du débiteur.

3. L’indivisibilité face au paiement partiel

145. L’indivisibilité jusqu’au paiement complet. L’indivisibilité protège le créancier contre le

paiement partiel en maintenant sa sûreté. Le paiement partiel n’entraîne pas une diminution de la sûreté. La sûreté s’éteint lors de l’exécution complète de l’obligation garantie, c’est-à-dire lors du paiement de la dette augmentée des intérêts échus et des frais éventuellement engagés. Grâce à l’indivisibilité de la sûreté réelle, le créancier peut, quel que soit le montant de créance restant due (et sous réserve de l’abus de droit573 et des règles de d’ordre public des voies d’exécution) la réaliser.

Cette règle est fondée sur l’article 2339 du Code civil qui précise que « Le constituant ne peut

exiger la radiation de l'inscription ou la restitution du bien gagé qu'après avoir entièrement payé la

570

Voir l’article 1424 alinéa 1 du Code civil « Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, aliéner ou grever de droits réels

les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l'aliénation est soumise à publicité. Ils ne peuvent, sans leur conjoint, percevoir les capitaux provenant de telles opérations. »

571

J. MESTRE,E.PUTMAN,M.BILLIAU, Traité de droit civil, Droit spécial des sûretés réelles, sous la dir. J. Ghestin,

LGDJ, 1996, n°1195 C. MOULY, par F. JACOB, J.-Cl. Droit Civil, Fasc. Hypothèque, art. 2114 à 2117, spéc. n°191 ; J.

SOUHAMI, Retour sur le principe d’indivisibilité des sûretés réelles, RTDCiv. 2008, p. 27, n°18

572

Cass. Com. 16 mai 1996, n° 94-11.366; Bull. Civ. IV, n°129; RTDCiv. 1996, p. 666, obs. P.CROCQ « qu'à défaut

d'extinction de l'obligation distincte contractée par Mme X..., l'hypothèque qui en garantissait indivisiblement le paiement subsistait et que les banques, si elles étaient privées, en l'absence de déclaration de leurs créances, de tout droit à participer aux répartitions faites dans le cadre de la liquidation judiciaire, conservaient cependant, après paiement de tous les créanciers admis, le droit de faire valoir leur hypothèque sur le solde pouvant subsister sur le prix de l'immeuble grevé, ce dont il résulte que l'absence de déclaration n'affectait que l'exercice dans le cadre de la procédure collective des droits hypothécaires des banques, mais non leur existence et que la radiation de l'hypothèque ne pouvait, en l'état, être ordonnée du chef de l'épouse, la cour d'appel a violé les textes susvisés »

573

M.PLANIOL,G.RIPERT, par E.BECQUÉ, Traité pratique de droit civil français, T XII, 1ère partie, LGDJ, oct. 1952, n°340

dette garantie en principal, intérêts et frais. ». Comme toutes les règles présentées en matière

d’indivisibilité de la sûreté réelle, cette règle vaut pour l’ensemble des sûretés réelles574

.

Notons que l’article 2082 ancien alinéa 2 du Code civil prévoyait le maintien du gage dans des hypothèses où ce dernier aurait dû être éteint. Par exemple, un gage était contracté pour garantir une dette. Avant l’échéance de cette dette, les parties contractaient une nouvelle dette dont l’échéance était antérieure à la première. Il était admis, par extension de l’indivisibilité du gage, que cette dette se trouvait garantie par le droit de rétention575. Cette position était critiquable dans la mesure où elle contrevenait au principe de spécialité du gage en permettant d’étendre le droit de rétention à une créance qui n’était pas l’objet de la sûreté. L’ordonnance du 23 mars 2006 a mis un terme à cette interprétation en supprimant la disposition complémentaire de l’article 2082 ancien du Code civil576.

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