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Chapitre 5 : Des faits aux Discours :

5.1. Les plateformes d’innovation comme « une stratégie managériale »

5.1.1. La mise en place des plateformes d’innovation

C’est à l’initiative de quelques « cadres dirigeants innovateurs » que les plateformes

d’innovation nommées aux « Comités de développement », ont été introduites au sein du

groupe industriel étudié. Pour la plupart de ces cadres, venant d’autres firmes multinationales,

ils en rapportent l’idée d’implanter cette nouvelle méthode pour gérer les projets d’innovation.

Dans toutes les entreprises du groupe, sans exception, pour faire face à la concurrence,

instaurer le travail en équipe et faciliter la circulation des informations, de tels comités ont été

mis en place.

Dans leur action pour introduire les « Comités de développement », les cadres

s’adjoignent l’appui de la direction générale. Ces cadres dirigeants vont ainsi être chargés

d’enclencher et d’accompagner les réalisations en contribuant à la définition et à la

formalisation des actions et en apportant leurs réflexions et leurs expériences. Opérant dans le

secteur agroalimentaire avec des activités diverses : le lait et dérivés, les jus et le fromage,

l’attrait pour les « Comités de développement » procède de dénominateurs communs. Deux

messages ressortent fortement : celui de l’importance de la qualité comme facteur de

compétitivité et celui de l’engagement des hommes dans ces plateformes d’innovation,

« Je vois qu’on travaille très dur pour maintenir notre part voire pour

l’améliorer si c’est possible. Bien sûr cela impose d’être toujours à la page parce que

notre souci c’est la qualité, la marque ‘D’ est connue par la qualité de ses produits …

notre stratégie est connue, on devient tous unis pour réussir la marque ‘D’, pour

qu’elle soit une marque citoyenne et une marque qui cherche toujours et privilégie la

qualité de ses produits, le secteur laitier est très sensible, il touche les petits, les

enfants et les vieux ; donc il ne faut pas jouer avec la qualité. On cherche toujours à

avoir la meilleure qualité du lait possible sur le marché, même si ça devient difficile

avec la révolution de contrôler ça». Interview 4 – «Cas 1»

« ‘D’est venue pour concurrencer la marque ‘S’ dans le temps et a pu quand

même tracer un bon chemin en misant sur la qualité avant tout et le consommateur a

établi un lien de confiance vis-à-vis de la marque. C’est vrai que la marque est une très

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forte sur le marché et qui a pu quand même construire son leadership à travers ça ».

Interview 14 – «Cas 2»

« La ‘filiale3’ à l’image du groupe ‘D’, elle joue une seule carte qui est la carte

de la qualité. Je ne crois pas que vous ne connaissez pas les produits ‘D’ certainement

vous connaissez le lait de ‘D’ qui est du point de vue qualité numéro 1 en Tunisie. Donc

à l’image du groupe ‘D’, la ‘filiale3’ suit cette vision qui est une vision de notre PDG

Mr. H.M. qui joue la carte de la qualité. On ne joue pas avec la qualité, on produit un

produit bon du point de vue qualité, du point de vue goût, du point de vue hygiène et

comme ça on peut intégrer le marché très rapidement et très facilement aussi ».

Interview 15 – «Cas 3»

« On peut insister sur ce volet mais indirectement par exemple si la personne a

l’esprit d’équipe ça c’est quelque chose d’important parce que le point fort chez ‘D’

c’est l’esprit d’équipe et s’il a des informations c’est est ce que la personne connait le

groupe car on peut savoir si la personne elle s’intéresse au groupe et aimerait bien s’y

intégrer. C’est les critères qu’on cherche chez les profils des candidats ». Interview 17

– «Cas 3»

5.1.1.1. Une référence à un modèle de base

Tous les répondants se réfèrent à un même modèle de base. Les « Comités de

développement » s’y trouvent définis, de même que la structure de mise en place des

programmes et les processus d’information.

Trois points-clés caractérisent l’approche de mise en place des « Comités de

développement ». Le premier concerne l’aspect de travail en équipe. La participation des

membres venant de certains départements aux « Comités de développement » constitue un

principe de base fort. Le choix des membres participants à l’activité d’un « Comité de

développement », contribue à renforcer leur motivation et leur implication dans le projet et

envers l’entreprise. Un deuxième point est celui de l’animation hiérarchique qui détermine les

membres adhérents. L’activité de ces « Comités de développement » se passant à l’intérieur

d’organisations structurées hiérarchiquement, nos interlocuteurs estiment « logique », pour

reprendre leur expression que l’animation des groupes revienne aux responsables

hiérarchiques. De même, c’est à la hiérarchie qu’incombe le droit d’accepter et de valider

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« Go » ou non « No Go » les idées, solutions ou suggestions proposées par les membres de

l’équipe lors des « présentations à la direction générale », réunions au cours desquelles

animateurs et membres exposent leurs idées, les difficultés rencontrées et proposent la

solution qu’ils souhaitent appliquer. Enfin, tous insistent sur la méthodologie et les procédures

mises en place pour garantir la réussite des activités des « Comités de développement ».

« Parce qu’on ne va pas faire intervenir, et on n'est pas dix personnes pour un

seul projet, non en général, on est dix personnes à intervenir sur deux ou trois projets.

Il y’a des projets, où on dit allez go, donc on passe à l’achat, production, mais il y’a

des fois, dans le « co-dév » où on dit, Stop. Ce produit là, il s’arrête là …soit c’est No

go, donc c’est fini, on ne le fait plus, soit en stand by car ce n’est plus prioritaire ».

Interview 7 – «Cas 1»

« Le CoDev est composé de plusieurs personnes qui interviennent dans plusieurs

étapes du développement. Il y a toutes les personnes qui font les recherches sur un

sujet. Par exemple si on veut citer toutes les étapes de l’innovation, il y a le brief en

fait, réalisé par la direction marketing, ce brief là fait l’objet d’une réponse du

développement. Ce n’est pas seulement le développement, la R&D qui donne la

réponse, elle fait parfois des recherches au niveau national et international et elle

fait aussi des consultations avec la direction industrielle, parfois. La plupart du

temps, il y a une modification du brief selon la faisabilité technique ou la faisabilité

du point de vue coût du produit ». Interview 9 – «Cas 1»

« S’il y a quelqu’un, une personne du membre du « Co-dév », s’il dit que c’est

n’importe quoi, le service marketing prend ça en considération et peut-être qu’on va

travailler sur ce produit pour l’améliorer. Je ne pense pas qu’on va distribuer cette

fiche s’il y a quelqu’un qui a un avis contre, on ne prend pas une décision « go » que si

tous les membres sont d’accord, et c’est une fois qu’on a pris cette décision « go »,

c’est à ce moment là que le service marketing lance la fiche de recommandation du

lancement du projet ».Interview 10 – «Cas 2»

« Bien sûr on doit toujours passer par la direction générale au niveau de la

dégustation, c’est la direction marketing et la direction générale. Dès que le produit

est validé, je prépare tout un dossier pour la direction achat pour qu’il entame les

commandes et contacter la production pour définir leur besoin annuel afin de pouvoir

négocier les prix, s’il y a des négociations à faire au niveau des prix… C’est ça le

contrôle de gestion nous suit dès le départ pour faire notre compte d’exploitation et

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voir si la formule est rentable ou non. D’ailleurs, si la formule n’est pas rentable, on

doit l’éliminer dès le départ ou bien on doit trouver un compromis avec le fournisseur

pour baisser les prix ou travailler avec des ingrédients de substitution. Dès qu’on

valide la formule du point de vue goût et coût, on passe à un test industriel et dans ce

cas on doit contacter le fournisseur soit nous soit la direction achat pour demander

des échantillons industriels. Les échantillons industriels, c’est à l’achat de suivre tout

la commande, la livraison, le dédouanement, tout ce qui est règlement, tout ça c’est

la direction achat qui l’assure. Après, on fait le test industriel et on passe donc à la

direction production et on prévoit une planification pour fixer la date de l’essai

industriel. On fixe la date, on passe l’essai après on fait des dégustations en interne

pour voir si les gens qui travaillent à l’usine ont apprécié le nouveau produit ou non.

Après on se réunit soit en Codev ou en mini-codev ».Interview 13 – «Cas 2»

« La phase d’idéation oui, comme on prépare un brief pour la R&D, le premier

vis-à-vis c’est la R&D, toujours avec la validation de la direction générale, bien sûr.

Après, il y a un aspect technique, un aspect industriel, on teste la faisabilité technique

et après on sollicite l’achat pour la matière première et les commandes auprès des

fournisseurs, le commercial aussi pour le volume, la fixation du prix, etc. ». Interview

14 – «Cas 2»

« Le projet commence toujours par une idée, l’idée on peut l’avoir soit à partir

des comités du développement mensuels ou bien des mini codev et parfois même

dans une réunion suite à une discussion avec le marketing et à partir de cette idée, il y

a un brief qui se prépare par le chef de département de marketing qui sera validé par

la direction générale pour lancer le nouveau projet. Ce brief va être validé par la

direction générale et la direction marketing et par la suite il va être envoyé à la

direction R&D. A partir de la date d’envoi, le projet se déclenche et lorsqu’on reçoit ce

brief là, on commence à faire nos recherches, est ce que c’est faisable côté

formulation, côté processus, côté industriel, surtout si le consommateur va accepter

ce nouveau produit ou non. En général, ce point il est fait par le marketing ».

Interview 13 – «Cas 2»

L’implantation des « Comités de développement » dans les trois entreprises, se traduit par

la mise en place d’architectures des responsabilités tout à fait comparables, comprenant à la

fois comité de pilotage et responsable de projet. Ce dernier joue un rôle de « facilitateur ». Le

comité de pilotage représenté par la direction générale participe à la définition des objectifs

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des programmes des « Comités de développement », établit les lignes directrices, les règles

pratiques de fonctionnement et en contrôle le développement. Les choix stratégiques lui

reviennent. Le comité de pilotage confie à l’un de ses cadres « facilitateurs », « la responsable

marketing » dans les trois Cas étudiés, la mission de réfléchir à la planification des réunions,

la définition de l’ordre du jour, la gestion du projet et le suivi de la réalisation de ses

différentes phases. L’accent est mis sur les qualités humaines qu’une telle mission requiert.

Dialogue, facilités de contact, négociation sont l’apanage des « facilitateurs ». Ainsi, leur

principal rôle concerne la coordination entre les différentes personnes que ce soit en interne

c'est-à-dire entre la direction générale et les cadres impliqués dans le « Comité de

développement », comme en externe c'est-à-dire avec les partenaires, les consommateurs, les

infographistes, etc.

« Donc, ils ont mis en place un comité de développement qui est

multidisciplinaire et qui se réunit sur une période tous les mois ou tous les deux mois

ça dépend de la nécessité des projets en cours et de l’ordre d’avancement des projets.

Donc en général, l’initiation des projets est faite par le département marketing ».

Interview 9 – «Cas 1»

« On n’a pas fait de benchmark. C’est notre stratégie, on sait très bien que

tous les trois ans il faut lancer un nouveau concept ou développer les produits sur un

volet qualitatif ou sur un volet quantitatif pour pouvoir appréhender l’évolution des

habitudes des consommateurs latentes qui peuvent être des opportunités qu’il faut

saisir et qui nous permet de travailler sur des nouveaux projets ou de réajuster notre

offre existante par rapport à cette évolution. Après il y a ce qu’on appelle les études

ad hoc, et dans les études ad hoc il y a l’aspect qualitatif, le stade qualitatif on

l’aborde quand on a besoin de feeling par rapport à l’avancement de l’étape X, et les

validations c’est une source du volet quantitatif pour pouvoir dire "Go" ou "No go".

Par exemple, le concept si je suis sur deux ou trois variantes de concepts,

généralement, de trente dans les études qualitatives mais pour la validation

définitive, je pars en concepts 12 ou concepts 7 pour avoir un échantillon constant

pour pouvoir tirer des conclusions et des résultats statistiquement significatifs ».

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« On est un petit peu dans cette démarche ; c’est-à-dire il y a une idée au

départ qui vient du marketing en fonction de ce qu’ils ont vu sur le marché en termes

de consommation. Cette idée après, la question : est-ce qu’elle est réalisable ou non.

Après c’est les gens de la R&D qui y passent du temps. Donc il y a l’étude de

faisabilité, je dirais, R&D du point de vue laboratoire. Après, il y a l’étude de la

faisabilité industrielle qui se fait parce que le laboratoire, le produit il est bon ; tout le

monde est content. Mais après, il faut savoir le faire au niveau industriel. On valide la

faisabilité au niveau industriel. Après, il y a la validation avant d’aller dans le pack

définitif et puis d’aller plus loin, c’est de voir un petit peu la réaction des

consommateurs. Est-ce que ça correspond au besoin des consommateurs, voilà. Et

après, une fois qu’on a le feu vert du consommateur, on avance sur le pack ; tout ce

qui est conservation, l’emballage, voilà, tout ce qui est, je dirais, rentabilité. On va

creuser un peu dans les détails la rentabilité ». Interview 19 – «Cas 3»

Parallèlement, une information de sensibilisation est fournie à l’ensemble du personnel, et

notamment aux cadres non membres des plateformes d’innovation. Les entreprises délivrent

une information rapide sur l’origine des « Comités de développement », leurs objectifs, leurs

principes de base, les méthodes et les outils utilisés afin de les distinguer des « Comités de

direction ».

Alors le comité de développement, c’est obligatoirement une fois par mois.

Déjà, dans le planning des réunions annuelles, les comités sont prévus chaque mois à

quelle date, et voilà. Donc après, pour l’exécution des projets, il y a des « mini-Co-dév »

qui peuvent se tenir chaque fois où on veut valider quelque chose ou voir quelque chose,

ces « mini Co-dév », peut-être, sont plus restreints que le « Co-dév ». Personnellement, je

n’ai jamais assisté à un « mini-Co-dév », c’est plutôt la direction marketing et la recherche

et développement qui se réunissent généralement quand quelque chose se produit, liée à

un projet quelconque ».Interview 11 – «Cas 2»

Dans les trois « Cas » étudiés, les interviewés font preuve d’un intérêt mitigé. A la

curiosité pour les aspects méthodes de travail et outils de traitement se mêle la réserve, parfois

des mécontentements, quant aux critères de choix des membres impliqués dans de telles

plateformes.

« C’est une très bonne stratégie parce que, le projet à travers cette démarche,

on sait qu’est ce qu’on veut exactement, par exemple on veut offrir au consommateur un

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tel produit avec telles caractéristiques et on travaille là-dessus pendant le temps

nécessaire, sinon autrement, ça ne va pas marcher et s’il n’y a pas de suivis réguliers des

projets et de compte-rendu et des réunions qui sont planifiées à l’avance, donc je ne

pense pas que le projet va aboutir…cette démarche donc elle est la meilleure donc, tout

d’abord l’équipe du projet elle est bien claire et bien définie, tous les membres savent

leurs places, chacun sait son domaine d’intervention, son champ d’intervention, son rôle,

sa mission, les délais des livrables, donc c’est une démarche que je trouve bien pour

l’excellence de l’entreprise ». Interview 11 – «Cas 2»

5.1.1.2. Des déclinaisons variées

Si les trois « Comités de développement » s’inspirent au départ d’un même modèle de

base, ils divergent ensuite de façon sensible dans leurs applications pratiques. En effet, en

examinant la composition de chaque plateforme d’innovation, nous constatons que les

« Comités de développement » n’intègrent pas le même nombre de participants ni les mêmes

représentants hiérarchiques.

Dans le « Cas1 », les membres réguliers sont : la responsable Marketing, le directeur R&D

et le chef de département R&D, le directeur Technique, le directeur de Production, le chef de

département Contrôle de gestion, le directeur Achat et la Direction Générale.

À la différence du « Cas 1 », dans le « Cas 2» », le chef département Achat est un membre

permanent. Il assiste à toutes les réunions et reçoit tous les courriels relatifs aux activités du

« Comité de développement » tout comme les autres membres. Le chef du département Achat

est informé du projet d’innovation dès la phase de validation par la direction générale du

« Brief », rédigé par la responsable Marketing et envoyé à la direction R&D.

« C’est ça ! Le contrôle de gestion nous suit dès le départ pour faire notre compte

d’exploitation et voir si la formule est rentable ou non. D’ailleurs, si la formule n’est

pas rentable, on doit l’éliminer dès le départ ou bien on doit trouver un compromis

avec le fournisseur pour baisser les prix ou travailler avec des ingrédients de

substitution. Dès qu’on valide la formule du point de vue goût et coût, on passe à un

test industriel et dans ce cas on doit contacter le fournisseur pour demander des

échantillons industriels. Les échantillons industriels, c’est à l’achat de suivre tout la

commande, la livraison, le dédouanement, tout ce qui est règlement, tout ça c’est la

direction achat qui l’assure. Après, on fait le test industriel et on passe donc à la

direction production et on prévoit une planification pour fixer la date de l’essai

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industriel. On fixe la date, on passe l’essai après on fait des dégustations en interne

pour voir si les gens qui travaillent à l’usine ont apprécié le nouveau produit ou non.

Après on se réunit soit en Codev ou en mini-codev ». Interview 13 – «Cas 2»

« On a rencontré ce type de problème auparavant, exactement. Bon, l’achat

avant… Dans le cadre de la ‘filiale 2’, il assiste au comité de développement mais il

n’est pas forcément au courant de tout ce qui se passe tout au long du projet, de tout

ce qui est relatif au projet. Donc, après validation de la formule et le test industriel, il y

a certains problèmes en liaison avec l’approvisionnement avec parfois le colisage du

produit, les problèmes avec le pays auprès duquel on importe les matières premières.

Pour cette raison, on a installé une nouvelle procédure c’est : l’achat doit être au

courant de chaque étape surtout en ce qui concerne la relation avec le fournisseur.

Bon, la recherche et développement peut s’adresser au fournisseur pour demander

des échantillons pour travailler sur la formule, mais une fois la formule a été

développée, c’est plutôt l’achat qui va…, qui est le seul interlocuteur du fournisseur

pour qu’il ait une idée complète sur ce projet ». Interview 11 – «Cas 2»

« C’est mensuel, les comités de développement sont mensuels et il y a des mini

codev, ce sont des réunions plus restreintes où il y a très peu de personnes où il assiste