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La participation active du spectateur / traducteur

Chapitre IV La compréhension du langage cinématographique

4.4 La saisie du sens

4.4.5 La participation active du spectateur / traducteur

Autant que pour le metteur en scène, l’art cinématographique est pour le spectateur l’occasion de catharsis, ou d’ “assouvissement” selon le terme d’André Malraux. De par son contenu émouvant, voire exaltant, de par la manière de l’exprimer captivante, le film donne une sorte d’illusion qui incite la participation, voire l’identification du spectateur avec les personnages de l’écran. Le spectateur fait, spontanément, un mouvement en arrière comme si le tigre féroce du film qui est en train de s’élancer sur le héros s’élançait sur lui ; Mitry parle de son expérience au visionnage Nanouk l’Esquimau3 : pendant la séance, il voulait à plusieurs reprises

relever le col de son veston tandis qu’il était dans une salle bien chaude.

1J. Mitry, Esthétique et psychologie du cinéma, Paris, Éditions du Cerf, 2001, p. 124. 2Consultez le site officiel d’UniFrance.

Certains parlent ainsi du “spectateur éponge”, même du “spectateur hypnotisé” qui s’y soumet, passivement. Tout au contraire, cette participation n’est jamais que le fait d’un acte volontaire, d’une soumission consentie, car, bien que le réel perçu soit donné comme une réalité, le spectateur sait toujours que cette réalité est imaginaire et il peut à tout moment choisir de s’y soumettre ou pas, d’y participer ou pas.

D’ailleurs, la participation active au film exige de la part du spectateur non seulement d’une certaine culture, mais encore et surtout de ses capacités intentionnelles, à savoir de son monde intérieur, car elle suppose la compréhension des données perçues qui n’est qu’une façon de les reconnaître ou de se reconnaître en elles. Par contre, l’adhésion totale de l’esprit à l’intrigue et aux motivations du film peut conduire le spectateur au fond des pensées de l’auteur, au sens profond de son œuvre.

Par l’association projective, le spectateur “extériorise” des tendances personnelles et les reporte sur les acteurs en question. Il infuse dans leurs actes les impulsions motrices des actes qu’il ne pourrait pas faire dans la réalité et que les acteurs accomplissent pour lui ; il peut s’y engager autant qu’il veut sans besoin d’assumer aucune conséquence. C’est l’une des meilleures façons d’assouvir ses désirs, de faire épanouir son moi idéal ; c’est aussi l’un des moyens les plus efficaces d’accéder à une compréhension profonde du film, de rétablir ce qui manque au récit que certains cinéastes ont intentionnellement tronqué en maniant les puissances suggestives des images.

Conclusion

Le sous-titrage cinématographique, comme tous les autres genres de traduction, fait subir au discours-cible des écarts inévitables (formels) par rapport à l’original, mais l’écart ne doit pas être sur le plan du sens, car celui est l’objet que tout sous-titreur digne de son travail est censé transmettre.

élaborée par l’école interprétative sert d’un très bon modèle en vue de l’appréhension du sens des dialogues filmiques sur lesquels le sous-titreur se doit de travailler. Élément inséparable de la structure audio-visuelle, le dialogue ne peut être compris que par sa mise en situation dans laquelle il est prononcé. Ceci dit, comprendre la parole, c’est comprendre tout le film dont elle fait partie.

Le discours filmique, comme tout discours, ne sera compréhensible qu’à travers la jonction de l’explicite et du savoir pertinent. Toutefois, il s’agit d’un texte particulier, multimodal et donc beaucoup plus compliqué que le texte à proprement parler. Les unités de sens sont presque toujours composées d’éléments hétérogènes (images, paroles, musiques, bruits) dont les articulations internes sont infiniment variables. Pour accéder au sens profond en passant par le sens immédiat qu’est le réel représenté, le sous-titreur doit se montrer beaucoup plus concentré que le spectateur ordinaire. Il lui faut dans l’idéal avoir la volonté de dépasser les limites disciplinaires en combinant les théories traductionnelles et cinématographiques ; par ailleurs, au lieu de considérer l’association projective comme une simple occasion de catharsis, le sous-titreur devrait savoir la manier pour que celle-ci devienne un moyen efficace en vue d’une compréhension plus profonde.

Il est cependant à remarquer que, malgré tous les efforts, le sens que tout traducteur se doit de transmettre ne peut être qu’une approximation au vouloir-dire de l’auteur, puisque jamais les plages des connaissances de deux individus ne se recouvrent totalement. De plus, la pensée de l’auteur ne peut pas toujours être accessible, surtout celle du metteur en scène qui, voulant faire épanouir pleinement l’aspect expressif du cinéma, laisse souvent des non-dits que le spectateur doit expliciter, interpréter et deviner, ce qui serait parfois peu faisable lorsque ce que veut dire l’auteur n’est pas conséquent des événements décrits.

Heureusement l’homme n’est pas une machine. Il a la volonté d’agir. Pour rester toujours le plus près du vouloir-dire de l’auteur, le traducteur doit s’enrichir sans cesse de connaissances adéquates au sujet et comme Jean-René Ladmiral dit, “se

documenter constamment1”.

Une fois le sens saisi, vient la deuxième étape de la traduction : la réexpression. Est-ce que les outils conceptuels fournis par la théorie du sens en la matière sont encore adaptables à la réexpression en sous-titrage cinématographique? Les contraintes que la reverbalisation du sens compris au cinéma sont celles que subit la réexpression du sens pertinent du discours en langue originale? Pourquoi le sous-titrage est intitulé “traduction contrainte”? Telles sont les questions auxquelles les prochains chapitres tenteront d’apporter quelques éléments de réponse.

Chapitre V Le sous-titrage cinématographique : une